COUR D'APPEL
DE VERSAILLES
Code nac : 14I
N°
N° RG 18/00025
Du 08 JUIN 2022
Copies exécutoires
délivrées le :
à :
M. [W] [N] [P]
M. [M] [T] [D]
Me Emmanuel JEZ
Me Franck LAFON,
Me [G] [K]
Me Oriane DONTOT,
ORDONNANCE
LE HUIT JUIN DEUX MILLE VINGT DEUX
prononcé par mise à disposition au greffe,
Nous, Françoise PIETRI-GAUDIN, Conseiller à la cour d'appel de VERSAILLES, déléguée par ordonnance de monsieur le premier président pour statuer en matière de contestations d'honoraires et de débours relatifs à la profession d'avocat ; vu les articles 176 et 178 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991, assistée de Marie-Line PETILLAT, greffier, avons rendu l'ordonnance suivante :
ENTRE :
Monsieur [W] [N] [P]
né le 15 Mars 1989 à [Localité 4]
[Adresse 6]
Arco S-Paio
[Adresse 2]
Monsieur [M] [T] [D]
[Adresse 6]
[Adresse 6]
[Localité 5] (PORTUGAL)
représentés par Me Emmanuel JEZ de la SELARL SAJET, avocat plaidant au barreau de PARIS, vestiaire : K0071, Me Franck LAFON, avocat postulant au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 618
DEMANDEURS
ET :
Maître [G] [K]
Avocat au barreau de Paris
né le 11 Avril 1967 à [Localité 7] (GUADELOUPE)
[Adresse 1]
[Localité 3]
Comparant assisté de Me Oriane DONTOT, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 617
DEFENDEUR
A l'audience publique du 11 Mai 2022 où nous étions Françoise PIETRI-GAUDIN, Conseiller assistée de Marie-Line PETILLAT, greffier, avons indiqué que notre ordonnance serait rendue ce jour ;
*******************
SUR CE
Faits et procédure :
Monsieur [W] [H] est un joueur de football international ayant joué de 2005 à 2017 au [8] du Portugal.
Le 17 novembre 2011 Monsieur [W] [P] et son père Monsieur [T] [D] concluent avec Maître Jim MICHEL-GABRIEL, avocat au barreau de Paris, une convention d'avocat mandataire sportif prévoyant que les honoraires visés à la convention sont équivalents à 10% des sommes brutes négociées sur chaque contrat par l'avocat.
Le 4 septembre 2012 un avenant renouvelant le contrat de Monsieur [W] [P] avec le [8] du Portugal est signé.
A la suite de cela, un litige concernant les honoraires de Maître [G] [K] va opposer les parties.
Par ordonnance du 12 décembre 2013, le bâtonnier de l'ordre des avocats du barreau de Paris, saisi par Maître [G] [K], a :
- dit la convention signée le 17 novembre 2011 valable en son principe, et applicable
- fixé à hauteur de 872 000 euros le montant des honoraires dus à Maître [G] [K] par Monsieur [W] [P]
- constaté des règlements partiels intervenus laissant subsister un solde de 821 788 euros en faveur de Maître [G] [K]
- dit que cette somme serait majorée des frais et honoraires éventuels de signification de la décision.
Par ordonnance rectificative du 26 décembre 2013, le bâtonnier a prononcé la mise hors de cause de Monsieur [T] [D].
Aux termes d'un arrêt du 28 octobre 2014, le conseiller délégataire du premier président de la cour d'appel de Paris a :
- infirmé la décision entreprise
- constaté qu'aucune demande en fixation d'honoraires n'était formée à l'encontre de Monsieur [T] [D]
- dit qu'il appartiendrait aux parties de saisir la juridiction compétente de la demande tendant à voir déclarer nulle la convention de mandat sportif conclue entre Monsieur [W] [P] et Maître [G] [K]
- dit que si le mandat était déclaré nul, il n'y aurait pas lieu à fixation d'honoraires
- dit que si le mandat était reconnu valable, le montant des honoraires dus à Maître [G] [K] en exécution du contrat de mandat sportif du 17 novembre 2011 était fixé à 350 000 euros, et la somme restant due après déduction des acomptes à 299 588 euros
- rejeté la demande de dommages et intérêts pour résistance abusive formée par Maître [G] [K]
- rejeté la demande de publication de la décision
- dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile.
Dans un arrêt en date du 14 janvier 2016, la Cour de cassation a cassé cette décision et renvoyé la cause et les parties devant la cour d'appel de Versailles. La Cour de cassation a relevé que l'action en fixation d'honoraires, supposait que soit tranchée la question préalable de la validité du mandat sportif, laquelle relevait de la compétence exclusive d'une autre juridiction, et dit que le premier président devait surseoir à statuer sur la fixation des honoraires.
La cour d'appel de Versailles a été saisie par Messieurs [W] [P] et [T] [D] le 27 janvier 2016. L'affaire a été retirée du rôle à la demande des parties le 16 novembre 2016. L'affaire a été remise au rôle le 11 janvier 2018, et a fait l'objet de multiples renvois dans l'attente de décisions des juridictions portugaises sur la validité du mandat sportif du 17 novembre 2011.
A ce sujet, par décision du 21 mai 2021 le tribunal judiciaire de Lisbonne a accueilli la demande de Monsieur [H] tendant à voir déclarer nul et de nul effet le contrat conclu par les parties le 17 novembre 2011 et nulles car illicites les prestations d'avocat rendues au Portugal par Maître [G] [K].
Par arrêt du 18 novembre 2021 la cour d'appel de Lisbonne a rejeté l'appel et confirmé en toutes ses dispositions la décision du tribunal judiciaire de Lisbonne.
Par requête en date du 3 janvier 2022 Maître [G] [K] a saisi la Cour Suprême de Lisbonne, qui, par avis du 24 mars 2022, a déclaré le recours recevable, et annoncé qu'elle rendrait une décision dans cette affaire.
Aux termes de leurs dernières conclusions, Messieurs [W] [P] et [T] [D] ont sollicité :
- à titre principal, la fixation à zéro euro de l'honoraire dû à Maître [G] [K], et sa condamnation au remboursement à Monsieur [W] [P] de la somme déjà versée de 50 412 euros
- à titre subsidiaire, la fixation des honoraires de Maître [G] [K] à la somme de 22 500 euros, et sa condamnation à rembourser à Monsieur [W] [P] la somme de 27 912 euros au titre du trop-perçu,
- à titre infiniment subsidiaire, si la cour devait juger de la validité de la convention d'honoraires, de dire que cette convention est nulle et non avenue, et fixer à 50 412 euros le montant de l'honoraire dû,
- en toutes hypothèses, condamner Maître [G] [K] à verser, au titre de l'article 700 du code de procédure civile, la somme de 3 000 euros à Monsieur [T] [D], et celle de 12 000 euros à Monsieur [W] [P].
Aux termes de ses dernières conclusions, Maître [G] [K] a demandé à la cour d'appel de :
- confirmer la décision rendue par le bâtonnier le 12 décembre 2013 rectifiée le 26 décembre 2013, en ce qu'elle a déclarée valable et applicable la convention d'avocat mandataire sportif signée le 17 novembre 2011 entre Monsieur [W] [H] et Maître [G] [K]
- et statuant de nouveau :
- dire et juger que la loi applicable à la convention d'avocat mandataire sportif du 17 novembre 2011 est la loi choisie par les parties, à savoir la loi française
- constater que la mission confiée à Maître [G] [K] au titre de cette convention était une mission d'avocat mandataire sportif
- constater que le renouvellement du contrat de Monsieur [W] [H] pour un montant de 9 872 100 euros résulte des diligences effectuées par Maître [G] [K] au titre de sa mission de mandataire sportif
- fixer les honoraires dus à Maître [G] [K] à 10% des sommes brutes négociées par ce dernier, soit 957 210 euros
- constater que le solde des honoraires restant dû à Maître [G] [K] s'élève à 906 798 euros HT, et condamner Monsieur [W] [H] au paiement de cette somme,
- condamner Monsieur [W] [H] au paiement de 98 721 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive
- ordonner la publication de la décision à intervenir dans les journaux suivants : France Football, l'Equipe, O Jogo, A Bola
- condamner Monsieur [W] [H] au paiement de 150 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
A l'audience du 11 mai 2022 a été évoquée la question du sursis à statuer.
Le conseil de Messieurs [W] [P] et [T] [D] s'est déclaré favorable à un sursis à statuer, notamment pour éviter toute contrariété de décisions entre les juridictions portugaises et françaises. Il s'en remettait pour le surplus à ses écritures.
Maître [G] [K] a expliqué que s'il n'y avait pas d'avocat mandataire sportif au Portugal, un avocat français pouvait travailler au Portugal. Il estimait que son mandat devait être examiné au regard du droit français. Il s'en remettait pour le surplus à ses conclusions.
Motifs de la décision :
Aux termes d'un arrêt en date du 14 janvier 2016, la Cour de cassation a considéré que l'action en fixation d'honoraires, supposait que soit tranchée la question préalable de la validité du mandat d'avocat sportif, laquelle relevait de la compétence exclusive d'une autre juridiction, et dit que le premier président devait surseoir à statuer sur la fixation des honoraires de l'avocat.
Il ressort des éléments du dossier qu'à la suite de cette décision Maître [G] [K] a saisi le tribunal de grande instance de Paris de la question de la validité du mandant d'avocat sportif conclu e 17 novembre 2011. Par ordonnance du 3 août 2016 le juge de la mise en état s'est déclaré incompétent territorialement pour connaître du litige et renvoyé Maître [G] [K] à se mieux pourvoir. Cette décision a été confirmée par la cour d'appel de Paris le 24 octobre 2017.
Le 7 juin 2018 Monsieur [W] [P] a saisi le tribunal judiciaire de Lisbonne pour voir statuer sur la validité de la convention d'avocat mandataire sportif et sur la licéité des services d'avocat rendus au Portugal par Maître [G] [K].
Par décision du 21 mai 2021, le tribunal judiciaire de Lisbonne a accueilli la demande de Monsieur [H] tendant à voir déclarer nul et de nul effet le contrat conclu par les parties le 17 novembre 2011, et nulles car illicites les prestations d'avocat rendues au Portugal par Maître [G] [K].
Par arrêt du 18 novembre 2021 la cour d'appel de Lisbonne a rejeté l'appel et confirmé en toutes ses dispositions la décision du tribunal judiciaire de Lisbonne.
Par requête en date du 3 janvier 2022 Maître [G] [K] a saisi la Cour Suprême de Lisbonne, qui, par avis du 24 mars 2022, a déclaré le recours recevable, et annoncé qu'elle rendrait une décision dans cette affaire.
En l'état actuel de la procédure il n'a pas définitivement été jugé sur la validité du mandat d'avocat sportif liant les parties, dont découle la demande en paiement d'honoraires.
Il apparaît donc conforme à l'intérêt d'une bonne administration de la justice d'ordonner un sursis à statuer dans l'attente d'une décision définitive sur la question de la validité de la convention d'avocat mandataire sportif liant les parties.
Les dépens seront réservés.
PAR CES MOTIFS
Statuant par mise à disposition au greffe par ordonnance contradictoire, et avant-dire-droit au fond,
Vu les articles 378 à 380 du code de procédure civile ;
ORDONNONS le sursis à statuer dans l'attente d'une décision définitive sur la question de la validité de la convention d'avocat mandataire sportif liant les parties ;
RENVOYONS l'affaire à l'audience du mercredi 10 mai 2023 à 15h30 salle 9;
DISONS que la présente décision tient lieu de convocation à l'audience ;
DISONS que si une décision définitive intervient avant cette date, la partie la plus diligente pourra solliciter une remise au rôle de l'affaire ;
RÉSERVONS les dépens ;
DISONS qu'en application de l'article 177 du Décret du 27 novembre1991, la présente décision sera notifiée aux parties par le greffe de la Cour suivant lettre recommandée avec avis de réception ;
Prononcé par mise à disposition de notre ordonnance au greffe de la cour, les parties ayant été préalablement avisées selon les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;
Et ont signé la présente ordonnance :
Françoise PIETRI-GAUDIN, Conseiller
Marie-Line PETILLAT,Greffier
Le Greffier Le Conseiller