COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 80C
6e chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 02 JUIN 2022
N° RG 19/02259 - N° Portalis DBV3-V-B7D-TGTJ
AFFAIRE :
[B] [I]
C/
S.A.S. SFR DISTRIBUTION
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 18 Avril 2019 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NANTERRE
N° Section : E
N° RG : F17/02124
Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :
Me [M] [R]
Me Antoine VIVANT
le : 03 Juin 2022
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE DEUX JUIN DEUX MILLE VINGT DEUX,
La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
Monsieur [B] [I]
né le 05 Août 1983 à [Localité 5]
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représenté par : Me Aïcha CONDE, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : E0023
APPELANT
****************
S.A.S. SFR DISTRIBUTION
N° SIRET : 410 358 865
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par : Me Antoine VIVANT de la SELEURL Vivant Avocat SELARL, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : B1063,substitué par Me CURNIER-CRIBEILLET Pauline ,avocate au barreau de Paris.
INTIMEE
****************
Composition de la cour :
L'affaire a été débattue à l'audience publique du 29 Mars 2022, devant la cour composée de :
Madame Isabelle VENDRYES, Président,
Madame Valérie DE LARMINAT, Conseiller,
Madame Nathalie GAUTRON-AUDIC, Conseiller,
qui en ont délibéré,
Greffier lors des débats : Mme Elodie BOUCHET-BERT
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
La SAS SFR Distribution intervient sur l'ensemble des activités de distribution du marché Grand Public au sein du Pôle Telecom du groupe SFR Group. Dans ce cadre, elle est en charge de l'exploitation des boutiques Espace SFR, du réseau Grandes enseignes, des circuits de proximité et de la vente à domicile.
En 2016, SFR Group a fait l'objet d'une réorganisation de ses activités de distribution. Il a été engagé le 9 septembre 2016 un processus d'information-consultation du comité d'entreprise sur ce projet et ses mesures d'accompagnement.
Un accord collectif majoritaire relatif à un projet de licenciement collectif pour motif économique a été signé le 19 octobre 2016 et validé par la Direccte le 17 novembre 2016.
Cet accord prévoyait un plan de mobilité professionnelle contenant des mesures de mobilité interne et externe (plan de départs volontaires) ainsi qu'un dispositif de transition de carrière.
M. [B] [I], né le 5 août 1983, a été engagé par contrat de travail à durée indéterminée par la société SFD le 14 mars 2005 en qualité de vendeur. Par accord de mutation concertée, le contrat de travail de M. [I] a été transféré à la société SFR le 1er septembre 2015, avec reprise de son ancienneté.
A ce titre, M. [I] a été engagé par contrat de travail à durée indéterminée par la société SFR à compter du 1er septembre 2015, en qualité d'ingénieur commercial.
Le 29 août 2016, le contrat de travail de M. [I] a été transféré à la société SFR Distribution.
La convention collective applicable est celle des télécommunications.
Suite à la conclusion de l'accord du 19 octobre 2016 portant sur les mesures sociales d'accompagnement du projet de réorganisation, la société SFR Distribution a informé 17 responsables de zone de vente dont M. [I], de la suppression de leur poste et de leur éligibilité au plan de mobilité professionnelle.
M. [I] a signé avec son employeur un protocole de rupture d'un commun accord pour motif économique, le 7 avril 2017.
Par requête reçue au greffe le 28 juillet 2017, M. [I] a saisi le conseil de prud'hommes de Nanterre afin de voir dire que le protocole de rupture produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et voir prononcer des condamnations en paiement à son bénéfice au titre de créances de nature salariale et indemnitaire.
Par jugement rendu le 18 avril 2019, le conseil de prud'hommes de Nanterre, section encadrement, a :
- ordonné la clôture de la mise en état de l'affaire,
- débouté M. [I] de l'ensemble de ses demandes,
- dit que chacune des parties conservera la charge de ses propres dépens.
M. [I] a interjeté appel de ce jugement par déclaration du 16 mai 2019.
Par conclusions adressées par voie électronique le 11 février 2020, M. [I] demande à la cour de :
- le recevoir en ses demandes,
- l'en déclarer bien fondé,
Ce faisant :
- infirmer le jugement querellé,
Statuant à nouveau :
- dire et juger que le protocole de rupture d'un commun accord pour motif économique signé le 7 avril 2017, produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- fixer le salaire de référence à la somme de 4 978,70 euros avant rappel de salaire et à la somme de 5 157,26 euros, après rappel de commissions,
En conséquence :
- condamner la société SFR Distribution à verser à M. [I] :
' 2 142.65 euros, à titre de rappel de commissions au titre de l'année 2016 et 2017,
' 214,26 euros de congés payés afférents,
' 466,79 euros à titre de solde d'indemnité compensatrice de préavis,
' 46,67 euros de congés payés afférents,
' 985,41 euros à titre de solde d'indemnité conventionnelle de licenciement,
' 3 368,96 euros titre de solde d'indemnité complémentaire de licenciement,
' 1 713,11 euros à titre de solde d'indemnité de solution professionnelle,
' 693,32 euros à titre de solde de RTT,
' 46 009 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
' 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect des accords d'entreprise,
' 10 400 euros, à titre d'indemnité pour non-respect de la priorité de réembauche,
' 2 000 euros, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Par ordonnance d'incident rendue le 2 septembre 2021, le conseiller de la mise en état a déclaré irrecevables les conclusions adressées le 24 décembre 2019 par la société SFR Distribution.
Par ordonnance rendue le 9 mars 2022, le magistrat chargé de la mise en état a ordonné la clôture de l'instruction et a fixé la date des plaidoiries au 29 mars 2022.
En application de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.
MOTIFS
Sur l'obligation de reclassement
Le salarié retient que si l'accord majoritaire portant sur les mesures sociales d'accompagnement du projet de réorganisation de la société SFR Distribution comprenait l'engagement de cette dernière de ne recourir qu'au volontariat et de ne procéder à aucun licenciement, il n'en demeure pas moins qu'afin d'atteindre la réorganisation cible de la société au sein du groupe, cet accord prévoyait des suppressions de postes déterminés et non un simple objectif global de réduction d'effectif.
Il fait valoir qu'aux termes de la lettre d'éligibilité qui lui a été adressée le 24 novembre 2016, il lui a été notifié que la société entendait supprimer 17 postes de responsable de vente Ile de France , que dès lors, la société SFR Distribution était tenue d'une obligation de reclassement interne à son égard.
Il retient qu'il aurait été en droit de refuser la modification induite de son contrat de travail au cas où il lui aurait été proposé un repositionnement ce qui aurait nécessité son reclassement.
Il observe que cette obligation de reclassement découle de la décision de la Direccte elle même et des textes applicables. Il retient que cette obligation, préalable à la signature du protocole de rupture amiable découle du courrier même de l'employeur énonçant son éligibilité au plan de mobilité professionnelle en raison de la suppression de son poste de responsable de vente étant relevé qu'à aucun moment, l'employeur n'indique dans sa lettre que faute d'acceptation du plan de départs volontaires, il n'y aurait pas de licenciement et qu'ainsi son emploi serait préservé.
Il fait également valoir que l'obligation de reclasser le salarié avant la signature du protocole de rupture amiable découle de l'accord majoritaire dont l'article 1.1 visait la possibilité pour chaque salarié éligible de candidater en interne ce qui impliquait son information sur les postes disponibles correspondant à son profil laquelle n'a pas été donnée, qu'en l'espèce l'employeur s'est contenté d'inviter les salariés éligibles au plan de mobilité professionnelle, en raison de la suppression de postes, à consulter la bourse de l'emploi , que ses candidatures ont fait l'objet d'un rejet systématique qui l'ont conduit à solliciter une mobilité externe, ce alors même que l'employeur ne justifie pas qu'il n'existait pas en son sein, dans les sociétés du groupe, des emplois disponibles de la même catégorie que la sienne ou de catégorie équivalente ou à défaut et sous réserve de son accord, d'une catégorie inférieure, que la société ne peut se prévaloir du fait qu'il ait candidaté au plan de départ volontaire pour échapper à son obligation, qu'il n'avait d'autre choix d'accepter ce dernier alors que sa candidature avait été rejetée pour tous les postes auxquels il avait postulé.
L'intéressé fait état d'une violation de l'accord majoritaire soit plus précisément de ses articles 4.1 , 4.2 et 4.3.1.
Il relève qu'il a été amené à signer le protocole de rupture d'un commun accord après avoir été amené à refuser un poste de chef de ventes IDF Est.
Sur ce,
L'accord majoritaire portant sur les mesures sociales d'accompagnement du projet de réorganisation de la société SFR Distribution du 19 octobre 2016 mentionne en en- tête qu'il est conclu en application des dispositions de l'article L 1233-24-1 du code du travail.
Ce dernier énonce , dans sa version applicable en l'espèce, que dans les entreprises de cinquante salariés et plus, un accord collectif peut déterminer le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi mentionné aux articles L. 1233-61 à L. 1233-63 ainsi que les modalités de consultation du comité d'entreprise et de mise en 'uvre des licenciements.
L'article L.1233-57-2 1° du code du travail, dans sa version applicable en l'espèce, vise que l'autorité administrative valide l'accord collectif mentionné à l'article L. 1233-24-1 dès lors qu'elle s'est assurée de sa conformité aux articles L. 1233-24-1 à L. 1233-24-3 , ces articles déclinant les obligations de reclassement de l'employeur.
Selon l'article L.1235-7-1 du code du travail, l'accord collectif mentionné à l'article L. 1233-24-1, le document élaboré par l'employeur mentionné à l'article L. 1233-24-4, le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi, les décisions prises par l'administration au titre de l'article L. 1233-57-5 et la régularité de la procédure de licenciement collectif ne peuvent faire l'objet d'un litige distinct de celui relatif à la décision de validation ou d'homologation mentionnée à l'article L. 1233-57-4. Ces litiges relèvent de la compétence, en premier ressort, du tribunal administratif, à l'exclusion de tout autre recours administratif ou contentieux.
Il s'en déduit que le juge judiciaire ne saurait ici examiner la question de savoir si l'accord majoritaire du 19 octobre 2016 comprenait un plan de reclassement interne valable au regard des critères retenus par la Cour de cassation dans sa jurisprudence citée par le salarié laquelle répondait à la question de savoir dans quels cas un plan de reclassement interne devait être intégré au plan de sauvegarde de l'emploi lorsqu'un projet de réduction d'effectifs de l'employeur impliquait la suppression de l'emploi de salariés ne voulant ou ne pouvant quitter l'entreprise dans le cadre d'un plan de départs volontaires.
Sans soulever précisément la question de la validité du plan de départs volontaires ici conclu , M. [I] fait valoir qu'il aurait du bénéficier d'un reclassement interne régulier avant de signer le protocole de rupture d'un commun accord pour motif économique du 7 avril 2017.
La question ainsi posée a trait à la mise en oeuvre des mesures de l'accord majoritaire et le conseil de prud'hommes a lieu d'être suivi en ce qu'il s'est reconnu compétent pour statuer sur les demandes.
Sur le fond, la cour observe à titre liminaire que l'accord vise distinctement les mesures favorisant la mobilité interne et externe des salariés de celles relatives à leur 'repositionnement', la direction s'engageant alors à 'garantir au salarié sur son bassin d'emploi (...), un emploi de même qualification, sans modification de sa rémunération lorsque la Direction n'aura pu maintenir l'emploi du salarié qui aura été supprimé par l'effet de la réorganisation et que le salarié n'aura ni souhaité candidater à un départ volontaire ni accepté une mobilité interne'.
Cette clause exclut le licenciement du salarié du fait de la suppression de son emploi mais retient la proposition qui lui sera alors faite de le repositionner à défaut d'une mobilité interne ou externe.
Si l'intéressé énonce , dans ce cadre, que ce 'repositionnement' aurait inéluctablement conduit à une modification de son contrat de travail en raison de la suppression de la totalité des postes de distribution dans la région Ile de France' ce qui aurait abouti à son licenciement économique du fait de son refus de la modification de son contrat de travail en lien avec la réorganisation de l'entreprise, son moyen reste conditionnel , sans lien avec les faits soumis à la cour laquelle ne saurait déduire l'obligation de reclassement de l'employeur d'un cas juridiquement distinct de celui se déduisant des faits de l'espèce.
En tout état de cause, il ressort de ses termes que l'accord tout en visant la suppression de 868 postes visait aussi la création de 588 autres et que la proposition de repositionnement susvisée , qui dépendait également du nombre de départs volontaires effectifs, ne pouvait être anticipée, n'ayant vocation à intervenir que si le salarié, à terme, n'avait pas souhaité candidater à un départ volontaire ou à une mobilité interne ou si sa candidature n'avait pas été retenue ce qui ressort clairement des termes de l'accord majoritaire transmis aux salariés par les partenaires sociaux.
S'agissant de la proposition de 'reclassement' dont le salarié fait état et retient qu'elle aurait du lui être présentée avant la rupture d'un commun accord du 7 avril 2017, il est rappelé qu'aux termes de l'article L.1233-24-3 du code du travail , l'accord prévu à l'article L 1233-24-1 ne peut en effet déroger à l'obligation de reclassement incombant à l'employeur en application de l'article L 1233-4 du même code.
Il est rappelé à cet égard que l'accord majoritaire du 19 octobre 2016 signé après la conclusion de l'accord collectif New Deal du 3 août 2016 prévoit la mise en place d'un plan de mobilité professionnelle dont l'objet est défini par référence à l'article L.1233-24-2 et suivants du code du travail ( page 5) lequel retient l'obligation de reclassement.
La cour observe que dans sa décision du 17 novembre 2016, la Direccte des Hauts de Seine a fait porter son contrôle 'sur le contenu du plan de sauvegarde mentionné aux articles L 1233-61 à 63 du code du travail ' ce qui induit son examen des actions visées à l'article L.1233- 62 du code du travail.
Ainsi qu'il l'a été rappelé, il n'appartient pas au juge judiciaire de procéder à ce même contrôle soit notamment d'examiner les conditions dans lesquelles la société et les organisations syndicales représentatives ont entendu, en l'espèce, décider des modalités d'accès, par les salariés éligibles, aux postes à pourvoir en interne ( page 14 de l'accord), des délais accordés pour candidater sur ces derniers et des mesures d'accompagnement pour ce faire.
A cet égard, il sera uniquement constaté que le plan énonce qu'une lettre d'information sera adressée à chaque collaborateur éligible, chacun pouvant ainsi choisir de préparer ou de formaliser un projet pour présenter sa candidature à une mobilité interne ou externe, les départs volontaires ou ceux s'inscrivant dans le cadre du dispositif de transition de carrière ainsi que les mobilités internes s'échelonnant sur toute la durée du plan, une mise à jour quotidienne des catégories d'emplois éligibles étant disponible auprès de l'espace conseil mobilité.
Le plan décline, s'agissant plus précisément de la mobilité intra groupe (articles 4.1 à 4.3 dont le salarié invoque la violation), les moyens spécifiques mis à la disposition des collaborateurs éligibles soit le recensement des postes disponibles en interne, l'aide à la préparation des candidatures et à la mobilité géographique, les formations possibles, la prise en charge des frais induits, ces candidatures pouvant être présentées pendant une période de huit semaines pour les postes à pourvoir au sein de SFR Distribution et SFR Business Distribution et de quatre semaines pour les postes à pourvoir au sein des autres entités du groupe, les collaborateurs éligibles restant cependant prioritaires à compétence égale par rapport à tout autre collaborateur du groupe passé ce délai. Il est également mentionné que lorsque la candidature du collaborateur est retenue, il dispose d'un délai de huit jours calendaires pour accepter et signer l'avenant à son contrat de travail.
Au titre des reclassements internes, il est également visé dans le plan le cas des salariés éligibles par substitution permettant le reclassement effectif et direct en interne d'un salarié éligible sur un poste devenu libre par le biais d'une mobilité externe ( article 1.2).
Les mobilités externes sont fondées, pour leur part, sur des projets individuels des salariés volontaires accompagnés de pièces justificatives permettant l'analyse et la validation du projet par la commission de validation des projets, des mesures d'accompagnement étant déclinées dont une indemnité de différentiel de rémunération ou un accompagnement d'un projet finalisé de création/reprise d'entreprise.
La cour observe que dans les termes du courrier du 24 novembre 2016 de la société, il est fait état à M. [I] de son éligibilité tant au projet de mobilité interne qu'au projet de mobilité externe sur la base du volontariat et de son bénéfice, dans chacun des cas, des mesures d'accompagnement susvisées.
Il ressort des pièces produites que M. [I] a reçu en main propre une proposition de poste de chef des ventes à la direction régionale Ile de France Est 6, le 6 janvier 2017, le poste étant proposé moyennant une rémunération fixe mensuelle d'un montant de 3625 € bruts sur 12 mois et une rémunération variable de 30 % en fonction de l'atteinte des objectifs préalablement définis dans le plan de rémunération en vigueur dans l'entreprise, le salarié percevant également une prime de mobilité fonctionnelle et bénéficiant d'une voiture de fonction.
M. [I] indique qu'il n'a pas accepté cette proposition qui aurait fait suite à une proposition dont le périmètre était bien plus en adéquation avec son profil.
Si l'intéressé produit aux débats la lettre de M. [F], salarié, visant qu'il avait été retenu en qualité de chef des ventes régional dans le cadre d'une substitution, aucun élément ne vient cependant justifier d'un examen d'une telle candidature selon la procédure déclinée à l'article 4.2 de l'accord majoritaire.
Le protocole de rupture vise quant à lui l'examen de son projet professionnel par la commission de validation des projets le 28 mars 2017 et la confirmation de sa candidature, le projet portant, dans les termes de la charte d'engagements réciproques dans le cadre du congé de reclassement, sur une opportunité d'emploi externe matérialisée par une promesse d'embauche.
Sachant dès lors que l'intéressé a été informé de sa possibilité de candidater à des postes en interne par le courrier du 24 novembre 2016, qu'il a eu accès à ces postes dans les termes déclinés dans l'accord du 19 octobre 2016, qu'une proposition de poste en adéquation avec ses qualifications lui a été proposé qu'il a déclinée, qu'aucun élément ne vient justifier d'un refus systématique et non fondé d'autres candidatures présentées avant sa signature de la rupture du 7 avril 2017, les manquements opposés à la société SFR Distribution relativement à son obligation de reclassement en interne ne seront pas retenus.
- Sur la violation des accords d'entreprise,
Le salarié fait observer que l'employeur était tenu d'une garantie d'emploi dans le cadre de l'accord sur la garantie d'emploi du 25 juin 2014 et de l'accord de New Deal du 3 août 2016 ce, jusqu'au 1er juillet 2017 et que cette obligation prévalait jusqu'à la signature du protocole de rupture d'un commun accord signé le 7 avril 2017.
Il oppose également à l'employeur la violation de l'accord du 17 décembre 2015 relatif aux mesures d'accompagnement dans le cadre de la transformation au sein de NC Numéricable et de l'accord de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences GPEC du 1er février 2017
S'agissant de l'accord du 25 juin 2014 , il est ici observé que M. [I] était salarié de la société SFR Distribution et que celle-ci ne figure pas parmi la liste des sociétés (annexe 1 de l'accord du 25 juin 2014) entrant dans le champ d'application de cet accord sur les garanties au titre de l'emploi dans le cadre du projet de rapprochement de Numericable Group et de SFR conclu entre la société Numericable Group et les organisations syndicales représentatives.
L'accord constitutif d'un 'New deal' pour le pôle Télécoms de SFR Group du 3 août 2016 a trait pour sa part au projet de réorganisation de la distribution et l'accord du 19 octobre 2016 est conclu à sa suite.
Si cet accord du 3 août 2016 étend jusqu'au 1er juillet 2017 la garantie d'emploi déclinée dans
l' accord du 25 juin 2014 au sein de Numericable Group à la société SFR Distribution ( annexe1), la cour observe qu'il y est mentionné ( article 1.2) que cette garantie n'empêche pas la mise en place de plan de départs volontaires au sein de cette société, que ( article 1.3) jusqu'au 30 juin 2019, la direction s'engage sauf exceptions, à ce que les ruptures pour motif économique s'effectuent uniquement sur la base du volontariat, que ( article 1.4) si les sociétés parties du pôle Télécoms s'engagent à ce qu'aucun plan de départs volontaires pour motif économique ne soit mis en place avant le 1er juillet 2017, les filiales de la Distribution sont exclues de ce dispositif, la direction s'engageant ( article 1.5) à ce que les mesures d'indemnisation et d'accompagnement des plans de départs volontaires pour motif économique mis en 'uvre en 2016 et 2017 soient celles prévues au titre III de l'accord-cadre de méthode et de garanties sociales de SFR du 29 mars 2013 (ou PDV SFR 2013) annexé à l'accord majoritaire.
Il s'en déduit que l'accord majoritaire du 19 octobre 2016 n'ayant traité que de l'accompagnement à la mobilité interne et externe du plan de réduction des effectifs consécutif au projet de réorganisation des activités de distribution, ce dans les termes exhaustifs ici retenus, les accords sur la garantie d'emploi du 25 juin 2014 et de New Deal du 3 août 2016 n'ont pas été violés, la cour relevant en outre que dans le protocole de rupture d'un commun accord du 7 avril 2017, le salarié énonce, sans justifier d'un vice de consentement à cet égard, renoncer en tout état de cause à toute garantie d'emploi qu'il tient d'accords collectifs en vigueur.
S'agissant de l'accord du 17 décembre 2015 , la cour relève que ce dernier , antérieur à celui du 3 août 2016, signé entre la société NC Numéricable et les organisations syndicales représentatives, a trait à un socle de mesures d'accompagnement devant être mises en 'uvre dans le cadre des projets prioritaires faisant l'objet d'une procédure d'information/consultation du comité d'entreprise de la société NC Numéricable.
Il y est d'ailleurs à cette époque envisagé la possibilité pour les salariés de la société NC Numéricable d'accepter une proposition de poste au sein d'un espace SFR des filiales de distribution (page 15) .
Le champ d'application et l'objet de cet accord ne permettent en tout état de cause pas de l'opposer dans les présents débats.
L'accord de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences GPEC pour le pôle Télécom de SFR Group du 1er février 2017 est pour sa part applicable à la société SFR Distribution sous réserve cependant de son titre 9 'modalités spécifiques de la GPEC de février au 30 juin 2017"ce, étant tenu compte de ce qu'il n'est plus prévu de plan de départs volontaires s'agissant de la société SFR Distribution à compter du 1er juillet 2017 ( page 8).
Cet accord du 1er février 2017 est entré en vigueur à compter de l'accomplissement de ses formalités de dépôt tandis que la rupture d'un commun accord du contrat de travail de M. [I] a été régi par l'accord majoritaire du 19 octobre 2016 selon un dispositif mis en oeuvre début janvier 2017 et dont le protocole du 7 avril 2017 a été la dernière étape.
M. [I] fait de nouveau valoir à ce stade que les articles 4.1, 4.2, 4.3.1 de l'accord majoritaire du 19 octobre 2016 n'ont pas été respectés.
Cependant, il a d'ores et déjà été retenu par la cour que la salarié a bénéficié, dans les formes négociées par les partenaires sociaux, de l'information requise sur les postes disponibles en interne, qu'il a fait l'objet pour le moins d'une proposition de poste en interne puis d'une validation de son projet en vue d'une promesse d'embauche après examen par la commission de validation fin mars 2017 , la cour observant que le plan prévoyait la possibilité de formation et d'adaptation en cas de nécessité.
Ces éléments conduiront à confirmer le jugement du conseil de prud'hommes en ce qu'il a rejeté la demande de condamnation en paiement de l'employeur pour non-respect des accords d'entreprise.
- sur le rappel de salaire au titre des commissions non perçues
Le salarié fait ici valoir qu'à compter du début de l'année 2016, les responsables de secteur n'ont plus reçu leurs feuilles d'objectifs. Il sollicite de ce fait un rappel de rémunération au titre de sa prime qualitative pour la période s'étendant de mars 2016 à mars 2017.
Les objectifs définis unilatéralement par l'employeur doivent être portés à la connaissance du salarié en début d'exercice. Les objectifs doivent également correspondre à des normes sérieuses et raisonnables, compatibles avec les moyens donnés.
Le contrat de travail de M. [I] retient, au titre de la rémunération, une partie fixe mensuelle et une partie variable en fonction de l'atteinte de ses objectifs préalablement définis dans le plan de rémunération en vigueur dans l'entreprise.
Or, la notification préalable des objectifs pour la période susvisée n'est pas justifiée.
Il sera dès lors fait droit à la demande de rappel de commissions pour la période considérée sur la base des montants alloués au titre de la prime qualitative énoncés dans les bulletins de salaire produits soit la somme de 2142,65 euros outre congés payés afférents.
- sur le rappel d'indemnités de rupture
L'article 12.2.2 de l'accord majoritaire retient que le salaire brut utilisé pour calculer le montant de l'indemnité complémentaire est le salaire brut moyen versé sur les douze derniers mois précédant la rupture, primes, bonus, heures supplémentaires , astreintes et variable inclus et exclusion faite de tout élément perçu qui ne correspond pas à la contrepartie du travail du salarié sans tenir compte des périodes d'indemnisation maladie et à l'exclusion des remboursements de frais.
La période de référence s'étend en l'espèce de février 2016 à janvier 2017.
Sur la base de la rémunération visée à l'article 12.2.2 perçue sur ces douze mois et après ajout du rappel de commissions durant la période de référence, la société SFR Distribution sera condamnée à régler à M. [I] les sommes suivantes , sur la base d'un salaire de référence de 5157,26 euros:
-466,79 euros à titre de solde d'indemnité compensatrice de préavis et 46,67 euros au titre des congés payés afférents,
-985,41 euros à titre de solde d'indemnité conventionnelle de licenciement,
-3368,96 euros à titre de solde d'indemnité complémentaire de licenciement,
-1713,11 euros à titre de solde d'indemnité de solution professionnelle,
- sur le solde de RTT
M. [I] fait ici remarquer que son bulletin de salaire du mois d'août 2016 fait état de 4 jours de RTT qui ne lui ont pas été payés lors du solde de tout compte tandis qu'il a été empêché de poser ces jours, la mention en ayant disparu de ses bulletins de salaire à compter du mois de septembre 2016, date du transfert de son contrat de travail à la société SFR distribution
Cependant ces éléments ne justifient pas d'un empêchement du salarié de poser et prendre ses jours RTT et le jugement du conseil de prud'hommes doit être confirmé en ce qu'il a rejeté la demande.
- sur la violation de la priorité de réembauche
M. [I] fait ici valoir qu'il a écrit à son employeur en juillet 2017 afin de lui faire part de son souhait de bénéficier de la priorité de réembauche, qu'il ne lui a été proposé que des postes de conseiller de vente le 25 septembre 2017 qu'il a refusés au regard de sa qualification en tant qu'ingénieur commercial, qu'aucune autre proposition ne lui a été adressée depuis.
L'article L.1233-45 du code du travail retient que le salarié, licencié pour motif économique, bénéficie d'une priorité de réembauche durant un délai d'un an à compter de la date de rupture de son contrat s'il en fait la demande au cours de ce même délai.
Dans ce cas, l'employeur informe le salarié de tout emploi devenu disponible et compatible avec sa qualification. En outre, l'employeur informe les représentants du personnel des postes disponibles.
Le salarié ayant acquis une nouvelle qualification bénéficie également de la priorité de réembauche au titre de celle-ci, s'il en informe l'employeur.
L'article 5 du protocole de rupture amiable vise que l'intéressé bénéficie d'une priorité de réembauche durant un délai d'un an à compter de la date à laquelle cesseront toutes les relations contractuelles entre les parties à condition d'avoir informé la société , dans ce délai, de son désir d'user de cette priorité.
Or, en l'espèce, les pièces produites aux débats ne permettent pas de retenir que le salarié, en adressant à son employeur, un courrier le 20 juillet 2017 n'a pas informé ce dernier de son désir d'user de cette priorité dans les délais ici déclinés, sa perception de l'indemnité de solution professionnelle permettant de retenir le terme anticipé de son congé de reclassement.
Sachant qu'il est justifié de l'existence de postes disponibles en adéquation avec la qualification du salarié courant 2017 et 2018 sans proposition de l'employeur à cet égard, la société SFR Distribution sera condamnée à payer à M. [I] la somme de 10314,52 euros à titre indemnitaire.
Les créances salariales porteront intérêts au taux légal à compter de la réception par la société de sa convocation devant le bureau de conciliation et d'orientation du conseil de prud'hommes et les créances indemnitaires porteront intérêts au taux légal à compter de la décision en fixant tout à la fois le principe et le montant.
Il sera statué sur les dépens et frais irrépétibles dans les termes du dispositif.
PAR CES MOTIFS
La COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort ;
CONFIRME le jugement entrepris sauf en ce qu'il a rejeté les demandes du salarié au titre du rappel de commissions, du rappel d'indemnités de rupture et de l' indemnité pour violation de la priorité de réembauche;
Statuant à nouveau et y ajoutant,
CONDAMNE la société SFR Distribution à payer à M. [B] [I] les sommes suivantes :
- 2142,65 euros à titre de rappel de commissions 2016 et 2017 et 214,26 euros au titre des congés payés afférents
-466,79 euros à titre de solde d'indemnité compensatrice de préavis et 46,67 euros au titre des congés payés afférents,
-985,41 euros à titre de solde d'indemnité conventionnelle de licenciement,
-3368,96 euros à titre de solde d'indemnité complémentaire de licenciement,
-1713,11 euros à titre de solde d'indemnité de solution professionnelle,
- 10314,52 euros à titre d'indemnité pour non-respect de la priorité de réembauche,
DIT que les créances de nature salariale portent intérêts au taux légal à compter de la réception par la société SFR Distribution de sa convocation devant le bureau de conciliation et d'orientation du conseil de prud'hommes et que les créances indemnitaires portent intérêts au taux légal à compter de la décision en fixant tout à la fois le principe et le montant ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE la société SFR Distribution à payer à M. [B] [I] la somme de 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,
CONDAMNE la société SFR Distribution aux dépens .
Arrêt prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour,les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code procédure civile et signé par Madame Isabelle VENDRYES, Président, et par Madame BOUCHET-BERT Elodie,Greffière,auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,