COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 80A
6e chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 09 JUIN 2022
N° RG 19/03145 - N° Portalis DBV3-V-B7D-TMB2
AFFAIRE :
[T] [J]
C/
SAS Société Immobilière et d'Exploitation de l'Hôtel du Lac
Décision déférée à la cour : Jugement rendu(e) le 05 Juillet 2019 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MONTMORENCY
N° Chambre :
N° Section : E
N° RG : 18/00488
Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :
Me Pierre BORDESSOULE DE BELLEFEUILLE
Me Raphaël BORDIER
le : 10 Juin 2022
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE NEUF JUIN DEUX MILLE VINGT DEUX ,
La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant,fixé au 31 Mars 2022,puis prorogé au 09 Juin 2022, les parties ayant été avisées, dans l'affaire entre :
Madame [T] [J]
née le 11 Octobre 1973 à [Localité 7] ([Localité 7])
de nationalité Française
[Adresse 3]
[Localité 2]
Représentée par : Me Grégoire BRAVAIS de la SCP D.D.A Avocats, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : E1339 ; et : Me Pierre BORDESSOULE DE BELLEFEUILLE, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 392.
APPELANTE
****************
SAS Société Immobilière et d'Exploitation de l'Hôtel du Lac
N° SIRET : 775 742 919
[Adresse 1]
[Localité 5]
Représentée par : Me Raphaël BORDIER de la SELAFA CMS FRANCIS LEFEBVRE AVOCATS, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, vestiaire : 1701
INTIMEE
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 11 Février 2022 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Nathalie GAUTRON-AUDIC, Conseiller chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Isabelle VENDRYES, Président,
Madame Valérie DE LARMINAT, Conseiller,
Madame Nathalie GAUTRON-AUDIC, Conseiller,
Greffier lors des débats : Mme Elodie BOUCHET-BERT,
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
La SAS Société Immobilière et d'Exploitation de l'Hôtel du Lac (SIEHL), précédemment dénommée Société d'Exploitation des Eaux et Thermes d'[Localité 5] (SEETE), exploite sur la commune d'[Localité 5] un hôtel qui appartient au Groupe Lucien Barrière (Hôtel du Lac). Jusqu'au 31 octobre 2018, elle exploitait également, dans le cadre d'un contrat de délégation de service public, un casino municipal comprenant des salles de jeux, un théâtre, plusieurs restaurants, un établissement thermal et un établissement hôtelier (Grand Hôtel). Elle emploie plus de dix salariés.
Par contrat de travail à durée indéterminée du 3 février 1997, Mme [T] [J], née le 11 octobre 1973, a été engagée par la société SEETE en qualité de comptable paie au service du personnel.
Elle a bénéficié de promotions internes successives (gestionnaire administration du personnel et paie, assistante ressources humaines, responsable paie et administration du personnel, ...).
Elle occupait en dernier lieu et depuis le 1er janvier 2006, les fonctions d'adjointe au DRH-responsable paie et administration RH, statut cadre, niveau VII, indice 230 de la convention collective nationale des casinos du 29 mars 2002. Elle percevait, dans le cadre d'un congé parental à temps partiel (80 %), une rémunération mensuelle brute de 4 002,79 euros.
Au mois d'avril 2016, le traitement de la paie de l'ensemble des entités du Groupe Lucien Barrière a été transféré à un Centre de Services Partagés (CSP), LB Services.
Par courrier du 27 février 2018, Mme [J] a sollicité le bénéfice d'une rupture conventionnelle, qui a été refusée par la société SIEHL.
A l'issue de ses congés payés, le 10 juillet 2018, la salariée n'a pas repris son travail. Par courrier du 18 juillet 2018, la société SIEHL lui a demandé de justifier du motif de son absence.
Par requête reçue au greffe le 23 juillet 2018, Mme [J] a saisi le conseil de prud'hommes de Montmorency aux fins de résiliation judiciaire de son contrat de travail aux tort de l'employeur.
Par courrier du 27 juillet 2018, la salariée a été convoquée à un entretien préalable fixé au 8 août 2018, auquel elle ne s'est pas présentée. Elle s'est vu notifier son licenciement pour faute grave par lettre du 13 août 2018 ainsi rédigée :
« Depuis le 10 juillet dernier, vous ne vous êtes pas présentée à votre poste de travail à l'issue de vos congés payés, ni ne nous avez transmis un quelconque justificatif d'absence.
Malgré notre courrier recommandé du 18 juillet 2018, nous sommes sans nouvelle de votre part.
Le 27 juillet suivant, nous vous avons adressé une convocation pour un entretien préalable à une éventuelle mesure de licenciement pour faute grave, organisé en nos locaux le 8 août 2018 à 17h00.
Vous ne vous êtes pas présentée à ce rendez-vous.
Cette absence injustifiée d'un mois, nous contraint à vous notifier par la présente votre licenciement pour faute grave, sans préavis, ni indemnité de rupture. (...) »
Par jugement contradictoire rendu le 5 juillet 2019, le conseil de prud'hommes de Montmorency a :
- débouté Mme [J] de sa demande de résiliation judiciaire du contrat de travail,
- condamné la SA SIEHL - Société Immobilière et d'Exploitation de l'Hôtel du Lac (anciennement SEETE) à verser à Mme [J] :
' 1 491 euros à titre de rappel de rémunération variable,
' 149,10 euros au titre des congés payés afférents,
' 1 020 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- dit que les sommes dues porteront intérêt au taux légal à compter de la date de réception par la SA SIEHL - Société Immobilière et d'Exploitation de l'Hôtel du Lac (anciennement SEETE) de sa première convocation devant le conseil de prud'hommes pour les créances salariales et à compter de la date de mise à disposition au greffe du jugement pour la créance indemnitaire,
- ordonné à la SA SIEHL - Société Immobilière et d'Exploitation de l'Hôtel du Lac (anciennement SEETE) de remettre à Mme [J] un bulletin de salaire récapitulatif conforme lié au rappel de rémunération variable,
- dit que la moyenne des trois derniers mois de salaire est de 4 002,79 euros bruts, aux fins de l'exécution provisoire du jugement prévue à l'article R. 1454-28 du code du travail,
- débouté Mme [J] du surplus de ses demandes,
- laissé à chaque partie la charge de ses propres dépens.
Mme [J] a interjeté appel de la décision par déclaration du 1er août 2019.
Par conclusions adressées par voie électronique le 21 octobre 2019, elle demande à la cour de :
- infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
et statuant à nouveau,
- prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts exclusifs de l'employeur,
en conséquence,
- condamner la société SIEHL à verser à Mme [J] les sommes suivantes :
' 15 010,46 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis,
' 1 501,04 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis,
' 36 000 euros bruts à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement par application des dispositions de l'article 25-2 de la convention collective,
' 65 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
' 5 800 euros bruts à titre de rappel de rémunération variable,
' 580 euros bruts à titre de rappel de rémunération variable,
' 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- assortir ces condamnations des intérêts au taux légal à compter de la convocation de la société SIEHL devant le bureau de conciliation et d'orientation,
- ordonner la capitalisation des intérêts par application de l'article 1154 du code civil,
- condamner la société SIEHL à remettre à Mme [J] ses bulletins de paie et ses documents de fin de contrat conformes à la décision à intervenir,
- condamner la société SIEHL aux entiers débours et dépens.
Par conclusions adressées par voie électronique le 21 janvier 2020, la société SIEHL demande à la cour de :
- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société SIEHL à verser à Mme [J] les sommes suivantes :
' 1 491 euros à titre de rappel de rémunération variable,
' 149,10 euros au titre des congés payés afférents,
' 1 020 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- confirmer pour le surplus le jugement entrepris,
- débouter en conséquence Mme [J] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions,
- condamner Mme [J] à verser à la société SIEHL la somme de 4 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner Mme [J] aux entiers dépens de première instance et d'appel.
Par ordonnance rendue le 19 janvier 2022, le magistrat chargé de la mise en état a ordonné la clôture de l'instruction et a fixé la date des plaidoiries au 11 février 2022.
En application de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.
MOTIFS
Sur la résiliation judiciaire
En application des dispositions des articles 1224 et suivants du code civil, le salarié peut solliciter le prononcé de la résiliation de son contrat de travail en cas de manquement de l'employeur à ses obligations. Pour justifier de la résiliation judiciaire, il doit être démontré l'existence de manquements d'une importance et d'une gravité qui rendent impossible la poursuite du contrat de travail ; la charge de cette preuve incombe au salarié.
Lorsque le salarié n'est plus au service de son employeur au jour où il est statué sur la demande de résiliation judiciaire, cette dernière prend effet, si le juge la prononce, au jour du licenciement.
En l'espèce, Mme [J] prétend que la mise en place du Centre de Services Partagés (CSP) sur la période 2015-2018 a entraîné un appauvrissement de ses fonctions et donc son déclassement fautif, que son contrat de travail a été modifié unilatéralement et de manière substantielle, ce manquement grave de l'employeur rendant impossible la poursuite de la relation contractuelle.
Elle énonce que la majorité des tâches liées à la paie, qui a toujours constitué une part essentielle de ses fonctions d'adjointe au DRH-responsable paie et administration RH, ainsi que les postes dédiés à cette activité qui étaient auparavant placés sous sa responsabilité, ont été transférés à un CSP basé à [Localité 6], que d'autres tâches ont été confiées à ses subordonnées (N-1) dont le périmètre de poste a évolué, qu'ainsi la liste des tâches et missions qui lui étaient confiées a été réduite de façon drastique entre 2016 et 2018, qu'à la date de la rupture du contrat de travail, elle était cantonnée à la supervision de la gestion administrative du personnel et n'avait plus aucune responsabilité en matière de paie, que cette perte de la pratique et de la technicité 'paie' a entraîné une dévalorisation de son poste et une perte de compétences, ce qui a réduit son employabilité et obéré ses possibilités d'évolution de carrière, qu'en outre ses fonctions managériales ont été réduites puisque l'équipe de six salariés placée sous sa responsabilité début 2016 a été réduite à trois personnes, que ce déclassement fonctionnel, managérial et technique, qui devait conduire à la suppression de son poste, a eu des répercussions sur son état de santé, son médecin traitant diagnostiquant un syndrome d'anxiété réactionnelle.
L'employeur réplique que, contrairement à ce qu'elle prétend, ni les fonctions, ni le niveau de responsabilité de Mme [J] n'ont été réduits, qu'il n'a procédé à aucune modification unilatérale de son contrat de travail, qu'en tout état de cause, il n'a commis aucun manquement grave à l'égard de la salariée qui aurait rendu 'impossible' la poursuite de son contrat de travail et qui justifierait, a posteriori, que soit prononcée la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de l'employeur, que le départ de Mme [J] procède d'une 'décision définitive' et unilatérale de cette dernière, qu'elle a imposée à son employeur et qui était en réalité motivée par un projet familial, mûri de longue date, de repartir vivre en Bretagne, dont elle et son mari sont originaires. Il fait observer que les accusations de la salariée reposent essentiellement sur des documents établis par elle-même pour les besoins de la cause.
Sur ce, il ressort des explications et des pièces fournies par les parties que Mme [J] occupait en dernier lieu et depuis le 1er janvier 2006, les fonctions d'adjointe au DRH-responsable paie et administration RH, statut cadre, niveau VII, indice 230 de la convention collective applicable, conformément à un avenant à son contrat de travail signé à cette date, lequel avenant ne comportait aucune autre précision sur le contenu de son poste. Elle était hiérarchiquement rattachée au directeur des ressources humaines, M. [I] [L], lui-même rattaché à la direction générale.
Jusqu'en avril 2016, l'équipe 'Paie et Administration du personnel' était composée, outre Mme [J], de trois responsables ressources humaines (RRH) et de trois chargées d'administration du personnel & paie (CAPPA ou assistante de paie), ces dernières étant rattachées aux RRH.
Il est établi et non discuté qu'en avril 2016, le groupe Lucien Barrière a décidé de transférer le traitement de la paie de l'ensemble des entités du groupe, dont la société SEETE (qui changera ensuite de dénomination), à un Centre de Services Partagés (CSP), cette centralisation s'inscrivant dans une démarche de baisse des coûts de fonctionnement mais aussi d'optimisation de l'organisation et d'amélioration de la qualité du service.
Mme [J] produit une note d'information relative à la centralisation de la paie au niveau du groupe, qui n'est cependant pas celle présentée aux représentants du personnel mais une simple version de travail, ainsi que le souligne l'employeur, qui communique celle effectivement remise au comité d'entreprise en novembre 2015, laquelle fait état de la suppression de deux postes de CAPPA et du poste d'assistante administration du personnel et paie, sans aucun licenciement, et non de la suppression de tous les postes de paie comme allégué par l'intéressée.
Elle se prévaut également d'une fiche de poste non datée et intitulée 'Missions et activités du responsable paie et administration des ressources humaines', sur laquelle elle a porté des observations manuscrites en marge, ainsi qu'un comparatif, établi par ses soins, du planning annuel de travail du service administration du personnel et paie avant et après la mise en place du CSP, qui démontreraient l'appauvrissement de ses fonctions suite à la centralisation de la paie.
Outre que ces éléments, qui émanent de la salariée elle-même et qui ne sont corroborés par aucun autre élément objectif, ne présentent pas de caractère probant, l'employeur démontre, notamment par différents échanges de courriels, que toutes les tâches assurées par les services ressources humaines n'ont pas été transférées au CSP Paie, que les sites sont restés responsables des éléments de paie transmis et du contrôle de la paie comme des opérations d'administration du personnel et de reporting, qu'ainsi Mme [J], qui ne réalisait d'ailleurs pas elle-même les opérations de paie mais était chargée de les contrôler et de les superviser, a conservé ces tâches impliquant des responsabilités plus élevées que celles dévolues au CSP, qu'en outre elle a continué de superviser la gestion administrative du personnel (contrats de travail, contrôle de l'établissement des documents de rupture, demandes d'avance ou d'acompte, de passage à temps partiel, de congé sabbatique, etc), qu'elle assurait une veille sociale en matière de paie, qu'elle était directement en lien avec le contrôle de gestion, en particulier dans le cadre de la préparation des budgets, ayant la charge du suivi des effectifs, qu'elle est restée en charge de l'établissement et du contrôle du reporting mensuel et annuel 'Social et paie' ainsi que de toutes les demandes particulières de reporting émanant d'interlocuteurs internes à la société ou du groupe, qu'elle est demeurée l'interlocuteur privilégié en matière de paie et d'administration du personnel.
Mme [J] n'établit pas non plus qu'elle a été dépouillée de ses fonctions managériales, le seul fait que son équipe soit passée de six à trois personnes ne constituant pas en soi une modification de son contrat de travail, et ce d'autant qu'elle a conservé son autorité hiérarchique sur les trois RRH et que les trois chargées de paie dont le poste a été supprimé ne lui rapportaient qu'indirectement.
Il ne résulte de ces constatations aucune modification unilatérale du contrat de travail, les éléments produits par l'employeur attestant au contraire que, nonobstant la centralisation de l'activité paie, Mme [J] a conservé son niveau de responsabilité.
L'appelante échoue ainsi à démontrer l'existence de manquements de l'employeur justifiant la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de ce dernier, la cour observant au demeurant que lors de son entretien annuel d'évaluation du mois de janvier 2018, elle a fait part de ses inquiétudes quant à la pérennité de son poste et elle a sollicité le bénéfice d'une rupture conventionnelle tout en annonçant qu'elle avait pris la décision de quitter définitivement la société le 31 mai 2018.
Etant par ailleurs noté que la salariée ne discute pas le bien-fondé du licenciement pour faute grave qui lui a été notifié le 13 août 2018, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il l'a déboutée de ses demandes indemnitaires afférentes à un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Sur le rappel de rémunération variable
Mme [J] sollicite la condamnation de la société SIEHL à lui verser la somme de 5 800 euros brut à titre de rappel de rémunération variable, outre congés payés afférents, faisant valoir qu'elle a donné toute satisfaction et qu'elle a atteint les objectifs qui lui ont été fixés lors de l'entretien annuel du mois de janvier 2018 et qui consistaient pour l'essentiel à assurer la passation de ses dossiers, ce qu'elle a fait en transmettant un fichier intitulé 'transfert de dossiers'.
La société SIEHL s'y oppose au motif que la salariée, qui procède par voie de simples affirmations, n'a pas atteint ses objectifs individuels, qu'en effet elle n'a procédé à aucune formation ni même transmission d'information sur aucune des tâches qu'elle était la seule à maîtriser, qu'elle ne peut en aucun cas prétendre au bénéfice de l'intégralité de la partie économique de sa prime variable dès lors que les objectifs économiques n'ont pas été atteints à 100 %, qu'en outre le versement de cette prime était subordonné à une condition de présence à la date de clôture de l'exercice, soit le 31 octobre 2018, ce qui n'était pas le cas puisqu'ayant été en absence injustifiée à compter du 10 juillet 2018 puis licenciée pour faute grave le 13 août 2018, la salariée a quitté l'entreprise en cours d'exercice.
Il sera rappelé que lorsqu'une prime constitue la partie variable de la rémunération versée au salarié en contrepartie de son activité, elle s'acquiert au prorata du temps de présence du salarié dans l'entreprise au cours de l'exercice.
En l'espèce, l'avenant n°7 à son contrat de travail prévoyait que Mme [J] bénéficierait, en plus de sa rémunération forfaitaire, d'une « prime annuelle sur objectifs d'un montant brut pouvant atteindre 5 030 euros. Cette prime sera versée en fonction de ses performances et du respect des objectifs qui lui seront fixés par son supérieur hiérarchique ».
Aucune clause du contrat de travail ne subordonnait le paiement de cette prime à la présence de la salariée dans l'entreprise au terme de l'exercice et l'employeur ne se prévaut d'aucune disposition conventionnelle qui irait en ce sens.
Le montant maximum de la prime d'objectifs et les objectifs fixés à la salariée pour l'année 2018 sont mentionnés dans le compte-rendu de son entretien annuel de performance du 23 janvier 2018.
A 100% d'objectifs atteints, le montant de cette prime variable est de 5 800 euros.
Les critères permettant d'en déterminer le montant sont de deux ordres : économiques et individuels.
Les objectifs économiques, liés aux résultats du groupe et de l'entreprise, représentent 40 % de la prime sur objectifs totale de Mme [J], répartis comme suit :
- EBE Groupe 2017/2018 : plan d'action = 150,8 Meuros ; échéance 31/10/2018 ; % = 10% ; Montant = 580 euros,
- EBO SEETE 2017/2018 : plan d'action = 32 202 Keuros ; échéance 31/10/2018 ; % = 30% ; Montant = 1 740 euros.
Il résulte des éléments versés aux débats par l'employeur (courriel du 18 décembre 2018 de M. [R] [V], président-directeur général du groupe Barrière, et courriel du 19 décembre 2018 de M. [K] [X], directeur financier) que l'objectif 'EBO Station' a été atteint à 102,82 % et que l'[4] a été atteint à 92 % (et non 60 % comme soutenu par l'employeur).
S'agissant des objectifs individuels, trois objectifs ont été fixés à Mme [J] :
- objectif 'Octime - B Extras' (% = 20% ; Montant = 1 160 euros) prévoyant qu'en cas de départ de la salariée avant le déploiement de ces outils, le pourcentage de la PSO (prime sur objectif) dédié à cet objectif serait réparti égalitairement entre les deux objectifs suivants (Liste des tâches/Formation) ;
- objectif 'Continuité de Service/Liste des tâches' (% = 20% ; Montant = 1 160 euros), à savoir d'ici fin mars 2018, établir la liste de toutes les tâches RH prises en charge, en précisant leur récurrence, les points de contrôles/vigilance éventuels, les supports utilisés (procédures, fichiers et/ou requêtes Cegid), les destinataires du résultat et idéalement, les personnels de l'équipe paye déjà en maîtrise de l'activité ;
- objectif 'Continuité de Service/Formation' (% = 20% ; Montant = 1 160 euros), à savoir avant départ et à partir de la liste des tâches, identification de celles qui ne sont pas encore connues de l'équipe paye/RH pour formation/information.
L'employeur produit le calendrier de déploiement des outils d'administration RH qui s'est prolongé après le départ de la salariée (objectif n°1), de sorte que seule la réalisation des objectifs individuels n°2 et n°3 doivent être examinés. Or, il ressort des éléments produits par l'employeur que Mme [J] n'a pas atteint ses objectifs individuels puisqu'elle n'a pas, comme elle le prétend, transmis à son supérieur hiérarchique, M. [I] [L], directeur des ressources humaines, un tableau précis des tâches RH comme sollicité lors de son entretien d'évaluation du 23 janvier 2018, ni n'a assuré la continuité du service après son départ en transmettant les informations nécessaires.
Les premiers juges méritent en conséquence d'être suivis en ce qu'ils ont limité le rappel de prime sur objectifs à la somme de 1 491 euros, correspondant aux objectifs économiques, calculés au prorata du temps de présence de la salariée dans l'entreprise, avec intérêts au taux légal à compter de la date de réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation et d'orientation.
Le jugement entrepris sera en revanche infirmé en ce qu'il a condamné la société SIEHL à verser à Mme [J] la somme de 149,10 euros au titre des congés payés afférents, dès lors que, comme le fait justement observer l'employeur, la prime dont il s'agit, qui est en principe versée pour l'année entière, périodes de travail et de congés payés confondus, n'entre pas dans l'assiette de calcul de l'indemnité de congés payés.
Mme [J] est bien fondée à se voir remettre par la société SIEHL un bulletin de paie récapitulatif conforme à la décision.
Sur les dépens de l'instance et les frais irrépétibles
Mme [J], qui succombe pour l'essentiel, supportera les dépens d'appel en application des dispositions de l'article'696 du code de procédure civile.
Il n'apparaît pas inéquitable de laisser à chaque partie la charge de ses frais irrépétibles.
PAR CES MOTIFS
La COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
CONFIRME le jugement rendu le 5 juillet 2019 par le conseil de prud'hommes de Montmorency sauf en ce qu'il a condamné la SAS Société Immobilière et d'Exploitation de l'Hôtel du Lac à verser à Mme [J] la somme de 149,10 euros au titre des congés payés afférents au rappel de rémunération variable ;
Statuant à nouveau et y ajoutant,
DÉBOUTE Mme [T] [J] de sa demande au titre des congés payés afférents au rappel de rémunération variable ;
ORDONNE la remise à Mme [T] [J] par la SAS Société Immobilière et d'Exploitation de l'Hôtel du Lac d'un bulletin de paie récapitulatif conforme à la décision ;
DÉBOUTE les parties de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE Mme [T] [J] aux dépens d'appel.
Arrêt prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour,les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code procédure civile et signé par Madame Valérie DE LARMINAT,Conseiller,en remplacement de Madame Isabelle VENDRYES,Président,légitimement empêché, et par Madame BOUCHET-BERT Elodie,Greffière,auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER P/ LE PRESIDENT empêché