COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 80C
6e chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 02 JUIN 2022
N° RG 19/02260 - N° Portalis DBV3-V-B7D-TGTL
AFFAIRE :
[W] [C]
C/
S.A.S. SFR DISTRIBUTION
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 18 Avril 2019 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NANTERRE
N° Section : E
N° RG : F17/02123
Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :
Me Aïcha CONDE
Me Antoine VIVANT
le : 03 Juin 2022
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE DEUX JUIN DEUX MILLE VINGT DEUX,
La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
Madame [W] [C]
née le 10 Avril 1983 à [Localité 5] (Liban)
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentée par : Me Aïcha CONDE, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : E0023
APPELANTE
****************
S.A.S. SFR DISTRIBUTION
N° SIRET : 410 358 865
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentée par : Me Antoine VIVANT de la SELEURL Vivant Avocat SELARL, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : B1063,substitué par Me CURNIER-CRIBEILLET Pauline ,avocate au barreau de Paris.
INTIMEE
****************
Composition de la cour :
L'affaire a été débattue à l'audience publique du 29 Mars 2022, devant la cour composée de :
Madame Isabelle VENDRYES, Président,
Madame Valérie DE LARMINAT, Conseiller,
Madame Nathalie GAUTRON-AUDIC, Conseiller,
qui en ont délibéré,
Greffier lors des débats : Mme Elodie BOUCHET-BERT
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
La SAS SFR Distribution intervient sur l'ensemble des activités de distribution du marché Grand Public au sein du Pôle Telecom du groupe SFR Group. Dans ce cadre, elle est en charge de l'exploitation des boutiques Espace SFR, du réseau Grandes enseignes, des circuits de proximité et de la vente à domicile.
En 2016, SFR Group a fait l'objet d'une réorganisation de ses activités de distribution. Il a été engagé le 9 septembre 2016 un processus d'information-consultation du comité d'entreprise sur ce projet et ses mesures d'accompagnement.
Un accord collectif majoritaire relatif à un projet de licenciement collectif pour motif économique a été signé le 19 octobre 2016 et validé par la Direccte le 17 novembre 2016.
Cet accord prévoyait un plan de mobilité professionnelle contenant des mesures de mobilité interne et externe (plan de départs volontaires) ainsi qu'un dispositif de transition de carrière.
Mme [W] [C], née le 10 avril 1983, a été engagée par contrat de travail à durée indéterminée par la société NC Numéricable le 14 février 2011 en qualité de conseillère commerciale boutique, la convention collective applicable étant celle des télécommunications.
Par avenant en date du 2 juillet 2012, Mme [C] a été promue au poste de responsable boutique..
Par avenant en date du 1er mars 2013, Mme [C] a été nommé responsable secteur,
En août 2016, le contrat de travail de Mme [C] a été transféré au sein de la société SFR Distribution.
La salariée travaillait, en dernier lieu, à temps partiel thérapeutique.
Suite à la conclusion de l'accord du 19 octobre 2016 portant sur les mesures sociales d'accompagnement du projet de réorganisation, la société SFR Distribution a informé 17 responsables de zone de vente / Région Ile de France, dont Mme [C], de la suppression de leur poste et de leur éligibilité au plan de mobilité professionnelle.
Mme [C] a signé avec son employeur un protocole de rupture d'un commun accord pour motif économique, le 22 mars 2017.
Le 14 avril 2017, Mme [C] a signé avec son employeur et le cabinet Alixio Mobilité, une chartre d'engagements réciproques dans le cadre du congé de reclassement.
Par requête reçue au greffe le 28 juillet 2017, Mme [C] a saisi le conseil de prud'hommes de Nanterre aux fins de voir notamment juger que le protocole de rupture d'un commun accord produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et voir condamner son employeur à lui verser diverses sommes au titre de la rupture et de l'exécution de son contrat de travail.
Par jugement rendu le 18 avril 2019, le conseil de prud'hommes de Nanterre a :
- ordonné la clôture de la mise en état de l'affaire,
- débouté Mme [C] de l'ensemble de ses demandes,
- dit que chacune des parties conservera la charge de ses propres dépens.
Mme [C] a interjeté appel de ce jugement par déclaration du 16 mai 2019.
Par conclusions adressées par voie électronique le 11 février 2020, Mme [C] demande à la cour de :
- la recevoir en ses demandes,
- l'en déclarer bien fondée,
Ce faisant :
- infirmer le jugement querellé,
Statuant à nouveau :
- dire et juger que le protocole de rupture d'un commun accord pour motif économique signé le 22 mars 2017, produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse,
En conséquence :
- condamner la société SFR Distribution à Mme [C] :
' 50 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
' 20 000 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect des accords d'entreprise,
' 15 000 euros à titre d'indemnité pour non-respect de la priorité de réembauche,
' 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Par ordonnance d'incident rendue le 2 septembre 2021, le conseiller de la mise en état a déclaré irrecevables les conclusions adressées le 24 décembre 2019 par la société SFR Distribution.
Par ordonnance rendue le 9 mars 2022, le magistrat chargé de la mise en état a ordonné la clôture de l'instruction et a fixé la date des plaidoiries au 29 mars 2022.
En application de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.
MOTIFS
Sur l'obligation de reclassement
La salariée retient que si l'accord majoritaire portant sur les mesures sociales d'accompagnement du projet de réorganisation de la société SFR Distribution comprenait l'engagement de cette dernière de ne recourir qu'au volontariat et de ne procéder à aucun licenciement, il n'en demeure pas moins qu'afin d'atteindre la réorganisation cible de la société au sein du groupe, cet accord prévoyait des suppressions de postes déterminés et non un simple objectif global de réduction d'effectif.
Elle fait valoir qu'aux termes de la lettre d'éligibilité qui lui a été adressée le 24 novembre 2016, il lui a été notifié que la société entendait supprimer 17 postes relevant de la catégorie des responsables de vente/Ile de France , que dès lors, la société SFR Distribution était tenue d'une obligation de reclassement interne à son égard.
Elle retient qu'elle aurait été en droit de refuser la modification induite de son contrat de travail au cas où il lui aurait été proposé un repositionnement ce qui aurait nécessité son reclassement.
Elle observe que cette obligation de reclassement interne découle de la décision de la Direccte elle même et des textes applicables. Elle énonce que cette obligation, préalable à la signature du protocole de rupture amiable découle du courrier même de l'employeur énonçant son éligibilité au plan de mobilité professionnelle en raison de la suppression de son poste étant relevé qu'à aucun moment, l'employeur n'indique dans sa lettre que faute d'acceptation du plan de départs volontaires, il n'y aurait pas de licenciement et qu'ainsi son emploi serait préservé.
Elle fait notamment valoir que l'obligation de reclasser un salarié avant la signature du protocole de rupture amiable découle de l'accord majoritaire dont l'article 1.1 visait la possibilité pour chaque salarié éligible de candidater en interne ce qui impliquait son information sur les postes disponibles correspondant à son profil laquelle n'a pas été donnée, qu'en l'espèce l'employeur s'est contenté d'inviter les salariés éligibles au plan de mobilité professionnelle, en raison de la suppression de postes, à consulter la bourse de l'emploi , qu'elle n'a bénéficie d'aucune mesure destinée à favoriser son maintien dans le groupe, ce alors même que l'employeur ne justifie pas qu'il n'existait pas en son sein, dans les sociétés du groupe, des emplois disponibles de la même catégorie que la sienne ou de catégorie équivalente ou à défaut et sous réserve de son accord, d'une catégorie inférieure, que la société ne peut se prévaloir du fait qu'elle ait candidaté au plan de départ volontaire pour échapper à son obligation, qu'elle n'a eu d'autre choix que d'accepter la rupture du 22 mars 2017.
L'intéressée fait aussi état d'une violation de l'accord majoritaire soit plus précisément de ses articles 4.1 , 4.2 et 4.3.1.
Sur ce,
L'accord majoritaire portant sur les mesures sociales d'accompagnement du projet de réorganisation de la société SFR Distribution du 19 octobre 2016 mentionne en en- tête qu'il est conclu en application des dispositions de l'article L 1233-24-1 du code du travail.
Ce dernier énonce , dans sa version applicable en l'espèce, que dans les entreprises de cinquante salariés et plus, un accord collectif peut déterminer le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi mentionné aux articles L. 1233-61 à L. 1233-63 ainsi que les modalités de consultation du comité d'entreprise et de mise en 'uvre des licenciements.
L'article L.1233-57-2 1° du code du travail, dans sa version applicable en l'espèce, vise que l'autorité administrative valide l'accord collectif mentionné à l'article L. 1233-24-1 dès lors qu'elle s'est assurée de sa conformité aux articles L. 1233-24-1 à L. 1233-24-3 , ces articles déclinant les obligations de reclassement de l'employeur.
Selon l'article L.1235-7-1 du code du travail, l'accord collectif mentionné à l'article L. 1233-24-1, le document élaboré par l'employeur mentionné à l'article L. 1233-24-4, le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi, les décisions prises par l'administration au titre de l'article L. 1233-57-5 et la régularité de la procédure de licenciement collectif ne peuvent faire l'objet d'un litige distinct de celui relatif à la décision de validation ou d'homologation mentionnée à l'article L. 1233-57-4. Ces litiges relèvent de la compétence, en premier ressort, du tribunal administratif, à l'exclusion de tout autre recours administratif ou contentieux.
Il s'en déduit que le juge judiciaire ne saurait ici examiner la question de savoir si l'accord majoritaire du 19 octobre 2016 comprenait un plan de reclassement interne valable au regard des critères retenus par la Cour de cassation dans sa jurisprudence citée par la salariée laquelle répondait à la question de savoir dans quels cas un plan de reclassement interne devait être intégré au plan de sauvegarde de l'emploi lorsqu'un projet de réduction d'effectifs de l'employeur impliquait la suppression de l'emploi de salariés ne voulant ou ne pouvant quitter l'entreprise dans le cadre d'un plan de départs volontaires.
Sans soulever précisément la question de la validité du plan de départs volontaires ici conclu, Mme [C] fait valoir qu'elle aurait du bénéficier d'un reclassement interne régulier avant de signer le protocole de rupture d'un commun accord pour motif économique du 22 mars 2017.
La question ainsi posée a trait à la mise en oeuvre des mesures de l'accord majoritaire et la décision du conseil de prud'hommes a lieu d'être confirmée en ce qu'elle a décidé de statuer sur le fond..
A cet égard, la cour observe à titre liminaire que l'accord vise distinctement les mesures favorisant la mobilité interne et externe des salariés de celles relatives à leur 'repositionnement', la direction s'engageant alors à 'garantir au salarié sur son bassin d'emploi (...), un emploi de même qualification, sans modification de sa rémunération lorsque la Direction n'aura pu maintenir l'emploi du salarié qui aura été supprimé par l'effet de la réorganisation et que le salarié n'aura ni souhaité candidater à un départ volontaire ni accepté une mobilité interne'.
Cette clause exclut le licenciement de la salariée du fait de la suppression de son emploi mais retient la proposition qui lui sera alors faite de la repositionner à défaut d'une mobilité interne ou externe.
Si l'intéressée énonce, dans ce cadre, que ce 'repositionnement' aurait inéluctablement conduit à une modification de son contrat de travail en raison de la suppression de la totalité des postes de distribution dans la région Ile de France' ce qui aurait abouti à son licenciement économique du fait de son refus de la modification de son contrat de travail en lien avec la réorganisation de l'entreprise, son moyen reste conditionnel , sans lien avec les faits soumis à la cour laquelle ne saurait déduire l'obligation de reclassement de l'employeur d'un cas juridiquement distinct de celui se déduisant des faits de l'espèce.
En tout état de cause, il ressort de ses termes que l'accord tout en visant la suppression de 868 postes visait aussi la création de 588 autres et que la proposition de repositionnement susvisée , qui dépendait également du nombre de départs volontaires effectifs, ne pouvait être anticipée, n'ayant vocation à intervenir que si la salariée, à terme, n'avait pas souhaité candidater à un départ volontaire ou à une mobilité interne ou si sa candidature n'avait pas été retenue ce qui ressort clairement des termes de l'accord majoritaire transmis aux salariés par les partenaires sociaux.
S'agissant de la proposition de 'reclassement' dont la salariée retient qu'elle aurait du lui être présentée avant la rupture d'un commun accord du 22 mars 2017, il est rappelé qu'aux termes de l'article L.1233-24-3 du code du travail , l'accord prévu à l'article L 1233-24-1 ne peut en effet déroger à l'obligation de reclassement incombant à l'employeur en application de l'article L 1233-4 du même code.
Il est rappelé à cet égard que l'accord majoritaire du 19 octobre 2016 signé après la conclusion de l'accord collectif New Deal du 3 août 2016 prévoit la mise en place d'un plan de mobilité professionnelle dont l'objet est défini par référence à l'article L.1233-24-2 et suivants du code du travail ( page 5) lequel retient l'obligation de reclassement.
La cour observe que dans sa décision du 17 novembre 2016, la Direccte des Hauts de Seine a fait porter son contrôle 'sur le contenu du plan de sauvegarde mentionné aux articles L 1233-61 à 63 du code du travail ' ce qui induit son examen des actions visées à l'article L.1233- 62 du code du travail.
Ainsi qu'il l'a été rappelé, il n'appartient pas au juge judiciaire de procéder à ce même contrôle soit notamment d'examiner les conditions dans lesquelles la société et les organisations syndicales représentatives ont entendu, en l'espèce, décider des modalités d'accès, par les salariés éligibles, aux postes à pourvoir en interne ( page 14 de l'accord), des délais accordés pour candidater sur ces derniers et des mesures d'accompagnement pour ce faire.
A cet égard, il sera uniquement constaté que le plan énonce qu'une lettre d'information sera adressée à chaque collaborateur éligible, chacun pouvant ainsi choisir de préparer ou de formaliser un projet pour présenter sa candidature à une mobilité interne ou externe, les départs volontaires ou ceux s'inscrivant dans le cadre du dispositif de transition de carrière ainsi que les mobilités internes s'échelonnant sur toute la durée du plan, une mise à jour quotidienne des catégories d'emplois éligibles étant disponible auprès de l'espace conseil mobilité.
Le plan décline, s'agissant plus précisément de la mobilité intra groupe (articles 4.1 à 4.3 dont le salarié invoque la violation), les moyens spécifiques mis à la disposition des collaborateurs éligibles soit le recensement des postes disponibles en interne, l'aide à la préparation des candidatures et à la mobilité géographique, les formations possibles, la prise en charge des frais induits, ces candidatures pouvant être présentées pendant une période de huit semaines pour les postes à pourvoir au sein de SFR Distribution et SFR Business Distribution et de quatre semaines pour les postes à pourvoir au sein des autres entités du groupe, les collaborateurs éligibles restant cependant prioritaires à compétence égale par rapport à tout autre collaborateur du groupe passé ce délai. Il est également mentionné que lorsque la candidature du collaborateur est retenue, il dispose d'un délai de huit jours calendaires pour accepter et signer l'avenant à son contrat de travail.
Au titre des reclassements internes, il est également visé dans le plan le cas des salariés éligibles par substitution permettant le reclassement effectif et direct en interne d'un salarié éligible sur un poste devenu libre par le biais d'une mobilité externe ( article 1.2).
Les mobilités externes sont fondées, pour leur part, sur des projets individuels des salariés volontaires accompagnés de pièces justificatives permettant l'analyse et la validation du projet par la commission de validation des projets, des mesures d'accompagnement étant déclinées dont une indemnité de différentiel de rémunération ou un accompagnement d'un projet finalisé de création/reprise d'entreprise.
La cour observe ici que dans les termes du courrier du 24 novembre 2016 de la société, il est fait état à Mme [C] de son éligibilité tant au projet de mobilité interne qu'au projet de mobilité externe sur la base du volontariat et de son bénéfice, dans chacun des cas, des mesures d'accompagnement susvisées.
Il résulte des pièces produites que Mme [C] a en l'espèce postulé, avant la rupture du 22 mars 2017, au poste de 'chef de projet relation écoles' faisant suite à la publication en interne d'un poste de responsable de projet lequel était chargé, au sein des ressources humaines, de contribuer à définir les orientations stratégiques de la politique d'alternance et à piloter les campagnes de recrutement des alternants.
Il est également justifié que Mme [C] a été contactée le 21 février 2017 par M. [Y], responsable contrôle distribution GP, lequel mentionnait être à la recherche de conseiller de gestion dans le cadre d'une substitution au sein de son équipe. Il ressort des échanges menés avec M. [Y] qu'une formation a été recherchée notamment auprès de la Sameth 77, organisme gérant le maintien des personnes en situation de handicap tandis que le 2 mars 2017, il a été envisagé par les deux parties la signature de la substitution pour le 3 mars.
Or, il ressort du message adressé par Mme [C] à M. [Y] le 3 mars 2017 que cette substitution n'a pu avoir lieu, l'intéressée l'informant que sa formation ne pouvait être garantie à 100 % par SFR distribution.
La cour observe ici que dans le cadre de l'accord majoritaire, il est décliné à l'article 4.1 des moyens spécifiques mis à la disposition d'un candidat à un poste à pourvoir en interne dont notamment des formations tandis que l'article 4.2 énonce que les demandes de mobilité interne sont instruites par le RRH/le manager d'accueil qui s'assure que le niveau de compétences du salarié est compatible avec le niveau requis pour le poste rendu éventuellement compatible par une formation d'adaptation.
Sachant dès lors qu'il ressort des éléments en présence que le manager d'accueil avait approuvé la candidature de la salariée relative au poste de conseiller de gestion sous réserve d'une formation et qu'il n'est pas justifié ici des moyens dès lors mis en 'uvre par l'employeur pour atteindre cet objectif, il sera retenu un manquement de ce dernier à ses obligations découlant de l'accord majoritaire en termes de reclassement interne.
Dans ces conditions, il sera fait droit à la demande de Mme [C] visant à voir dire que le protocole de rupture d'un commun accord pour motif économique du 22 mars 2017 produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et étant tenu compte de son ancienneté, de sa rémunération mensuelle moyenne brute ( 5097 euros), du préjudice se déduisant de la rupture y compris après prise en compte les indemnités versées dans ce cadre, la société SFR Distribution sera condamnée à régler à Mme [C] la somme de 42 000 euros.
- Sur la violation des accords d'entreprise,
La salariée fait observer que l'employeur était tenu d'une garantie d'emploi dans le cadre de l'accord sur la garantie d'emploi du 25 juin 2014 et de l'accord de New Deal du 3 août 2016 ce, jusqu'au 1er juillet 2017 et que cette obligation prévalait jusqu'à la signature du protocole de rupture d'un commun accord signé le 8 février 2017.
Elle oppose également à l'employeur la violation de l'accord du 17 décembre 2015 relatif aux mesures d'accompagnement dans le cadre de la transformation au sein de NC Numéricable et de l'accord de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences GPEC du 1er février 2017
S'agissant de l'accord du 25 juin 2014 , il est ici observé que Mme [C] était salariée de la société SFR Distribution et que celle-ci ne figure pas parmi la liste des sociétés (annexe 1 de l'accord du 25 juin 2014) entrant dans le champ d'application de cet accord sur les garanties au titre de l'emploi dans le cadre du projet de rapprochement de Numericable Group et de SFR conclu entre la société Numericable Group et les organisations syndicales représentatives.
L'accord constitutif d'un 'New deal' pour le pôle Télécom de SFR Group du 3 août 2016 a trait pour sa part au projet de réorganisation de la distribution et l'accord du 19 octobre 2016 est conclu à sa suite.
Si cet accord du 3 août 2016 étend jusqu'au 1er juillet 2017 la garantie d'emploi déclinée dans
l' accord du 25 juin 2014 au sein de Numericable Group à la société SFR Distribution ( annexe1), la cour observe qu'il y est mentionné ( article 1.2) que cette garantie n'empêche pas la mise en place de plan de départs volontaires au sein de cette société, que ( article 1.3) jusqu'au 30 juin 2019, la direction s'engage sauf exceptions, à ce que les ruptures pour motif économique s'effectuent uniquement sur la base du volontariat, que ( article 1.4) si les sociétés parties du pôle Télécoms s'engagent à ce qu'aucun plan de départs volontaires pour motif économique ne soit mis en place avant le 1er juillet 2017, les filiales de la Distribution sont exclues de ce dispositif, la direction s'engageant ( article 1.5) à ce que les mesures d'indemnisation et d'accompagnement des plans de départs volontaires pour motif économique mis en 'uvre en 2016 et 2017 soient celles prévues au titre III de l'accord-cadre de méthode et de garanties sociales de SFR du 29 mars 2013 (ou PDV SFR 2013) annexé à l'accord de 2016.
Il s'en déduit que l'accord majoritaire du 19 octobre 2016 n'ayant traité que de l'accompagnement à la mobilité interne et externe du plan de réduction des effectifs consécutif au projet de réorganisation des activités de distribution, ce dans les termes exhaustifs ici retenus, les accords sur la garantie d'emploi du 25 juin 2014 et de New Deal du 3 août 2016 n'ont pas été violés.
S'agissant de l'accord du 17 décembre 2015 , la cour relève que ce dernier , antérieur à celui du 3 août 2016, signé entre la société NC Numéricable et les organisations syndicales représentatives, a trait à un socle de mesures d'accompagnement devant être mises en 'uvre dans le cadre des projets prioritaires faisant l'objet d'une procédure d'information/consultation du comité d'entreprise de la société NC Numéricable.
Il y est d'ailleurs à cette époque envisagé la possibilité pour les salariés de la société NC Numéricable d'accepter une proposition de poste au sein d'un espace SFR des filiales de distribution (page 15) .
Le champ d'application et l'objet de cet accord ne permettent en tout état de cause pas de l'opposer dans les présents débats.
L'accord de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences GPEC pour le pôle Télécoms de SFR Group du 1er février 2017 est pour sa part applicable à la société SFR Distribution sous réserve cependant de son titre 9 'modalités spécifiques de la GPEC de février au 30 juin 2017"ce, étant tenu compte de ce qu'il n'est plus prévu de plan de départs volontaires s'agissant de la société SFR Distribution à compter du 1er juillet 2017 ( page 8).
Cet accord du 1er février 2017 est entré en vigueur à compter de l'accomplissement de ses formalités de dépôt tandis que la rupture du contrat de travail de Mme [C] était régi par les dispositions de l'accord majoritaire du 19 octobre 2016 selon un dispositif débuté avant le mois de février 2017 et dont la rupture du 22 mars 2017 a été la dernière étape.
Mme [C] fait à nouveau valoir à ce stade que les articles 4.1, 4.2, 4.3.1 de l'accord majoritaire du 19 octobre 2016 n'ont pas été respectés.
La cour a cependant d'ores et déjà retenu un manquement de l'employeur à cet égard et condamné ce dernier au titre du préjudice en résultant.
Ces éléments conduiront à confirmer le jugement du conseil de prud'hommes en ce qu'il a rejeté la demande de condamnation en paiement de l'employeur pour non-respect des accords d'entreprise.
- sur la violation de la priorité de réembauche
Mme [C] fait ici valoir qu'elle a fait état à son employeur le 1er juin 2017 de son souhait de bénéficier de la priorité de réembauche, qu'elle a refusé le 26 novembre 2017 des propositions de poste en inadéquation avec son profil, qu'elle n'a plus, depuis cette date, été destinataire d'aucune offre tandis que le 29 avril 2018 elle a postulé à cinq postes pour lesquelles elle n'a reçu aucune réponse.
L'article L.1233-45 du code du travail retient que le salarié, licencié pour motif économique, bénéficie d'une priorité de réembauche durant un délai d'un an à compter de la date de rupture de son contrat s'il en fait la demande au cours de ce même délai.
Dans ce cas, l'employeur informe le salarié de tout emploi devenu disponible et compatible avec sa qualification. En outre, l'employeur informe les représentants du personnel des postes disponibles.
Le salarié ayant acquis une nouvelle qualification bénéficie également de la priorité de réembauche au titre de celle-ci, s'il en informe l'employeur.
L'article 5 du protocole de rupture amiable vise que l'intéressé bénéficie d'une priorité de réembauche durant un délai d'un an à compter de la date à laquelle cesseront toutes les relations contractuelles entre les parties à condition d'avoir informé la société , dans ce délai, de son désir d'user de cette priorité.
Il est précisé à l'article 2 du protocole qu'en cas d'adhésion de la salariée au congé de reclassement, la cessation définitive du contrat de travail ne prendra effet qu'au terme du congé de reclassement.
En l'espèce, il se déduit des pièces produites que le 14 avril 2017 Mme [C] a signé une charte d'engagement dans le cadre d'un congé de reclassement d'une durée de 15 mois, préavis conventionnel inclus.
Le préavis ayant commencé de courir le 23 mars 2017 , il s'en déduit , à défaut de la justification d'un terme anticipé de ce congé, que le congé de reclassement est demeuré effectif jusqu'au 30 juin 2018 ce qui doit conduire à constater que les demandes au titre de la priorité de réembauche entre le 1er juin 2017 et le 29 avril 2018 l'ont été durant une période qui n'était pas couverte par ce dispositif.
A défaut de la justification d'une demande postérieure en date , le jugement a lieu d'être confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de ce chef.
La créance indemnitaire portera intérêts au taux légal à compter de la décision en fixant tout à la fois le principe et le montant.
Il sera statué sur les dépens et frais irrépétibles dans les termes du dispositif.
PAR CES MOTIFS
La COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort ;
CONFIRME le jugement entrepris sauf en ce qu'il a rejeté la demande de dommages et intérêts au titre du défaut de cause réelle et sérieuse du licenciement ;
Statuant à nouveau et y ajoutant,
CONDAMNE la société SFR Distribution à payer à Mme [W] [C] la somme de 42 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE la société SFR Distribution à payer à Mme [W] [C] la somme de 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,
CONDAMNE la société SFR Distribution aux dépens .
Arrêt prononcé publiquement à la date indiquée par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile et signé par Mme Isabelle Vendryes, présidente, et par Mme Élodie Bouchet-Bert, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,