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19/05/2022 | FRANCE | N°19/03120

France | France, Cour d'appel de Versailles, 6e chambre, 19 mai 2022, 19/03120


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 80C



6e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 19 MAI 2022



N° RG 19/03120 - N° Portalis DBV3-V-B7D-TL6F



AFFAIRE :



Madame [R] [A]





C/

S.A.S. PATER HOLDING

...



Décision déférée à la cour : Jugement rendu(e) le 17 Juillet 2019 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NANTERRE / FRANCE

N° Chambre :

N° Section : E

N° RG : F 15

/00999



Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :



Me Christine LUSSAULT



Me Stéphanie TERIITEHAU



Me François TEYTAUD





le : 20 Mai 2022





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE DIX-...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80C

6e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 19 MAI 2022

N° RG 19/03120 - N° Portalis DBV3-V-B7D-TL6F

AFFAIRE :

Madame [R] [A]

C/

S.A.S. PATER HOLDING

...

Décision déférée à la cour : Jugement rendu(e) le 17 Juillet 2019 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NANTERRE / FRANCE

N° Chambre :

N° Section : E

N° RG : F 15/00999

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Christine LUSSAULT

Me Stéphanie TERIITEHAU

Me François TEYTAUD

le : 20 Mai 2022

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE DIX-NEUF MAI DEUX MILLE VINGT DEUX ,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant,fixé au 24 Mars 2022,puis prorogé au 19 Mai 2022, les parties ayant été avisées, dans l'affaire entre :

Madame [R] [A]

née le 22 Juillet 1964 à [Localité 3]

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par : Me Christine LUSSAULT de la SELARL CL AVOCATS, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : A0637

APPELANTE

****************

SAS PATER HOLDING

N° SIRET : 534 084 157

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée par : Me Marie-Alice JOURDE de l'AARPI JASPER AVOCATS, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P82 ; et Me Stéphanie TERIITEHAU de la SELEURL MINAULT TERIITEHAU, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 732.

SAS ACTIVA CAPITAL

N° SIRET : 428 998 710

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée par : Me Pascale THERAULAZ BENEZECH de la SELEURL Cabinet Pascale THERAULAZ-BENEZECH, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : D1891 ; et Me François TEYTAUD de l'AARPI TEYTAUD-SALEH, Postulant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : J125.

INTIMES

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 04 Février 2022 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Nathalie GAUTRON-AUDIC, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Isabelle VENDRYES, Président,

Madame Valérie DE LARMINAT, Conseiller,

Madame Nathalie GAUTRON-AUDIC, Conseiller,

Greffier lors des débats : Mme Elodie BOUCHET-BERT,

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

La SAS Pater Holding a pour activité principale l'acquisition, la souscription, la détention, la gestion et la cession de parts sociales et de valeurs mobilières dans des sociétés ou entités juridiques françaises ou étrangères. Elle emploie plus de dix salariés.

La SAS Primavista, qui est une filiale à 100 % de la société Pater Holding, exerce une activité similaire et détient plusieurs filiales ayant pour activité la photographie en maternité, à domicile et en milieu scolaire ainsi que des activités de marketing direct offline et online.

Au mois d'octobre 2011, la société Activa Capital, société de capital-investissement, a pris une participation majoritaire dans le capital du Groupe Primavista dans le cadre d'une opération de leverage buy-out (rachat avec effet de levier).

Du 14 novembre 2013 au 31 mars 2014, Mme [R] [A], née le 22 juillet 1964, est intervenue au profit du groupe Primavista en qualité de directeur de projet, dans le cadre d'un contrat de management de transition avec la société Transitio-Eurosearch dont elle était salariée.

Mme [A] a par la suite été engagée par la société Pater Holding en qualité de directrice des ressources humaines groupe, statut cadre, selon contrat de travail à durée indéterminée du 1er avril 2014, moyennant une rémunération annuelle brute de 130 000 euros, soit une rémunération mensuelle de 10 833,30 euros, outre une rémunération variable annuelle pouvant atteindre 40 000 euros à objectifs atteints.

Elle a été en arrêt de travail du 3 décembre au 18 décembre 2014, arrêt prolongé jusqu'au 28 janvier 2015.

Par courrier du 23 janvier 2015, Mme [A] a été mise à pied à titre conservatoire et convoquée à un entretien préalable qui s'est tenu le 6 février 2015. Elle s'est vu notifier son licenciement pour faute grave par lettre du 23 février 2015 :

« (...) Vous avez été embauchée par la société Pater Holding le 1er avril 2014, dans un contexte de remise à niveau de la fonction RH. Votre grande expérience professionnelle de plus d'une trentaine d'années comme directrice des ressources humaines, notamment dans de grands groupes, a été un élément déterminant lors de votre recrutement.

Vous avez été en arrêt maladie à compter du 3 décembre 2014, et ce de façon continue jusqu'à ce jour.

Durant cette période vous avez continué de votre seule initiative à donner des instructions aux salariés du service RH dont vous aviez la responsabilité, et vous avez traité les éléments de paie des 4 salariés de la société Pater Holding sur le mois de décembre 2014 puis jusqu'au 20 janvier 2015 sans daigner en transmettre les codes d'accès.

C'est à la suite de votre absence, et avec la plus grande surprise que nous avons découvert, en reprenant tant bien que mal les dossiers, des manquements préoccupants dans la gestion de votre périmètre.

1. Suivi défaillant des dossiers contentieux

Il est apparu, lorsque nous avons dû reprendre le suivi des dossiers contentieux, qu'il n'y avait eu aucun suivi professionnel des contentieux à un double degré :

Tout d'abord, sur le plan procédural :

- le 26 mai 2014 à midi, vous avez transmis au cabinet La Garanderie & Associés une convocation en référé pour le lendemain 27 mai à 9 heures alors que la convocation avait été réceptionnée le 29 avril (dossier [C]-[B]) et une seconde convocation en référé pour le 30 mai alors même que la convocation était datée du 2 mai (dossier [I]) ;

- le 3 juin 2014 à 16 heures 08, vous avez adressé une convocation devant la formation de référé pour le lendemain à 13 heures alors que celle-ci était parvenue à l'entreprise au début du mois de mai (dossier [S]) ;

- une lettre d'excuse et de représentation a été envoyée le mercredi 22 octobre 2014 à 10 heures 23 pour une audience de conciliation qui se tenait le même jour à 9 heures (dossier du Luart) ;

- le 29 octobre 2014 à 20 heures 13, le cabinet a reçu les conclusions de Maitre Coutant, avocat de Madame [G], sollicitant des mesures provisionnelles pour l'audience de conciliation du 30 octobre à 9 heures ;

Aucune convocation n'avait été adressée au cabinet d'avocat chargé de défendre l'entreprise, qui ne connaissait pas ce dossier dont il n'avait même pas été saisi, et qui a réussi en catastrophe à faire retenir cette audience et à se présenter pour soutenir la défense des intérêts de l'entreprise, dans un dossier où elle ne disposait d'aucun autre élément que les pièces adverses ;

- dans le dossier [I], le cabinet en charge de ce dossier a appris de son confrère, Maître [T], le 17 novembre au matin, que se tenait une audience de conciliation le jour même.

Vous n'aviez pas transmis la convocation à l'audience de conciliation alors que cette dernière avait été adressée à la société le 17 octobre 2014.

L'ensemble de ces procédures mettaient par ailleurs à jour de sérieuses difficultés dans les dossiers présentés ci-dessous :

- [C]-[B], [I], [L]

Ces trois anciens salariés ont été contraints de saisir la formation de référé du conseil de prud'hommes pour obtenir le paiement de leur solde de tout compte ainsi que les documents de fin de contrat (attestation Pôle emploi notamment) qui ne leur avaient pas été remis.

- Dossier [X] [I]

Vous n'avez pas levé la clause de non-concurrence prévue dans le contrat de travail et avez fait valoir auprès de l'avocat de l'entreprise que l'avocat de Monsieur [I] vous avait indiqué qu'elle ne serait pas valable. Dans la mesure où l'avocat de Monsieur [I] a finalement saisi le conseil de prud'hommes afin de demander le paiement de l'indemnité de non-concurrence, votre manquement à mettre en 'uvre les moyens permettant de défendre les intérêts de l'entreprise expose la société à un risque de condamnation conséquent.

- Dossier [Y] [V]

Vous avez établi, le 22 septembre 2014, une lettre notifiant à ce salarié son licenciement pour motif économique. Dans cette lettre, il n'est fait référence à aucune recherche de reclassement malgré la jurisprudence constante sur ce sujet depuis de très nombreuses années, entraînant de facto un risque de condamnation sévère.

- Dossier [F] [G]

Dans ce dossier, outre le fait que la clause de non-concurrence n'a pas été levée, il s'avère qu'il n'y a pas de lettre de notification de la rupture. Ainsi, il est acquis qu'il faudra payer une contrepartie financière sur la clause de non-concurrence et que Madame [G] est en droit de prétendre à des dommages et intérêts significatifs. Il convenait donc impérativement de prendre en considération ces demandes pour limiter les risques dans le cadre d'une conciliation.

Or, le 8 décembre 2014, la responsable des ressources humaines, en charge des relations sociales, confirmait au cabinet que vous aviez donné pour instruction de ne pas transiger.

2. Absence de couverture des garanties prévoyance des salariés

La dernière semaine de décembre 2014, le courtier en charge de la majorité des contrats de prévoyance santé invalidité et décès des salariés des entreprises du groupe s'est inquiété auprès du service du personnel de l'absence de contrats d'assurance permettant de servir les garanties souscrites pour le compte des salariés à compter du 1er janvier 2015.

Il s'est avéré alors que vous aviez procédé, en date du 30 septembre 2014, à la résiliation de l'ensemble des contrats, à effet du 31 décembre 2014, sans qu'aucune solution alternative n'ait été mise en 'uvre. Il était pourtant impératif que, dès avant la résiliation de ces contrats, des études soient menées et des mesures arrêtées pour que les salariés soient assurés d'avoir une couverture satisfaisante au 1er janvier 2015. Les salariés n'ont pas reçu début janvier les cartes de tiers-payants leur permettant de régler leurs dépenses de santé. Certains salariés et ayants droit se sont trouvés en situation difficile dans le cadre d'hospitalisation, la prise en charge préalable des prestations étant devenue impossible.

Ces éléments ont fortement participé à la dégradation du climat social et à l'altération de la confiance des salariés dans l'entreprise.

Il est important de souligner que, au surplus, la démarche que vous avez initiée n'avait pas fait l'objet d'une consultation régulière des représentants du personnel des différentes entreprises du groupe dont vous aviez la responsabilité, alors même que vous n'êtes pas sans savoir que cela est obligatoire. Vous avez contesté ceci lors de l'entretien du 6 février, et après vérification, nous n'avons trouvé trace que d'une simple information lors du comité d'entreprise de Primaphot du 26 août 2014, à l'occasion de la réponse à une question des membres de ce comité d'entreprise sur la mise en place d'une mutuelle.

Il nous a donc fallu trouver en urgence une solution dans la première quinzaine de janvier, pour ces contrats mais aussi pour ceux de la société Sourire d'enfants qui s'est avérée 2 semaines plus tard être dans la même situation.

Pendant cette période, le groupe s'est donc trouvé à couvrir seul, sur ses fonds propres, les risques santé invalidité et décès des salariés, ce qui à l'évidence est une situation et un risque inacceptables. Les contrats ont depuis été prorogés à titre provisoire.

Définir et mettre en place ces solutions était bien de votre responsabilité, et votre absence à compter du 3 décembre 2014 ne saurait vous exonérer de ne pas avoir traité ce dossier comme il le devait, ce type de dossier, qui impose une anticipation, ne pouvant se traiter à aucun moment de façon isolée et sans en informer la direction.

3. Déclaration d'accident du travail consécutif au décès de Madame [M] [N]

Le 6 novembre 2014, l'entreprise a été informée du décès d'une salariée, Madame [M] [N]. Il est vite apparu que ce décès était consécutif à un suicide, après que Madame [M] [N] soit partie de son domicile pour rejoindre son travail.

Dès le 6 novembre 2014, au lendemain du décès de la salariée, vous avez pris en main le dossier, et organisé l'enquête du CHSCT.

Le service du personnel s'est directement inquiété par écrit auprès de vous le 13 novembre de ne pas avoir les éléments et les instructions permettant d'opérer la déclaration.

Le 13 novembre également, l'inspection du travail a adressé un courrier à l'entreprise la sommant de produire plusieurs pièces, dont la déclaration d'accident.

Le 16 novembre, un mail de la responsable des ressources humaines aux 4 membres de la commission d'enquête, dont vous faisiez partie, indiquait que vous alliez procéder à la déclaration d'accident du travail, ce qui constitue une situation totalement anormale, 11 jours après la disparition de la salariée.

Vous n'êtes pas sans savoir que les déclarations d'accident du travail doivent être réalisées dans les 48 heures consécutives à l'accident, sauf à mettre en péril la prise en charge de l'indemnisation des arrêts et des conséquences des accidents par l'assurance maladie.

C'est, en votre absence, en instruisant la réponse au courrier de l'inspection du travail, que l'entreprise a découvert ce qui a priori était inimaginable, à savoir qu'à la suite du suicide de la salariée, malgré les engagements pris et les nombreuses alertes à ce sujet, aucune déclaration d'accident du travail n'avait été réalisée.

Il a donc fallu que je régularise cette déclaration dès que j'en ai eu connaissance, soit le 21 janvier 2015, ce qui a conduit à votre convocation à l'entretien du 6 février.

Au total, si l'accident du travail venait à être définitivement reconnu, l'entreprise risque d'être redevable de plusieurs centaines de milliers d'euros à l'assurance maladie, du seul fait du défaut évident de suivi et de traitement de ce dossier à votre niveau.

L'ensemble de ces faits sont constitutifs de fautes professionnelles d'autant plus graves que, eu égard à votre qualification et à vos responsabilités précédentes, votre direction avait envers vous une entière confiance.

Le peu d'explications que vous nous avez fournies lors de l'entretien ne sont pas de nature à modifier notre appréciation des faits.

Leur gravité, nous avait amené à vous notifier votre mise à pied à titre conservatoire.

Votre présence dans l'entreprise étant inenvisageable même durant le temps du préavis, nous vous notifions par la présente votre licenciement pour faute grave. (...) »

Par requête reçue au greffe le 3 avril 2015, Mme [A] a saisi le conseil de prud'hommes de Nanterre aux fins de contester son licenciement, de voir condamner la société Pater Holding ainsi que la société Activa Capital au titre d'une situation de co-emploi à lui verser diverses sommes indemnitaires et salariales.

En cours de procédure, la société Pater Holding a fait l'objet d'une procédure de sauvegarde.

Les organes de la procédure ont été mis dans la cause ainsi que l'AGS.

Mme [A] s'est désistée de l'instance à l'endroit de l'AGS, désistement qui a été acté par le conseil de prud'hommes.

La société Pater Holding n'est plus en procédure de sauvegarde depuis novembre 2019. Il a été mis fin aux fonctions de Me [E].

Par jugement rendu le 17 juillet 2019, le conseil de prud'hommes de Nanterre a :

- mis hors de cause la société Activa Capital,

- dit et jugé que le licenciement est constitutif d'une faute simple,

en conséquence,

- fixé l'ancienneté de Mme [A] au 1er avril 2014,

- condamné la société Pater Holding à verser à Mme [A] :

' 3 249,99 euros au titre de l'indemnité de licenciement,

' 32 499,99 euros au titre de l'indemnité de préavis contractuel,

' 3 250 euros au titre des congés payés sur le préavis,

' 9 849,53 euros au titre du rappel de salaire dû au titre de la mise à pied à titre conservatoire,

' 985 euros au titre des congés payés afférents,

' 1 200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- rejeté l'ensemble des autres demandes.

Mme [A] a interjeté appel de la décision par déclaration du 31 juillet 2019, son appel étant dirigé contre la société Pater Holding, représentée par Me [E] es qualité de mandataire judiciaire et par Me [K] es qualité de commissaire à l'exécution du plan, contre la société Activa Capital, contre l'AGS ainsi que contre Me [E] ès qualités et Me [K] ès qualités.

Saisi par Mme [A] de conclusions de désistement partiel d'appel adressées par voie électronique le 23 août 2019, le magistrat chargé de la mise en état a, suivant ordonnance du 19 septembre 2019 :

- donné acte à Mme [A] de son désistement partiel d'appel à l'encontre de l'AGS-CGEA IdF Ouest et de Me [E] ès qualités,

- constaté l'extinction de l'instance entre Mme [A] et l'AGS-CGEA IdF Ouest et Me [E] ès qualités,

- dit que l'instance se poursuit entre Mme [A], la SAS Pater Holding, Me [K] es qualité de commissaire à l'exécution du plan de la société Pater Holding SAS et la SAS Activa Capital,

- constaté le dessaisissement partiel de la cour,

- laissé les dépens à la charge de Mme [A].

Par conclusions adressées par voie électronique le 28 avril 2020, Mme [A] demande à la cour de :

- la recevoir en ses écritures et y faisant droit,

- la déclarer recevable et bien fondée en son appel,

- dire en revanche la société Pater Holding mal fondée en son appel incident,

en conséquence,

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société Pater Holding à verser à Mme [A] les sommes suivantes :

' 3 249,99 euros au titre de l'indemnité de licenciement,

' 32 499,99 euros au titre de l'indemnité de préavis contractuel,

' 3 250 euros au titre des congés payés sur le préavis,

' 9 849,53 euros au titre du rappel de salaire dû au titre de la mise à pied à titre conservatoire,

' 985 euros au titre des congés payés afférents,

' 1 200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- le réformer pour le surplus,

- dire et juger que la société Activa Capital a été le co-employeur, aux côtés de la société Pater Holding, de Mme [A],

- dire et juger que l'ancienneté de Mme [A] remonte au 14 novembre 2013,

en conséquence,

- condamner conjointement et solidairement la société Pater Holding et la société Activa Capital, sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, à établir et à fournir à Mme [A] :

' un certificat de travail rectifié mentionnant notamment une ancienneté au 14 novembre 2013,

' des bulletins de salaire rectifiés mentionnant une ancienneté à compter du 14 novembre 2013,

' une attestation Pôle emploi rectifiée mentionnant notamment une ancienneté remontant au 14 novembre 2013,

- dire le licenciement notifié par courrier du 23 février 2015 dépourvu de cause réelle et sérieuse,

- condamner conjointement et solidairement la société Pater Holding et la société Activa Capital à payer à Mme [A] la somme de 108 333 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive du contrat de travail,

- condamner conjointement et solidairement la société Pater Holding et la société Activa Capital à verser à Mme [A], au titre du complément de salaire dû pendant la période de maladie jusqu'à la mise à pied notifiée le 23 janvier 2015, les sommes suivantes :

' complément de salaire pour le mois de décembre 2014 : 9 277,03 euros bruts,

' complément de salaire du 1er janvier 2015 au 23 janvier 2015, date de la mise à pied : 8 535,80 euros bruts,

et ce, avec intérêts au taux légal à compter du 8 janvier 2015, date de sa première réclamation à ce titre,

- condamner conjointement et solidairement la société Pater Holding et la société Activa Capital à payer à Mme [A] la somme de 1 000 euros à titre de dommages et intérêts pour absence d'information relative au DIF,

- condamner conjointement et solidairement la société Pater Holding et la société Activa Capital à payer à Mme [A] la somme de 6 000 euros de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de la réticence abusive de l'employeur à établir les documents lui permettant d'être correctement indemnisée pendant son arrêt maladie,

- condamner conjointement et solidairement la société Pater Holding et la société Activa Capital à payer à Mme [A] la somme de 40 000 euros au titre de sa rémunération variable,

- débouter la société Pater Holding et la société Activa Capital de l'intégralité de leurs demandes,

- condamner conjointement et solidairement la société Pater Holding et la société Activa Capital à payer à Mme [A] la somme de 8 000 euros, au titre de ses frais irrépétibles en cause d'appel, par application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner conjointement et solidairement la société Pater Holding et la société Activa Capital aux entiers dépens de la présente instance, qui comprendront, dans l'hypothèse où il n'y aurait pas règlement spontané des condamnations prononcées dans le jugement et que l'exécution forcée devait être réalisée par l'intermédiaire d'un huissier, le montant des sommes retenues par ce dernier par application de l'article 10 du décret du 8 mars 2001 portant modification du décret du 12 novembre 1996 n° 96/1080 relatif au tarif des huissiers,

A titre subsidiaire, et si par impossible la situation de co-emploi n'était pas reconnue,

- dire et juger que les condamnations conjointes et solidaires ci-dessus sollicitées seront prononcées à l'endroit de la société Pater Holding uniquement.

Par conclusions adressées par voie électronique le 11 janvier 2022, la société Pater Holding demande à la cour de :

- juger Mme [A] mal fondée en son appel principal,

- juger la société Pater Holding recevable et bien fondée en son appel incident,

y faisant droit,

- infirmer la décision entreprise en ce qu'il a été jugé que Mme [A] n'avait pas commis de faute grave,

- juger que les manquements de Mme [A] rendaient impossible la poursuite du contrat de travail ne serait-ce que le temps du préavis,

- juger que le licenciement de Mme [A] repose sur une faute grave,

en conséquence,

- débouter Mme [A] de ses demandes de rappel de salaire sur mise à pied, d'indemnité compensatrice de préavis, d'indemnité compensatrice de congés payés sur mise à pied et sur indemnité compensatrice de préavis, d'indemnité légale de licenciement et de dommages et intérêts pour rupture abusive,

- confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a reconnu que l'ancienneté de Mme [A] devait être décomptée à compter du 1er avril 2014,

- juger que le contrat de travail de Mme [A] a pris effet le 1er avril 2014 sans reprise d'ancienneté,

- confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a débouté Mme [A] de ses demandes de dommages-intérêts pour rupture abusive, de rémunération variable, de dommages et intérêts sur le DIF, de dommages et intérêts pour réticence abusive,

- condamner Mme [A] au paiement de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner Mme [A] aux dépens d'appel dont distraction au profit de la SELARL Minault Teriitehau agissant par Maître Stéphanie Teriitehau, avocat, et ce conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Par conclusions adressées par voie électronique le 28 janvier 2020, la société Activa Capital demande à la cour de :

- constater que les conditions permettant de conférer le statut de co-employeur de Mme [A] à la société Activa Capital ne sont pas réunies,

- confirmer la mise hors de cause de la société Activa Capital,

- condamner Mme [A] à verser à la société Activa Capital la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître François Teytaud, dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.

L'audience des plaidoiries a été fixée au 4 février 2022, la clôture de la procédure ayant été prononcée à cette même audience.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.

MOTIFS

Sur le co-emploi

Mme [A] soutient que la société Activa Capital, qui s'est immiscée dans la gestion de la société Pater Holding, doit être considérée comme son co-employeur.

Elle fait valoir que la société Activa Capital, qui détenait à l'époque des faits 57,69 % du capital de la société Pater Holding, a décidé de l'engager comme directrice des ressources humaines, qu'elle est l'auteur de la proposition d'embauche et que c'est avec cette structure que la salariée a discuté des modalités de son recrutement, que la société Activa Capital a toujours suivi et géré l'activité de la société Pater Holding de manière rapprochée et invasive en s'impliquant par exemple dans la réorganisation de la DSI, en donnant directement à Mme [A] des directives au titre de la réorganisation des services, du recrutement et des missions des salariés de la société Pater Holding, et ce sans que la présidente de la société soit nécessairement en copie des échanges. Elle en déduit que la société Pater Holding a perdu son autonomie décisionnelle dans les domaines de la mobilité et du recrutement de ses salariés.

La société Activa Capital réplique que Mme [A] n'a jamais été placée sous sa subordination juridique, son recrutement n'ayant aucunement été décidé par elle, qu'en outre la salariée est défaillante à faire la preuve d'une confusion d'intérêts, d'activités et de direction se manifestant par l'immixtion de la société Activa Capital dans la gestion économique et sociale de la société Pater Holding.

Sur ce, il sera rappelé qu'une société faisant partie d'un groupe ne peut être considérée comme un co-employeur à l'égard du personnel employé par une autre, hors l'existence d'un lien de subordination, que s'il existe entre elles, au-delà de la nécessaire coordination des actions économiques entre les sociétés appartenant à un même groupe et de l'état de domination économique que cette appartenance peut engendrer, une confusion d'intérêts, d'activités et de direction se manifestant par une immixtion dans la gestion économique et sociale de cette dernière.

Mme [A] ne rapporte pas la preuve de ce que son recrutement a été décidé par la société Activa Capital et encore moins qu'elle se trouvait placée dans une situation de subordination à l'égard de cette société, les éléments du dossier et en particulier le courriel du 3 décembre 2013 de Mme [W] [P], alors présidente de la société Pater Holding, établissant que c'est elle qui a décidé d'engager Mme [A] pour remplacer Mme [O] [C]-[B] en qualité de directrice des ressources humaines.

Les quatre courriels que la salariée verse aux débats sont également insuffisants à caractériser l'immixtion alléguée de la société Activa Capital dans la gestion économique et sociale de la société Pater Holding, ces courriels, qui font état d'échanges sur des problématiques ponctuelles de recrutement, ne permettant pas de retenir, comme le soutient l'intéressée, qu'elle recevait des directives de l'actionnaire majoritaire.

La triple confusion d'intérêts, d'activités et de direction n'étant ainsi aucunement démontrée, la demande de Mme [A] de voir reconnaitre une situation de co-emploi doit en conséquence être rejetée et la société Activa Capital doit dans le même temps être mise hors de cause, par confirmation du jugement entrepris.

Sur le licenciement

L'article L. 1232-1 du code du travail subordonne la légitimité du licenciement pour motif personnel à l'existence d'une cause réelle et sérieuse.

La faute grave se définit comme la faute qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise pendant la durée du préavis.

En application de l'article L.1332-4 du code du travail, aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance.

Il appartient à l'employeur qui entend se prévaloir d'une faute grave du salarié d'en apporter seul la preuve. Si un doute subsiste, il profite au salarié.

Aux termes de la lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, il est reproché à la salariée :

- un suivi défaillant des dossiers contentieux,

- une absence de couverture des garanties prévoyance des salariés,

- un défaut de déclaration d'accident du travail consécutif au décès d'une salariée.

Avant d'examiner ces griefs, il convient de rappeler que Mme [A] a été engagée en qualité de directrice des ressources humaines Groupe et qu'à ce titre, elle était chargée, selon son contrat de travail, de veiller à l'application au sein de la société Pater Holding, et plus généralement de toutes les sociétés du groupe, de la législation du travail et notamment des dispositions légales et réglementaires applicables en matière de :

- embauche et recrutement,

- droit disciplinaire,

- licenciement,

- suivi des relations individuelles de travail,

- formation professionnelle,

- durée du travail,

- législation sociale (sécurité sociale),

- confidentialité des fichiers du personnel,

- suivi et gestion des institutions représentatives du personnel.

- sur le suivi défaillant des dossiers contentieux

Mme [A] soulève la prescription des faits reprochés, dont elle fait observer qu'ils sont tous antérieurs de plus de deux mois à la mise en oeuvre de la procédure de licenciement initiée avec la convocation du 23 janvier 2015 à un entretien préalable. Elle prétend qu'ils ne lui sont pas imputables et ne sauraient être qualifiés de graves eu égard à l'absence manifeste de conséquences préjudiciables.

Outre cependant qu'aucun élément ne permet de retenir que l'employeur a eu connaissance de ces faits plus de deux mois avant l'engagement de la procédure, les courriels dont la salariée se prévaut au soutien de la prescription alléguée lui étant directement adressés par l'avocat de la société, la cour constate que ces faits, de même nature, se sont répétés jusqu'à leur découverte par l'employeur pendant l'arrêt maladie de Mme [A] qui a débuté le 3 décembre 2014. Le moyen tiré de la prescription sera écarté.

Il est ainsi établi s'agissant du dossier [C]-[B], que le 26 mai 2014 à 12h02, Mme [A] a transmis par email à l'avocat de la société une convocation datée du 29 avril 2014 pour une audience de référé fixée au lendemain 27 mai à 9 heures, et ce sans aucun mot d'explication.

Elle a transmis au même cabinet d'avocat, par email du 3 juin 2014 à 16h08, une convocation à une audience de référé fixée au lendemain à 13 heures dans un dossier [S], les demandes de cette salariée tenant à des difficultés d'application du protocole transactionnel dont Mme [A] avait assuré le suivi, notamment en raison d'erreurs de calcul, ce qui a donné lieu à condamnation de la société Pater Holding.

S'agissant du contentieux [G], alors que dans un email du 7 novembre 2014, l'avocat de la société informait la directrice des ressources humaines de deux risques de condamnation majeurs tenant au non-paiement de la contrepartie financière d'une clause de non-concurrence et à l'absence de remise d'un courrier informant Mme [G] des motifs économiques justifiant la rupture de son contrat de travail, et que cet avocat préconisait un accord amiable, Mme [A] laissait cet email sans réponse et devait être relancée, en vain, le 12 novembre puis le 2 décembre 2014, avant d'être arrêtée par son médecin le lendemain.

Il est encore démontré par l'employeur que Mme [A] s'est abstenue d'informer l'avocat de la société de la tenue d'une audience de conciliation devant le conseil de prud'hommes de Nanterre le 17 novembre 2014 dans un dossier [I]. L'audience s'est donc tenue sans que la société Pater Holding soit représentée. Si la salariée fait état en réplique de difficultés de réception du courrier, il lui incombait en tant que directrice des ressources humaines d'agir afin que ce type d'incident ne se reproduise pas aussi fréquemment, ce qu'elle ne démontre pas avoir fait.

En outre, s'agissant du dossier [I], il résulte des explications et des pièces produites par l'employeur que Mme [A] a omis de lever la clause de non-concurrence contenue dans le contrat de travail, la salariée se limitant pour se justifier à faire observer que la société Pater Holding ne fait état d'aucune condamnation dont elle aurait fait l'objet.

Il est ensuite établi que M. [V], ancien salarié de la société, a été licencié pour motif économique par lettre du 22 septembre 2014 sans que soit visée la moindre recherche de reclassement, exposant ainsi la société à un risque de condamnation. Mme [A] soutient que des propositions ont bien été faites à M. [V]. La cour observe toutefois que la pièce qu'elle cite concerne un 'outplacement' et non un reclassement.

Le grief est avéré, la circonstance qu'il n'en soit éventuellement résulté aucune conséquence financière pour la société étant inopérante.

- sur l'absence de couverture des garanties prévoyance des salariés

Il est reproché à la salariée d'avoir résilié, le 30 septembre 2014, l'ensemble des contrats de prévoyance santé, invalidité et décès des salariés, avec effet au 31 décembre 2014, sans qu'aucune solution alternative ne soit mise en 'uvre.

Mme [A] énonce en réplique que la résiliation des contrats est intervenue conformément aux consignes de l'employeur et à titre conservatoire uniquement car la direction du groupe souhaitait en renégocier les conditions.

La société Pater Holding fait pour autant justement observer qu'il était impératif, dès avant la résiliation de ces contrats, que des études soient menées et des mesures arrêtées pour que les salariés soient assurés d'avoir une couverture satisfaisante au 1er janvier 2015 et que jusqu'à son arrêt maladie le 3 décembre 2014, la directrice des ressources humaines n'a entrepris aucune démarche, ce qu'au demeurant celle-ci ne discute pas.

Le grief est établi.

- sur le défaut de déclaration d'accident du travail consécutif au décès d'une salariée

L'employeur reproche enfin à la salariée de ne pas avoir établi de déclaration d'accident à la suite du suicide d'une salariée, Mme [M] [N], le 6 novembre 2014.

Mme [A] soulève une fois encore la prescription des faits et soutient que l'entreprise disposait de tous les éléments pour suivre ce dossier, connu de tous. Elle indique qu'elle avait pleinement conscience de la nécessité de faire une déclaration d'accident du travail, que cependant elle n'a pas pu en établir une au moment du décès car elle n'était pas en mesure de formuler de manière précise les réserves qu'elle devait contenir, qu'elle a ensuite donné les instructions nécessaires à Mme [Z] [J], responsable paie, qui, pour des raisons inconnues, ne s'est pas exécutée, qu'aucun reproche ne peut donc lui être valablement adressé, qu'en tout état de cause, l'employeur ne justifie pas des éventuelles conséquences préjudiciables de ce défaut de déclaration.

Si l'employeur a nécessairement eu connaissance de cet événement dramatique, il n'est pour autant pas discuté que Mme [A] a pris en main le dossier, en sa qualité de directrice des ressources humaines. C'est ainsi que, comme elle le rappelle, elle a organisé une enquête sous l'égide du CHSCT. L'employeur n'a toutefois été en mesure de constater le défaut de déclaration d'accident du travail que lorsque Mme [A] a été placée en arrêt de travail et qu'il s'est agi de pallier son absence et de reprendre le suivi de ses dossiers.

Or, selon l'article R. 441-3 du code de la sécurité sociale, l'employeur est tenu de déclarer tout accident de travail ou de trajet dans les 48 heures (non compris les dimanches et jours fériés).

Le simple fait que la salariée ne connaisse pas précisément les circonstances de l'accident ne l'exonérait pas de cette obligation et elle ne saurait valablement invoquer la défaillance d'une des personnes placées sous son autorité hiérarchique, dès lors qu'au regard de ses responsabilités et compte tenu de la gravité des faits, il lui appartenait de s'assurer que ses instructions avaient été correctement exécutées.

Le grief est caractérisé, et ce sans que la prescription invoquée ne puisse être retenue, la circonstance, là encore, qu'il n'en soit éventuellement résulté aucune conséquence financière pour la société étant inopérante.

Il résulte de l'ensemble de ces éléments que le licenciement est motivé par une cause réelle et sérieuse.

Les fautes reprochées à Mme [A] apparaissent d'une gravité telle, eu égard à ses responsabilités de directrice des ressources humaines, qu'elles justifiaient son départ immédiat de l'entreprise.

Le jugement entrepris sera infirmé en ce qu'il a écarté la faute grave et en ce qu'il a fait droit aux demandes de la salariée au titre de l'indemnité de licenciement et du rappel de salaire sur mise à pied.

Sur l'ancienneté et les documents de fin de contrat

Mme [A] fait valoir que lors de la signature de son contrat de travail, le 1er avril 2014, son ancienneté a été reprise à compter du 14 novembre 2013, date de début de son intervention au sein du groupe Primavista dans le cadre d'un contrat de management de transition conclu avec la société Transitio-Eurosearch & Associés dont elle était alors la salariée. Elle verse aux débats un exemplaire signé et paraphé de son contrat de travail faisant état de cette reprise d'ancienneté, dont elle soutient qu'il est le dernier contrat signé et le seul qui vaut dans la mesure où il avait été convenu avec l'employeur de déchirer le contrat initialement signé, ce qu'elle a fait.

Elle s'estime bien fondée à solliciter, sous astreinte, la fourniture de documents de fin de contrat rectifiés quant à sa date d'ancienneté.

La société Pater Holding s'y oppose et demande à la cour de se référer uniquement au contrat signé et paraphé qu'elle produit en copie, également daté du 1er avril 2014, qui ne prévoit pas de clause relative à une reprise d'ancienneté et qui est conforme aux bulletins de paie, soulignant qu'en sa qualité de DRH, Mme [A] supervisait la paie de la société et aurait pu opérer une rectification de ces bulletins, lesquels mentionnent tous une date d'entrée le 1er avril 2014.

Sur ce, la cour constate que le contrat produit en copie par la salariée en pièce n°1bis, daté du 1er avril 2014, est paraphé et signé par les deux parties. L'article 2 'Engagement' est ainsi rédigé :

« Sous réserve de la visite médicale d'embauche, Madame [A] est engagée par la société Pater Holding, en qualité de Directrice des Ressources Humaines Groupe, statut cadre.

Elle exercera ses fonctions sous la hiérarchie de la Présidente de la société Pater Holding. Il a été décidé d'un commun accord de reprendre l'ancienneté de Madame [A] acquise au titre de sa mission de transition (interim management) au 14 novembre 2013. »

Faute pour l'employeur de contester utilement la validité de ce contrat, dont chaque page a été paraphée par la présidente de la société, Mme [D] [U], la cour retient que l'ancienneté de Mme [A] a été reprise à compter du 14 novembre 2013, ce qui se comprend au regard de la mission de management de transition qu'elle a menée au sein du groupe du 14 novembre 2013 au 31 mars 2014, avant d'être engagée par la société Pater Holding dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée. Le simple fait que la salariée n'ait pas contesté les bulletins de paie, qui font état d'une date d'entrée au 1er avril 2014, n'équivaut pas à une renonciation de toute contestation à ce titre.

Le jugement entrepris sera infirmé et la société Pater Holding devra remettre à Mme [A] un certificat de travail, une attestation Pôle emploi, un bulletin de paie récapitulatif conformes, mentionnant une ancienneté au 14 novembre 2013, les circonstances de l'espèce ne nécessitant pas d'assortir cette obligation d'une astreinte.

Sur le complément de salaire pendant l'arrêt maladie

Mme [A] sollicite la condamnation de son employeur à lui verser la somme de 17 812,83 euros pour la période de son arrêt maladie jusqu'à sa mise à pied, soit du 3 décembre 2014 au 23 janvier 2015, indiquant qu'elle n'a perçu aucun complément de salaire et qu'aucune démarche n'a été effectuée par l'employeur auprès de l'organisme de prévoyance pour lui permettre de le percevoir.

La société Pater Holding s'y oppose au motif que la salariée avait moins d'un an d'ancienneté et que les dispositions de l'article L. 1226-1, qu'elle ne vise au demeurant pas, ne lui sont pas applicables. Elle fait en outre observer que la salariée a opéré à tort l'ensemble de ses calculs sur la base d'un salaire maintenu à 100 %, alors qu'en tout état de cause le maintien est de 90 % de la rémunération brute pendant les 30 premiers jours et des 2/3 les 30 mois suivants.

Aux termes de l'article L. 1226-1 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi du 25 juin 2008 :

« Tout salarié ayant une année d'ancienneté dans l'entreprise bénéficie, en cas d'absence au travail justifiée par l'incapacité résultant de maladie ou d'accident constaté par certificat médical et contre-visite s'il y a lieu, d'une indemnité complémentaire à l'allocation journalière prévue à l'article L. 321-1 du code de la sécurité sociale, à condition :

1° D'avoir justifié dans les quarante-huit heures de cette incapacité ;

2° D'être pris en charge par la sécurité sociale (...) »

Selon l'article D. 1226-1 du même code :

« L'indemnité complémentaire prévue à l'article L. 1226-1 est calculée selon les modalités suivantes :

1° Pendant les trente premiers jours, 90 % de la rémunération brute que le salarié aurait perçue s'il avait continué à travailler ;

2° Pendant les trente jours suivants, deux tiers de cette même rémunération. »

L'article D. 1226-3 précise que le délai d'indemnisation court au-delà de sept jours d'absence.

La cour ayant précédemment retenu une ancienneté de la salariée depuis le 14 novembre 2013, il s'en déduit qu'au 3 décembre 2014, date du début de son arrêt maladie, elle était dans l'entreprise depuis plus d'un an et pouvait en conséquence bénéficier d'un complément de salaire dans les conditions prévues par l'article D. 1226-1 susvisé.

La société Pater Holding sera donc condamnée à lui verser à titre de complément de salaire pour la période d'arrêt maladie du 3 décembre 2014 au 23 janvier 2015, par infirmation du jugement entrepris, la somme de 13 792,46 euros, déduction faite des indemnités journalières de sécurité sociale que la salariée justifie avoir perçues sur cette période.

Sur l'indemnité de préavis contractuelle

Mme [A] fait ici valoir qu'elle avait vocation à percevoir l'indemnité compensatrice contractuelle de préavis de trois mois qui, aux termes du contrat de travail, est due quel que soit le motif de son départ de la société.

La société Pater Holding s'y oppose en faisant observer que la clause dont la salariée se prévaut est pour le moins inhabituelle dans un contrat de travail et qu'il convient de se référer à l'intention des parties.

L'article 3 'Durée du contrat - Période d'essai - Préavis' du contrat de travail prévoit notamment :

« D'un commun accord, et par dérogation aux dispositions légales, Madame [A] bénéficiera d'un préavis payé de trois mois quel que soit le motif de son départ de la société ».

L'employeur ne s'expliquant pas utilement sur la commune intention des parties, il y a lieu de faire application de cette disposition, dont la cour observe qu'elle est rédigée en termes clairs et dépourvus d'ambigüité.

La société Pater Holding sera donc condamnée à verser à Mme [A], par confirmation du jugement entrepris, la somme de 32 499,99 euros à titre d'indemnité de préavis contractuelle, outre 3 250 euros au titre des congés payés afférents.

Sur la rémunération variable

Mme [A] s'estime bien fondée à se voir verser la rémunération variable prévue à son contrat de travail dès lors qu'elle a atteint les objectifs qui lui ont été fixés par l'employeur. Elle soutient que la société Pater Holding ne peut pas lui opposer valablement une condition de présence à l'effectif au 31 mars 2015.

La société Pater Holding fait valoir en réplique que la rupture du contrat de travail est intervenue moins d'un an après l'embauche de la salariée qui ne peut donc revendiquer le paiement d'une rémunération variable censée rémunérer les « 12 premiers mois d'exercice de ses fonctions », qu'au surplus la rémunération variable n'est pas due au motif que la condition de présence visée dans la lettre de fixation des objectifs en date du 30 mai 2014 n'est pas remplie, qu'enfin Mme [A] n'a nullement atteint ses objectifs et ne démontre d'ailleurs pas qu'elle les aurait atteints.

Selon l'article 6.2 du contrat de travail, « Madame [A] pourra percevoir à objectifs atteints, pour les 12 premiers mois d'exercice de ses fonctions, une rémunération variable de 40 000 euros ».

La salariée s'est vu fixer ses objectifs pour 'l'année fiscale 2014/2015' par lettre du 30 mai 2014 ainsi rédigée :

« A objectifs atteints, votre rémunération variable s'élèvera à 40 K€. Elle vous sera versée au plus tard dans les deux mois suivants la clôture des comptes annuels, sous réserve que vous soyez toujours présente dans l'entreprise.

- Baisse des effectifs de 8 % : 15 K€ si l'objectif est atteint.

- Harmonisation des contrats de travail (dont passage à la tâche des photographes, politique voiture, etc) : 10 K€.

- Pilotage des postes ouverts avec un maximum de 2 % et recouvrement dans des délais courts (11 jours ouvrés) : 15 K€. (...) »

Etant rappelé que le droit à rémunération relatif à une période considérée est acquis lorsque cette période a été intégralement travaillée, la cour retient que lorsqu'elle a été licenciée pour faute grave le 23 février 2015, Mme [A], qui avait été engagée à compter du 1er avril 2014, ne justifiait pas d'une année complète d'exercice de ses fonctions de directrice des ressources humaines Groupe, qu'ainsi elle ne disposait à la date de la rupture d'aucun droit acquis à percevoir la rémunération variable prévue par l'article 6.2 de son contrat de travail. La salariée n'étant pas présente à la date, postérieure, de son versement, c'est à juste titre que les premiers juges l'ont déboutée de sa demande de rappel de salaire.

Sur les dommages-intérêts pour réticence abusive de l'employeur

Mme [A] fait ici valoir qu'elle est demeurée sans aucun revenu d'aucune sorte entre le 3 décembre 2014, date de début de son arrêt maladie, et le 10 février 2015, date à laquelle la sécurité sociale lui a versé les indemnités journalières pour la période du 3 décembre 2014 au 28 janvier 2015, en raison du retard volontaire de l'employeur à établir les attestations de salaire permettant à la sécurité sociale de calculer le montant de ces indemnités ; qu'elle n'a pas perçu le complément de rémunération prévu par le contrat de prévoyance souscrit par l'employeur à raison, à nouveau, de la mauvaise volonté de ce dernier ; qu'elle s'est retrouvée dans une situation financière délicate générant un état d'anxiété. Elle sollicite le versement de dommages-intérêts à hauteur de 6 000 euros.

La société Pater Holding réplique qu'elle n'a opposé aucune réticence à la mise en oeuvre des indemnisations de Mme [A] au titre de ses arrêts maladie, que le retard dans la mise en oeuvre des garanties afférentes à ces arrêts est dû notamment au désordre dans lequel l'intéressée a laissé la direction des ressources humaines, que l'allocation de dommages-intérêts aboutirait en fait à l'indemniser de ses propres manquements.

Au regard cependant de la condamnation à paiement d'un complément de salaire pour la période d'arrêt maladie du 3 décembre 2014 au 23 janvier 2015 et des carences dans la prise en compte par l'employeur de l'ancienneté réelle de la salariée ayant eu une incidence sur le versement de ce complément, il y a lieu de faire droit à la demande de dommages-intérêts de Mme [A], par infirmation du jugement entrepris, à hauteur de la somme de 1 000 euros.

Sur le défaut d'information relative au DIF

Mme [A] sollicite le versement de dommages-intérêts à hauteur de 1 000 euros pour 'absence d'information relative au DIF'. Elle explique dans ses écritures que la société Pater Holding ne l'a informée de ses droits au DIF que tardivement, le 28 mars 2015.

La salariée ne justifie cependant d'aucun préjudice, outre que l'attestation qu'elle produit, datée du 17 mars 2015, fait état d'un solde de 14 heures acquises au titre du droit individuel à la formation, pour une somme correspondant à 128,10 euros, soit un montant en toute hypothèse insuffisant pour que le retard invoqué lui ait été réellement préjudiciable.

Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a débouté l'intéressée de sa demande de dommages-intérêts de ce chef.

Sur les intérêts moratoires

Les créances de nature salariale porteront intérêts au taux légal à compter de la réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes, soit en l'espèce le 15 avril 2015, et les créances indemnitaires porteront intérêts au taux légal à compter de la présente décision en fixant tout à la fois le principe et le montant.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

La société Pater Holding supportera les dépens en application des dispositions de l'article'696 du code de procédure civile, la cour rappelant que l'article 11 2° du décret n° 96-1080 du 12 décembre 1996 exclut l'application de l'article 10 du même décret lorsque le recouvrement ou l'encaissement est effectué sur le fondement d'un titre exécutoire constatant une créance née de l'exécution d'un contrat de travail ou une créance alimentaire.

Elle sera en outre condamnée à payer à Mme [A] une indemnité sur le fondement de l'article'700 du code de procédure civile, que l'équité et la situation économique respective des parties conduisent à arbitrer à la somme de 1 200 euros au titre des frais irrépétibles de première instance, qui sont donc confirmés, et 1'800'euros au titre des frais irrépétibles d'appel.

PAR CES MOTIFS

La COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

CONFIRME le jugement rendu le 17 juillet 2019 par le conseil de prud'hommes de Nanterre en ce qu'il a mis hors de cause la société Activa Capital, en ce qu'il a condamné la société Pater Holding à verser à Mme [R] [A] une indemnité de préavis contractuelle, outre congés payés afférents, et une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile, en ce qu'il a débouté Mme [R] [A] de sa demande de rappel de rémunération variable et de sa demande de dommages-intérêts pour absence d'information relative au DIF ;

L'INFIRME pour le surplus ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

FIXE l'ancienneté de Mme [R] [A] au 14 novembre 2013 ;

CONDAMNE la société Pater Holding à verser à Mme [R] [A] les sommes suivantes :

- 13 792,46 euros à titre de complément de salaire pour la période d'arrêt maladie du 3 décembre 2014 au 23 janvier 2015,

- 1 000 euros à titre de dommages-intérêts pour réticence abusive,

DIT que les créances salariales porteront intérêts au taux légal à compter du 15 avril 2015 et les créances indemnitaires à compter du présent arrêt ;

ORDONNE à la société Pater Holding de remettre à Mme [R] [A] un certificat de travail, une attestation Pôle emploi et un bulletin de paie récapitulatif conformes à la présente décision ;

DIT n'y avoir lieu à astreinte de ce chef ;

CONDAMNE la société Pater Holding à verser à Mme [R] [A] la somme de 1 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

DÉBOUTE la société Pater Holding et la société Activa Capital de leur demande de ce chef ;

CONDAMNE la société Pater Holding aux dépens.

Arrêt prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour,les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code procédure civile et signé par Madame Isabelle VENDRYES, Président, et par Madame BOUCHET-BERT Elodie,Greffière,auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER,LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 6e chambre
Numéro d'arrêt : 19/03120
Date de la décision : 19/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-19;19.03120 ?
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