COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 80A
6e chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 12 MAI 2022
N° RG 19/02311 - N° Portalis DBV3-V-B7D-TG6R
AFFAIRE :
[M], [W] [K]
C/
SAS TERREAL
Décision déférée à la cour : Jugement rendu(e) le 14 Mai 2019 par le Conseil de Prud'hommes de NANTERRE
N° Chambre :
N° Section : E
N° RG : 17/02021
Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :
Me DUPUIS Martine
Me Jean-François BOULET
le : 13 Mai 2022
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE DOUZE MAI DEUX MILLE VINGT DEUX ,
La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant,fixé au 10 février 2022,puis prorogé au 07 Avril 2022, puis au 12 Mai 2022, les parties ayant été avisées, dans l'affaire entre :
Monsieur [M], [W] [K]
né le 02 Avril 1960 à [Localité 4]
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représenté par : Me Mélanie RASSENEUR de l'AARPI BRJ AVOCATS, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : G0398 -; et Me Martine DUPUIS de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 625.
APPELANT
****************
SAS TERREAL
N° SIRET : 562 110 346
[Adresse 1]
[Localité 5]
Représentée par : Me Jean-François BOULET de la SELARL INTER-BARREAUX BLB ET ASSOCIES AVOCATS, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0002
INTIMEE
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 17 Décembre 2021 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Nathalie GAUTRON-AUDIC, Conseiller chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Isabelle VENDRYES, Président,
Madame Valérie DE LARMINAT, Conseiller,
Madame Nathalie GAUTRON-AUDIC, Conseiller,
Greffier lors des débats : Mme Elodie BOUCHET-BERT,
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
La SAS Terreal est spécialisée dans le secteur d'activité de la fabrication de briques, tuiles et produits de construction, en terre cuite . Elle emploie plus de dix salariés.
Par contrat de travail à durée indéterminée du 5 novembre 2010, M. [M] [K], né le 2 avril 1960, a été engagé par la société Terreal, à compter du 22 novembre 2010, en qualité de directeur juridique, statut cadre, catégorie III, coefficient 564 de la convention collective nationale de l'industrie des tuiles et briques du 17 février 1982.
Il percevait en dernier lieu un salaire mensuel brut de 7 788,68 euros, outre notamment une prime annuelle dite de fin d'année égale à un mois de salaire de base et un bonus annuel lié à l'atteinte d'objectifs. Il bénéficiait par ailleurs d'une voiture de fonction.
Par courrier du 7 mars 2017 remis en mains propres, M. [K] a été convoqué à un entretien préalable qui s'est tenu le 14 mars 2017.
Le 8 mars 2017, il a été placé en arrêt de travail.
M. [K] s'est vu notifier son licenciement pour faute grave par lettre du 20 mars 2017 ainsi rédigée :
« Nous vous avons convoqué par courrier du 7 mars 2017 à un entretien préalable fixé au 14 mars 2017, auquel vous vous êtes présenté, assisté de Monsieur [E] [A].
Lors de cet entretien, vos explications ne s'étant pas avérées satisfaisantes, nous sommes contraints de vous notifier par le présent courrier votre licenciement pour faute grave.
Nous vous rappelons les motifs qui nous amènent à prendre une telle décision :
En votre qualité de Directeur juridique, vous êtes chargé d'une mission technique de haut niveau pour laquelle vous avez donné satisfaction à Terreal.
Mais vous avez un rôle tout aussi essentiel dans l'encadrement de l'équipe juridique composée de 6 salariés. En outre, vous devez collaborer avec de nombreux salariés d'autres départements de l'entreprise.
Or, sur ce point, nous sommes obligés de constater des comportements gravement fautifs, incompatibles avec la poursuite de votre contrat de travail y compris durant le temps de préavis.
Nous avons, à plusieurs reprises, attiré votre attention sur la nécessité de tempérer votre agressivité et apaiser les difficultés relationnelles aiguës constatées avec certains de vos subordonnés ou collaborateurs d'autres services.
En novembre 2016, après une démarche du CHSCT visant à l'ouverture d'une enquête sur des risques psycho-sociaux liés à votre comportement, vous avez pris l'engagement d'un changement d'attitude et accepté un coaching.
Or, le 1er mars 2017, nous avons eu à regretter à nouveau un comportement inacceptable à l'égard d'un de vos collaborateurs direct.
Vous avez en effet pris à partie de manière brutale un de vos subordonnés ce dont plusieurs collaborateurs de l'entreprise ont été témoins.
Vous avez à cette occasion énoncé à votre collaborateur de manière claire et distincte : 'vous êtes d'une lâcheté à nulle autre pareille, vous êtes un monument de lâcheté' et de conclure par un sonore 'allez-vous faire foutre !'.
Quelles que soient les circonstances à l'origine de ces propos, ils sont radicalement inacceptables.
Lors de l'entretien préalable, vous n'avez pas nié les faits et vous vous êtes contenté de les expliquer en indiquant que cela faisait six ans que cette personne 'désobéissait' pour ajouter 'qu'elle disait oui mais faisait non'.
Cette explication, à supposer qu'elle en soit une, n'est nullement de nature à minorer la gravité de votre attitude.
Ce d'autant qu'il a été mis en lumière que ce débordement public est dans la droite ligne du dénigrement de votre collaborateur vis-à-vis de collègues. Il est ainsi établi que vous l'avez affublé de surnoms inacceptables tel que PN, pour pervers narcissique, vous avez même mentionné que ce collaborateur méritait que vous utilisiez votre couteau contre lui.
Ces faits sont d'autant plus inacceptables qu'ils s'inscrivent dans un contexte d'abus d'autorité au sein de votre service. Ainsi nous avons notamment appris que vous avez fait miroiter à plusieurs salariés travaillant pour Terreal dans le cadre d'un contrat à durée déterminée et d'intérim, le bénéfice d'un contrat à durée indéterminée si ces derniers acceptaient d'établir un témoignage attestant de la mauvaise qualité du travail du collaborateur victime de vos derniers excès verbaux et ce alors qu'ils étaient incapables de juger de la qualité du travail de ce dernier.
De telles méthodes, attitudes et propos sont totalement inacceptables.
Ces abus d'autorité, dénigrement et excès verbaux justifient la rupture immédiate de votre contrat de travail. Celui-ci est donc définitivement rompu dès l'envoi du présent courrier. (...) »
Par requête reçue au greffe le 24 juillet 2017, M. [K] a saisi le conseil de prud'hommes de Nanterre aux fins de contester son licenciement et de voir condamner la société Terreal au versement de diverses sommes indemnitaires et salariales.
Par jugement rendu le 14 mai 2019, le conseil de prud'hommes de Nanterre a :
- dit que le licenciement pour faute grave de M. [K] est justifié,
- débouté M. [K] de la totalité de ses demandes,
- condamné aux entiers dépens M. [K],
- rejeté les demandes plus amples ou contraires des parties.
M. [K] a interjeté appel de la décision par déclaration du 22 mai 2019.
Par conclusions adressées par voie électronique le 14 octobre 2021, il demande à la cour de :
- rejeter les demandes formulées par la société Terreal 'à titre liminaire' consistant à voir juger que la déclaration d'appel de M. [K] serait privée d'effet dévolutif pour les demandes relatives aux dommages et intérêts pour non-respect de l'obligation de sécurité 'de résultat' et pour nullité de la clause contractuelle de forfait, à dire que la cour ne serait saisie d'aucune demande de ce chef et à confirmer le jugement en ce qu'il a débouté M. [K] de ses demandes relatives aux dommages et intérêts pour non-respect de l'obligation de sécurité 'de résultat' et pour nullité de la clause contractuelle,
- se déclarer saisie d'une demande d'infirmation de l'ensemble des chefs du jugement du conseil de prud'hommes de Nanterre du 14 mai 2019,
- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a dit que le licenciement de M. [K] pour faute grave était justifié et en ce qu'il a débouté M. [K] des demandes suivantes :
* condamner la société Terreal à lui régler les sommes suivantes :
° indemnité conventionnelle de licenciement : 16 632,72 euros nets de CSG et CRDS,
° indemnité compensatrice de préavis : 32 401,38 euros bruts,
° congés payés afférents : 3 240,14 euros bruts,
° dommages et intérêts pour licenciement nul : 108 000 euros,
° subsidiairement : indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 108 000 euros,
° dommages et intérêts pour licenciement dans des conditions vexatoires : 64 800 euros,
° dommages et intérêts pour nullité de la clause contractuelle de forfait jours : 108 000 euros,
° dommages et intérêts pour non-respect de l'obligation de sécurité 'de résultat' en matière de santé au travail : 64 800 euros,
* condamner la société Terreal à procéder au remboursement du prix d'achat des actions Terreal Investissements, outre les droits d'enregistrement afférents, soit une somme totale de 5 621,80 euros, outre l'indexation,
* assortir ces condamnations des intérêts légaux à compter de la réception par la société Terreal de sa convocation en bureau de conciliation,
* ordonner la remise de documents sociaux (certificat de travail, attestation Pôle emploi, reçu pour solde de tout compte, bulletin de paie afférent) conformes au jugement sous astreinte de 100 euros par jour de retard et par document,
* ordonner la restitution de tous objets et fichiers électroniques personnels de M. [K] sous astreinte de 100 euros par jour de retard,
* condamner la société Terreal à régler à M. [K] une somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
* condamner la société Terreal aux dépens de première instance,
- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné M. [K] aux dépens,
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la société Terreal de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
statuant à nouveau,
- juger le licenciement pour faute grave de M. [K] non fondé et frappé de nullité,
- condamner la société Terreal à régler à M. [K] les sommes suivantes :
* dommages et intérêts pour nullité de la convention de forfait en jours travaillés : 108 000 euros,
* dommages et intérêts pour non-respect de l'obligation de sécurité de résultat en matière de santé au travail : 64 800 euros,
* indemnité conventionnelle de licenciement : 16 632,72 euros nets de CSG et CRDS,
* indemnité compensatrice de préavis : 32 401,38 euros bruts,
* congés payés afférents : 3 240,14 euros bruts,
* dommages et intérêts pour licenciement nul : 108 000 euros,
* subsidiairement : indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 108 000 euros,
* dommages et intérêts pour licenciement dans des conditions vexatoires : 64 800 euros,
- prendre acte du rachat des actions de la société Terreal Investissements détenues par M. [K] en date du 4 octobre 2019 et du 16 octobre 2019 à hauteur de la somme de 35 341,48 euros, prélèvements sociaux déduits,
- assortir ces condamnations des intérêts légaux à compter de la réception par la société Terreal de sa convocation en bureau de conciliation,
- ordonner la remise de documents sociaux (certificat de travail, attestation Pôle emploi, reçu pour solde de tout compte, bulletin de paie afférent) conformes à l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard et par document,
- ordonner la restitution de tous objets et fichiers électroniques personnels de M. [K] sous astreinte de 100 euros par jour de retard,
- condamner la société Terreal à régler à M. [K] une somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la société Terreal aux dépens de première instance et d'appel,
- débouter la société Terreal de la demande formulée au titre de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur de 5 000 euros et de sa demande au titre des entiers dépens.
Par conclusions adressées par voie électronique le 18 octobre 2021, la société Terreal demande à la cour de :
A titre liminaire,
- juger que la déclaration d'appel de M. [K] est privée de tout effet dévolutif pour ce qui est des demandes relatives aux dommages et intérêts pour non-respect de l'obligation de sécurité 'de résultat' et pour nullité de la clause contractuelle de forfait,
- dire que la cour n'est saisie d'aucune demande de ce chef,
- confirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris sur ce point,
A titre subsidiaire sur ces deux points,
- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté M. [K] de ses demandes relatives aux dommages et intérêts pour non-respect de l'obligation de sécurité 'de résultat' et pour nullité de la clause contractuelle de forfait,
En toute hypothèse,
- confirmer le jugement en ce qu'il établit que la société Terreal n'a commis aucune faute et déclaré le licenciement de M. [K] justifié,
- confirmer le jugement en ce qu'il établit que la convention de forfait en jours prévue au contrat de travail est valable,
- débouter en conséquence M. [K] de l'ensemble de ses demandes,
En tout état de cause,
- condamner M. [K] à verser à la société Terreal la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner M. [K] aux entiers dépens.
Par ordonnance rendue le 17 novembre 2021, le magistrat chargé de la mise en état a ordonné la clôture de l'instruction et a fixé la date des plaidoiries au 17 décembre 2021.
En application de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.
MOTIFS
Sur l'effet dévolutif de l'appel
La société Terreal soutient que la déclaration d'appel du 22 mai 2019 est privée de tout effet dévolutif pour ce qui est des demandes relatives aux dommages et intérêts pour non-respect de l'obligation de sécurité et pour nullité de la clause contractuelle de forfait, dès lors que M. [K] a limité son appel au caractère justifié ou non du licenciement pour faute grave et n'a mentionné nulle part dans la déclaration l'infirmation du jugement en tant qu'elle serait relative à ces deux demandes.
Elle en déduit que la cour n'est saisie d'aucune demande de ces deux chefs critiqués du jugement querellé, relatifs à l'exécution du contrat de travail.
L'appelant fait observer en réplique que sa déclaration d'appel reprend bien l'ensemble des chefs du jugement critiqués, que l'intimée procède à une confusion entre chefs du jugement et chefs de demande.
En vertu de l'article 562 du code de procédure civile, l'appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément et de ceux qui en dépendent, la dévolution ne s'opérant pour le tout que lorsque l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible.
En outre, seul l'acte d'appel opère la dévolution des chefs critiqués du jugement.
Ainsi, l'article 901 du même code prévoit que la déclaration d'appel est faite par acte contenant notamment « 4° Les chefs du jugement expressément critiqués auxquels l'appel est limité, sauf si l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible. »
Il en résulte que lorsque la déclaration d'appel tend à la réformation du jugement sans mentionner les chefs de jugement qui sont critiqués, l'effet dévolutif n'opère pas, quand bien même la nullité de la déclaration d'appel n'aurait pas été sollicitée par l'intimé.
En l'espèce, aux termes du jugement rendu le 14 mai 2019, le conseil de prud'hommes de Nanterre a :
- dit que le licenciement pour faute grave de M. [K] est justifié,
- débouté M. [K] de la totalité de ses demandes,
- condamné aux entiers dépens M. [K],
- rejeté les demandes plus amples ou contraires des parties.
La déclaration d'appel du 22 mai 2019 indique que « L'appel tend à l'annulation, l'infirmation ou la réformation de la décision susvisée en ce qu'elle a : - Dit que le licenciement pour faute grave de Monsieur [K] était justifié, l'a débouté de toutes ses demandes et l'a condamné aux dépens ».
Contrairement à ce que soutient l'intimée, la déclaration d'appel vise bien les chefs du jugement critiqués, dans un contexte où le salarié a été débouté de l'intégralité de ses demandes, en ce compris celles formulées au titre de l'exécution du contrat de travail et celles formulées au titre de la rupture de ce contrat.
Il en résulte que l'effet dévolutif de l'appel a bien opéré et que la cour est saisie des demandes de M. [K].
Le moyen d'irrecevabilité sera rejeté.
Sur la nullité du forfait jours
M. [K] soulève la nullité de la convention de forfait annuel en jours travaillés à laquelle il a été soumis durant la relation de travail, en l'absence de dispositions conventionnelles permettant d'assurer la protection de la sécurité et de la santé du travailleur ainsi qu'en l'absence de mise en place de modalité de contrôle du temps de travail du salarié.
Il s'estime bien fondé à se voir indemnisé du préjudice subi à raison de la nullité de la convention, des manquements de l'employeur qui a mis en oeuvre une clause contractuelle irrégulière et de l'absence de tout contrôle effectif de son temps de travail, de sa charge de travail, de l'articulation entre vie personnelle et vie professionnelle. Il sollicite la condamnation de la société Terreal à lui verser la somme de 108 000 euros à titre de dommages et intérêts compte tenu de la parfaite connaissance par son employeur de sa charge de travail très conséquente, de son investissement professionnel toujours loué qui a conduit l'employeur à lui verser une rémunération variable annuelle importante et à revoir régulièrement à la hausse sa rémunération fixe annuelle, de l'état dans lequel il a repris la direction juridique au moment de sa nomination et des difficultés rencontrées par cette direction en sous-effectif et devant faire face à des contentieux importants, de son impossibilité de prendre l'ensemble de ses congés et RTT dans un tel contexte, de l'épuisement professionnel qui en est résulté, du travail réalisé à distance y compris durant les fins de semaine et les quelques congés et RTT posés.
La société Terreal soutient en réplique que la convention de forfait en jours à laquelle était soumis M. [K] est valable et parfaitement conforme aux règles en vigueur, qu'elle a respecté strictement les dispositions de l'accord d'entreprise sur l'aménagement du temps de travail du 31 janvier 2000 et son avenant du 30 juin 2003, que l'intéressé procède par voie d'affirmation et ne démontre pas qu'il n'a pas été en mesure de bénéficier de ses jours de repos, que des recrutements de juristes étaient régulièrement effectués ainsi qu'elle en justifie. Elle souligne que le salarié était domicilié à [Localité 3] et ne passait qu'une partie de son temps au siège de l'entreprise à [Localité 5], arrivant en général le lundi en fin de matinée et repartant le vendredi après le déjeuner. Elle ajoute qu'en toute hypothèse, M. [K] n'est pas fondé à solliciter des dommages-intérêts à ce titre et pourrait tout au plus réclamer le paiement d'heures supplémentaires, la convention de forfait étant simplement privée d'effet, ce qu'il ne fait pas.
Sur ce, il sera rappelé qu'en vertu des dispositions des articles L. 3121-58 et suivants du code du travail, la conclusion d'une convention de forfait, pour être valable, doit être prévue par un accord collectif d'entreprise ou d'établissement et, à défaut, par une convention ou un accord de branche ; elle requiert l'accord du salarié et elle est établie par écrit ; un entretien annuel portant sur l'organisation du travail dans l'entreprise, la charge de travail du salarié, sa rémunération et l'articulation entre sa vie professionnelle et sa vie privée doit être organisé annuellement par l'employeur avec chaque salarié ayant conclu une convention de forfait.
Ces conditions sont cumulatives. Par conséquent, si l'une d'entre elles fait défaut, le forfait annuel en jours encourt la nullité ou n'est pas opposable au salarié qui peut réclamer le paiement d'heures supplémentaires.
En l'espèce, conformément à l'article 6 (Durée du travail) de son contrat de travail, M. [K] a été soumis à une convention de forfait annuel en jours ainsi rédigée :
« En application de l'accord sur la réduction et l'aménagement du temps de travail du 31 janvier 2000 et de son avenant du 30 juin 2003, et compte tenu de la nature de ses fonctions, des responsabilités qui lui sont confiées et du degré d'autonomie dont il bénéficie dans l'organisation de son temps de travail, le temps de travail de Monsieur [M] [K] sera décompté en jours de travail à l'année, à l'exclusion de toute référence horaire.
Le nombre de jours travaillés par an, ne peut, pour une année complète d'activité, excéder 218.
Il est entendu que tout changement de statut et/ou de fonctions entraînera, le cas échéant, la cessation de ces dispositions ; dans ce cas, il sera fait application à Monsieur [M] [K] des dispositions conventionnelles relatives à son nouveau statut et/ou à ses nouvelles fonctions. »
L'accord sur la réduction et l'aménagement du temps de travail conclu le 31 janvier 2000 entre la société et les organisations syndicales prévoit en son article 3.2 applicable aux 'cadres commerciaux itinérants et cadres autonomes' que :
« La hiérarchie veillera à ce que l'amplitude des journées de travail reste conforme à la législation en vigueur et à l'esprit du présent accord, c'est-à-dire que l'amplitude et la charge de travail restent compatibles avec une vie personnelle et équilibrée.
Les parties conviennent que la charge de travail doit permettre aux salariés concernés de bénéficier d'un repos hebdomadaire conformément à la législation en vigueur.
Les jours de repos correspondant à la réduction à 217 jours du nombre maximum de jours travaillés dans l'année pourront être pris sous la forme de journées complètes ou de demi-journées, après accord du responsable hiérarchique.
Une fiche individuelle mensuelle sera remise à la fin de chaque mois par le salarié concerné, sur laquelle apparaîtront les journées ou demi-journées travaillées, ainsi que les journées ou demi-journées prises en repos, conformément au présent article.
Cette fiche sera signée par le salarié concerné. »
L'avenant à l'accord du 31 janvier 2000, signé le 30 juin 2003, n'a pas modifié les dispositions relatives aux 'cadres commerciaux itinérants et cadres autonomes'.
Comme le fait justement valoir le salarié, ces dispositions ne sont pas de nature à garantir que l'amplitude et la charge de travail restent raisonnables et assurent une bonne répartition, dans le temps, du travail de l'intéressé et donc, à assurer la protection de sa sécurité et de sa santé, la cour observant en outre qu'il n'est pas justifié par l'employeur que la fiche individuelle visée dans l'article 3.2 de l'accord d'entreprise a été effectivement remise au salarié chaque mois et renseignée, ni qu'il a été procédé à des entretiens annuels individuels relatifs à la durée du travail et à la charge de travail du salarié.
A défaut pour l'accord susvisé d'organiser un suivi effectif par l'employeur permettant de remédier en temps utile à une charge de travail éventuellement incompatible avec une durée raisonnable, la convention de forfait en jours à laquelle M. [K] a été soumis durant la relation de travail est nulle.
Il en résulte que le salarié est en droit de se prévaloir de l'application de la durée légale du travail de 35 heures par semaine et de réclamer notamment le paiement des heures supplémentaires effectuées.
En application de l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments.
Si, en l'espèce, M. [K] se contente d'affirmer qu'il a travaillé au-delà de 35 heures par semaine ainsi que durant ses congés, sans pour autant communiquer aucune pièce permettant de l'établir, il n'en demeure pas moins que le salarié a subi un préjudice résultant de l'application d'un forfait jours nul et de l'absence de contrôle de la durée effective de travail, ce qui justifie la condamnation de la société Terreal à lui verser, par infirmation du jugement entrepris, la somme de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts, avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt.
Sur le licenciement
L'article L. 1232-1 du code du travail subordonne la légitimité du licenciement pour motif personnel à l'existence d'une cause réelle et sérieuse.
La faute grave se définit comme la faute qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise pendant la durée du préavis.
Il appartient à l'employeur qui entend se prévaloir d'une faute grave du salarié d'en apporter seul la preuve. Si un doute subsiste, il profite au salarié.
Il résulte en outre de l'article L. 1226-9 du code du travail qu'au cours des périodes de suspension du contrat de travail, l'employeur ne peut rompre ce dernier que s'il justifie soit d'une faute grave de l'intéressé, soit de son impossibilité de maintenir ce contrat pour un motif étranger à l'accident ou à la maladie. En application de l'article L. 1226-13 du même code, toute rupture du contrat de travail prononcée en méconnaissance de ces dispositions est nulle.
En l'espèce, aux termes de la lettre de licenciement pour faute grave qui fixe les limites du litige, il est reproché au salarié d'avoir adopté le 1er mars 2017 un comportement inacceptable à l'encontre du responsable juridique, M. [F] [J], d'avoir dénigré ce collaborateur auprès de collègues et d'avoir 'fait miroiter' à des salariés sous contrat de travail à durée déterminée le bénéfice d'un contrat à durée indéterminée en échange d'un témoignage sur la mauvaise qualité du travail dudit collaborateur.
M. [K] soutient que la société Terreal ne démontre aucun fait précis et objectif pouvant caractériser une faute grave et justifier son licenciement.
Il fait valoir qu'il occupait le poste de directeur juridique depuis près de six ans et demi lors de son licenciement, qu'il a toujours donné entière satisfaction à son poste, qu'il n'a fait l'objet d'aucune sanction disciplinaire ni d'aucun rappel à l'ordre, qu'informée en 2016 puis en 2017 de prétendues difficultés relationnelles au sein de la direction juridique et d'un prétendu harcèlement moral de son directeur juridique sur des subordonnés ou d'autres salariés de l'entreprise, la société Terreal n'a pas déclenché de procédure d'enquête interne de vérification des faits allégués sous l'égide du CHSCT pour entendre les parties impliquées et procéder à l'audition des salariés de la direction juridique, qu'elle n'a pas consulté les représentants du personnel sur la base d'une enquête contradictoire complète et précise, qu'elle n'a pas informé et consulté le médecin du travail suite aux accusations de harcèlement moral prétendument émises, qu'elle a fait preuve d'une passivité incompréhensible face à la mauvaise qualité du travail de M. [J] et des difficultés relationnelles entretenues par celui-ci avec M. [S] puis avec M. [K], qui se sont succédés au poste de directeur juridique.
Il conclut à la nullité du licenciement qui lui a été notifié par lettre recommandée du 20 mars 2017 en l'absence de la commission de toute faute, dès lors qu'il a été victime d'un accident du travail le 7 mars 2017, pris en charge au titre de la législation sur les risques professionnels conformément à l'arrêt rendu le 24 septembre 2020 par la cour d'appel d'Angers.
La société Terreal produit le courriel adressé le 1er mars 2017 par M. [J] au directeur des ressources humaines; M. [T] [R], pour se plaindre de l'attitude de son supérieur à son égard :
« En résumé quelques dires de [M] [[K]] qui s'est entretenu avec moi ce jour :
- Je suis insubordonné depuis 6 ans,
- Je vous ai dit de ne pas écrire au Président (suite à note écrite le 20 février par mes soins conjointement avec [N] [V] à l'attention de trois destinataires dont lui-même et le Président sur le dossier Jois),
- Il espère qu'il arrivera à ses fins (se débarrasser de moi) malgré d'autres entités de l'entreprise qui ne lui facilitent pas la vie,
- Je cite 'vous êtes d'une lâcheté à nulle autre pareille',
- Je cite 'vous êtes un monument de lâcheté',
- Et le mot de la fin, je cite 'Allez vous faire foutre' au moment où j'ai quitté son bureau sentant augmenter la violence de ses propos.
Pendant cette entrevue, je n'ai quasiment pas parlé puisque j'avais ordre de l'écouter, [M] m'indiquant que c'est lui qui commandait ».
Ces propos sont confirmés par Mme [C] [I] qui atteste en ces termes :
« Je soussignée, [C] [I], assistante du Président, déclare avoir entendu l'altercation qui s'est déroulée le 1er mars 2017 aux alentours de 13h30 entre M. [M] [K], Directeur juridique, et son collaborateur, M. [F] [J], juriste.
M. [J] est sorti du bureau de M. [K] le 1er mars 2017 qui l'a agressé verbalement en vociférant 'Allez vous faire foutre, [F] !'.
M. [J] a rétorqué 'Qu'avez-vous dit M. [K], allez vous faire foutre ' Mais ce ne sont pas des propos décents !' M. [F] [J] est ensuite reparti.
Je précise que tout le 2ème étage présent à cet horaire a entendu les propos de M. [K].
D'autre part, en début d'année, je déclare m'être rendue dans le bureau de M. [K] pour parler d'un dossier. Celui-ci, comme de nombreuses autres fois, m'a parlé de M. [J] en des termes injurieux. Alors qu'il gesticulait, son couteau, que j'ai cru reconnaître de marque Laguiole, est tombé. Il l'a ramassé et a prononcé ces paroles en brandissant le couteau (fort heureusement replié) : 'vous voyez, c'est tout ce qu'il mérite le PN (PN étant l'abréviation utilisée pour nommer [F] [J]. Cela signifiait pervers narcissique) ».
Les explications des parties convergent pour dire que les relations entre M. [K] et M. [J] étaient tendues, au point qu'en mars 2016, ce dernier avait refusé de faire son entretien annuel avec son supérieur hiérarchique si la directrice des ressources humaines n'était pas présente.
M. [Z] [G], juriste intérimaire, témoigne par ailleurs en ces termes :
« Le 28 février 2017 Monsieur [M] [K] m'a reçu, à ma demande, dans son bureau afin d'évoquer la suite de mon contrat intérimaire (juriste) chez Terreal prenant fin le 30 mars 2017.
Lors de cette discussion il a indiqué vouloir réorganiser la direction juridique et licencier Monsieur [F] [J], un autre juriste.
Il a indiqué que Monsieur [J] ne travaillait pas, ou très peu, et qu'il se comportait en 'parasite' en déléguant l'ensemble de son travail aux autres juristes.
Il a ensuite indiqué qu'il aurait besoin de notre aide pour le licencier et que cela l'aiderait s'il pouvait obtenir de ma part une attestation certifiant que [F] travaillait mal et que je souhaitais qu'il quitte le service.
Il m'a précisé que le départ de [F] nous permettrait d'avoir plus de travail et donc que je serai prolongé dans mon contrat de juriste chez Terreal.
Je lui ai répondu que je ne travaillais pas directement avec [F] et que je ne pouvais donc pas juger de son travail et notamment savoir s'il travaillait suffisamment. Monsieur [K] m'a répondu 'moi je vous le dis'.
Je n'ai jamais fait cette attestation. »
Mme [O] [X], également juriste intérimaire, atteste dans le même sens.
M. [K] conteste la valeur probante de ces attestations. Il ressort toutefois des explications et des pièces fournies par la société Terreal que si son investissement professionnel et son travail n'ont jamais été remis en cause, il n'en allait pas de même de son mode de management.
Ainsi, le 24 novembre 2016, M. [L] [B], délégué du personnel et délégué syndical FO de l'établissement de [Localité 5], écrivait aux membres de la direction des ressources humaines afin de les alerter sur l'existence de risques psycho-sociaux liés au management de M. [K] : « (...) le service juridique Terreal est en souffrance depuis longtemps sous forme de harcèlement moral, à savoir :
- Mal-être dû à l'intensité du travail & sentiment de surveillance continue,
- Critiques incessantes et passage de nerfs des salariés,
- Aucun soutien ni aide concernant les tâches affiliées à chacun,
- Esprit d'équipe inexistant.
Tous ces éléments caractérisent un risque grave pour la santé physique ou mentale des salariés. (...)
Je ferai un point d'ici 3 mois pour constater si amélioration il y a et vous demande de prendre les sanctions nécessaires comme pour n'importe quel salarié envers M. [K] [M]. (...) »
Lors de la réunion du CHSCT du 14 mars 2017, l'un des points de l'ordre du jour était 'Point tensions service juridique'. Le procès-verbal de cette réunion mentionne notamment : « Les membres du CHSCT indiquent que plusieurs personnes au sein du service juridique et plus particulièrement les salariés récemment embauchés 'subissent des pressions' venant du directeur juridique, Monsieur [M] [K]. [L] [B] ajoute que différents échos venant de ce service révèlent un sentiment général 'de crainte' et de 'peur de dire tout haut les choses'. (...) [Il] précise que les jeunes embauchés en attente du renouvellement ou non de leur contrat ont 'peur de représailles de la part du directeur juridique'. (...) [L] [B] ajoute également que 'cette situation va trop loin et que les choses empirent' d'autant qu'une autre personne, en dehors du service juridique, s'est plainte, elle aussi, des agissements de M. [K] à son encontre. (...) »
Les faits reprochés sont matériellement établis et ne sont pas utilement contredits par le salarié.
Or, il s'avère que M. [K] avait déjà été alerté sur ses manquements managériaux et que la direction de la société Terreal l'avait accompagné dans une démarche visant à améliorer son mode de management. Ainsi de novembre 2014 à mars 2015, le salarié a bénéficié d'un coaching de la société Solaire, visant selon le contrat de prestations de service à « permettre à Monsieur [M] [K] une meilleure compréhension de son mode de fonctionnement actuel face aux hommes et aux situations (...), l'aider à comprendre ses propres schémas issus de son expérience qui influencent ses perceptions, ses émotions et donc son comportement, l'aider aussi à comprendre les conséquences de ses ressources sur ses interactions avec les autres et sur sa propre gestion sous pression, lui donner les clés de compréhension des relations et du mode de communication qu'il a aujourd'hui avec les tiers (...) pour l'amener progressivement à une communication (verbale et non verbale) plus adaptée en fonction des situations rencontrées (...) ». En 2016, l'employeur avait de nouveau fait appel aux services d'une société de coaching, le cabinet Stratelio, dont elle produit le contrat de prestations. Ce cabinet, choisi par M. [K] et payé par la société, était chargé selon ce contrat d'accompagner spécifiquement l'intéressé, visé en tant que 'demandeur de coaching'.
Son comportement en tant que cadre supérieur, par ailleurs membre du comité de direction, que ne peut justifier la circonstance que M. [J] ne présentait éventuellement pas les qualités professionnelles requises pour occuper son poste de responsable juridique, ne permettait pas son maintien dans l'entreprise, rendant ainsi bien fondée la mesure de licenciement pour faute grave prise à son égard, comme l'ont justement retenu les premiers juges.
La faute grave étant caractérisée, la demande de nullité du licenciement ne peut en conséquence qu'être rejetée.
Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a débouté le salarié de ses demandes indemnitaires.
Sur les circonstances vexatoires du licenciement
M. [K] s'estime bien fondé à voir condamner la société Terreal à lui verser la somme de 64 800 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement dans des conditions vexatoires.
Il fait valoir qu'il s'est vu informé le 7 mars 2017 de l'engagement d'une procédure disciplinaire à son encontre à l'occasion d'une réunion avec son responsable hiérarchique et la directrice des ressources humaines alors qu'il avait sollicité son seul responsable hiérarchique pour évoquer le cas de M. [J], que dès remise de sa convocation à entretien préalable il s'est vu interdire l'accès à son ordinateur contenant des données professionnelles et personnelles, obligé de quitter son lieu de travail et son bureau, interdit d'emporter ses affaires personnelles alors même qu'il n'était pas mis à pied à titre conservatoire mais simplement dispensé d'activité, qu'il s'est vu refuser tout échange avec les membres de son équipe, que le 14 mars 2017, jour de l'entretien préalable, il s'est vu de nouveau refuser l'accès à son bureau, que selon deux courriers recommandés il a dû solliciter la restitution de ses effets personnels et s'est vu retourner tardivement et de manière incomplète quelques uns de ces biens. Il considère que la reconnaissance par la cour d'appel d'Angers, par son arrêt infirmatif du 24 septembre 2020, du caractère professionnel de l'accident survenu le 7 mars 2017 à 13h30 établit la brutalité et le caractère vexatoire de la procédure de licenciement engagée à son encontre.
La cour observe que la qualification d'accident du travail retenue par cette juridiction résulte du caractère implicite de la décision de prise en charge au titre de la législation sur les risques professionnels par la CPAM qui n'a pas statué dans le délai de 30 jours qui lui était imparti, les circonstances de fait de cet accident n'ayant ainsi pas été discutées.
Comme le fait justement observer la société Terreal, le seul respect et la mise en oeuvre par elle de la procédure de licenciement ne saurait caractériser un manquement particulier de l'employeur, étant relevé qu'après la remise en mains propres de sa convocation à entretien préalable, M. [K] n'a pas quitté immédiatement l'entreprise, qu'il s'est rendu à la cantine pour y déjeuner ainsi qu'en atteste le ticket du 7 mars 2017 à 13h38, que tandis que l'employeur affirme qu'il a quitté la société à 15h après avoir pu regagner son bureau, le salarié prétend qu'il n'a pu retourner à son bureau mais omet de communiquer l'heure du SMS par lequel il a répondu à la directrice des ressources humaines qu'il était bien rentré à son domicile familial à [Localité 3].
En outre, il résulte des constatations précédentes que M. [K] avait déjà été alerté sur ses manquements managériaux.
Les conditions brutales et vexatoires alléguées ne sont ainsi pas établies, de sorte que les premiers juges méritent d'être suivis en ce qu'ils ont débouté M. [K] de sa demande de dommages-intérêts à ce titre.
Sur l'obligation de sécurité
M. [K] fait ici valoir que la société Terreal l'a laissé travailler dans le cadre d'un forfait en jours travaillés frappé de nullité, sans prendre aucune mesure de contrôle du temps de travail de son salarié, qu'elle l'a laissé assumer une charge de travail particulièrement conséquente sans remédier aux insuffisances chroniques de personnel de la direction juridique, qu'elle n'a pris aucune mesure lorsqu'il a avisé la direction des ressources humaines et les présidents successifs de la société des difficultés rencontrées avec l'un de ses subordonnés, M. [J], que le 7 mars 2017, elle a entendu transformer un rendez-vous qu'il avait sollicité pour faire le point sur la situation de ce collaborateur en entretien de remise à M. [K] d'une convocation à entretien préalable, qu'elle a procédé de manière particulièrement brutale à tel point qu'un certificat médical d'accident du travail a été régularisé le 8 mars 2017 par son médecin traitant suite au fort retentissement psychologique qu'a eu sur lui l'engagement de la procédure de licenciement pour faute grave, qu'eu égard à son état de santé, il s'est trouvé dans l'impossibilité de reprendre une activité professionnelle, que le caractère professionnel de l'accident survenu le 7 mars 2017 a été reconnu par un arrêt du 24 septembre 2020 aux termes duquel la cour d'appel d'Angers a infirmé le jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale.
Si la cour a précédemment retenu la nullité de la convention de forfait en jours et indemnisé le salarié à ce titre du fait du défaut du contrôle de ses horaires, les éléments du dossier n'ont pas permis de mettre en évidence la surcharge de travail alléguée, et ce alors que l'employeur justifie dans le même temps que des recrutements de juristes étaient réalisés lorsque cela s'avérait nécessaire.
La cour a en outre considéré que le licenciement de M. [K] était bien fondé au regard de ses manquements managériaux, qui ont conduit les institutions représentatives du personnel à se saisir de la situation et à demander à la direction d'agir pour faire cesser ses agissements; que les conditions brutales et vexatoires de la rupture n'étaient pas caractérisées.
L'employeur justifie que le salarié a bénéficié de séances de coaching visant notamment à améliorer son mode de management.
Comme énoncé ci-avant, la reconnaissance du caractère professionnel de l'accident survenu le 7 mars 2017 ne permet pas non plus de retenir que l'employeur a manqué à son obligation de sécurité, celui-ci ayant immédiatement émis toutes réserves sur les circonstances de l'accident et notamment sur le fait qu'il ait eu lieu, comme le prétend le salarié, sur le temps et le lieu de travail.
Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a débouté M. [K] de sa demande de dommages-intérêts de ce chef.
Sur les autres demandes
La restitution des objets et fichiers électroniques personnels de M. [K] sera ordonnée, faute pour la société Terreal de justifier qu'elle a retourné au salarié l'intégralité des biens lui appartenant, les circonstances de l'espèce ne nécessitant cependant pas d'assortir cette obligation d'une astreinte.
S'agissant du remboursement du prix d'achat des actions Terreal Investissements, il n'y a pas lieu pour la cour de statuer sur ce point dès lors que le salarié, qui avait sollicité devant les premiers juges le versement d'une somme de 5 621,80 euros à ce titre, indique en cause d'appel qu'il a perçu la somme nette de 35 341,48 euros suivant virements de la société des 4 et 16 octobre 2019.
Sur les dépens de l'instance et les frais irrépétibles
La société Terreal, qui succombe en partie, supportera les dépens en application des dispositions de l'article'696 du code de procédure civile.
Elle sera en outre condamnée à payer à M. [K] une indemnité sur le fondement de l'article'700 du code de procédure civile, que l'équité et la situation économique respective des parties conduisent à arbitrer à la somme de 2 000 euros.
PAR CES MOTIFS
La COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
REJETTE le moyen d'irrecevabilité tiré de l'absence d'effet dévolutif de l'appel ;
CONFIRME le jugement rendu le 14 mai 2019 par le conseil de prud'hommes de Nanterre sauf en ce qu'il a débouté M. [M] [K] de ses demandes de dommages-intérêts pour nullité de la convention de forfait en jours et de restitution de ses objets et fichiers électroniques personnels ;
Statuant à nouveau et y ajoutant,
CONDAMNE la société Terreal à verser à M. [M] [K] la somme de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts pour nullité de la convention de forfait en jours, avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt ;
ORDONNE à la société Terreal de restituer à M. [M] [K] ses objets et fichiers électroniques personnels ;
DIT n'y avoir lieu à astreinte de ce chef ;
CONDAMNE la société Terreal à verser à M. [M] [K] la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
DÉBOUTE la société Terreal de sa demande de ce chef ;
CONDAMNE la société Terreal aux dépens.
Arrêt prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour,les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code procédure civile et signé par Madame Isabelle VENDRYES, Président, et par Madame BOUCHET-BERT Elodie,Greffière,auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER,LE PRÉSIDENT,