COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 80C
6e chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 19 MAI 2022
N° RG 19/02373 - N° Portalis DBV3-V-B7D-THKY
AFFAIRE :
[T] [E]
C/
SA SOLOCAL venant aux droits de la société PAGES JAUNES
Décision déférée à la cour : Jugement rendue le 29 Mars 2019 par le Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de BOULOGNE-BILLANCOURT
N° Chambre :
N° Section : E
N° RG : F 12/02059
Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :
Me Hervé TOURNIQUET
Me Martine DUPUIS
le : 20 Mai 2022
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE DIX NEUF DEUX MILLE VINGT DEUX ,
La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant,fixé au 10 Février 2022,puis prorogé au 07 Avril 2022, puis au 12 Mai 2022,puis au 19 Mai 2022, les parties ayant été avisées, dans l'affaire entre :
Madame [T] [E]
née le 22 Avril 1962 à [Localité 3]
de nationalité Française
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représentée par : Me Hervé TOURNIQUET, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : E1883
APPELANTE
****************
SA SOLOCAL venant aux droits de la société PAGES JAUNES
N° SIRET : 444 212 955
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représentée par : Me Hortense GEBEL de la SELARL LUSIS AVOCATS, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : L0081 ; et Me Martine DUPUIS de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 625
INTIMEE
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 17 Décembre 2021 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Nathalie GAUTRON-AUDIC, Conseiller chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Isabelle VENDRYES, Président,
Madame Valérie DE LARMINAT, Conseiller,
Madame Nathalie GAUTRON-AUDIC, Conseiller,
Greffier lors des débats : Mme Elodie BOUCHET-BERT,
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
La société Solocal, qui vient aux droits de la société Pages Jaunes, est spécialisée dans le secteur d'activité de l'édition de répertoires et de fichiers d'adresses. Elle emploie plus de dix salariés.
Par contrat de travail à durée indéterminée du 4 février 2000, Mme [T] [E], née le 22 avril 1962, a été engagée par la société Pages jaunes, à compter du 28 août 2000, en qualité de conseillère commerciale, statut VRP, moyennant le versement exclusif de commissions. Elle était affectée depuis mars 2008 à l'agence de [Localité 5] (13).
La convention collective applicable à la relation de travail est l'accord national interprofessionnel des voyageurs, représentants, placiers (VRP) du 3 octobre 1975 ainsi qu'un accord d'entreprise du 23 avril 2007.
En arrêt de travail du 28 juillet 2009 au 30 septembre 2009, la salariée a repris son activité en temps partiel thérapeutique d'octobre 2009 à juin 2010.
Le 13 janvier 2012, elle a de nouveau été placée en arrêt de travail.
A cette date, elle exerçait les fonctions représentatives du personnel suivantes : élue CHSCT Sud-Est, élue comité de coordination des CHSCT Pages Jaunes SA, élue déléguée du personnel agence de [Localité 5], déléguée syndicale, rapporteur CE commission parité femmes/hommes, conseillère du salarié Bouches-du-Rhône.
Depuis janvier 2018, Mme [E] n'exerce plus qu'un seul mandat, celui de conseiller prud'homal.
Estimant que son salaire a été maintenu dans des conditions irrégulières durant ses différents arrêts, Mme [E] a, par requête reçue au greffe le 19 décembre 2012, saisi le conseil de prud'hommes de Boulogne-Billancourt d'une action en référé et d'une action au fond contre la société Pages Jaunes, aux fins d'obtenir notamment le versement de diverses sommes à titre de compléments d'indemnisation maladie, de commissions, d'heures de délégation et des dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail.
Par ordonnance du 7 février 2014, confirmée par la cour d'appel de Versailles le 7 mars 2017, la formation des référés a retenu l'existence de contestations sérieuses et a dit n'y avoir lieu à référé sur les demandes de Mme [E].
La salariée a été reconnue invalide catégorie 1 à compter du 1er novembre 2013.
Son arrêt de travail s'est prolongé jusqu'au 1er avril 2014, date à laquelle elle a été déclarée inapte à son poste de travail en une seule visite, le médecin du travail indiquant : « Au vu de l'état de santé, pas d'aménagement technique ou organisationnel, pas de mutation ni reclassement proposables par le médecin du travail - Danger immédiat ».
L'employeur a saisi la Direccte d'une demande d'autorisation de licenciement. Par décision du 31 décembre 2015, cette demande a été rejetée en raison de l'absence de proposition de reclassement.
La société Pages Jaunes n'a pas contesté cette décision et a repris ses recherches de reclassement.
Le 21 décembre 2017, l'employeur a à nouveau saisi la Direccte d'une demande d'autorisation de licenciement. Par décision du 6 février 2018, la Direccte a refusé d'autoriser le licenciement pour inaptitude de Mme [E], au motif que la société Pages Jaunes ne pouvait valablement s'appuyer sur l'avis d'inaptitude du 1er avril 2014 dans la mesure où la salariée avait présenté un certificat médical faisant état de ce qu'elle avait « retrouvé aujourd'hui un équilibre psychique et sa capacité de travail ».
A l'issue d'une visite médicale organisée le 26 mars 2018, le poste de conseiller commercial de la salariée a été déclaré compatible avec son état de santé dans le cadre d'un temps partiel.
Compte tenu de la réorganisation intervenue en 2014, la société Pages Jaunes a soumis à Mme [E], par courrier du 23 avril 2018, une modification de son contrat de travail, incluant notamment l'application d'une convention de forfait en jours réduit. La salariée l'a refusée.
Par lettre du 12 novembre 2018, la société Solocal lui a proposé deux types de poste au sein de plusieurs agences, que la salariée a refusés.
Au dernier état, Mme [E] demandait au conseil de prud'hommes de Boulogne-Billancourt de :
- condamner la société Pages Jaunes à lui verser les sommes de :
* 16 254,66 euros a minima à titre de dommages-intérêts pour perte de rémunération pendant le mi-temps thérapeutique 'd'octobre 2008 à mai 2009',
* 17 004,05 euros à titre de complément de rémunération pour privation abusive de portefeuille, outre les congés payés afférents,
* 69 604,53 euros à titre de rappel d'heures de délégation, outre les congés payés afférents,
* 130 244,30 euros à titre de rappel d'indemnités journalières pendant les arrêts de travail de 2009 et de 2012 à 2014 avec réajustement du taux de charges sociales au prorata de la participation employeur sur les indemnités journalières de 2012 à 2014,
* 7 214,06 euros a minima à titre de rappel de commissions sur ventes antérieures à l'arrêt maladie de 2012, outre les congés payés afférents,
* 237 510,10 euros à titre de rappel de rémunération en 'absence autorisée' puis en 'reclassement interne' arrêté au 31 décembre 2018,
* 25 256,66 euros à titre de rappel de congés payés en 'absence autorisée' puis en 'reclassement interne' arrêté au 31 décembre 2018,
* 17 500 euros à titre de dommages intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité,
* 35 000 euros à titre de dommages-intérêts pour manquement à l'obligation d'exécution loyale du contrat de travail,
* 35 000 euros à titre de dommages-intérêts pour discrimination syndicale,
* 200 000 euros à titre de dommages-intérêts pour harcèlement moral,
avec intérêts au taux légal,
-ordonner, sous astreinte, la remise d'un bulletin de salaire récapitulatif conforme par année concernée,
-condamner la société Pages Jaunes à verser à Mme [E] la somme de 3 000 euros au titre de l"article 700 du code de procédure civile.
Par jugement de départage rendu le 29 mars 2019, le conseil de prud'hommes a :
- condamné la société Pages Jaunes à payer à Mme [E] les sommes suivantes :
* 17 004,05 euros à titre de complément sur privation partielle de portefeuille clients,
* 1 700,04 euros à titre de congés payés afférents,
* 20 000 euros à titre de dommages-intérêts pour manquement à l'exécution loyale du contrat de travail,
* 7 214,06 euros à titre de rappels sur commissions sur ventes antérieures à l'arrêt maladie de 2012,
* 712,41 euros à titre de congés payés afférents,
- dit que le salaire de référence doit être calculé en prenant en compte le salaire effectivement perçu, l'abattement de 7 600 euros relatif aux frais professionnels, les heures de délégation calculées en application de l'accord syndical du 5 février 2004, le rappel de commission sur portefeuille ainsi que les congés payés afférents,
- renvoyé les parties à leurs calculs et les a invités à saisir la juridiction faute d'accord,
- dit que les créances salariales produiront intérêts au taux légal à compter du jour de la présentation à l'employeur de la lettre le convoquant devant le bureau de conciliation, soit le 21 décembre 2012, et que les créances indemnitaires produiront intérêts au taux légal à compter du jugement,
- dit que la société Pages Jaunes devra transmettre à Mme [E] dans le délai d'un mois suivant la notification de la décision un bulletin de salaire récapitulatif par année concernée,
- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,
- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire sous réserve des dispositions des articles R. 1454-14 et 5 du code du travail selon lesquelles la condamnation de l'employeur au paiement des sommes visées par les articles R. 1454-14 et 5 du code du travail est exécutoire de plein droit dans la limite de neuf mois de salaire calculés sur la moyenne des trois derniers mois de salaire dans les conditions prévues par l'article R. 1454-28,
- condamné la société Pages Jaunes à payer à Mme [E] la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la société Pages Jaunes aux entiers dépens.
Mme [E] et la société Solocal ont interjeté appel de la décision par déclarations du 28 mai et du 29 mai 2019.
Par ordonnance du 16 septembre 2020, la jonction des deux procédures a été ordonnée.
Par conclusions adressées par voie électronique le 27 octobre 2021, Mme [E] demande à la cour de :
- la dire et la juger recevable et bien fondée en son appel partiel du jugement entrepris et, y faisant droit,
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :
* condamné la société intimée à verser à Mme [E] les sommes de :
° 17 004,05 euros à titre de complément sur privation partielle de portefeuille clients,
° 1 700,04 euros à titre de congés payés afférents,
° 7 214,06 euros à titre de rappel sur commissions sur vente antérieures à l'arrêt maladie de 2012,
° 721,41 euros à titre de congés payés afférents,
*dit que les créances salariales produiront intérêts au taux légal à compter du 21 décembre 2012 et que les créances indemnitaires produiront intérêts au taux légal à compter de la date du jugement,
* ordonné la remise, par la société intimée, à Mme [E], dans le délai d'un mois suivant la notification de la décision, d'un bulletin de salaire récapitulatif par année,
* condamné la société intimée à verser la somme de 2 500 euros à Mme [E] au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- infirmer pour le surplus le jugement entrepris et, statuant à nouveau,
- condamner la société Solocal à verser à Mme [E] les sommes de :
* 16 254,66 euros a minima à titre de dommages-intérêts pour perte de rémunération pendant le mi-temps thérapeutique 'd'octobre 2008 à mai 2009',
* 42 157,70 euros à titre de rappel d'heures de délégation,
* 4 215,77 euros à titre de congés payés afférents,
* 115 275,44 euros à titre de rappel d'indemnités journalières pendant les arrêts de travail de 2009 et de 2012 à 2014,
* 393 042,72 euros à titre de rappel de rémunération en 'absence autorisée' puis en 'reclassement interne' congés payés inclus, arrêté au 31 août 2021,
* 20 500 euros à titre de rappel sur participation et intéressement des années 2009 à 2018,
* 17 500 euros à titre de dommages-intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité 'de résultat',
* 35 000 euros à titre de dommages-intérêts pour manquement à l'obligation d'exécution loyale du contrat de travail,
* 35 000 euros à titre de dommages-intérêts pour discrimination syndicale,
* 200 000 euros à titre de dommages-intérêts pour harcèlement moral,
* 10 000 euros à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive à l'exécution du jugement du conseil des prud'hommes,
- dire et juger que les condamnations salariales porteront intérêt au taux légal à compter de la convocation devant le bureau de conciliation et que les créances indemnitaires porteront intérêts au taux légal à compter du prononcé de l'arrêt à intervenir,
- ordonner, sous astreinte de 200 euros par jour de retard, la remise d'un bulletin de salaire récapitulatif par année concernée conforme à l'arrêt à intervenir,
- ordonner l'exécution provisoire du jugement à intervenir,
- condamner la société intimée à verser à Mme [E] la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et de la procédure d'appel,
- débouter la société Solocal de son appel incident,
- condamner la société appelante aux entiers dépens.
Par conclusions adressées par voie électronique le 12 novembre 2021, la société Solocal demande à la cour de :
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :
* débouté Mme [E] de sa demande de rappel de salaire au titre de la période de mi-temps thérapeutique allant d'octobre 2008 à mai 2009,
* débouté Mme [E] de sa demande de rappel de rémunération au titre de ses heures de délégation,
* débouté Mme [E] de ses demandes de rappel de participation et d'intéressement sur les années 2008 à 2017,
* débouté Mme [E] de ses demandes de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité 'de résultat', discrimination syndicale et harcèlement moral,
- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :
* condamné la société Solocal (anciennement Pages Jaunes) à payer à Mme [E] les sommes suivantes :
° 17 004,05 euros à titre de complément sur privation partielle de portefeuille clients,
° 1 700,04 euros au titre des congés payés afférents,
° 20 000 euros à titre de dommages-intérêts pour manquement à l'exécution loyale du contrat de travail,
° 7 214,06 euros à titre de rappels sur commissions sur ventes antérieures à l'arrêt maladie de 2012,
° 721,41 euros au titre des congés payés afférents,
* dit que le salaire de référence doit être calculé en prenant en compte le salaire effectivement perçu, l'abattement de 7 600 euros relatif aux frais professionnels, les heures de délégation calculées en application de l'accord syndical du 5 février 2004, le rappel de commission sur portefeuille ainsi que les congés payés afférents, et renvoyé les parties à leurs calculs,
* dit que la société Solocal devra transmettre à Mme [E] dans le délai d'un mois suivant la notification de la décision un bulletin de salaire récapitulatif par année concernée,
* condamné la société Solocal à payer à Mme [E] la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
* condamné la société Solocal aux entiers dépens,
et, statuant à nouveau,
A titre principal,
- juger que les demandes de Mme [E] :
* à titre de complément de rémunération pour privation abusive de portefeuille,
* à titre de rappel d'indemnités journalières pendant les arrêts de travail de 2009 et de 2012 à 2014,
* à titre de rappel de commissions sur ventes antérieures à l'arrêt maladie de 2012,
* à titre de rappel de rémunération en 'absence autorisée' puis en 'reclassement interne',
* à titre de dommages-intérêts pour manquement à l'obligation d'exécution loyale du contrat de travail,
* à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive à l'exécution du jugement du conseil de prud'hommes de Boulogne-Billancourt,
* au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
sont infondées,
en conséquence, l'en débouter,
A titre subsidiaire,
- réduire le montant des dommages et intérêts, des rappels de salaire et des rappels d'indemnités alloués à Mme [E] à plus justes proportions,
En tout état de cause,
- débouter Mme [E] des demandes qu'elle formule à titre d'appel incident,
- condamner Mme [E] à rembourser à la société Solocal la somme de 2 895,57 euros à titre de trop-perçu d'indemnités journalières de sécurité sociale,
- condamner Mme [E] aux entiers dépens.
Par ordonnance rendue le 17 novembre 2021, le magistrat chargé de la mise en état a ordonné la clôture de l'instruction et a fixé la date des plaidoiries au 17 décembre 2021.
En application de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.
MOTIFS
Sur le rappel de salaire au titre de la période de mi-temps thérapeutique
Mme [E] prétend que pendant la période de mi-temps thérapeutique d'octobre 2009 à juin 2010 (elle vise par erreur la période d'octobre 2008 à mai 2009 dans le dispositif de ses conclusions), la société Pages Jaunes a non seulement manqué à son obligation d'information mais qu'elle a aussi commis des erreurs quant au calcul du salaire de référence, en y incluant des commissions dues au titre de périodes de travail antérieures.
L'employeur s'y oppose en soulignant qu'aucun engagement conventionnel ne le contraignait à indemniser ses salariés VRP en cas de reprise à temps partiel thérapeutique, qu'en outre et compte tenu des sommes perçues par Mme [E] durant cette période, telles que récapitulées dans un tableau qu'il verse aux débats, c'est de façon tout à fait justifiée qu'elle ne s'est vu verser aucune indemnisation complémentaire d'octobre à décembre 2009 puis de février à avril 2010.
La cour retient que les explications de Mme [E] ne permettent pas d'établir comme elle le prétend qu'elle a subi à tort une perte de rémunération durant sa période de mi-temps thérapeutique.
Comme l'ont en effet justement rappelé les premiers juges, le salarié en mi-temps thérapeutique ne se trouve pas dans une situation de suspension de son contrat de travail et la convention d'entreprise Pages Jaunes du 1er janvier 2004 comme l'accord collectif du 23 avril 2007 ne prévoient le versement d'indemnités journalières complémentaires par l'employeur qu'en cas de suspension du contrat de travail pour maladie.
En outre, selon l'article 323-3 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue du décret n°85-1353 du 17 décembre 1985, « En cas de reprise du travail, l'indemnité journalière peut être maintenue en tout ou en partie pendant une durée fixée par la caisse, mais ne pouvant excéder une durée déterminée :
1°) soit si la reprise du travail et si le travail effectué sont reconnus comme étant de nature à favoriser l'amélioration de l'état de santé de l'assuré ;
2°) soit si l'assuré doit faire l'objet d'une rééducation ou d'une réadaptation professionnelle pour recouvrer un emploi compatible avec son état de santé.
Sauf cas exceptionnel que la caisse appréciera, le montant de l'indemnité maintenu ne peut porter le gain total de l'assuré à un chiffre excédant le salaire normal des travailleurs de la même catégorie professionnelle. »
L'indemnité visée par ce texte répond ainsi à des critères précis et la caisse primaire d'assurance maladie a seule qualité pour en apprécier et fixer le montant.
Le jugement doit en conséquence être confirmé en ce qu'il a débouté la salariée de sa demande de dommages-intérêts pour perte de rémunération pendant le mi-temps thérapeutique.
Sur la privation partielle de portefeuille clients
Mme [E] expose qu'à chaque édition, la société Pages Jaunes confie à chaque VRP un 'portefeuille cible' (base de leur salaire puisque les conseillers commerciaux sont rémunérés uniquement à la commission) calculé sur 211 jours de travail, que pour l'édition 2010, le portefeuille cible a été fixé à 624 124 euros, que compte tenu de son arrêt de travail et de son mi-temps thérapeutique, elle a grossièrement évalué un abattement de 30 % sur ce montant soit un portefeuille cible estimé à 436 800 euros, que cependant lors des affectations, elle a été choquée de constater que seulement 355 773 euros (190 clients qu'elle affirme ne pas connaître pour la grande majorité) lui ont été attribués, qu'elle s'est estimée lésée et n'a pas obtenu de sa responsable hiérarchique les explications sollicitées, qu'elle a saisi l'inspection du travail qui est intervenue en vain auprès de l'employeur, que cette réduction abusive du portefeuille a affecté sa rémunération et a aussi entraîné les années suivantes une diminution de son taux horaire de délégation syndicale calculé sur la base de la DADS N-1. Elle soutient que la société Pages Jaunes n'a pas respecté ses engagements contractuels et que la répartition géographique sur les trois départements prospectés (Var, Vaucluse, Bouches-du-Rhône) comme l'écart de montant se sont accentués d'édition en édition, en corrélation avec le nombre grandissant de jours de délégation syndicale, ce qui a eu pour conséquence de la laisser en 'sous-activité' en période de prospection du Var tandis que ses mandats syndicaux ne lui permettaient pas d'accomplir correctement sa mission de VRP sur le Vaucluse et les Bouches-du-Rhône.
Elle évalue le manque à gagner sur le département du Var pour les éditions 2010 à 2012 au montant de 17 004,05 euros, déduction faite de l'arrêt maladie, du temps partiel, de trois semaines de congés payés et des jours de délégation syndicale. Elle sollicite le paiement de cette somme et des congés payés afférents.
La société Solocal (ex Pages Jaunes) rétorque que Mme [E] s'est vu affecter un portefeuille de clients pour chaque édition, dans les mêmes conditions que les autres conseillers commerciaux, que l'ensemble des règles d'affectation du portefeuille commercial, telles que fixées par le 'Plan d'Evolution Commerciale de Pages Jaunes' de 2002, a été parfaitement respecté à son égard pour les éditions 2010, 2011 et 2012.
Elle rappelle que si la valeur du portefeuille cible de chaque commercial est arrêtée en début d'édition, celui-ci est néanmoins distribué progressivement tout au long de l'édition en fonction des dates de forclusion de prospection des départements, qu'il est également fréquemment réajusté en fonction des différentes absences des salariés ou de la non-atteinte par ces derniers des objectifs de productivité, qu'un contrôle est ensuite effectué en fin d'édition sur la base d'un comparatif entre le portefeuille réellement livré et le portefeuille dû.
Sur ce, l'article 2 du contrat de travail relatif à la zone de prospection prévoit :
« La société Pages jaunes SA s'engage à mettre à disposition de chaque zone groupe un portefeuille global en fonction du nombre de collaborateurs d'une même catégorie de celle-ci. La société Pages Jaunes SA s'engage par ailleurs à confier à l'intéressé(e), pour chaque édition et selon des modalités et conditions définies par elle, un portefeuille de base individuel à prospecter, auquel pourra s'ajouter un portefeuille complémentaire en fonction de ses performances individuelles. Le montant du portefeuille confié est fixé par zone groupe (zone de prospection), pour l'édition. Son montant pourra éventuellement être augmenté à chaque édition dans le cadre de la négociation annuelle obligatoire. (...)
L'intéressé(e) est affecté(e) à une zone de prospection géographique comprenant plusieurs départements dont son département de résidence. (...)
Dans le cadre de chaque zone de prospection et conformément aux usages de la société, la Direction se réserve le droit de procéder quand elle le jugera nécessaire, à toutes modifications relatives à la répartition des secteurs de prospection. (...) »
Il ressort par ailleurs du 'Plan d'Evolution Commerciale de Pages Jaunes' de 2002, fixant les règles d'affectation des portefeuilles, que pour chaque édition de prospection, dont les dates sont définies par le directeur d'agence, l'employeur définit un portefeuille cible à attribuer, en fonction de la zone de prospection du VRP ; que le portefeuille confié à un VRP s'entend pour une période de prospection de 211 jours travaillés, cette durée ayant été définie en concertation avec les organisations syndicales ; que ce portefeuille est adapté lorsque le temps de travail du salarié est inférieur, notamment en cas de mandats électifs ou syndicaux et conformément à ce qui est défini dans l'accord de droit syndical du 5 février 2004, afin de veiller d'une part, à ce que le salarié ait une charge de travail compatible avec sa durée de présence et d'autre part, que tous les clients de la société puissent bien être prospectés.
La cour relève que la salariée concentre ses explications sur le département du Var et qu'elle produit un tableau (sa pièce E) destiné à démontrer la réduction du portefeuille qui lui a été confié sur ce département entre les éditions 2009 et 2012. L'analyse ne peut cependant être réalisée sur ce seul département dès lors que sa zone de prospection englobait également les départements du Vaucluse et des Bouches-du-Rhône.
Or, Mme [E] ne produit pas d'élément permettant utilement à la cour d'apprécier si elle a été effectivement lésée, comme elle le prétend, étant observé en tout état de cause et même en limitant l'analyse au seul département du Var, que les tableaux fournis par l'employeur justifient d'une cohérence entre le nombre de clients affectés à la salariée et ses absences.
Le jugement entrepris sera infirmé en ce qu'il a condamné la société Solocal à lui verser un complément sur privation partielle de portefeuille clients.
Sur les heures de délégation syndicale
Mme [E] sollicite le versement de la somme de 42 157,70 euros, outre congés payés afférents, à titre de rappel d'heures de délégation. Elle soutient que l'application du mode de calcul repris dans l'accord de droit syndical contrevient au principe légal de la rémunération des heures de délégation comme temps de travail ainsi qu'au principe d'égalité de traitement puisque les représentants du personnel qui résident et travaillent en un lieu éloigné du siège, où se tiennent les réunions, se trouvent défavorisés par rapport à ceux qui travaillent en région parisienne.
La société Solocal réplique que la demande de la salariée est totalement infondée dès lors que le système qui lui est appliqué lui est nettement plus favorable que les règles jurisprudentielles fixées en la matière.
Il résulte ainsi des explications et des pièces fournies par l'employeur qu'un accord de droit syndical conclu au sein de la société Pages Jaunes le 5 février 2004 a notamment pris en compte les spécificités du statut de VRP afin de calculer la rémunération des heures de délégation. Si cet accord a par la suite été dénoncé, l'accord de substitution signé le 25 juin 2009 a fait l'objet d'une opposition majoritaire le 2 juillet 2009 et les dispositions de l'accord du 5 février 2004 ont continué à s'appliquer jusqu'en mai 2014, date à laquelle un nouvel accord de droit syndical a été signé.
Les modalités d'indemnisation des heures de délégation des commerciaux titulaires d'un mandat ayant une rémunération totalement variable sont prévues par l'article 2.2.6 de l'accord de droit syndical du 5 février 2004, qui est ainsi rédigé :
« Lorsque les vendeurs élus ou désignés par leurs organisations syndicales assistent à des réunions avec la Direction au siège ou en agence, ils perçoivent une rémunération forfaitaire prenant en compte leur temps de déplacement.
Le montant de cette indemnité diffère selon le temps de la réunion et l'éloignement des personnes.
Pour les vendeurs amenés à se déplacer (venus de province au siège ou allant du siège en agence ou d'une agence à l'autre), dont les frais de déplacement sont pris en charge par Pages Jaunes, une réunion avec la Direction quelle que soit sa durée sera estimée à une journée. Cette indemnité sera égale à 1/212ème du salaire brut de l'année précédente tel qu'il apparaît sur la DADS (abattu du montant des frais professionnels calculés forfaitairement sur la base de 30% limité à 7 600 euros), un prorata étant appliqué en cas d'exercice incomplet.
Pour les réunions dites de courte durée (une 1/2 journée) avec la Direction, se déroulant au siège ou en agence, l'indemnisation forfaitaire des vendeurs qui n'auront pas à se déplacer (de province au siège ou du siège en agence ou d'agence à agence ou hors zone) sera égale à 50% de 1/212 ème du salaire brut de l'année précédente tel qu'il apparaît sur la DADS, un prorata étant appliqué en cas d'exercice incomplet. (...)
Un représentant du personnel ne devant être ni favorisé, ni défavorisé du fait de son mandat par rapport aux autres salariés appartenant à la même catégorie professionnelle, il est prévu que l'évolution du montant de l'indemnisation de ses heures de délégation ne pourra être supérieure à l'évolution de la moyenne nationale de la catégorie à laquelle il appartient dès lors qu'il aura plus de 2 ans d'ancienneté dans le poste ».
Il résulte de ces dispositions que les temps de déplacement sont bien couverts par la rémunération des heures de délégation et qu'il est tenu compte de l'éloignement des représentants du personnel du lieu des réunions, sans que puisse être retenue l'économie alléguée des heures de travail et l'inégalité de traitement dénoncée. La base de calcul retenue, à savoir la Déclaration Annuelle Des Données Sociales (DADS) de l'année précédente, apparait effectivement plus favorable puisqu'elle comprend l'ensemble des commissions perçues mais aussi la rémunération des heures de délégation et les congés payés, alors que le calcul s'opère en principe pour les salariés, comme Mme [E], dont la rémunération est constituée intégralement de commissions, sur la seule base des commissions perçues au cours de l'année N-1.
En outre et contrairement à ce que soutient la salariée, le taux horaire appliqué par l'employeur est demeuré stable sur la période de 2009 à 2012.
Les premiers juges méritent donc d'être suivis en ce qu'ils ont retenu que la société Solocal avait strictement appliqué les dispositions conventionnelles et en ce qu'ils ont débouté en conséquence Mme [E] de sa demande de rappel d'heures de délégation.
Sur le rappel d'indemnités journalières pendant les arrêts maladie de 2009 et de 2012 à 2014
Mme [E] prétend qu'elle n'a pas perçu l'intégralité des indemnités auxquelles elle avait droit pendant ses arrêts maladie. Elle fait valoir que la société Pages Jaunes s'est basée sur un salaire de référence erroné en n'appliquant pas à l'indemnité complémentaire versée par l'entreprise un plafonnement de 7 600 euros pour les frais professionnels et en opérant sur les indemnités Malakoff Médéric un double abattement de charges salariales (le premier par un taux de charges moyen de 20,20 % à son désavantage et le second en déduisant à nouveau des charges salariales sur un salaire de référence net).
La société Solocal réplique qu'outre le versement des indemnités journalières de sécurité sociale, Mme [E] a régulièrement bénéficié, du fait de ses arrêts de travail supérieurs à 30 jours, de l'ensemble des dispositifs de prise en charge de rémunération en vigueur au sein de l'entreprise, à savoir des indemnités journalières complémentaires de celles servies par la sécurité sociale telles que prévues par l'accord d'entreprise du 1er janvier 2004 ainsi que des compléments versés par le régime de prévoyance [Localité 4]-Médéric ; que les demandes de la salariée au titre de la partie relative au versement d'un complément de rémunération par l'employeur procèdent d'une interprétation erronée des dispositions de l'accord du 1er janvier 2004 ; que l'intéressée n'a pas plus été lésée pour ce qui concerne le versement des indemnités journalières par l'organisme de prévoyance. Elle ajoute que la salariée se trouve même être débitrice de la société Solocal au titre de son arrêt de travail ayant débuté le 13 janvier 2012, dès lors qu'elle a perçu de la CPAM de manière directe et alors que le mécanisme de la subrogation était effectif, la somme de 2 895,57 euros, en raison d'une erreur administrative de la société. Elle indique qu'à ce jour, elle n'a toujours pas été remboursée de cette somme.
L'employeur justifie ainsi qu'au regard de son ancienneté et conformément aux dispositions de l'accord du 1er janvier 2004, Mme [E] s'est vu verser par l'entreprise pendant 75 jours un complément de rémunération calculé sur la base de la rémunération perçue sur les 12 derniers mois d'activité, après abattement pour frais professionnels. Contrairement à ce que soutient la salariée, aucun plafond ne doit être appliqué à cet abattement pour frais professionnels, le plafond dont il est fait état dans l'accord susvisé (article 1/4) comme dans l'accord national interprofessionnel applicable aux VRP (article 8), soit 'le plafond du régime de retraite des cadres institué par la convention collective du 14 mars 1947', s'appliquant à la 'rémunération moyenne mensuelle de l'intéressé afférente aux 12 derniers mois d'activité' et non à l'abattement pour frais professionnels, de sorte que le calcul effectué par la société Pages Jaunes au titre du maintien de rémunération doit être considéré comme exact.
S'agissant des indemnités de prévoyance, l'employeur explicite qu'il n'opère pas de subrogation, mais qu'il compense cette absence de subrogation par des 'avances prévoyance' dans l'hypothèse où les paiements de l'assureur ne sont pas réguliers chaque mois, et ce afin que le salarié ne soit pas pénalisé par un retard de gestion. Il justifie s'agissant de l'arrêt de travail ayant débuté le 13 janvier 2012 que si décalage il y a eu dans les versements, ce décalage a été régularisé sur le bulletin de paie du mois d'août 2012 et que depuis, la salariée perçoit de manière lissée les sommes qui lui sont dues au titre des indemnités complémentaires versées par l'assureur au titre de la prévoyance, étant observé que l'intéressée a dû être relancée pour transmettre à l'employeur les bordereaux de paiement des indemnités journalières de sécurité sociale.
Il est par ailleurs démontré que Mme [E] a perçu l'ensemble des sommes qui lui étaient dues au titre de la prévoyance, celle-ci retenant une assiette de calcul erronée pour calculer l'indemnisation qu'elle estime lui être due. En effet, selon le 'Guide pratique prévoyance' qu'elle produit elle-même, l'indemnisation est déterminée à partir des 'rémunérations mensuelles nettes versées au cours des douze derniers mois précédant celui de l'arrêt de travail et ayant donné lieu à cotisation'. Or, la salariée a retenu comme assiette de calcul la même assiette que pour le maintien de rémunération à la charge de l'employeur, soit un salaire brut. En outre, elle a omis de tenir compte des indemnités journalières de sécurité sociale qu'elle continuait à percevoir alors que selon le guide susvisé, le montant versé par la prévoyance est calculé 'en 360° du salaire net de référence, sous déduction des indemnités de la sécurité sociale (et versements employeur)'.
Au vu de ces constatations, Mme [E] sera déboutée de sa demande de rappel d'indemnités journalières.
La cour constate ensuite que l'employeur justifie avoir versé à Mme [E] la somme de 2 895,57 euros durant son arrêt maladie tandis que l'attestation de paiement des indemnités journalières pour la période du 13 janvier au 9 mai 2012 établit qu'elle a dans le même temps perçu directement des indemnités journalières de sécurité sociale de la CPAM, ce que la salariée ne discute au demeurant pas.
Il convient en conséquence de condamner Mme [E] à rembourser à la société Solocal la somme de 2 895,57 euros à titre de trop-perçu d'indemnités journalières de sécurité sociale.
Sur le rappel de commissions sur ventes antérieures à l'arrêt maladie de 2012
Mme [E] sollicite le versement d'un rappel de commissions sur les ventes antérieures à son arrêt maladie du 13 janvier 2012, soit la somme de 7 214,06 euros, outre les congés payés afférents.
La société Solocal s'y oppose en faisant valoir que la salariée a omis dans ses calculs de tenir compte de plusieurs avances sur commissions dont elle a bénéficié, qu'afin d'éviter une paye négative, elle a en effet décidé de lui verser en juin et septembre 2011 deux avances sur commissions de 7 500 euros et de 5 237,92 euros, ces avances ayant été reprises lors de l'établissement des comptes finaux de l'édition.
Outre cependant que la salariée verse aux débats des échanges de courriels avec la direction des ressources humaines de mai, juillet et septembre 2011, dont il ressort que les sommes évoquées par l'employeur concernent non pas des avances sur commissions mais pour l'une (7 500), une avance exceptionnelle et pour l'autre (5 237,92), une reprise effectuée à tort sur des heures de réunion des mois de juin, juillet et août 2011, la cour constate que la société Solocal ne s'explique pas davantage sur le rappel de commissions sollicité.
Au regard des explications précises de la salariée ainsi que de ses calculs, il convient en conséquence de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société Solocal à lui verser la somme réclamée, outre les congés payés afférents.
Mme [E] apparaît par ailleurs fondée à solliciter la remise par la société Solocal d'un bulletin de paie récapitulatif conforme à la décision, par infirmation du jugement entrepris, les circonstances de l'espèce ne nécessitant pas d'assortir cette obligation d'une astreinte.
Sur le salaire en 'absence autorisée' puis en 'congé reclassement interne'
Mme [E] énonce ici que depuis le 1er avril 2014, date de son avis d'inaptitude, elle a été laissée sans activité, rémunérée en 'absence autorisée' à compter du bulletin de salaire de juin 2014 puis en 'congé de reclassement interne' depuis le 24 mai 2018, sur une base erronée et défavorable. Elle estime que la société Solocal reste lui devoir la somme de 393 042,72 euros arrêtée à août 2021, après intégration au salaire de base déclaré dans l'attestation de salaires, du rappel d'heures de délégation syndicale, des commissions sur portefeuille Var et des congés payés afférents, du rappel de commissions sur ventes antérieures à 2012 et après prise en compte d'un abattement pour frais professionnels plafonné à 7 600 euros.
La société Solocal soutient qu'elle a correctement calculé le maintien de rémunération et que la salariée a été pleinement remplie de ses droits suite au prononcé de son inaptitude. Elle précise que la principale erreur de calcul commise par la salariée résulte du fait qu'elle retient sa rémunération annuelle brute au titre de l'année 2011, en plafonnant la déduction de la part de ses commissions correspondant à la prise en charge de ses frais professionnels alors que ce plafond ne s'applique pas.
La cour a d'ores et déjà énoncé que l'argumentation de la salariée se fondait sur un salaire de référence annuel erroné dès lors qu'aucun plafond ne doit être appliqué à l'abattement pour frais professionnels.
Les demandes de rappel d'heures de délégation syndicale et de complément sur privation partielle de portefeuille clients ayant pour leur part été écartées, il y a lieu de débouter Mme [E] de sa demande de ce chef, la cour ne pouvant en outre suivre les premiers juges dans le mode de calcul qu'ils ont retenu du salaire de référence.
Sur le rappel de participation et d'intéressement
Mme [E] sollicite le versement d'un rappel de participation à hauteur de 17 439 euros au titre des années 2009 à 2018 ainsi que d'un rappel d'intéressement à hauteur de 3 061 euros au titre des années 2009 à 2012, soit la somme totale de 20 500 euros.
Elle produit un tableau de calcul détaillé de la participation et de l'intéressement qu'elle estime lui rester dues.
Cependant, elle ne fournit aucun élément fondant ce calcul au regard des règles applicables au sein de l'entreprise relativement à la participation et à l'intéressement, sa seule référence au tableau produit par la société Solocal en pièce n° 73 étant inopérante à ce titre.
Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a débouté la salariée de cette demande.
Sur l'obligation de sécurité
Mme [E] reproche à son employeur un manquement à son obligation de sécurité en n'organisant pas les visites médicales obligatoires dans les temps impartis. Elle invoque ainsi :
- l'absence de visite médicale dans les délais lors de la reprise du 1er octobre 2009 en temps partiel thérapeutique,
- le non-respect de l'obligation d'organiser une visite dans les deux mois suite à l'avis d'aptitude du 1er décembre 2010,
- le refus d'initier une visite médicale de reprise depuis le 1er juin 2017.
Si l'organisation de la visite de reprise trois semaines après la fin de l'arrêt maladie de 2009 n'est pas utilement contestée par la société Solocal, il ressort des pièces produites aux débats que la salariée a bénéficié d'un suivi médical régulier, comme l'ont relevé les premiers juges au vu des comptes-rendus de visite de 2009, 2010, 2014 et 2016.
Cependant, la cour observe que tandis que la salariée a été en mi-temps thérapeutique jusqu'au mois de juin 2010, le fait de ne pas donner suite à la demande de la médecine du travail de revoir l'intéressée deux mois après la visite du 1er décembre 2010 lui a causé un préjudice au regard du suivi qui s'imposait de son état de santé.
Dès lors, et bien que la réponse apportée par la société Solocal sur le troisième grief soit bien fondée, la cour la condamnera, par infirmation du jugement entrepris, à verser à Mme [E] la somme de 1 000 euros à titre de dommages-intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité.
Sur l'obligation loyale d'exécution du contrat de travail
Mme [E] invoque plusieurs manquements de la société Solocal à son obligation d'exécution loyale du contrat de travail. Elle allègue ainsi :
- de l'absence d'information sur le contrat d'entreprise avec Malakoff Médéric,
- des délais pour initier la mise en place des versements d'indemnités journalières,
- de l'évitement quant au déclenchement de la caisse de solidarité tel que préconisé par un membre du CHSCT le 13 juin 2012,
- du non-respect des montants et zones de prospection clientèle tel que mentionné dans ce même PV de CHSCT,
- du calcul erroné du salaire de référence,
- des modifications décidées unilatéralement des conditions de règlement des rémunérations,
- du non-respect de l'Accord Handicap du 6 mars 2012,
- des tentatives réitérées de la licencier en lieu et place d'une recherche réelle, sérieuse et loyale de reclassement.
Si les six premiers manquements n'apparaissent pas utilement démontrés, c'est à juste titre et par des motifs pertinents que la cour adopte que les premiers juges ont retenu, s'agissant des deux derniers griefs, que l'employeur avait manqué de diligence dans la prise en charge de la salariée ainsi que dans la recherche de postes de reclassement et qu'ils ont condamné la société Solocal à l'indemniser à hauteur de la somme de 20 000 euros en réparation du préjudice subi.
Sur la discrimination syndicale
Mme [E] invoque une discrimination à raison de ses activité syndicales.
Aux termes de l'article L. 2145-5, alinéa 1 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2015-994 du 17 août 2015, « Il est interdit à l'employeur de prendre en considération l'appartenance à un syndicat ou l'exercice d'une activité syndicale pour arrêter ses décisions en matière notamment de recrutement, de conduite et de répartition du travail, de formation professionnelle, d'avancement, de rémunération et d'octroi d'avantages sociaux, de mesures de discipline et de rupture du contrat de travail. »
En outre, selon l'article L. 1132-1 du même code, dans sa rédaction issue de la loi n° 2016-832 du 24 juin 2016, « aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie à l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, notamment en matière de rémunération, au sens de l'article L. 3221-3, de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison (...) de ses activités syndicales (...) ».
L'article L. 1134-1 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008, prévoit qu'en cas de litige relatif à l'application de ce texte, le salarié concerné présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte, au vu desquels il incombe à l'employeur de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination, et le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.
Mme [E] soutient que la privation abusive d'une partie de son portefeuille est contemporaine de la prise de ses premiers mandats de représentant du personnel et que ses évaluateurs ont évoqué explicitement ses mandats et heures de délégation dans ses évaluations.
Outre cependant que la privation partielle de portefeuille clients n'a pas été établie, il ressort des pièces versées aux débats que Mme [E] avait des échanges réguliers avec ses supérieurs hiérarchiques sur l'adaptation de sa charge de travail à ses activités syndicales et ce, conformément aux dispositions de l'article 2.3 de l'accord de droit syndical du 5 février 2004 qui prévoit que :
« (...) La hiérarchie devra se concerter avec le représentant du personnel pour adapter dans la mesure du possible l'organisation du travail compte tenu de ses mandats, afin de tenir compte de sa disponibilité et des exigences de l'emploi. (...)
Les représentants du personnel doivent être évalués par leur responsable hiérarchique comme tout salarié de l'entreprise par référence aux résultats professionnels constatés dans le cadre de l'activité professionnelle. Toutefois, les éventuels effets induits liés à l'exercice de l'activité syndicale des représentants du personnel tant sédentaires que commerciaux (les résultats obtenus peuvent être moins que proportionnels au nombre de jours de présence sur le poste de travail), seront pris en compte pour la fixation des objectifs lors de l'entretien annuel d'évaluation avec leur supérieur hiérarchique. (...) »
Ainsi, en l'état des explications et des pièces fournies, la matérialité d'éléments de fait précis et concordants laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte n'est pas démontrée.
Le jugement entrepris doit en conséquence être confirmé en ce qu'il a débouté la salariée de sa demande de dommages-intérêts pour discrimination syndicale.
Sur le harcèlement moral
Mme [E] prétend également avoir été victime de harcèlement moral de la part de son employeur.
Aux termes de l'article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
L'article L. 1154-1 du même code prévoit qu'en cas de litige, le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement. Au vu de ces éléments, il incombe alors à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
Il résulte de ces dispositions que, pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral, il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral au sens de l'article L. 1152-1 du code du travail. Dans l'affirmative, il revient au juge d'apprécier si l'employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
En l'espèce, Mme [E] invoque des conditions de travail dégradées, une évolution professionnelle entravée, une dégradation de son état de santé.
La cour observe cependant s'agissant de ses conditions de travail, que contrairement à ce qui est allégué, la société Solocal a respecté les règles d'attribution des portefeuilles clients, que les courriels dont se prévaut la salariée ne contiennent pas de termes désobligeants, les deux attestations produites par l'intéressée ne permettant pas de contredire utilement ces constatations.
La salariée n'établit pas non plus que son évolution professionnelle a été entravée, les éléments produits aux débats démontrant au contraire qu'en 2009, elle a été intégrée à la 'pépinière Master' en vue de son évolution vers un poste de conseillère commerciale Master et qu'en 2015, l'employeur lui a financé une formation de coach de plus de 20 000 euros.
Il s'ensuit qu'en l'état des explications et des pièces fournies, la matérialité d'éléments de faits précis et concordants laissant supposer, dans leur ensemble, l'existence d'un harcèlement moral n'est pas démontrée, la justification d'un lien entre les arrêts maladie et les conditions de travail ne se déduisant ainsi pas des éléments en présence .
La demande de dommages-intérêts au titre du harcèlement moral sera donc rejetée par confirmation du jugement entrepris.
Sur la résistance abusive à l'exécution du jugement
Mme [E] sollicite la condamnation de la société Solocal à lui verser une indemnité de 10 000 euros pour résistance abusive au motif qu'elle n'a pas procédé à l'exécution provisoire du jugement rendu le 29 mars 2019 par le conseil de prud'hommes de Boulogne-Billancourt.
Si, selon les termes de sa décision, le conseil de prud'hommes a notamment renvoyé les parties à leurs calculs et les a invitées à saisir la juridiction faute d'accord, il ne saurait être spécifiquement reproché à la société Solocal de n'avoir communiqué aucun calcul à la salariée, comme celle-ci le fait valoir, dans la mesure où cette démarche a été mise à la charge des deux parties.
La société Solocal justifie en outre avoir établi un bulletin récapitulatif tenant compte des rappels de rémunération accordés, étant observé qu'il n'est pas discuté que les sommes correspondantes ont bien été versées à Mme [E], laquelle ne peut valablement se plaindre d'avoir dû payer des impôts sur ces sommes.
La salariée apparait ainsi mal fondée en sa demande indemnitaire, de sorte qu'elle en sera déboutée.
Sur les intérêts moratoires
Les créances de nature salariale porteront intérêts au taux légal à compter de la réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes, soit en l'espèce le 21 décembre 2012, et les créances indemnitaires porteront intérêts au taux légal à compter du jugement de première instance en cas de confirmation et, à défaut, à compter de la présente décision.
Sur les dépens et les frais irrépétibles
La société Solocal supportera les dépens en application des dispositions de l'article'696 du code de procédure civile.
Elle sera en outre condamnée à payer à Mme [E] une indemnité sur le fondement de l'article'700 du code de procédure civile, que l'équité et la situation économique respective des parties conduisent à arbitrer à la somme de 2 500 euros au titre des frais irrépétibles de première instance, qui sont donc confirmés, et 1'500'euros au titre des frais irrépétibles d'appel.
PAR CES MOTIFS
La COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
CONFIRME le jugement rendu le 29 mars 2019 par le conseil de prud'hommes de Boulogne-Billancourt sauf en ce qu'il a condamné la société Solocal à verser à Mme [T] [E] un complément de rémunération pour privation partielle de portefeuille clients, outre congés payés afférents, en ce qu'il a débouté Mme [T] [E] de sa demande de dommages-intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité, en ce qu'il a donné un mode de calcul du salaire de référence et en ce qu'il a ordonné à la société Solocal de remettre à Mme [T] [E] un bulletin de salaire récapitulatif par année ;
Statuant à nouveau et y ajoutant,
CONDAMNE la société Solocal à verser à Mme [T] [E] la somme de 1 000 euros à titre de dommages-intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité, avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt ;
ORDONNE à la société Solocal de remettre à Mme [T] [E] un bulletin de paie récapitulatif conforme à la décision ;
DIT n'y avoir lieu à astreinte de ce chef ;
CONDAMNE Mme [T] [E] à rembourser à la société Solocal la somme de 2 895,57 euros à titre de trop-perçu d'indemnités journalières de sécurité sociale ;
DÉBOUTE Mme [T] [E] de sa demande de complément de rémunération pour privation abusive de portefeuille et de sa demande de dommages-intérêts pour résistance abusive à l'exécution du jugement du conseil de prud'hommes ;
CONDAMNE la société Solocal à verser à Mme [T] [E] la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
DÉBOUTE la société Solocal de sa demande de ce chef ;
CONDAMNE la société Solocal aux dépens.
Arrêt prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour,les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code procédure civile et signé par Madame Isabelle VENDRYES, Président, et par Madame BOUCHET-BERT Elodie,Greffière,auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER,LE PRÉSIDENT,