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08/06/2022 | FRANCE | N°19/03818

France | France, Cour d'appel de Versailles, 17e chambre, 08 juin 2022, 19/03818


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 80A



17e chambre



ARRÊT N°



CONTRADICTOIRE



DU 08 JUIN 2022



N° RG 19/03818

N° Portalis DBV3-V-B7D-TQMO



AFFAIRE :



[I] [A]



C/



SNC ARENA MEDIA COMMUNICATIONS









Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 30 septembre 2019 par le Conseil de Prud'hommes Formation paritaire de NANTERRE

Section : E

N° RG : F 17/02235



Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :



Me Sylvie LEGROS-WOLFENDEN



Me Blandine DAVID



Copie numérique adressée à :



Pôle Emploi







le :





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE HUIT JUIN DEUX MI...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

17e chambre

ARRÊT N°

CONTRADICTOIRE

DU 08 JUIN 2022

N° RG 19/03818

N° Portalis DBV3-V-B7D-TQMO

AFFAIRE :

[I] [A]

C/

SNC ARENA MEDIA COMMUNICATIONS

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 30 septembre 2019 par le Conseil de Prud'hommes Formation paritaire de NANTERRE

Section : E

N° RG : F 17/02235

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Sylvie LEGROS-WOLFENDEN

Me Blandine DAVID

Copie numérique adressée à :

Pôle Emploi

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE HUIT JUIN DEUX MILLE VINGT DEUX,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Monsieur [I] [A]

né le 6 mai 1975 à [Localité 5]

de nationalité française

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentant : Me Sylvie LEGROS-WOLFENDEN, Plaidant/ Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : D1800

APPELANT

****************

SNC ARENA MEDIA COMMUNICATIONS

N° SIRET : 431 302 942

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentant : Me Vincent DELAGE de la SELAFA CMS FRANCIS LEFEBVRE AVOCATS, Plaidant, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, vestiaire : 1701et Me Blandine DAVID de la SELARL KÆM'S AVOCATS, Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : R110

INTIMÉE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 31 mars 2022 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Nathalie GAUTIER, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Clotilde MAUGENDRE, Présidente,

Monsieur Laurent BABY, Conseiller,

Madame Nathalie GAUTIER, Conseiller,

Greffier lors des débats : Madame Dorothée MARCINEK

Par jugement du 30 septembre 2019, le conseil de prud'hommes de Nanterre (section encadrement) a :

- dit que le licenciement de M. [I] [A] est un licenciement pour cause réelle et sérieuse : un licenciement pour insuffisance professionnelle,

- débouté M. [A] de toutes ses demandes,

- condamné M. [A] aux éventuels dépens,

- dit qu'il n'y a pas lieu à l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté la société Arena Media Communications de toutes ses demandes.

Par déclaration adressée au greffe le 18 octobre 2019, M. [A] a interjeté appel de ce jugement.

Une ordonnance de clôture a été prononcée le 1er mars 2022.

Par dernières conclusions remises au greffe le 23 février 2022, M. [A] demande à la cour de :

- le déclarer bien fondé,

- infirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Nanterre en ce qu'il a :

. dit que son licenciement est un licenciement pour cause réelle et sérieuse : un licenciement pour insuffisance professionnelle,

. l'a débouté de toutes ses demandes,

. l'a condamné aux éventuels dépens,

. dit qu'il n'y a pas lieu à l'article 700 du code de procédure civile,

- confirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Nanterre en ce qu'il a :

. débouté la société Arena Media Communications de toutes ses demandes,

statuant à nouveau,

- le recevoir dans ses écritures et le déclarer bien-fondé dans ses demandes, fins et conclusions,

en conséquence,

- dire que son licenciement pour insuffisance professionnelle est sans cause réelle et sérieuse,

- débouter la société Arena Media Communications de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions,

- condamner la société Arena Media Communications à lui payer la somme de 109 385,76 euros au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- condamner la société Arena Media Communications à lui payer la somme de 8 600 euros au titre de la prime sur l'exercice 2016,

- condamner la société Arena Media Communications à lui payer la somme de 3 953,90 euros au titre de complément d'indemnité conventionnelle de licenciement,

- dire que la société Arena Media Communications a violé son obligation de formation visée à l'article L. 6321-1 du code du travail,

- déclarer recevable la demande de dommages-intérêts pour violation de l'obligation de formation,

- condamner la société Arena Media Communications à lui payer la somme de 10 000 euros pour violation de l'obligation de formation,

en tout état de cause,

- condamner la société Arena Media Communications à lui payer la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens,

- ordonner la capitalisation des intérêts.

Par dernières conclusions remises au greffe le 24 janvier 2022, la société Arena Media Communications demande à la cour de :

- confirmer le jugement rendu le 30 septembre 2019 par le conseil de prud'hommes de Nanterre en l'intégralité de ses dispositions,

y ajoutant,

- déclarer irrecevable la demande formulée par M. [A] par conclusions du 21 janvier 2022 tendant à infirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Nanterre en ce qu'il a :

. dit que le licenciement de M. [A] est un licenciement pour cause réelle et sérieuse : un licenciement pour insuffisance professionnelle,

. débouté M. [A] de toutes ses demandes,

. condamné M. [A] aux éventuels dépens,

. dit qu'il n'y a pas lieu à l'article 700 du code de procédure civile,

- déclarer irrecevable la demande formulée par M. [A] de la condamner à lui verser la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour violation de l'obligation de formation,

à titre subsidiaire, dans l'hypothèse où cette demande serait déclarée recevable,

- débouter M. [A] de sa demande tendant à la voir condamner à lui verser la somme de

10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour violation de l'obligation de formation,

en toute hypothèse,

- débouter M. [A] de l'ensemble de ses demandes,

- condamner M. [A] à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

LA COUR,

La société Arena Media Communications est une agence de communication appartenant au groupe Havas, spécialisée dans le secteur d'activité du conseil et de l'achat d'espaces publicitaires.

M. [I] [A] a été engagé par la société Media Planning, devenue Havas Media, en qualité de chargé d'études média, par contrat de travail à durée indéterminée du 26 juillet 2000, à compter du 13 novembre 2000.

Le contrat de travail de M. [A] a été transféré à la société Havas Media France.

A compter du 1er mai 2013, M. [A] a occupé le poste de senior manager / directeur commercial.

A compter du 1er janvier 2016, le contrat de travail de M. [A] a été transféré au sein de la société Arena Media Communications.

Les relations contractuelles étaient régies par la convention collective des cadres, techniciens et employés de la publicité française.

M. [A] percevait une rémunération brute mensuelle de 5 360,32 euros (moyenne des 12 derniers mois de salaire).

Par lettre remise en main propre contre décharge du 22 février 2017, M. [A] a été convoqué à un entretien préalable en vue d'un éventuel licenciement, fixé le 3 mars 2017.

A la demande de M. [A], l'entretien préalable a été reporté au 7 mars 2017.

M. [A] a été licencié par lettre du 17 mars 2017 pour cause réelle et sérieuse dans les termes suivants :

« Vous avez été engagé le 13 novembre 2000 et occupez actuellement le poste de Senior Manager au sein du département Conseil.

A ce titre, vos missions impliquent notamment de représenter l'agence auprès des annonceurs de votre portefeuille et être reconnu par ces mêmes annonceurs comme un contact référent, de partager les best cases de votre portefeuille au sein de votre Business Unit, mais aussi plus largement au sein de l'agence dans sa globalité afin de développer une meilleure visibilité, de gérer vos comptes en totale autonomie et d'en garantir leur productivité, d'analyser et de mesurer les enjeux clients, de piloter des sujets transversaux et de participer aux prospections clients.

Cela étant, depuis votre nomination en tant que Senior Manager le 1er mai 2013, vos différents managers ont abouti au même constat tant s'agissant du manque de progression que des carences constatées, mettant notre relation commerciale à risques.

En effet, dès la première année de votre prise de fonction en qualité de Senior Manager, des améliorations étaient déjà à prévoir tel que cela résultait de votre entretien professionnel annuel.

Vous travailliez alors à l'époque sur les clients LCL et Sofinco et n'aviez pas pris la mesure du poste. Beaucoup de vos missions n'étaient pas remplies comme par exemple le développement de votre portefeuille client, le pilotage des objectifs, l'analyse et l'identification des enjeux clients tout comme l'analyse de la rentabilité client.

Concernant plus précisément le client LCL, vous n'étiez pas reconnu comme le contact référent car ne pilotiez pas la relation et manquiez de présence commerciale. Vous vous inscriviez en réponse aux briefs, alors qu'il est demandé à un Senior Manager un réel input et une vision globale sur les stratégies des marques à acquérir. Le client s'en est plaint nous conduisant à repositionner ce compte sur un autre Senior Manager.

Concernant votre client Sofinco, vous manquiez de réactivité, la relation semblait subie et davantage passive qu'active. Vous n'apportiez aucun input et manquiez de recul.

En règle générale, vous était reproché un manque de présence digitale, le Middle Office ou votre manager devant prendre le relais sur ce point, mais également un manque d'autonomie et de leadership en interne comme en externe. De plus, vous ne saviez pas définir les priorités.

Ici également, il fut nécessaire de se substituer à vous pour assurer une bonne gestion de ce compte. Lors de votre Entretien Professionnel 2014, ont de nouveau été constatés des carences et des reproches de même nature que ceux formulés auparavant.

Vous manquiez de réactivité sur la gestion du compte Sofinco, que nous avions pourtant tenté de vous laisser, et perdiez donc le lead sur la gestion de ce client au profit de l'agence de création BETC ou du Middle Office, notamment sur les sujets stratégiques digitaux. Une fois encore, votre fiabilité et votre rigueur étaient remises en cause, tout comme votre manque d'esprit d'innovation, notamment sur les sujets digitaux, vos compétences commerciales et relationnelles (traiter les objections, défendre vos positions, etc.). Ces reproches vous sont à nouveau faits lors de votre entretien 2015 de mi-année.

En 2016, une nouvelle fois, votre entretien professionnel, réalisé en date du 26 janvier 2017, mentionne des améliorations à prévoir, alors même que vous ne dépendiez plus du même manager et ne gériez plus les mêmes clients. En effet, nous vous avons entre temps confié la gestion du compte BeIN SPORTS, client nouvellement gagné et en affinité avec vos centres d'intérêt.

Il vous est pourtant une nouvelle fois demandé de gagner en leadership en améliorant votre capacité à convaincre, en interne et en externe et également votre prise d'initiatives et votre réactivité. Nous attendons en effet d'un Senior Manager qu'il soit autonome sur la gestion de son portefeuille clients et force de proposition afin de pouvoir développer le business de l'agence. Il vous a également été reproché votre manque d'empathie vis-à-vis de vos clients. Or, celle-ci est indispensable dans un métier de services comme le nôtre.

Ainsi donc et sur ces trois dernières années, ont été notées à votre encontre des lacunes sur l'intégralité des missions d'un Senior Manager et ce en dépit des alertes répétées de vos managers lors des entretiens et la mise en place de nombreuses formations pour vous aider à prendre la mesure de votre poste.

En effet, non seulement vous n'avez tenu aucun compte des observations et suggestions d'amélioration qui vous avaient été faites mais vous avez également bénéficié au total de huit formations différentes depuis 2013, certaines portant sur le développement de vos compétences digitales et d'autres sur le développement et leadership commercial, soit les deux points fréquemment reprochés lors de vos entretiens.

En dépit de ces nombreuses formations, aucune amélioration n'a été constatée.

Dès lors et au bout de presque quatre années, vous ne maîtrisez donc toujours pas les compétences clés de votre métier et n'assurez pas la responsabilité du développement de votre portefeuille.

Votre gestion du client BeIN en est l'illustration.

En effet, ce client, que vous gérez actuellement, et ce depuis plus d'un an, s'est plaint à plusieurs reprises. Il vous a notamment reproché de ne pas savoir anticiper vos actions média, de ne pas être assez réactif et de manquer de rigueur dans le suivi pluri média, les reportings et le suivi budgétaire.

A titre d'illustration, le 22 février 2016, votre manager s'étonne que n'ayez pas pensé à préparer un bilan de campagne pour un meeting client important ayant lieu deux jours plus tard, alors même que nous avions encore fortement besoin de le convaincre.

Votre manager vous demande donc de le faire en urgence, faute de quoi, rien n'aurait été présenté lors de cette réunion. En tant que Senior Manager, vous auriez dû vous-même anticiper ce besoin et préparer ce bilan.

Par ailleurs, le 11 juillet 2016, vous recevez un courriel de mécontentement de la part du client dans le cadre duquel pratiquement l'intégralité de vos recommandations media étaient remises en question.

Or, alors même qu'il s'agissait d'une campagne de reprise des championnats de football, soit un moment annuel primordial pour ce client, le dossier lui a paru bâclé. Celui-ci revient pratiquement sur l'ensemble de vos slides, d'une part en raison d'un manque de précisions (budgétaires, dates, etc), d'autre part parce que vos choix ne correspondent en rien au brief donné en amont (mauvais choix de media, pertinence des propositions, etc.). En résumé, une recommandation peu structurée, peu justifiée et floue. Ceci tend notre relation avec ce client.

A nouveau, le 19 juillet 2016, le client se plaint. Cette fois-ci car il ne reçoit plus les comptes rendus consolidés des réunions hebdomadaires. Or, il vous appartient en tant que Senior Manager de rédiger ces comptes rendus et de les diffuser auprès des personnes concernées pour une meilleure gestion de la relation client et en particulier auprès du client lui-même.

Le 22 juillet 2016, il se plaint à nouveau de la manière dont vous gérez son compte.

Vous ne semblez pas prendre la mesure de la gestion des campagnes concernant la Champions League, qui est pourtant le rendez-vous footballistique le plus important en Europe continentale et l'évènement le plus générateur de business pour BeIN SPORTS après le championnat d'Europe de football. Le client dit notamment ressentir que vous sous-estimez l'importance de leurs campagnes media Champions League et le besoin d'avoir une position de leader sur cette compétition, que ce soit dans le discours mais également dans la stratégie media. Il s'inquiète fortement de la gestion de son compte, nous mettant de rechef en risque sur ce compte.

Le 23 septembre 2016, un courrier électronique du Directeur Marketing de BeIN SPORTS nous parvient précisant son insatisfaction quant à la gestion globale du compte.

Au bout de huit mois de collaboration, il se dit déçu de la prestation fournie et regrette notamment son ancienne agence qui selon lui anticipait mieux les actions media, était plus réactive et dont les process étaient mieux adaptés aux contraintes spécifiques de BeIN SPORTS, assurait un meilleur reporting et suivi budgétaire (devis & facturation) et était mieux organisée (le contact commercial était clairement identifié et la qualité de la relation meilleure).

Il nous demande donc de nous ressaisir et cela doit passer par plusieurs actions comme améliorer notre vision stratégique media qui inclut plans media, gestion des campagnes digitales et recommandations plus claires et mieux justifiées, avoir un responsable de compte au quotidien plus efficace et plus rigoureux, mettre en place des reportings réguliers plus détaillés, améliorer la vision digitale qui semble inadaptée aux contraintes du compte et enfin instaurer un comité stratégique comme vendu lors de l'appel d'offre et qui n'avait pas encore été mis en place à ce jour alors même que nous sommes en septembre 2016 et qu'il vous appartenait de piloter au mieux ce compte.

Les reproches du client correspondent très exactement aux carences identifiées vous concernant.

De la même manière, votre manager vous avait demandé d'organiser des rendez-vous entre le client et des régies publicitaires. Mais vous ne l'avez pas fait consciencieusement. En effet, en novembre 2016, certains de ces rendez-vous ont été annulés, mais vous n'avez pas jugé opportun de faire un suivi et de les refixer à nouveau. Cela a fini par nous porter préjudice car le client s'est directement rapproché de la régie publicitaire en question, à savoir Télé Loisirs, et nous avons donc perdu en crédibilité auprès de lui. La relation en a été une nouvelle fois détériorée.

En novembre 2016, vous avez présenté la stratégie 2017 BeIN SPORTS aux clients. Celle-ci n'était pas digne du travail d'un Senior Manager.

Votre manager a dû le relever et prendre le relais.

En effet, un certain nombre de points avaient été bâclés. La structure du document n'était pas claire, il n'y avait aucun fil conducteur et les idées s'enchainaient sans logique. Aucun plan ne se dégageait de cette présentation. Les idées concernant le digital, point aujourd'hui culminant de notre activité, n'étaient pas structurées rendant cette présentation indigeste.

En tant que chef d'orchestre des recommandations media, vous devez être capable d'en organiser les différentes parties afin d'éviter que la partie digitale soit dissociée du reste de la présentation, ce qui n'était clairement pas le cas.

L'idée intéressante du baromètre media, que votre manager vous avait demandé de mettre en avant et en valeur, a été bâclée et ne représentait qu'une seule page dans toute la présentation.

Votre manager vous avait également demandé de faire évoluer la synthèse des calendriers media sur plusieurs pages (par produit, par sport, par ventilation mensuelle, par ventilation media) mais vous n'avez pas jugé bon de le faire.

Enfin, le 6 janvier 2017, dans un contexte que vous savez tendu, ce client se plaint à nouveau dans un courrier électronique de la manière dont vous vous adressez à lui.

En effet, vous lui demandez une réponse à 16h52 sur un dispositif devant être validé pour 18h00 maximum. Sans réponse de sa part, vous lui imposez le dispositif choisi sans attendre son avis.

Nous vous rappelons qu'une relation commerciale pérenne ne peut se construire sur des ultimatums de ce genre. Le client en a d'ailleurs été fort mécontent et vous l'a fait savoir. Ce manque d'empathie vis-à-vis du client a réellement entaché notre relation avec lui et vos différents déboires avec ce client aurait dû vous conduire à agir et réagir avec davantage de précaution sans mettre de pression sur un client d'une telle importance.

Ainsi donc et depuis presque quatre années et tout particulièrement depuis plus d'un an s'agissant de la gestion du compte belN SPORTS, votre comportement et votre manque de rigueur a clairement eu des conséquences négatives pour l'agence. Le client a fini par douter de nos compétences pour le représenter et nous a menacés de nous quitter. Il nous a répété regretter son ancienne agence. Vos managers doivent donc se substituer à vous pour pallier vos carences et améliorer la relation avec ce client alors même que tel n'est pas leur rôle et que se substituer à vous vient empiéter sur le temps dont ils disposent pour mener à bien et traiter leurs propres missions et tâches.

Votre attitude et carences ont fortement fragilisé notre relation avec ce client et nous avons donc dû, à sa demande, réaffecter ce compte, votre travail n'étant pas celui d'un Senior Manager. Nous avions déjà dû faire face à une telle situation dans un passé récent sur d'autres comptes que vous aviez en gestion.

En conséquence, la société ne peut tolérer plus longtemps votre attitude et vos carences, lesquelles sont en contradiction avec les légitimes attentes de l'entreprise, nuisent au fonctionnement, au développement de votre service, nous mettent en risque sur les clients.

La situation ainsi constatée nous conduit à ne pouvoir envisager la poursuite de votre contrat de travail nous amenant, par la présente, à vous notifier votre licenciement.»

Le 11 août 2017, M. [A] a saisi le conseil de prud'hommes de Nanterre afin de contester le bien-fondé de son licenciement et obtenir le paiement de diverses sommes.

Sur les demandes liées à la rupture du contrat de travail et au paiement de la prime exceptionnelle pour l'année 2016 :

Sur la recevabilité :

L'employeur sollicite l'irrecevabilité des demandes du salarié formulées dans ses conclusions du 21 janvier 2022.

Il fait valoir que dans ses premières conclusions d'appel du 17 janvier 2020, qui sont les seules communiquées dans le délai prévu à l'article 908 du code de procédure civile, le salarié n'a pas cité les chefs de jugement critiqués dans le dispositif de ses conclusions, se contentant de solliciter l'infirmation du jugement.

Il soutient qu'en application de la jurisprudence établie par l'arrêt de la deuxième chambre civile de la Cour de cassation du 30 septembre 2021 (n°20-16.746), lorsque les conclusions d'appelant ne comportent aucune critique du jugement, la cour ne peut que confirmer le jugement, la cour étant alors tenue de confirmer la décision entreprise.

Il précise que les conclusions communiquées postérieurement par le salarié ne peuvent régulariser la recevabilité de ses demandes dès lors qu'elles n'ont pas été communiquées dans le délai prévu par l'article 908 du code de procédure civile.

Le salarié conteste l'irrecevabilité de ses demandes par l'employeur.

Il indique que l'obligation de mentionner les chefs de jugement critiqués est uniquement prévue pour la déclaration d'appel, que les arrêts dont l'employeur se prévaut ne permettent pas de remettre en cause ce principe et qu'en tout état de cause, l'absence de mention des chefs de jugement critiqués peut être régularisée dans les dernières conclusions produites.

L'article 908 du code de procédure civile prévoit qu'à peine de caducité de la déclaration d'appel, relevée d'office, l'appelant dispose d'un délai de trois mois à compter de la déclaration d'appel pour remettre ses conclusions au greffe.

L'article 954 du même code dispose que les conclusions d'appel contiennent, en en-tête, les indications prévues à l'article 961. Elles doivent formuler expressément les prétentions des parties et les moyens de fait et de droit sur lesquels chacune de ces prétentions est fondée avec indication pour chaque prétention des pièces invoquées et de leur numérotation. Un bordereau récapitulatif des pièces est annexé.

Les conclusions comprennent distinctement un exposé des faits et de la procédure, l'énoncé des chefs de jugement critiqués, une discussion des prétentions et des moyens ainsi qu'un dispositif récapitulant les prétentions. Si, dans la discussion, des moyens nouveaux par rapport aux précédentes écritures sont invoqués au soutien des prétentions, ils sont présentés de manière formellement distincte.

La cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion.

La cour est valablement saisie des demandes de l'appelant lorsque, dans le dispositif de ses conclusions, il ne se borne pas à demander à la cour de réformer la décision entreprise, mais formule plusieurs prétentions.

L'appelant n'est donc pas tenu de reprendre dans le dispositif de ses conclusions les chefs de dispositif du jugement dont il demande l'infirmation.

En l'espèce, les conclusions signifiées par l'appelant à l'intimée le 17 janvier 2020, dans le délai prévu à l'article 908 du code de procédure civile, comportant un dispositif qui conclut à l'infirmation totale du jugement déféré et formule des prétentions, déterminent l'objet du litige.

Dès lors, la cour déclare les demandes du salarié recevables.

Sur la prime exceptionnelle pour l'année 2016 :

Le salarié sollicite la somme de 8 600 euros à titre de rappel de prime exceptionnelle pour l'année 2016, arguant que cette prime exceptionnelle remplissait les conditions de constance, fixité et généralité constitutives d'un usage, ce que conteste l'employeur.

Une prime constitue un usage si elle remplit les conditions cumulatives suivantes : elle est générale (attribuée à l'ensemble des salariés ou à une catégorie de salariés), constante (stable et pérenne) et fixe (dans son montant ou dans ses modalités de calcul).

C'est à celui qui invoque un usage - le salarié - d'en prouver l'existence.

Tel que souligné par l'employeur, le salarié affirme que la prime a été versée à tout le personnel appartenant à sa catégorie professionnelle sans pour autant apporter d'éléments en justifiant.

Dès lors, le salarié n'établit pas le caractère général de la prime de sorte que, sans qu'il soit nécessaire d'examiner les autres critères, l'existence d'un usage n'est pas démontrée.

Par conséquent, l'employeur n'était pas tenu de verser la prime exceptionnelle pour l'année 2016.

Ainsi, le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté cette demande.

Sur le complément d'indemnité conventionnelle de licenciement :

Dès lors que le salarié fonde sa demande de complément d'indemnité conventionnelle de licenciement sur la prise en compte, dans le calcul de son salaire de référence, de la prime dont il a été établi qu'elle ne lui était pas due, le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté cette demande.

Sur la rupture :

Le salarié soutient que l'insuffisance professionnelle reprochée n'est pas justifiée par l'employeur, qu'il n'a jamais fait l'objet d'alertes sur la qualité de son travail et n'a pas bénéficié de formations.

Ces éléments sont contestés par l'employeur qui confirme le bien-fondé du licenciement du salarié.

L'insuffisance professionnelle constitue un motif de licenciement dès lors qu'elle repose sur des éléments objectifs matériellement vérifiables au regard des responsabilités du salarié.

L'incompétence alléguée doit reposer sur des éléments concrets et ne peut être fondée sur une appréciation purement subjective de l'employeur.

L'insuffisance professionnelle, qui ne suppose aucun comportement fautif du salarié, doit être constatée sur une période suffisamment longue pour ne pas apparaître comme passagère ou purement conjoncturelle, être directement imputable au salarié et non la conséquence d'une conjoncture économique difficile, ne doit pas être liée au propre comportement de l'employeur ou à son manquement à l'obligation d'adapter ses salariés à l'évolution des emplois dans l'entreprise.

Il résulte de l'article L. 1235-1 du code du travail que la charge de la preuve de la cause réelle et sérieuse du licenciement n'incombe pas spécialement à aucune des parties mais que le doute doit profiter au salarié.

Le salarié a été licencié pour une insuffisance professionnelle à sa fonction de senior manager depuis le 1er mai 2013.

L'employeur fait état de carences depuis l'entrée en poste du salarié jusqu'à son licenciement sans qu'aucune progression n'ait été constatée alors que d'une part, il a fait l'objet d'entretiens annuels professionnels, lors desquels il lui a été indiqué les lacunes constatées et les axes de progression et d'autre part, qu'il a bénéficié des formations nécessaires.

Il évoque une déficience dans le développement du portefeuille client, dans le pilotage des opérations, dans l'analyse et l'identification des enjeux clients, dans l'analyse de la rentabilité clients et dans la présence digitale. Il ajoute que le salarié manque d'autonomie, de leadership interne et externe, de réactivité, de prise d'initiatives et d'empathie à l'égard des clients.

Il cite, comme élément objectif matériellement vérifiable, la gestion de comptes clients développée ci-dessous.

- S'agissant du client LCL, l'employeur explique que le salarié n'était pas reconnu comme le contact référent car il ne pilotait pas la relation et manquait de présence commerciale. Le client s'en serait plaint et l'employeur aurait réaffecté ce compte à un autre senior manager.

Il produit à cet effet un compte-rendu d'entretien annuel pour l'année 2013 (pièce E n°8) dont la valeur probante est contestée par le salarié dans la mesure où il n'est ni signé ni daté et il n'en a jamais été destinataire.

L'employeur ne justifie effectivement pas de la remise du compte rendu écrit de l'entretien, document ni signé ni daté au dossier, non transmis de manière contradictoire au salarié qui n'a pas été en mesure de faire valoir ses observations, de sorte que les mentions de l'employeur sur ce document sont donc inopérantes.

En l'absence d'autres éléments probants versés au débat, le grief n'est pas établi.

- S'agissant du client Sofinco, l'employeur reproche au salarié un manque de réactivité, de fiabilité, de rigueur, de recul et d'impulsion.

Son comportement aurait conduit le client à recourir aux services de l'agence de création BETC ou du Middle Office, notamment sur les sujets stratégiques digitaux.

L'employeur se prévaut des comptes rendus d'entretiens annuels pour les années 2013 et 2014 (pièces E n°8 et 9) qui, n'étant ni datés ni signés et dont aucun élément ne permet de démontrer qu'ils ont été remis au salarié, ne permettent pas de justifier que le salarié a été en mesure de faire valoir ses observations, de sorte que les mentions de l'employeur sur ce document sont inopérantes.

Il ressort toutefois du compte-rendu d'entretien annuel pour l'année 2015 réalisé le 22 février 2016, signé par les parties (pièce E n°10) que, selon l'évaluateur, " [I] [[A]] a participé à deux pitchs puis a eu à gérer Ubisoft nouveau client gagné début 2015 en plus de son portefeuille actuel (Sofinco et Amaury Media). Un budget qui lui a pris bcp de temps pour la mise en place de la relation et le retour de la strat 2015. Il a donc lâché la pression sur Sofinco, cela s'est fait sentir et BET a repris le lead".

Si ce compte-rendu d'entretien établit un relâchement du salarié s'agissant du client Sofinco, sans que ce relâchement ne soit d'ailleurs précisé et ne démontre une mauvaise gestion du compte, le comportement du salarié est justifié par l'employeur non pas en raison d'une insuffisance professionnelle mais en raison de la prise en charge d'un nouveau client par le salarié.

La mauvaise gestion du compte Sofinco ne saurait dès lors être reprochée au salarié.

- S'agissant du client BeIN Sports, l'employeur fait globalement grief au salarié de ne pas savoir anticiper les actions média, de ne pas être assez réactif, de manquer de rigueur dans le suivi pluri média, les reportings et le suivi budgétaire, comportement général qui a engendré des plaintes de la part du client.

* L'employeur justifie que par courriel du 22 février 2016, M. [S], directeur général, s'est étonné que le salarié n'ait pas pensé à préparer un bilan de campagne pour un meeting client important ayant lieu deux jours plus tard et lui a demandé de le rédiger (pièce E n°12).

Si l'employeur soutient que l'inaction du salarié caractérise un manque d'anticipation et de savoir-faire de la part du salarié, ce dernier fait valoir dans un courriel de réponse rédigé le même jour (pièce S n°13) qu'il y avait pensé mais que ce n'était pas sa priorité, que dans le process HM, il y a un délai de 5 semaines avant de revenir vers un client avec un bilan de campagne complet et 2 semaines pour un point constaté et que même en phase de séduction avec le client, il ne faut pas "commence[r] à sur-délivrer par rapport à nos normes de livrables, ça va devenir la norme et on ne s'en sortira pas " et lui joint un pré-bilan.

Il n'est pas contesté par l'employeur que la rédaction d'un bilan de campagne dans le délai imposé au salarié ne relevait pas de la procédure habituelle appliqué par l'entreprise.

Le manque d'anticipation et de savoir-faire du salarié n'est ainsi pas caractérisé.

* L'employeur établit que par courriel du 11 juillet 2016 (pièce E n°13), Mme [L], salariée de la société BeIN, a fait part de ses commentaires sur un document adressé par le salarié.

Dans ce courriel, la cliente émet des commentaires positifs tels que "ok de principe pour les promis L1", "ok de principe pour le ciblage", des commentaires négatifs, tels que "Je ne suis pas convaincue par la parution au lendemain des matchs de reprise", "nous avons besoin de formats plus classiques pour accompagner la vidéo", des questions et des demandes "merci de nous indiquer le budget par thématique", "merci de prendre l'hypothèse à 9 villes".

Contrairement aux affirmations de l'employeur, ce courriel ne permet pas de caractériser un mécontentement et une remise en cause du travail du salarié par la cliente.

Le salarié fait à juste titre valoir que dans le cadre de son courriel, il sollicitait les commentaires de la cliente sur le document de sorte que les commentaires et remarques de la cliente étaient nécessaires.

Le mécontentement du client relatif au travail du salarié n'est pas établi.

* L'employeur démontre que par courriel adressé à MM. [F] et [D] et au salarié du 19 juillet 2016 (pièce E n°14), Mme [L] a sollicité un retour sur plusieurs sujets et indiqué ne pas avoir reçu les "CR consolidées des deux dernières hebdos".

Toutefois, s'agissant du 1er CR, le salarié établit qu'il a adressé, le 8 juillet 2016, à la cliente le dossier présenté lors de la réunion du "mercredi" dont il n'est pas contesté qu'il s'agisse d'un CR (pièce S n°15).

S'agissant du 2nd CR, le salarié justifie qu'il était en congé lors de la réunion hebdomadaire du 13 juillet 2016 (pièce S n°2) de sorte qu'il ne pouvait adresser le CR afférent.

Il démontre également que M. [F] était présent à la réunion du 13 juillet 2016 de sorte que le courriel de la cliente pouvait lui être destiné (pièce S n°15).

L'absence de compte-rendus dans les délais n'est pas établie.

* L'employeur justifie que par courriel du 22 juillet 2016 adressé au salarié, à M. [F], à

Mme [B] et à M. [C], en copie à M. [S] (pièce E n°15), Mme [L] a indiqué que "j'ai le sentiment, j'espère à tort, que vous sous-estimez l'importance des campagnes UCL pour nous et le besoin d'avoir une position de leader sur cette compétition, que ce soit dans le discours, mais également dans la stratégie media. Je vous remercie donc de votre mobilisation sur le sujet".

Si le salarié établit avoir entrepris des actions visant à rassurer la cliente, il ne peut valablement soutenir que la cliente s'est adressée à l'ensemble de l'équipe de sorte que le grief ne lui est pas personnellement imputable.

En effet, tel que le souligne l'employeur, le courriel de la salariée faisait suite à un précédent courriel de sa part du 23 mai 2016 dans lequel elle demandait au salarié de poser des options pour la diffusion dans des médias.

De plus, il n'est pas contesté que le salarié était le responsable du compte.

Par ailleurs, par courriel du 23 septembre 2016 adressé à M. [M], PDG d'Havas Media Group France (pièce E n°16), M. [H], directeur du développement commercial et marketing de Bein Sports indique notamment que la personne en charge du compte ne le convainc toujours pas, qu'il est déçu de la gestion faite par la société après 8 mois de collaboration, qu'ils ont le sentiment d'avoir perdu par rapport à leur ancienne agence la qualité du gestionnaire du compte en lien avec Mme [L] et qu'il est nécessaire d'améliorer au plus vite : "(...) un responsable de notre compte au quotidien plus efficace, plus focus et plus rigoureux (nous avions déjà émis des réserves au démarrage et au cours des derniers mois) (...)".

Contrairement aux affirmations du salarié, dès lors qu'il était le responsable du compte, il était visé par ce courriel et peu important qu'il n'en ait pas été rendu destinataire.

L'ensemble de ces éléments établissent que le client BeIN n'était pas satisfait de la prestation de travail du salarié.

Cependant, il ressort des échanges de courriels entre l'entreprise et la société DDB, autre prestataire travaillant pour le compte de la société BeIN avec qui elle travaillait, entre juin 2016 et mars 2017 (pièce S °17) que les deux prestataires rencontraient des difficultés dans la réalisation de leurs missions du fait d'un problème d'organisation de la part de BeIN.

Ainsi, le 21 juin 2016, M. [F] indiquait que l'entreprise et DDB souffraient du manque de respect des process par le client notamment lié au fait que "tout est décidé last minute par [Z], le big boss".

Le 27 juin 2016, M. [F] informait M. [M] qu'ils rencontraient tous des difficultés à faire respecter les process de travail à BeIN, que tout se faisait à la dernière minute, ceci mettant en péril la qualité des prestations et mettant les équipes dans un état de stress et d'inconfort très important, malgré les demandes faites au client concernant ce problème.

Au surplus, le salarié démontre que lors de l'appel d'offre concernant BeIN, l'équipe prévue pour assurer le conseil quotidien était composée de M. [X], consultant média, de M. [D], manager connexion, d'un data analyst, d'un salarié tool &tech et de lui-même soit 2,05 équivalents temps plein (pièce S n°37) et il n'est pas contesté que le salarié n'a pas obtenu l'aide du consultant media prévu.

Par conséquent, si l'insatisfaction du client à l'égard du salarié est établie, il n'est pas démontré qu'elle soit uniquement et personnellement imputable à la qualité du travail du salarié.

Dès lors, ce grief ne saurait être retenu.

* L'employeur justifie que par courriel du 16 novembre 2016 (pièce E n°17), M. [Y], salarié de Fullsix a reproché au salarié que "rien n'a avancé sur les régies avec qui on devait caler des rv avec Bein. Résultat : ils dealent en direct avec TéléLoisirs!"

Contestant l'absence de rendez-vous relatifs aux régies, par courriel du même jour (pièce S n°18), le salarié a indiqué qu'il avait calé un rendez-vous avec TéléLoisirs le 26 octobre 2016, qu'il avait indiqué au client que ce dernier n'était pas revenu vers lui concernant ce rendez-vous et que le client lui a répondu qu'il pensait qu'avec le passage chez FullSix il devait voir directement avec eux.

Dans ce courriel, le salarié ajoute qu'il a recalé le rendez-vous au 30 novembre mais que le client ne lui a jamais donné de confirmation définitive et qu'il pense que le client a donné une mauvaise excuse préférant négocier directement avec Téléloisirs.

Ces éléments ne permettent pas d'établir un défaut de prise et de suivi des rendez-vous par le salarié.

* L'employeur établit que par courriel du 16 novembre 2016 (pièce E n°18), M. [Y] a fait part de son insatisfaction concernant une présentation réalisée par le salarié, sur la stratégie 2017 BeIN SPORTS, devant les clients le matin même.

Il évoque des points bâclés, une structure du document peu clair, aucun fil conducteur, aucune logique, aucun plan, idées concernant le digital peu structurées et dissociées du reste et sollicite une correction du document.

Le salarié conteste ces reproches et fait valoir que son manager l'avait, au contraire, félicité le 5 novembre 2016 sur la présentation réalisée.

Dans son courriel du 5 novembre 2016 relatif au compte-rendu Bein Sports Orchestration 2017, dont il n'est pas contesté qu'il s'agisse de la stratégie 2017, M [F] répondait au salarié que le document était désormais clair et fluide et le félicitait de l'optimisation réalisée la veille au soir.

Compte-tenu de ces éléments, les reproches relatifs au travail effectué par le salarié ne sont pas établis.

* L'employeur établit que par courriel du 6 janvier 2017 (pièce E n°19), M. [H] indique "Je suis étonné que vous nous donniez un tel ultimatum ("A la vue du délai, nous devons confirmer ce dispositif ce soir. Sans retour de votre part d'ici 18h, nous le validerons donc aux régies. Idem pour la campagne CAN") alors que vous ne nous aviez pas envoyé le dispositif du hand à 15h00. Evitons ce type d'approche de mise en demeure à l'avenir, je n'en apprécia pas la manière vis-à-vis du client que nous sommes".

Le salarié soutient que son courriel courtois faisait suite à quatre semaines de demandes successives de réponses dans un dossier urgent dans lequel il a dû relancer le client, ce que l'employeur conteste.

Les échanges produits (pièces E n°19 et S n°22) permettent de démontrer que le client a attendu plus de 10 jours avant de répondre au salarié sur le dispositif hand le 2 janvier 2017.

Au surplus, il a été précédemment établi que l'organisation du client conduisait à des décisions rendues à la dernière minute par ce dernier et imposait un travail rendu de façon urgente.

Si le courriel adressé par le salarié a pu être ressenti comme un ultimatum par le client, il exprimait, en des termes neutres, l'urgence d'une validation par le client nécessitée en partie par le délai de réponse de la demande.

Aucun grief ne saurait dès lors être reproché au salarié.

* Selon l'employeur, les managers auraient donc suppléé le salarié dans ses missions en raison de ses carences.

Il s'appuie sur le compte-rendu d'entretien annuel pour l'année 2016 (pièce E n°11) qui, n'étant ni daté ni signé ni soumis au contradictoire, ne permet pas de caractériser la réalité de ces affirmations.

Au surplus, le salarié établit que les relations se sont poursuivies dans de bonnes conditions avec le client BeIN.

Ainsi, le 27 février 2017, Mme [L] indiquait au salarié "Je te confirme que nous avons trouvé l'opé intéressante. C'est un bon moyen de faire connaître la richesse de l'offre de beIN SPORTS et de travailler sur des dimensions de proximité et d'expertise (...)" (pièce S n°32).

Par ailleurs, le salarié produit des courriels d'autres clients manifestant leur satisfaction quant au travail qu'il avait accompli.

Ainsi, le 1er février 2016, Mme [T], directrice marketing d'Ubisoft, indiquait "merci bien sûr tout particulièrement à [I] qui s'est totalement investi pour nous :)"

De plus, le 30 mars 2017, M. [V], directeur communication publicitaire de l'Equipe indiquait "Une réelle relation de confiance s'était établie avec [I], qui de plus était un véritable passionné et utilisateur de nos supports, aspect toujours essentiel pour comprendre nos problématiques".

En définitive, au regard des développements qui précèdent, l'insuffisance professionnelle du salarié n'est pas établie de sorte que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse.

Infirmant le jugement, la cour dit le licenciement du salarié dépourvu d'une cause réelle et sérieuse.

Sur les effets du licenciement sans cause réelle et sérieuse :

Le salarié qui, à la date du licenciement, comptait au moins deux ans d'ancienneté dans une entreprise employant habituellement au moins onze salariés a droit, en application de l'article L. 1235-3 du code du travail, dans sa version applicable à l'espèce, à une indemnité qui ne saurait être inférieure aux salaires bruts perçus au cours des six derniers mois précédant son licenciement.

Compte-tenu de son âge au moment du licenciement (41 ans), de son ancienneté dans l'entreprise (16 ans et 4 mois), du montant de la rémunération qui lui était versée

(5 360,32 euros) et de ce qu'il justifie d'une situation professionnelle ultérieure précaire dans le cadre de contrats intérimaires ou à durée déterminée jusqu'au 31 décembre 2020 (pièce S n°36) sans toutefois produire d'éléments relatifs à sa situation professionnelle entre le 1er janvier 2021 et le 1er mars 2022, infirmant le jugement, il sera alloué au salarié la somme de 50 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

En application de l'article L. 1235-4 du code du travail, il convient d'ordonner d'office le remboursement par l'employeur, à l'organisme concerné, du montant des indemnités de chômage éventuellement servies au salarié du jour de son licenciement au jour du prononcé de l'arrêt dans la limite de 6 mois d'indemnités.

Sur la demande de dommages et intérêts pour violation de l'obligation de formation :

Sur la recevabilité :

L'employeur sollicite l'irrecevabilité de la demande de dommages et intérêts pour violation de l'obligation de formation dans la mesure où il s'agit d'une demande nouvelle en cause d'appel qui ne répond pas aux exceptions prévues aux articles 564 à 566 du code de procédure civile.

Il précise que la demande de réparation d'un défaut de formation vise à indemniser un préjudice distinct de celui réparant la perte d'emploi résultant du licenciement de sorte que les demandes sont indépendantes et que cette demande liée à un défaut de formation n'est pas l'accessoire de celle relative au licenciement.

Le salarié conteste l'irrecevabilité de sa demande.

Il réplique que cette demande de dommages et intérêts pour absence de formation est l'accessoire de sa demande de réparation de son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse dans la mesure où l'insuffisance professionnelle reprochée résulte d'un manque d'accompagnement de la part de sa hiérarchie, malgré ses demandes en ce sens.

L'article 564 du code de procédure civile dispose qu'à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.

L'article 565 du même code prévoit que les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent.

L'article 566 du même code précise que les parties ne peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge que les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire.

En l'espèce, la demande de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de formation n'est ni l'accessoire ni le complément des demandes formées devant le premier juge. Elle est donc nouvelle et en conséquence irrecevable.

Sur les intérêts :

Les intérêts échus des capitaux porteront eux-mêmes intérêts au taux légal dès lors qu'ils seront dus pour une année entière à compter de la demande qui en a été faite.

Sur les dépens et les frais irrépétibles :

Succombant, l'employeur sera condamné aux dépens.

Il sera également condamné à verser au salarié la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

Statuant publiquement et contradictoirement, en dernier ressort et par mise à disposition au greffe,

DÉCLARE irrecevable la demande de dommages et intérêts pour manque de formation,

INFIRME partiellement le jugement,

Statuant à nouveau,

CONDAMNE la société Arena Media Communications à payer à M. [A] la somme de 50 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

ORDONNE d'office le remboursement par l'employeur, à l'organisme concerné, du montant des indemnités de chômage éventuellement servies au salarié du jour de son licenciement au jour du prononcé de l'arrêt dans la limite de 6 mois d'indemnités,

DIT que les intérêts échus des capitaux porteront eux-mêmes intérêts au taux légal dès lors qu'ils seront dus pour une année entière,

CONFIRME pour le surplus le jugement,

DÉBOUTE les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires,

CONDAMNE la société Arena Media Communications à payer à M. [A] la somme de

4  000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE la société Arena Media Communications aux dépens.

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Clotilde Maugendre, présidente et par Madame Dorothée Marcinek, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La Greffière La Présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 17e chambre
Numéro d'arrêt : 19/03818
Date de la décision : 08/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-08;19.03818 ?
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