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19/05/2022 | FRANCE | N°19/03670

France | France, Cour d'appel de Versailles, 11e chambre, 19 mai 2022, 19/03670


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 80A



11e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 19 MAI 2022



N° RG 19/03670 - N° Portalis DBV3-V-B7D-TPPE



AFFAIRE :



[A] [U]



C/



SAS ESTECH









Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 02 Septembre 2019 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de VERSAILLES

N° Section : AD

N° RG : F 17/00679



Copies exé

cutoires et certifiées conformes délivrées à :



Me Anne BRULLER



Me Pierre-Jacques CASTANET







le :





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE DIX NEUF MAI DEUX MILLE VINGT DEUX,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrê...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

11e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 19 MAI 2022

N° RG 19/03670 - N° Portalis DBV3-V-B7D-TPPE

AFFAIRE :

[A] [U]

C/

SAS ESTECH

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 02 Septembre 2019 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de VERSAILLES

N° Section : AD

N° RG : F 17/00679

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Anne BRULLER

Me Pierre-Jacques CASTANET

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE DIX NEUF MAI DEUX MILLE VINGT DEUX,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Madame [A] [U]

Née le 12/09/1984 à [Localité 5]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentant : Me Anne BRULLER, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : E0388 substitué par Me Pascal TELLE, avocat au barreau de PARIS

APPELANTE

****************

SAS ESTECH

N° SIRET : 438 375 842

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentant : Me Stanislas DUBLINEAU de la SELARL CHEMOULI DALIN STOLOFF BOINET & ASSOCIES, Plaidant, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, vestiaire : P0349 - Représentant : Me Pierre-Jacques CASTANET, Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0349

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 30 Mars 2022 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Eric LEGRIS, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Hélène PRUDHOMME, Président,

Monsieur Eric LEGRIS, Conseiller,

Madame Bérangère MEURANT, Conseiller,

Greffier lors des débats : Madame Sophie RIVIERE,

Le 28 juin 2010, Mme [A] [U] était embauchée par la société Estech en qualité de designer industriel, par contrat à durée indéterminée.

Le contrat de travail était régi par la convention collective nationale des bureaux d'études techniques.

Après une mission au sein de la société Toyota, Mme [U] se plaignait de ne pas se voir confier de nouvelles missions à son retour dans l'entreprise Estech.

Le 5 juin 2017, Mme [U] était placée en arrêt maladie pour une durée totale de cinq mois. A son retour, elle se voyait notamment confier un projet à la médiathèque PSA en ligne, et l'organisation de journées de portes ouvertes. Elle recevait une nouvelle mission pour le compte de la société Nexter puis pour le compte de la société Renault.

Le 4 août 2017, Mme [U] saisissait le conseil des prud'hommes de Versailles et formait une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail. Le 4 janvier 2018, Mme [U] prenait acte de la rupture de son contrat de travail aux torts exclusifs de l'employeur.

Vu le jugement du 2 septembre 2019 rendu en formation paritaire par le conseil de prud'hommes de Versailles qui a':

- Dit et jugé que la prise d'acte de rupture notifiée par Mme [U] par courrier du 4 janvier 2018 ne peut donner lieu ni à une résiliation judiciaire de son contrat de travail ni à un licenciement sans cause réelle et sérieuse, mais à une démission,

- Débouté Mme [U] de l'ensemble de ses demandes,

- Laissé les éventuels dépens à la charge respective des parties.

Vu l'appel interjeté par Mme [U] le 4 octobre 2019.

Vu les conclusions de l'appelante, Mme [A] [U], notifiées le 18 février 2022 et soutenues à l'audience par son avocat auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé, et par lesquelles il est demandé à la cour d'appel de :

- Dire et juger Mme [U] recevable et bien fondée en son appel.

- Infirmer en ses dispositions attaquées le jugement prononcé par le conseil de prud'hommes de Versailles le 2 septembre 2019.

- Dire et juger que la demande de résiliation judiciaire de Mme [U] était justifiée et qu'en tout état de cause, la prise d'acte de rupture notifiée par Mme [U] par sa lettre RAR du 4 janvier 2018 repose sur des griefs établis et emporte donc les effets d'un licenciement sans cause réelle ni sérieuse.

- En conséquence, condamner la société Estech à verser à Mme [U] les sommes de :

- 10'000 euros à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral

- 10'000 euros à titre de dommages et intérêts pour violation de l'obligation de santé et de sécurité

- 10'000 euros à titre de dommages et intérêts pour manquement à l'exécution de bonne foi du contrat de travail

- 5'719,17 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement

- 35'000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse

- 6'000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

- Débouter la société Estech en ses demandes reconventionnelles

- Condamner la société Estech aux entiers frais et dépens de la procédure.

Vu les écritures de l'intimée, la SAS Estech, notifiées le 11 février 2022 et développées à l'audience par son avocat auxquelles il est aussi renvoyé pour plus ample exposé, et par lesquelles il est demandé à la cour d'appel de':

- Constater que Mme [U] n'a fait l'objet d'aucun harcèlement moral

- Constater que la société Estech a respecté son obligation de sécurité de résultat

- Constater que le contrat de travail de Mme [U] a été exécuté de bonne foi

En conséquence :

- Confirmer partiellement le jugement rendu par le conseil des prud'hommes de Versailles le 2 septembre 2019

- Débouter Mme [U] de l'ensemble de ses demandes

- Infirmer le jugement rendu par le conseil des prud'hommes de Versailles en ce qu'il a débouté la société Estech de sa demande de remboursement d'une somme de 406,80 euros d'indemnités journalières indûment perçues par Mme [U]

- Condamner Mme [U] à verser à la société Estech la somme de 6'000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Vu l'ordonnance de clôture du 28 février 2022.

SUR CE,

Sur le harcèlement moral, l'obligation de sécurité et l'exécution de bonne foi du contrat de travail

Aux termes de l'article L.1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ;

Selon l'article L.1152-2 du code du travail, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral et pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés ;

Selon l'article L.1152-3 du même code, toute rupture du contrat de travail intervenue en méconnaissance des dispositions des articles L. 1152-1 et L 1152-2, toute disposition ou tout acte contraire est nul ;

Vu les articles L1152-1 et L1254-1 du code du travail,

Il résulte de ces textes que lorsque le salarié établit la matérialité de faits précis et concordants constituant selon lui un harcèlement, il appartient au juge d'apprécier si ces éléments, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral; dans l'affirmative, il appartient à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ;

L'article 4121-1 du code du travail stipule que l'employeur a une obligation de santé et de sécurité en prenant toutes les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et morale du salarié ;

Le contrat de travail doit être exécuté de bonne foi ;

En l'espèce, Mme [U] fait valoir qu'elle n'a presque jamais travaillé, à l'exception d'une mission chez Toyota en Belgique, sur un projet correspondant à sa qualification et à ses compétences, mais a été réduite à des tâches subalternes et que cette situation est à l'origine d'une altération de sa santé physique et dénonce le comportement de son supérieur hiérarchique à son encontre ;

Pour étayer ses affirmations, elle produit notamment :

- des échanges de courriels,

- son entretien d'évaluation pour l'année 2015 dans lequel elle exprimait son souhait de «'discuter de la revalorisation de son coefficient et de son passage au statut cadre'»,

- des relevés d'heures,

- des attestations de collègues de travail (MM. [F] et [Y], Mmes [S], [O] et [J])

- sa lettre du 14 juin 2017 dans laquelle elle exprimait son «'sentiment [qui] m'est ainsi donné que je ne mérite pas d'être sur de vrais projets'» et dénonçant «'une attitude de déni, d'isolement, de dévalorisation, de disqualification'constante » et une lettre de son conseil dans le même sens,

- des arrêts maladie prescrits par son médecin traitant, attestation d'un psychothérapeute, avis du médecin du travail et prescriptions médicamenteuses ;

Mme [U] était titulaire d'un master en design industriel ; elle avait le statut d'ETAM ; la société Estech est un bureau d'études spécialisé dans le développement de projets en design industriel numérique et produit en particulier des prestations de service au secteur automobile ;

Si, notamment en décembre 2012, Mme [U] a interrogé son supérieur sur le travail à réaliser ou regretté une absence de retour sur le travail fait, les échanges de courriels produits sur l'ensemble de la période de 2013 à 2017 font ressortir de manière générale une relation de travail cordiale avec son supérieur hiérarchiques et les réponses apportées par celui-ci aux interrogations de la salariée ;

Il est souligné que la mission chez Toyota a débuté en janvier 2013 et a duré pas moins de 4 années, pendant lesquelles il est constant qu'elle a exercé des missions lui donnant toute satisfaction, jusqu'à ce que, en août 2016, Mme [U], ne voyant plus d'opportunité de progresser en termes de mise en pratique de ses compétences, a demandé à réintégrer la société Estech et à discuter de la revalorisation de son coefficient et de son éventuel passage au statut de cadre ;

Dans son attestation, M. [F] se borne à faire part de son impression, à l'issue du retour de Mme [U] de sa mission chez Toyota (« son retour a été compliqué chez Estech où elle donnait l'impression de ne pas trouver sa place ») ;

Mme [S] évoque la «'froideur'» ou des remarques désobligeantes de M. [X] mais vis-à-vis de deux autres salariés et non à l'égard de Mme [U] ;

Mme [O] critique le management de M. [X] vis-à-vis d'elle-même ; elle indique aussi que celui-ci a « (') relay[é [A] [U]] à des tâches mineures et non-épanouissantes'» et que cette dernière « récupérait le travail le moins intéressant'», sans précision et se référant à la période « de 2010 à 2013, année où [A] [U] a pu partir en mission chez Toyota et où elle a pu enfin être considérée à sa juste valeur (') » ;

Mme [J], indique pour sa part que «'(...) quand elle était sur site, chez Estech, j'ai constaté fréquemment que son responsable, M. [X] lui donnait à faire des petits boulots comme des copies ou des appels d'offres pour des manifestations organisées par l'entreprise ou négocier et réserver des salles ou un traiteur, ce qui l'affectait (...) » ;

Il est souligné que si le contrat de travail de Mme [U], engagée pour exercer l'emploi de designer industriel, ne se référait pas de manière expresse à la notion d'inter-missions ou d'inter-contrat, il demeure qu'il précisait néanmoins (le contrat de travail à durée indéterminée renvoyant aux mêmes conditions, à l'exception du montant du salaire, que le contrat à durée déterminée initial) que «'les missions et attributions de la salariée sont par nature évolutives et pourront être modifiées par la société en fonction des nécessités et des activités de celle-ci'» (article 1.2, paragraphe 2) et que la salariée «'devra dans le cadre de ses fonctions se conformer aux ordres, instructions et consignes particulières qui lui seront données par M. [X] ou par toute autre personne de la société qui lui serait substituée'» (article 1.3), outre en son article 4.2 que «'compte tenu de ses fonctions, elle sera amenée à effectuer de multiples déplacements professionnels tant en France qu'à l'étranger.'» ;

A son retour de sa mission chez Toyota, Mme [U] ne s'est pas vue affecter à une mission pérenne chez un client ; une telle situation n'était cependant pas exceptionnelle au sein de l'entreprise eu égard à la nature de son activité et Mme [U] a néanmoins participé à des missions de support ou de soutien, par exemple aux commerciaux, ou à des missions prospectives ; quand bien même il est vrai que les travaux confiés n'étaient pas de la même qualité que lors de sa mission chez Toyota et que Mme [U] a pu en ressentir une déception, il demeure que les travaux confiés l'ont été en application du pouvoir de direction de l'employeur et que Mme [U] s'est en outre finalement vue positionner sur un projet Renault puis à compter de décembre 2017 sur une mission chez PSA dont elle ne conteste pas qu'elles correspondaient à son niveau de compétence ;

La société Estech justifie avoir diligenté une enquête sur les faits dénoncés par Mme [U], enquête à laquelle ont été associés des représentants du personnel ;

Lors de cette enquête, tant M. [X] que Mme [U] mais encore quatre salariés de leur équipe ont été convoqués ;

Mme [U], par courriel du 18 juillet 2017, a indiqué pour sa part qu'elle ne se présenterait pas à cette convocation, en faisant valoir à la fois sa situation de santé (arrêt de travail) et que cette enquête «'intervient bien trop tardivement'» ; eu égard à ce dernier motif invoqué, elle ne saurait désormais reprocher à l'employeur de ne pas l'avoir convoquée à nouveau à une date postérieure ;

Le rapport d'enquête fait le constat que si à son retour de mission chez Toyota, Mme [U] «'n'est pas placée sur une mission particulière'», ce qui est «'fréquent au sein d'Estech'»' et «'plus ou moins bien vécu'», il est néanmoins demandé aux collaborateurs dans cette situation de participer à divers travaux ; il relève surtout une «'situation d'incompréhension entre eux [Mme [U] et M. [X]], et une «'difficulté de fonctionnement au regard de leurs caractères divergents'», dans un contexte d' « absence prolongée et de retour en période creuse'» ; il conclut que : « Mme [U] a manifestement des difficultés pour communiquer avec M. [X]. Il semble que leurs caractères réciproques sont assez peu compatibles. Mais les accusations de harcèlement et de discrimination portées par Mme [U] sont exagérées et ne correspondent pas du tout aux constats réalisés pendant l'enquête » ;

Les représentants du personnel ont en outre formulé en conclusion de l'enquête une série de préconisations :

« Lorsque son état de santé le permettra et qu'elle pourra revenir chez Estech, les représentants du personnel souhaitent que Mme [U] reprenne le dialogue, avec eux ou avec les ressources humaines, afin que la direction porte une attention particulière aux conditions de son retour. Les représentants du personnel demandent également à la direction de faire en sorte que Mme [U] soit placée le moins possible en inter-contrat, même s'ils ont conscience que cela ne peut pas toujours être évité » ;

Ces éléments ressortent également du procès-verbal de la réunion des délégués du personnel du 15 septembre 2017, ce qui contredit l'attestation de M. [Y] ; le caractère prétendument «'douteux'» ou «'tronqué'» de l'enquête, qu'allègue Mme [U] n'est pas démontré ;

Le 5 juin 2017 Mme [U] a été placée en arrêt maladie, lequel a perduré pendant 5 mois ;

La salariée a été reçue par le médecin du travail qui a indiqué le 16 octobre 2017 :

« Pas d'avis.

Ne peut occuper son poste ce jour

Adressée en médecine de soi

A revoir à l'issue de son arrêt de travail » ;

Puis, le 20 novembre 2017, le médecin du travail a estimé que Mme [U] était apte à reprendre le travail ; s'il s'est interrogé fin 2017 sur l'aptitude de la salariée à son poste, le médecin du travail a estimé, le 18 décembre 2017, comme le 11 janvier 2018 puis le 15 février 2018, que Mme [U] était apte au travail, ajoutant seulement «'pas de travail en open space'» ;

En outre, lors de la réunion du CHSCT du 21 novembre 2017, les représentants du personnel ont indiqué que « la direction a souhaité réunir sans délai les représentants du personnel pour organiser au mieux le retour de Mme [U] dans l'entreprise, comme cela avait été envisagé à l'issue de l'enquête RPS (risques psychosociaux).

La direction a présenté les missions qu'elle envisageait de confier à Mme [U] :

Projet Renault LCI : LMD Urban Delivery

- Résumé de la vision client et du périmètre à traiter,

- Recherches tendancielles et concurrentielles,

- Réalisation de 3 à 5 concepts C&M

La direction a indiqué que cette mission n'est pas rémunératrice pour Estech. Mais elle permet d'attendre de trouver une mission « facturable» qu'Estech pourrait confier à Mme [U]. (...)

A l'unanimité, les représentants du personnel ont estimé que ces missions étaient pleinement conformes aux attributions de Mme [U].

Par ailleurs, la direction a indiqué qu'elle avait pris des mesures permettant à Mme [U] de se sentir bien accueillie au sein d'Estech puisque :

- M. [R] a reçu Mme [U] le 21 novembre à 9 heures pour lui communiquer les missions qui allaient lui être confiées ;

- Mme [U] a été immédiatement intégrée au sein d'une équipe qu'elle connaît très bien et notamment Monsieur [H] [K] avec qui elle entretient des relations amicales. (...)

Les représentants du personnel ont estimé que les mesures adoptées permettaient un retour dans de bonnes conditions de Mme [U]. Ils ont néanmoins indiqué qu'ils resteraient vigilants et qu'ils ne manqueraient pas de relayer à la direction les éléments qui seraient portés à leur connaissance.

Les représentants du personnel ont donc rendu unanimement un avis favorable aux propositions de la direction ».

Le médecin du travail a aussi validé la mission prévue à compter de décembre 2017 chez PSA ; les arrêts maladie prescrits par son médecin traitant, attestation d'un psychothérapeute et prescriptions médicamenteuses, outre les avis du médecin du travail produits aux débats, sont insuffisants à établir un lien entre la situation de santé de Mme [U] et une situation de harcèlement moral au travail ;

Par ailleurs, si Mme [U] estime aussi avoir été rappelée à l'ordre par la DRH pour ses demandes de congés, il apparaît que Mme [L] lui a simplement rappelé par mail du 28 novembre 2017 que « juste pour rappel, ton manager est [W]. [H] est certes sur le projet en question, mais il n'a pas à te dire si tu peux ou non prendre des congés. Il est au numérique pas au design. Je le verrai à ce sujet », sans que ce fait puisse être reproché à l'employeur qui a seulement son pouvoir de direction et de contrôle ;

De même, les propos qu'elle prête à M. [N] dans le cadre d'un échange informel avec lui et qu'elle qualifie de «'pression'» ne sauraient engager la société Estech ;

Enfin, les échanges produits aux débats montrent que Mme [U] a obtenu des réponses à ses questions portant sur la prise en charge de ses frais de déplacements ;

En conséquence, en l'état des explications et des pièces fournies, la matérialité d'éléments de fait précis et concordants laissant supposer l'existence d'un harcèlement moral n'est pas démontrée ; les demandes relatives au harcèlement doivent par conséquent être rejetées ; le jugement est confirmé de ce chef ;

En outre, à la suite du courrier d'alerte de Mme [U], l'employeur a immédiatement et régulièrement déclenché et mis en 'uvre l'enquête sur les risques psycho sociaux, ainsi qu'il ressort des motifs susvisés ;

Compte tenu de ces éléments, il n'est pas non plus établi de manquement de l'employeur à son obligation de sécurité ni à son obligation d'exécution de bonne foi du contrat de travail ; le jugement est également confirmé de ces chefs et, par suite, en ce qu'il a débouté Mme [U] de ses demandes indemnitaires présentées de ces chefs ;

Sur la rupture du contrat de travail

La prise d'acte de la rupture par le salarié en raison de faits qu'il reproche à l'employeur entraîne la cessation immédiate du contrat de travail en sorte qu'il n'y a plus lieu de statuer sur la demande de résiliation judiciaire introduite auparavant ;

En cas de prise d'acte de la rupture du contrat de travail par le salarié, cette rupture produit, soit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, si les faits invoqués la justifiaient, soit, dans le cas contraire, d'une démission ;

La prise d'acte permet au salarié de rompre le contrat de travail en cas de manquement suffisamment grave de l'employeur qui empêche la poursuite du contrat de travail ; il appartient au salarié d'établir les faits qu'il allègue à l'encontre de l'employeur ;

Il ressort des motifs précités que Mme [U] n'établit pas de manquement suffisamment grave de l'employeur ayant empêché la poursuite du contrat de travail ;

Le jugement est en conséquence confirmé en ce qu'il a retenu que la prise d'acte de rupture notifiée par Mme [U] par courrier du 4 janvier 2018 ne produit pas les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, mais correspond à une démission, et a débouté Mme [U] de l'ensemble de ses demandes indemnitaires en lien avec la rupture du contrat de travail ;

Sur la demande reconventionnelle de la société Esrech

La société Estech demande le remboursement d'une somme de 406,80 euros d'indemnités journalières qu'elle estime avoir été indûment perçue par Mme [U] ;

Au regard des pièces versées aux débats par l'appelante et par l'intimée, en ce compris les échanges entre Mme [U] et sa psychothérapeute, il n'est pas démontré que Mme [U] était en congés en Belgique pendant la période litigieuse ;

Le rejet de la demande reconventionnelle est confirmé ;

Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens

Compte tenu de la solution du litige, la décision entreprise sera confirmée de ces deux chefs et par application de l'article 696 du code de procédure civile, les dépens d'appel seront mis à la charge de Mme [U]';

La demande formée par la société Estech au titre des frais irrépétibles en cause d'appel sera accueillie, à hauteur de 1000 euros ;

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

statuant publiquement et contradictoirement,

Confirme le jugement entrepris,

Condamne Mme [A] [U] à payer à la SAS Estech la somme de 1000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.

Condamne Mme [A] [U] aux dépens d'appel.

Arrêt prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

Signé par Mme Hélène PRUDHOMME, président, et Mme'Sophie RIVIERE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le GREFFIER Le PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 11e chambre
Numéro d'arrêt : 19/03670
Date de la décision : 19/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-19;19.03670 ?
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