COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 59C
12e chambre
ARRET No
CONTRADICTOIRE
DU 28 JANVIER 2021
No RG 19/02019 - No Portalis DBV3-V-B7D-TCMY
AFFAIRE :
SAS ELITECH CLINICAL SYSTEMS (SEPPIMS) prise en la personne de son représentant légal domicilié aud
it siège en cette qualité
C/
SARL BIOSERV DIAGNOSTICS
Décision déférée à la cour : Jugement rendu(e) le 06 Février 2019 par le Tribunal de Commerce de NANTERRE
No Chambre :
No Section :
No RG : 2016F02200
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :
Me Christophe DEBRAY
Me Mélina PEDROLETTI,
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE VINGT HUIT JANVIER DEUX MILLE VINGT ET UN,
La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
SAS ELITECH CLINICAL SYSTEMS (SEPPIMS)
[Adresse 1]
[Localité 1]
Représentant : Me Christophe DEBRAY, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 627 - No du dossier 19118
Représentant : Me Eric FORESTIER de la SELEURL FORESTIER AVOCATS, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : J094 -
APPELANTE
****************
SARL BIOSERV DIAGNOSTICS
[Adresse 2]
. [Adresse 3]
Représentant : Me Mélina PEDROLETTI, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 626 - No du dossier 24509
INTIMEE
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 03 Décembre 2020 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Véronique MULLER, Conseiller chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Monsieur François THOMAS, Président,
Mme Véronique MULLER, Conseiller,
Monsieur Bruno NUT, Conseiller,
Greffier, lors des débats : Monsieur Alexandre GAVACHE,
EXPOSE DU LITIGE
La société Elitech Group, fabricant et distributeur d'équipements et de réactifs de diagnostic in vitro, rassemble plusieurs entreprises, dont la société Elitech Clinical Systems (ci-après ECS) - spécialisée dans la distribution des réactifs - et la société ECS Bv, société de droit hollandais, spécialisée dans la distribution des équipements.
Début 2010, la société Elitech group s'est rapprochée de la société Bioserv Diagnostics (ci-après Bioserv), société de droit tunisien, afin de mettre en place un accord de distribution exclusive sur le territoire tunisien d'une gamme de produits qu'elle fabrique ou distribue.
Deux accords de distribution exclusive ont été envisagés entre les parties :
- accord du 8 avril 2010, concernant les réactifs, établi entre les sociétés Bioserv et ECS. Cet accord n'est cependant signé que par la société Bioserv. Le même jour, la société ECS a toutefois adressé à Bioserv une "lettre d'autorisation", mentionnant que cette dernière est son distributeur exclusif.
- accord du18 mai 2010, concernant les équipements, entre les sociétés Bioserv et ECS Bv.
Le 25 mai 2012, la société Elitech group a signé avec la société Alliance Global, société des Emirats Arabes Unis, un accord de représentation mondiale, lui permettant notamment de représenter commercialement la société ECS en Tunisie.
Par courriel du 3 mai 2013, la société Alliance Global a informé la société Bioserv que, par suite de l'absence de commande durant 4 mois pouvant engendrer une mauvaise image de la société Elitech Group vis à vis de ses clients, elle annulait les lettres d'autorisation la présentant comme son distributeur exclusif.
Par courriel du 11 juillet 2013, la société Alliance Global a informé la société Bioserv :
- que la société Bioplus était désignée comme distributeur de tous les produits Elitech en Tunisie pour les années 2013/2014 ;
- que toute commande devrait être passée auprès de la société Bioplus, et que si elle avait des contrats à honorer avec quelques hôpitaux, cette dernière lui fournirait les produits nécessaires.
Par courriel du 12 juillet 2013, la société Bioserv a répondu qu'elle était effectivement engagée avec des hôpitaux et qu'eIle souhaitait que les trois commandes en cours soient traitées, ce que la société ECS a respecté, les relations s'étant ainsi poursuivies jusqu'en novembre 2013.
Les sociétés Ecs et Ecs Bv ont cessé alors tout commerce avec la société Bioserv.
Par acte du 10 novembre 2016, la société Bioserv a assigné la société ECS devant le tribunal de commerce de Nanterre aux fins de voir constater l'inexécution fautive de l'accord de distribution des réactifs daté du 8 avril 2010, prononcer sa résiliation, et condamner la société ECS à lui payer des dommages et intérêts en réparation des préjudices subis.
Le 2 mars 2017, la société Bioserv a assigné la société ECS Bv devant le tribunal de commerce de Nanterre, pour résiliation fautive de l'accord de distribution des équipements. Par jugement du 31 mai 2018, le tribunal de commerce de Nanterre s'est déclaré territorialement incompétent.
Par jugement du 6 février 2019, le tribunal de commerce de Nanterre a :- Dit que l'accord de distribution daté du 8 avril 2010 constitue un contrat formant la loi des parties;
- Dit que la société Elitech Clinical Systems a résilié unilatéralement ce contrat à la date du 3 mai 2013.
- Dit que la société Elitech Clinical Systems a commis une faute en résiliant de façon abusive le contrat de distribution.
- Condamné la société Elitech Clinical Systems à payer à la société Bioserv Diagnostics les sommes de 20 000 € pour préjudice matériel, et 35 000 € pour préjudice moral ;
- Débouté société Bioserv Diagnostics de sa demande de dommages et intérêts pour les pertes occasionnées ;
- Condamné la société Elitech Clinical Systems à payer à la société Bioserv Diagnostics la somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamné la société Elitech Clinical Systems aux entiers dépens.
- Dit n'y avoir lieu à ordonner l'exécution provisoire.
Par déclaration du 20 mars 2019, la société ECS a interjeté appel du jugement.
PRÉTENTIONS DES PARTIES
Par dernières conclusions notifiées le 11 février 2020, la société ECS demande à la cour de:
- Juger que les premiers juges se sont prononcés sur des demandes non formulées par la société Bioserv, laquelle poursuivait la résiliation judiciaire du contrat du 8 avril 2010 et n'a pas saisi le tribunal de demandes tendant à voir juger abusive la rupture dudit contrat ;
- Juger qu'il n'existe aucun contrat écrit prévoyant une exclusivité au profit de la société Bioserv ;
- Juger qu'en l'absence de tout contrat écrit la rupture des relations commerciales n'était subordonnée à aucune condition particulière de fond ou de forme, et qu'en tout état de cause les stipulations contractuelles invoquées par la société Bioserv ne prévoient qu'un écrit, sans autre forme de précision ;
- Juger que la société ECS n'a commis aucune faute en lien avec un quelconque préjudice souffert par la société Bioserv;
- Juger que les préjudices dont la société Bioserv demandent réparation ne sont établis ni dans leur principe, ni dans leur quantum.
En conséquence,
- Infirmer le jugement du 6 février 2019 en toutes ses dispositions.
Statuant à nouveau,
- Débouter la société Bioserv de l'intégralité des demandes qu'elle formule ;
- Condamner la société Bioserv à payer à la société ECS la somme de 8.000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.
Par dernières conclusions notifiées le 11 septembre 2020, la société Bioserv demande à la cour de :
- Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a retenu que :
- L'accord de distribution daté du 8/4/2010 constitue un contrat formant la loi des parties
- La société ECS a résilié unilatéralement ce contrat à la date du 3 mai 2013,
- La société ECS a commis une faute en résiliant de façon abusive le contrat de distribution,
- Infirmer la décision déférée en ce qu'elle a rejeté le surplus de ses demandes quant à
l'indemnisation de ses préjudices
Et statuant à nouveau :
- Dire et juger que l'appelante a causé un préjudice matériel certain et porté atteinte au droit à l'image et la réputation de la société Bioserv.
- Dire et juger que l'appel interjeté par la société ECS revêt un caractère dilatoire et abusif,
En conséquence,
- Condamner la société ECS à verser à la société Bioserv les sommes suivantes :
* 65.000 euros pour son préjudice matériel
* 130.000 euros pour son préjudice moral
* 10.000 euros à titre de dommages et intérêts pour le caractère dilatoire de l'appel
* 15.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile
- Condamner l'appelante aux entiers dépens de l'instance comprenant tous frais rendus nécessaires par la présente procédure dont le montant sera recouvré conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 8 octobre 2020.
Pour un exposé complet des faits et de la procédure, la cour renvoie expressément au jugement déféré et aux écritures des parties ainsi que cela est prescrit à l'article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DÉCISION
1 - Sur l'existence d'un contrat de distribution entre les sociétés ECS et Bioserv
Il résulte de l'article 1101 du code civil, dans sa version applicable au présent litige, que le contrat est une convention par laquelle une ou plusieurs personnes s'obligent, envers une ou plusieurs autres, à donner, à faire ou à ne pas faire quelque chose.
Le contrat est formé par la rencontre d'une offre et d'une acceptation par lesquelles les parties manifestent leur volonté réciproque de s'engager.
En l'espèce, la société ECS critique le jugement en ce qu'il a retenu que le contrat du 8 avril 2010, bien que non signé, constituait la loi des parties. Elle rappelle que le "contrat" produit aux débats n'est en réalité qu'un projet de contrat qui n'a jamais été signé par ses soins, ajoutant que la lettre d'autorisation du même jour mentionnant un accord de distribution exclusive ne permet pas d'apporter la preuve de la régularisation d'un contrat, d'autant que cette lettre n'avait pour objet que de permettre l'enregistrement du distributeur auprès des autorités tunisiennes. Elle soutient dès lors que la relation contractuelle l'unissant à la société Bioserv n'est qu'une relation verbale à durée indéterminée qui n'est régie par aucune stipulation particulière.
La société Bioserv soutient pour sa part que c'est la société ECS qui a rédigé le contrat sur son papier à en-tête, que ce dernier a été exécuté sans réserves durant 3 années, ce qui suffit à prouver sa validité dans toutes ses clauses et conditions. Elle ajoute que la signature du contrat n'est pas une condition de sa validité dès lors qu'il y a eu une offre écrite et une acceptation suivie d'une exécution continue et paisible sur plusieurs années jusqu'à la rupture. Elle indique enfin que la lettre d'autorisation datée du jour du contrat confirme l'existence d'un accord de distribution exclusive.
****
La société ECS ne conteste pas être la rédactrice de l'accord de distribution produit aux débats et daté du 8 avril 2010, faisant uniquement observer qu'elle ne l'a pas signé. Force est ici de constater que cet accord est rédigé sur papier à en-tête de la société Elitech Group, sur 13 pages, avec des clauses particulièrement précises. Ce document constitue ainsi à tout le moins une offre précise, complète et ferme de la société ECS.
Force est également de constater que la société Bioserv a accepté cette offre ainsi que cela ressort de la signature portée sur ce document, sans aucune réserve.
Cette offre précise et ferme de la société ECS acceptée par la société Bioserv suffit à considérer qu'un contrat de distribution a bien été conclu entre les parties. La cour observe au surplus que la société ECS a adressé le même jour à la société Bioserv une lettre d'autorisation par laquelle elle indique que cette dernière est son distributeur exclusif pour la Tunisie, ce qui confirme, s'il en était besoin sa volonté de contracter, ce courrier ne pouvant être limité à une simple autorisation administrative. Force est enfin de constater que ce contrat a reçu exécution durant près de 3 années.
Au regard de l'ensemble de ces éléments, c'est à bon droit que le premier juge a considéré que ce contrat tenait lieu de loi entre les parties, le jugement étant confirmé de ce chef.
2 - sur la rupture du contrat de distribution
Il résulte de l'article 954 du code de procédure civile que la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion.
La demande de la société ECS tendant à "juger que les premiers juges se sont prononcés sur des demandes non formulées par la société Bioserv, laquelle poursuivait la résiliation judiciaire du contrat du 8 avril 2010 et n'a pas saisi le tribunal de demandes tendant à voir juger abusive la rupture dudit contrat " ne constitue pas une prétention au sens de l'article 4 du code de procédure civile, de sorte qu'il n'y a pas lieu de statuer sur ce point.
* sur la rupture du contrat
La société Bioserv sollicite la confirmation du jugement en ce qu'il a dit que la société ECS avait résilié le contrat de distribution de manière abusive, notamment en ce que la résiliation, prononcée le 3 mai 2013, émanait d'un tiers au contrat (société Alliance Global, représentant mondial de la société ECS), que le motif invoqué ne constitue pas un manquement contractuel (absence de commande durant 4 mois), et enfin que la rupture ne repose sur aucune cause réelle et sérieuse dès lors que les obligations contractuelles ont été respectées, notamment au regard du MMA (montant minimum d'achat).
La société ECS indique que seule une notification écrite était exigée pour la résiliation du contrat, et indique ne pas avoir à "justifier de ce qu'elle avait consenti à la résiliation prononcée par la société AGBL (Alliance Global)". Elle ajoute que la rupture du contrat était motivée par les multiples fautes de la société Bioserv, à savoir d'une part l'absence de toute commande entre janvier et mai 2013 et le non respect du MMA, d'autre part le fait de se livrer à des manoeuvres préjudiciables à son image en participant à un appel d'offres avec un concurrent.
*****
Le contrat souscrit prévoit, aux articles 3 et 16 deux modes de résiliation distincts, selon que celle-ci est effectuée à l'échéance contractuelle (article 3 du contrat avec un préavis de 2 mois), ou qu'elle résulte du non-respect par l'une des parties de ses obligations (article 16 permettant une résiliation avec effet immédiat).
En l'espèce, c'est l'article 16 du contrat qui est applicable dès lors que la résiliation a été prononcée à effet immédiat.
Il résulte de cet article 16 que : "cet accord est susceptible d'être résilié par l'une ou l'autre partie à tout moment, même durant le terme initial, par notification écrite avec effet immédiat si l'une ou l'autre partie échoue de respecter tout engagement relatif à cet accord. L'autre partie a le droit d'exiger de la partie défaillante, par notification écrite ordinaire ou par notification officielle par écrit, de remplir l'obligation qui est restée en suspens ou de remédier à la situation dans la limite prescrite de temps et sans que la partie défaillante soit capable de réclamer le paiement d'aucune compensation".
Le 3 mai 2013, la société Alliance Global a adressé à la société Bioserv un courriel rédigé en ces termes : "après hésitation et après tout ce retard, je demande à mes collègues [F] et [L] d'annuler les deux commandes respectives de réactifs et de pièces de rechange passées par votre société. Nous vous avons envoyé des lettres d'autorisation mais déjà quatre mois sont passés sans la moindre commande ce qui va engendrer tôt ou tard une mauvaise image de Elitech Group vis à vis aux hôpitaux (sic) et clients à qui vous avez envoyé les lettres. De ce fait et à partir d'aujourd'hui : le vendredi 3 mai 2013, toute commande de pièces, machines et réactifs de Elitech Group doit être passée à travers la société Bioplus. Et un fax d'annulation des lettres d'autorisation sera envoyé aux différents hôpitaux cités dans ces lettres. Je vous remercie pour votre compréhension".
Il ressort de ce courriel que les commandes passées par la société Bioserv à la société ECS sont annulées, la première devant désormais passer commande par la société Bioplus, dont on comprend qu'elle devient le nouveau distributeur en Tunisie, ce qui sera confirmé par un courriel de juillet 2013. Dans ce courriel du 3 mai 2013, la société ECS, par son représentant, annonce en effet l'annulation des lettres d'autorisation qui permettaient antérieurement à Bioserv de justifier de sa qualité de distributeur, cette qualité lui étant ainsi retirée, de sorte que ce courriel est bien une notification de résiliation du contrat.
Le seul motif invoqué pour cette résiliation immédiate du contrat est le fait que quatre mois sont passés sans la moindre commande de la société Bioserv. La cour observe toutefois, à la suite de la société Bioserv, que cette dernière n'avait aucune obligation contractuelle à ce titre, sa seule obligation étant relative à un montant minimum d'achat.
Dans les échanges postérieurs à cette résiliation, la société ECS a fait valoir de nouveaux reproches à l'encontre de la société Bioserv, sans toutefois invoquer le non-respect de l'obligation d'achat minimum. Ainsi, dans son courriel du 11 juillet 2013, les nouveaux reproches portent sur l'absence de commande de "systèmes" (équipements) et une participation à un appel d'offres avec un concurrent pour des spectrophotomètres, ce qui n'est pas en lien avec le présent contrat qui ne portait que sur les réactifs, et non pas sur les équipements.
Ce n'est que dans le cadre de la présente instance que la société ECS a invoqué le non-respect de l'obligation d'achat minimum, cette invocation tardive ne permettant pas de valider a posteriori la résiliation. La cour note au surplus que le non-respect de l'obligation d'achat n'est pas véritablement établi. En effet, il était prévu au contrat un minimum d'achat de 100.000 euros par an. Sur la période du 8 avril 2012 au 7 avril 2013, la société Bioserv justifie avoir effectué des achats pour un montant global de 96.855 euros, soit une différence de 3.145 euros (3,15%) par rapport au minimum convenu, ce qui est tout à fait minime et ne revêt pas un caractère de gravité suffisant pour justifier la résiliation du contrat.
Il apparaît ainsi que la rupture soudaine du contrat, au seul motif d'une absence de commande durant 4 mois alors même qu'aucune obligation n'existait à ce titre, est injustifiée, le jugement devant être confirmé en ce qu'il a dit que la rupture était abusive.
3 - sur les conséquences de la rupture du contrat
Le premier juge a alloué à la société Bioserv une somme de 20.000 euros en réparation de son préjudice matériel résultant de la rupture abusive du contrat, outre 35.000 euros au titre de son préjudice moral.
La société Bioserv sollicite l'infirmation du jugement sur ce point, estimant que son préjudice doit être fixé à la somme de 65.000 euros au titre de son préjudice matériel correspondant à sa perte annuelle de marge brute, outre 130.000 euros au titre de son préjudice moral. Elle fait valoir qu'elle était parvenue à constituer une clientèle importante pour la diffusion des produits ECS, la rupture du contrat l'ayant conduit à rompre également les relations qu'elle avait avec ses propres clients, portant ainsi atteinte à son image.
La société ECS s'oppose à toute demande à ce titre, faisant valoir que le préjudice n'est pas établi et que l'audit que la société Bioserv a fait réaliser est dépourvu de toute valeur probante.
Le rapport d'expertise comptable produit par la société Bioserv avait pour objet, à partir des factures de vente des sociétés ECS et Bioserv d'évaluer la marge brute dégagée par cette dernière. S'il est exact que ce rapport n'a pas été établi de manière contradictoire, il convient toutefois d'observer qu'il ne fait que reprendre les factures émises par les deux sociétés (factures produites aux débats), puis de procéder à partir de ces documents non contestés au calcul de la marge brute, de sorte qu'il constitue bien un élément de preuve, soumis au débat contradictoire. La seule affirmation de son absence de force probante, qui n'est étayée par aucune argumentation, est ainsi inopérante.
La rupture anticipée du contrat de distribution en mai 2013 devait normalement mettre fin à toute vente par la société Bioserv des produits ECS, ce qui devait constituer pour cette dernière un manque à gagner. Force est toutefois de constater que, malgré la résiliation du contrat, la société ECS a autorisé la société Bioserv (courriel du 11 juillet 2013) à continuer ses achats pour honorer les contrats qu'elle avait passés avec ses clients, notamment les hôpitaux. Il résulte des propres pièces de la société Bioserv qu'elle a ainsi effectué des achats auprès de ECS, sur la période de mai à novembre 2013 pour un montant de 53.884 euros.
Si l'on peut ainsi admettre que la société Bioserv a subi un préjudice matériel, celui-ci ne correspond toutefois qu'à une courte période, de décembre 2013 à mars 2014, sachant que la société ECS pouvait résilier le contrat annuellement. Sur cette période de 4 mois, la société Bioserv aurait pu acheter des produits pour un montant de 32.285 euros (1/3 de 96.855 euros, montant des achats sur la période 2012/2013) sur lequel elle pouvait réaliser une marge brute que la cour évaluera à 50% pour tenir compte des aléas du marché, soit une perte de marge brute de 16.142 euros.
Il convient donc de condamner la société ECS au paiement de cette somme à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice matériel subi par la société Bioserv, le jugement étant donc infirmé sur le quantum du préjudice.
S'agissant du préjudice moral allégué, la société Bioserv invoque une atteinte à son image et à sa réputation du fait de la résiliation abusive du contrat, arguant en outre d'une difficulté voire d'une impossibilité de reconversion.
La cour observe toutefois qu'elle ne produit aucun élément permettant de justifier d'une éventuelle atteinte à son image. Elle soutient qu'elle avait de nombreux clients sans démontrer aucun mécontentement de ces derniers. Force est en outre de constater que, bien qu'ayant perdu sa qualité de distributeur, la société Bioserv pouvait toujours acquérir les produits de la société ECS auprès du nouveau distributeur Bioplus, ainsi que cela ressort des éléments du dossier, de sorte qu'il n'est ainsi justifié d'aucune perte de clientèle ni d'aucune atteinte à son image. Il convient dès lors de rejeter sa demande en paiement au titre d'un préjudice moral, le jugement étant infirmé de ce chef.
La société Bioserv sollicite en outre paiement d'une somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts au motif du caractère dilatoire de l'appel. L'appel ne peut toutefois être qualifié de dilatoire dès lors que le jugement est au moins partiellement infirmé. La demande à ce titre sera donc rejetée.
Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile :
Le jugement sera confirmé en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et aux dépens.
La société Elitech sera condamnée aux dépens d'appel.
Il n'est pas inéquitable de laisser à chacune des parties la charge des frais irrépétibles exposés en cause d'appel.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt contradictoire,
Confirme le jugement du tribunal de commerce de Nanterre du 6 février 2019 en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a condamné la société Elitech Clinical Systems à payer à la société Bioserv Diagnostics les sommes de 20.000 euros pour préjudice matériel, et 35.000 euros pour préjudice moral,
Et statuant à nouveau de ces chefs qui sont infirmés,
Condamne la société Elitech Clinical Systems à payer à la société Bioserv Diagnostics la somme de 16.142 euros à titre de dommages et intérêts au titre de son préjudice matériel,
Rejette toutes autres demandes,
Condamne la société Elitech Clinical Systems aux dépens de la procédure d'appel qui pourront être recouvrés directement par les avocats qui en ont fait la demande, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
signé par Monsieur François THOMAS, Président et par Monsieur GAVACHE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le greffier, Le président,