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09/06/2022 | FRANCE | N°19/03786

France | France, Cour d'appel de Versailles, 6e chambre, 09 juin 2022, 19/03786


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 80A



6e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 09 JUIN 2022



N° RG 19/03786 - N° Portalis DBV3-V-B7D-TQE6



AFFAIRE :



[U] [G]





C/

SASU COMPAGNIE IBM FRANCE









Décision déférée à la cour : Jugement rendu(e) le 27 Septembre 2019 par le Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de NANTERRE

N° Chambre :

N° Section : E

N° R

G : 17/00110



Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :



Me Laurence CIER



Me Camille LEVALLOIS







le : 10 Juin 2022





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE NEUF JUIN DEUX MILLE VINGT DEUX ,

La cour...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

6e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 09 JUIN 2022

N° RG 19/03786 - N° Portalis DBV3-V-B7D-TQE6

AFFAIRE :

[U] [G]

C/

SASU COMPAGNIE IBM FRANCE

Décision déférée à la cour : Jugement rendu(e) le 27 Septembre 2019 par le Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de NANTERRE

N° Chambre :

N° Section : E

N° RG : 17/00110

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Laurence CIER

Me Camille LEVALLOIS

le : 10 Juin 2022

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE NEUF JUIN DEUX MILLE VINGT DEUX ,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant,fixé au 02 Juin 2022,puis prorogé au 09 Juin 2022, les parties ayant été avisées, dans l'affaire entre :

Monsieur [U] [G]

né le 17 Mars 1966 à [Localité 5]

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représenté par : Me Laurence CIER, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : E1613,substituée par Me COUZINIE Mandy,avocate au barreau de Paris.

APPELANT

****************

SASU COMPAGNIE IBM FRANCE

N° SIRET : 552 118 465

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par : Me Camille LEVALLOIS de la SELARL REIBELL ASSOCIES, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : L0290

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 31 Mars 2022 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Valérie

DE LARMINAT, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Isabelle VENDRYES, Président,

Madame Valérie DE LARMINAT, Conseiller,

Madame Nathalie GAUTRON-AUDIC, Conseiller,

Greffier lors des débats : Mme Elodie BOUCHET-BERT,

Rappel des faits constants

La SASU Compagnie IBM France, dont le siège social est situé à [Localité 4] dans les Hauts-de-Seine en région Île-de-France, est spécialisée dans la gestion d'installations informatiques. Elle emploie plus de dix salariés et applique la convention collective nationale des ingénieurs et cadres de la métallurgie du 13 mars 1972.

M. [U] [G], né le 17 mars 1966, a été engagé par cette société à compter du 26 février 2007, selon contrat de travail à durée indéterminée, en qualité de senior consultant, dans le cadre d'un forfait de 215 jours annuels, moyennant un salaire de 5 167 euros outre une rémunération variable.

Après un entretien préalable qui s'est déroulé le 22 mars 2016, M. [G] s'est vu notifier son licenciement pour insuffisance professionnelle, par courrier du 25 mars 2016.

Le préavis, que le salarié a été dispensé d'exécuter, étant d'une durée de six mois, le contrat de travail a pris fin le 26 septembre 2016.

M. [G] a saisi le conseil de prud'hommes de Nanterre en contestation de son licenciement, par requête reçue au greffe le 13 janvier 2017.

La décision contestée

Par jugement contradictoire rendu le 27 septembre 2019, la formation de départage de la section encadrement du conseil de prud'hommes de Nanterre a :

- débouté M. [G] de l'ensemble de ses demandes,

- condamné M. [G] à payer à la société Compagnie IBM France la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté les parties de leurs autres demandes,

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire,

- laissé les dépens à la charge de M. [G].

M. [G] avait demandé au conseil de prud'hommes :

- dire son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse,

- constater la nullité de la convention de forfait en jours,

- voir condamner la société Compagnie IBM France, sous bénéfice de l'exécution provisoire, à lui verser les sommes suivantes, assorties des intérêts légaux et de la capitalisation des intérêts :

. 130 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse (24 mois),

. 32 088 euros à titre de dommages-intérêts sur le fondement des dispositions des articles 1103 du code civil et L. 1221-1 du code du travail (6 mois),

. 20 000 euros au titre des heures supplémentaires,

. 2 000 euros au titre des congés payés afférents (sauf à parfaire),

. 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La société Compagnie IBM France avait, quant à elle, conclu au débouté du salarié et avait sollicité sa condamnation à lui verser une somme de 3 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

La procédure d'appel

M. [G] a interjeté appel du jugement par déclaration du 15 octobre 2019 enregistrée sous le numéro de procédure 19/03786.

Prétentions de M. [G], appelant

Par dernières conclusions adressées par voie électronique le 21 mars 2022, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé de ses moyens conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, M. [G] conclut à l'infirmation en toutes ses dispositions du jugement entrepris et demande à la cour d'appel, statuant de nouveau, de :

- juger le manquement de l'employeur de fournir des missions conformes aux compétences du salarié, ou à défaut de le former à de nouvelles compétences,

- dire et juger que la rupture des relations contractuelles doit s'analyser en un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- condamner la société Compagnie IBM France à lui verser les sommes suivantes :

. indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse (24 mois) : 130 000 euros,

. dommages-intérêts sur le fondement des dispositions des articles 1103 du code civil et L.1221-1 du code du travail (6 mois) : 32 088 euros,

- constater la nullité de la convention de forfait en jours et la dire et juger nulle ,

- condamner la société Compagnie IBM France à lui payer la somme de 25 387,20 euros bruts au titre du rappel d'heures supplémentaires outre les congés payés afférents de 2 538,72 euros bruts,

- débouter la société de l'ensemble de ses demandes reconventionnelles,

- juger irrecevable l'appel incident de la société,

- juger que les demandes formulées par la société tendant à sa condamnation au paiement des sommes de 44 429,40 euros et 3 743,67 euros le 8 mars 2022 sont des demandes nouvelles, donc irrecevables,

par conséquent,

- débouter la société de sa demande au titre de la rémunération indûment perçue durant la période de suspension des effets de la convention de forfait jours soit la somme de 44 429,40 euros,

- débouter la société de sa demande au titre de la rémunération indûment perçue durant la période des RTT soit la somme de 3 743,67 euros.

L'appelant sollicite en outre les intérêts de retard au taux légal à compter de l'introduction de la demande, leur capitalisation et une somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Prétentions de la société Compagnie IBM France, intimée

Par dernières conclusions adressées par voie électronique le 8 mars 2022, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé de ses moyens conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la société Compagnie IBM France demande à la cour d'appel de :

- dire et juger le licenciement de M. [G] pour insuffisance professionnelle fondé sur une cause réelle et sérieuse,

- en conséquence, confirmer le jugement en ce qu'il a débouté M. [G] de sa demande de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- subsidiairement, ramener la demande de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à la somme de 32 088 euros représentant six mois de salaires,

- dire et juger que la charge de travail de M. [G] était discutée et évaluée annuellement lors de l'entretien annuel,

- en conséquence, infirmer le jugement en ce qu'il a jugé nulle la convention de forfait-jours de M. [G],

subsidiairement,

- confirmer le jugement en ce qu'il a jugé non étayée et insuffisamment précise la demande d'heures supplémentaires formulée par M. [G],

- débouter M. [G] de sa demande de rappels d'heures supplémentaires et de congés payés afférents,

- subsidiairement, chiffrer les rappels de salaires allégués sur la base d'une rémunération de référence de 4 113,85 euros,

- en toute hypothèse, condamner M. [G] à lui restituer la rémunération indûment perçue durant la période de suspension des effets de la convention de forfait-jours, soit la somme de 44 429,40 euros au titre de la majoration de salaire applicable en vertu de la convention collective et 3 743,67 euros au titre des jours de RTT perçus,

- débouter M. [G] de sa demande de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,

- débouter M. [G] de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouter M. [G] de sa demande de capitalisation des intérêts.

Elle sollicite une somme de 3 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Par ordonnance rendue le 23 mars 2022, le magistrat chargé de la mise en état a ordonné la clôture de l'instruction et a fixé la date des plaidoiries au 31 mars 2022.

MOTIFS DE L'ARRÊT

La cour rappelle, à titre liminaire, qu'elle n'est pas tenue de statuer sur les demandes de « constatations » ou de « dire et juger » qui ne sont pas, hors les cas prévus par la loi, des prétentions au sens de l'article 4 du code de procédure civile en ce qu'elles ne sont pas susceptibles d'emporter des conséquences juridiques.

Sur la convention de forfait

M. [G] soutient, pour solliciter que soit prononcée la nullité de sa convention de forfait, que l'accord d'entreprise sur l'aménagement et la réduction du temps de travail du 16 octobre 2000 instituant la convention de forfait-jours ne prévoit pas de dispositions relatives aux modalités de suivi de l'organisation du travail des intéressés, de l'amplitude horaire et de leur charge de travail, ou de la prise de jours de congés, qu'il ne prévoit pas non plus de dispositions relatives aux modalités de prise de journées ou demi-journées de repos. Il prétend encore que la société IBM France n'a entrepris aucune mesure visant à protéger sa santé et à s'assurer de sa sécurité en vérifiant régulièrement que la charge de travail qui lui était imposée restait compatible avec l'application d'un forfait-jours, que les seules évaluations annuelles ne sauraient être suffisantes pour libérer l'employeur de cette obligation.

La société Compagnie IBM France s'oppose à la demande.

Sur ce, il sera rappelé que la conclusion d'une convention de forfait jours requiert que :

- le salarié dispose d'une réelle autonomie dans l'organisation de son emploi du temps.

- un accord collectif d'entreprise ou, à défaut, une convention ou un accord de branche autorise et réglemente la conclusion de conventions de forfait jours en application de l'article L. 3121-39 du code du travail dans sa version en vigueur lors des faits.

- un accord soit mis en place sur le forfait jours prévoyant des règles de suivi de la charge du travail du salarié. L'employeur est tenu d'établir un document de contrôle faisant apparaître le nombre et la date des journées ou demi-journées travaillées, ainsi que le positionnement et la qualification des jours de repos en repos hebdomadaires, congés payés, congés conventionnels ou jours de repos au titre de la réduction du temps de travail ; ce document peut être tenu par le salarié sous la responsabilité de l'employeur ; le supérieur hiérarchique du salarié ayant conclu une convention de forfait défini en jours assure le suivi régulier de l'organisation du travail de l'intéressé et de sa charge de travail.

- une convention individuelle de forfait soit rédigée et acceptée par le salarié en application de l'article L. 3121-40 du code du travail dans sa version en vigueur lors des faits.

- un entretien annuel soit organisé en application de l'article L. 3121-46 du code du travail, dans sa version en vigueur lors des faits, qui dispose : « Un entretien annuel individuel est organisé par l'employeur, avec chaque salarié ayant conclu une convention de forfait en jours sur l'année. Il porte sur la charge de travail du salarié, l'organisation du travail dans l'entreprise, l'articulation entre l'activité professionnelle et la vie personnelle et familiale, ainsi que sur la rémunération du salarié.»

Ces conditions étant cumulatives, si l'une d'entre elles fait défaut, le forfait annuel en jours encourt la nullité ou n'est pas opposable au salarié.

La lettre d'engagement de M. [G] du 1er février 2007 énonce :

« Article 3 ' Temps de travail

Les fonctions qui vont vous être confiées requièrent un niveau d'autonomie et de responsabilité qui vous laisse toute latitude pour organiser votre travail et votre emploi du temps, dans les limites des besoins de la Compagnie et des demandes éventuelles de votre supérieur hiérarchique. En conséquence, votre temps de travail sera décompté en jours.

La base de calcul de référence de votre temps de travail sera de 215 jours sur une année calendaire complète. Toutefois, il est entendu que l'autonomie dont vous bénéficiez est strictement liée à la nature des fonctions et responsabilités qui vous sont ou seront confiées et que si celles-ci devaient être changées et ne requéraient plus un tel degré d'autonomie, votre temps de travail serait alors décompté en heures ».

L'accord sur la réduction du temps de travail applicable dans l'entreprise à compter du 1er octobre 2000, prévoit en son article 4-1 s'agissant des salariés travaillant selon un forfait annuel en jours : « Il appartiendra au service du personnel de tenir le décompte individuel de tous les jours travaillés dans l'année par chacun des cadres qui aura souscrit un forfait de ce type. Ce décompte sera mis à jour sur un support écrit ou informatisé conforme à un modèle diffusé par le service du personnel. Ce décompte sera centralisé au service du personnel à la fin de chaque trimestre et conservé pendant une durée de 5 ans.

Chaque année les 1er juin et 1er décembre, le nombre de jours travaillés par chacun de ces salariés sera examiné à la date du 1er juin par les responsables hiérarchiques, en liaison avec le service du personnel. Le nombre de jours de congés payés ou éventuellement de jours de congés de RTT à prendre avant le 31 août ainsi que les transferts au compte épargne temps seront fixés de concert avec le salarié de telle sorte que le nombre de jours travaillés dans l'année ne dépasse pas le maximum légal sur la période.

Chacun des salariés pourra, pour ce qui le concerne, faire valoir par écrit ses observations sur le bon fonctionnement de ce forfait en jours sur l'année : amplitude des journées d'activité, organisation du travail et charge de travail.

Ces observations pourront être transmises au choix du salarié au responsable hiérarchique de ce dernier ou au responsable du service du personnel. Une réponse sera apportée dans un délai maximum de 1 mois à ces observations, soit par écrit, soit par un entretien individuel avec un représentant de la Direction.

Les éléments d'information ci-dessus définis permettront notamment de veiller au respect des dispositions des articles L. 220-1, L. 221-2 et L. 221-4 du code du travail qui leur sont applicables. »

Ainsi que le soutient M. [G], ces stipulations ne sont pas de nature à garantir que l'amplitude et la charge de travail restent raisonnables et assurent une bonne répartition, dans le temps, du travail du salarié et donc, à assurer la protection de sa sécurité et de sa santé. Le décompte prévu par cet accord, chaque année au 1er juin et au 1er décembre, du nombre de jours travaillés avec fixation du nombre de jours de congés payés ou de congés RTT à prendre avant le 31 août ainsi que le transfert au compte épargne temps, n'offrent en particulier pas de garanties suffisantes du respect des durées maximales de travail, des repos journaliers et hebdomadaires.

A défaut pour l'accord susvisé d'organiser un suivi effectif par l'employeur permettant de remédier en temps utile à une charge de travail éventuellement incompatible avec une durée raisonnable, la convention de forfait en jours encourt la nullité et ne peut donc être opposée à M. [G].

Au surplus, l'employeur ne démontre pas avoir réalisé l'entretien annuel spécialement dédié au forfait jours prévu par l'article L. 3121-46 du code du travail.

Le jugement déféré sera donc confirmé sur ce point.

Sur les heures supplémentaires

En l'absence d'effet de la convention de forfait jours, il y a lieu de procéder à l'examen des demandes formées par M. [G] dans la mesure où celui-ci est fondé à se prévaloir de l'application de la durée légale du travail de 35 heures par semaine.

Il résulte des dispositions des articles L. 3171-2 et suivants qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.

A l'appui de sa demande, M. [G] indique avoir travaillé a minima sur la base suivante, à savoir du lundi au vendredi de 9h à 18h, tous les jours sans exception.

Il présente un décompte d'heures supplémentaires, calculées sur une moyenne de 5 heures supplémentaires par semaine (correspondant aux horaires visés ci-dessus).

Il produit des courriels adressés en soirée ou sur l'heure du déjeuner (sa pièce 41).

Ces documents revêtent les précisions minimales nécessaires afin de permettre que s'instaure un débat contradictoire en plaçant l'employeur, à qui incombe la charge de contrôler les heures de travail accomplies, en situation de pouvoir y répondre utilement.

En réponse, la société IBM France se limite à critiquer la qualité des documents produits par le salarié. Elle ne verse notamment pas aux débats les relevés de temps intitulés « claim » que M. [G] justifie avoir été tenu de remplir.

Il y a dès lors lieu de retenir le principe d'heures supplémentaires devant bénéficier au salarié, lesquelles seront évaluées, sur la base d'une durée de travail de référence fixée à 35h, compte tenu de la charge de travail induite par le poste occupé, au regard du salaire versé au salarié et des RTT qui lui ont été octroyées, à la somme de 4 533,20 euros, outre la somme de 453,32 euros au titre des congés payés afférents.

Le jugement sera infirmé de ce chef.

Sur la recevabilité des demandes de l'employeur de remboursement des majorations de salaire liées à l'application de la convention de forfait et des RTT

La société Compagnie IBM France sollicite la condamnation de M. [G] à « lui restituer la rémunération indûment perçue durant la période de suspension des effets de la convention de forfait-jours, soit la somme de 44 429,40 euros au titre de la majoration de salaire applicable en vertu de la convention collective et 3 743,67 euros au titre des jours de RTT perçus ».

Il explicite sa demande en indiquant que, dans l'hypothèse où la convention de forfait en jours était privée d'effet, la cour doit en tirer toutes conséquences et notamment condamner le salarié à lui rembourser les avantages perçus, au cours de cette période, en exécution de la convention de forfait litigieuse, soit les RTT, mais également la majoration de salaire de 30% prévue par la convention collective.

M. [G] soulève l'irrecevabilité de ces demandes nouvelles en cause d'appel, présentées au surplus tardivement.

Il est ici rappelé qu'en vertu de l'article 910-4 du code de procédure civile, à peine d'irrecevabilité, relevée d'office, les parties doivent présenter, dès les conclusions mentionnées aux articles 905-2 et 908 à 910, l'ensemble de leurs prétentions sur le fond. L'irrecevabilité peut également être invoquée par la partie contre laquelle sont formées des prétentions ultérieures.

Néanmoins, et sans préjudice de l'alinéa 2 de l'article 802, demeurent recevables, dans les limites des chefs du jugement critiqués, les prétentions destinées à répliquer aux conclusions et pièces adverses ou à faire juger les questions nées, postérieurement aux premières conclusions, de l'intervention d'un tiers ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.

En l'espèce, il se déduit des pièces de la procédure que la société Compagnie IBM France n'a présenté ses prétentions au titre du remboursement des majorations de salaire et des RTT que dans ses conclusions du 8 mars 2022, donc tardivement.

Il s'en déduit l'irrecevabilité de telles demandes, lesquelles ne sont par ailleurs pas destinées à répliquer aux conclusions et pièces adverses et ne sont pas relatives à une question née, postérieurement aux premières conclusions, de l'intervention d'un tiers ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.

Sur le licenciement

Il est rappelé que l'insuffisance professionnelle est constituée par l'incapacité du salarié de remplir correctement ses missions du fait d'une inadaptation à l'emploi ou d'une incompétence. Elle constitue, en tant que telle, une cause réelle et sérieuse de licenciement.

L'appréciation des aptitudes professionnelles du salarié et de son adaptation à l'emploi relève du pouvoir de l'employeur. Néanmoins, l'insuffisance professionnelle alléguée à son encontre pour fonder un licenciement doit être justifiée par des éléments précis et concrets de nature à perturber la bonne marche de l'entreprise ou le fonctionnement du service.

Pour constituer une cause légitime de rupture, l'insuffisance professionnelle doit être ainsi établie par des éléments objectifs, constatée sur une période suffisamment longue pour ne pas apparaître comme passagère ou purement conjoncturelle, être directement imputable au salarié et non la conséquence d'une conjoncture économique difficile ou du propre comportement de l'employeur.

Par courrier du 25 mars 2016, la société Compagnie IBM France a notifié à M. [G] son licenciement pour insuffisance professionnelle dans les termes suivants :

"Vous avez été embauché le 26 février 2007 en qualité de Managing Consultant. Vous êtes actuellement dans le service Line BAS Finance Risk & Fraud. En tant que Consultant Band 8, IBM attend que vous développiez des relations solides avec des clients externes se traduisant par des retombées tangibles pour la Compagnie. Vous devez également apporter des solutions aux problématiques du client et développer de nouvelles affaires.

Début 2013, pour vous permettre d'améliorer la qualité de votre travail qui s'était dégradée ' vous avez été noté 3 au titre de l'année 2012 -, votre manager s'engageait avec vous dans un plan d'amélioration personnel basé sur des axes d'amélioration définis en commun.

Le 27 février 2013, [Y] [R] écrivait que votre contribution avait été bien inférieure à celle d'un salarié ayant votre niveau notamment en termes de grade (Band 8). Elle proposait donc de mettre en place ce plan avec l'accompagnement mensuel de votre manager, [Z] [E]. Votre management attendait que vous soyez plus proactif dans la recherche de missions et se mettait à votre disposition pour vous aider en ce sens.

Le 6 juin 2013, lors d'une des réunions au titre de ce plan d'amélioration, il était attendu de vous un meilleur positionnement de vos expériences et compétences sur les sujets finance avec plusieurs actions identifiées figurant dans votre plan d'amélioration.

Cependant, malgré cet accompagnement et ce suivi mensuel en 2013, votre travail ne s'améliorait pas et votre manager relevait lors de l'évaluation annuelle 2013, que vous aviez réalisé une année en deçà des résultats attendus pour un collaborateur de votre niveau de séniorité. En effet, votre taux d'utilisation sur l'année, votre trop faible contribution aux résultats de la Service Line (département) expliquait la note de 3, vous plaçant une nouvelle fois parmi les collaborateurs les plus faibles, devant s'améliorer.

En 2013, le taux d'utilisation moyen de votre service Line était le suivant :

PRG 8 SL BAO : TU facturable : 56,2%. Alors que le vôtre était largement inférieur à cette moyenne TU facturable: 0%.

C'est pourquoi votre manager [Y] [R] définissait avec vous un premier axe de travail pour 2014 figurant dans votre plan d'amélioration à savoir, la mise au point d'un programme vous permettant d'améliorer votre visibilité client. Elle vous proposait de travailler également sur les autres axes de progrès identifiés. Un RDV mensuel était programmé.

Lors de l'entretien du 28 février 2014, [Y] [R] détaillait le plan d'action défini : fabrication d'une présentation de votre parcours et de vos compétences et expériences que vous deviez présenter à différents acteurs pour pouvoir vous positionner sur des missions, et maintenir un taux d'utilisation minimum: taux d'utilisation chargeable de 50% minimum et le compléter par un taux d'utilisation billable à hauteur de 10% minimum par mois à partir de mars. Vos objectifs, fixés d'un commun accord, rappelaient que pour le deuxième trimestre 2014 vous deviez concrétiser votre repositionnement par au moins une intervention client.

Or, en juin 2014, votre management constatait que les actions menées n'avaient pas abouti. Elle vous demandait de maintenir au deuxième semestre 2014 les contacts métiers DAF (Direction Administrative et Financière) et de poursuivre la vente de votre savoir-faire en transformation.

Au cours de l'année 2014, malgré un taux d'occupation faible, vous avez refusé des missions comme notamment, la mission Géodis en juin 2014 ou la mission d'accompagnement d'un déploiement SAP au Royaume Uni en septembre 2014.

En raison de ces refus et malgré l'accompagnement et les actions entreprises pour vous repositionner et améliorer vos performances, vous n'avez pas réussi à atteindre les objectifs minimaux qui vous ont été fixés, alors que vos collègues affichaient de meilleurs résultats.

C'est pourquoi, une fois encore, lors de votre entretien annuel d'évaluation vous avez été noté 3, vous plaçant toujours parmi les contributeurs les plus faibles. [Y] [R] indiquait dans son évaluation du 28 janvier 2015 que le plan d'amélioration mené en 2014 et les missions que vous avez acceptées n'ont pas permis d'atteindre un taux d'utilisation en ligne avec ce qu'IBM était en droit d'attendre d'un collaborateur de votre niveau, soit 65% de taux d'utilisation facturable.

En 2015, nous avons décidé de vous donner une chance supplémentaire. Le 12 mars 2015, j'ai ainsi initié un nouveau plan d'amélioration avec des axes comme l'augmentation du taux d'utilisation individuel en répondant notamment aux postes/missions à pourvoir, l'accroissement de vos compétences au moyen notamment d'une formation CFM (Conter Counter Fraud Management). Vous avez suivi à ce titre une session de formation de 2 heures intitulée « les essentiels d'IBM Counter Fraud Management ».

Le 28 mai 2015, je vous rappelais que vous n'aviez toujours pas déterminé vos objectifs professionnels de l'année ce qui est normalement réalisé pour la fin du mois de mars.

En juin 2015, je vous rappelais qu'en votre qualité de Consultant vous deviez majoritairement être en clientèle. Or, depuis 2012, votre taux d'utilisation a été de 22,7% en 2012, 0% en 2013 et 0,29% en 2014. A fin mai 2015, votre taux d'utilisation calculé sur les 5 premiers mois était de 17,6% toujours très en-dessous de ce qu'on attend d'un consultant de votre niveau et expérience. Il y était détaillé les propositions commerciales auxquelles vous avez participé comme TF1 (sans suite), Atlantic (votre attitude n'a pas été jugée satisfaisante et le client a indiqué qu'il ne souhaitait pas travailler avec vous) et Air Liquide. Je vous demandais de tisser un réseau solide avec le Software Group IBM afin de construire des opportunités d'affaires concrètes et concluais que votre performance restait insuffisante puisqu'aucune amélioration de votre activité n'était notée en dépit du projet en cours, démontrant encore des défauts d'autonomie et de proactivité.

Quant à la mission Air Liquide que vous avez effectuée du 6 mai au 17 juillet 2015 votre évaluateur, [B] [D] mettait en évidence que vos livrables contenaient des inexactitudes ou des erreurs qui ont dû être corrigées avant présentation au client. Il y était notamment constaté un manque de connaissance des méthodologies misées et un manque de prise de décisions. Vos actions ont amené le client à ne plus vous faire confiance du fait de votre incapacité à définir le modèle cible d'organisation répondant à ses besoins. Dans cette évaluation il a été noté des relations difficiles avec l'équipe IBM.

A la suite de cette mission chez Air Liquide, il vous a été demandé de prendre le lead sur une proposition commerciale pour Axa Creditor que vous avez refusée, démontrant une nouvelle fois votre refus d'endosser pleinement un rôle de leader et vous plaçant ainsi volontairement dans l'impossibilité d'améliorer votre taux d'utilisation. Pourtant, au regard des compétences que vous indiquiez dans votre mail du 6 octobre 2015, vous aviez les connaissances nécessaires.

La synthèse du plan d'amélioration de l'année 2015 pointait un taux d'utilisation particulièrement bas (21,8% en facturable et 29% en chargeable). Elle rappelait également les retours négatifs lors de votre mission Consulting Air Liquide, mais aussi qu'à la suite de votre refus de prendre la responsabilité de la proposition commerciale Axa Creditor, IBM a dû nommer un autre consultant. Enfin, cette synthèse expliquait encore qu'actuellement vous étiez en mission pour un grand groupe bancaire français et que le directeur de mission ([L] [K]) vous reprochait votre manque de proactivité. Il concluait en disant que vous n'étiez toujours pas au niveau attendu pour un consultant de votre niveau et que vous deviez encore faire vos preuves.

A nouveau, vous avez été noté 3 au terme de l'année 2015. En outre, le premier trimestre 2016 montre un taux d'utilisation facturable à 36,496 toujours bien loin des attendus.

En conséquence des éléments qui précèdent, nous considérons que l'ensemble de ces manquements réitérées sont constitutifs d'une insuffisance professionnelle eu égard à vos fonctions de Consultant et aux objectifs qui vous étaient fixés, comparables à ceux de vos collègues et en comparaison de leurs résultats."

M. [G] conteste son licenciement et soutient qu'alors que ses qualités professionnelles sont démontrées depuis son embauche, son intégration en 2012 dans l'équipe BAO s'est faite loin de son c'ur de métier, qu'il a ainsi connu, à partir de cette date, une dégradation de ses conditions de travail, qu'il n'a pour autant cessé de faire preuve de professionnalisme et de mettre toutes ses compétences et son expérience au service de la société IBM France. Il insiste sur le fait qu'il n'a eu de cesse d'alerter la Direction de ce mauvais positionnement, que son manager l'a également signalé, qu'IBM l'a même reconnu, que pour autant, son employeur n'a rien fait pour y mettre fin.

La société Compagnie IBM France, pour sa part, relate qu'après une première année insatisfaisante en 2007, en raison d'un « taux d'utilisation médiocre », compte tenu de sa séniorité, une amélioration passagère a été observée, pendant les quatre années suivantes, entre 2008 et 2011, mais qu'à compter de 2012, la situation s'est durablement dégradée, qu'elle a dû constater que le travail fourni et la contribution de M. [G] n'étaient pas à la hauteur attendue pour un cadre de son niveau de compétence et d'expertise, qu'il a ainsi été noté 3, c'est-à-dire « parmi les contributeurs les plus faibles » pendant 4 années successives entre 2012 et 2015, qu'après plusieurs alertes, un soutien permanent de sa hiérarchie via les plans d'amélioration a été mis en 'uvre mais que compte tenu de l'urgence à ne pas laisser perdurer cette situation, elle a été contrainte d'engager une procédure de licenciement pour insuffisance professionnelle.

Sur le positionnement de M. [G] à partir de 2012

M. [G] explique qu'il est titulaire d'une expérience professionnelle dans le « consulting » et qu'il a été engagé au sein des équipes de la business unit Conseil en organisation de la division Île-de-France de IBM Global Business Services France mais qu'en 2012, il a été « repositionné » dans une équipe « BAO ' Business Analytics and Optimization » sans cohérence avec son profil professionnel.

La société IBM France conteste cependant à juste titre cette allégation, expliquant que le secteur BAO concerne l'analyse des données et l'optimisation des processus, qu'il a pour objectif d'être plus efficace et plus productif dans la prise de décisions, la mise en place de nouvelles activités, de nouveaux processus. Elle indique de façon pertinente que ce secteur correspond précisément au travail qu'effectuait M. [G] au sein de sa précédente équipe dirigée par M. [S] et correspond donc parfaitement à ses compétences.

La cour relève que M. [G] n'invoque d'ailleurs pas une modification de son contrat de travail.

Sur les évaluations de M. [G]

La société IBM France explique que les insuffisances professionnelles reprochées à M. [G] couvrent les années 2012 à 2015, quatre années consécutives pendant lesquelles il a été noté 3, le système d'évaluation existant alors prévoyant des notes allant de 1 (meilleure note) à 4 (moins bonne note), la note 3, attribuée au salarié signifiant, selon l'employeur, « parmi les contributeurs les plus faibles » avec la mention particulière « doit s'améliorer ».

Concernant l'année 2012, l'évaluation mentionne les éléments suivants :

« [U] a réalisé une année en deçà des attendus pour un collaborateur de son niveau de séniorité (...)

Tu dois améliorer significativement ton influence/impact sur les résultats de la SL BAO.

1) En contribuant de façon significative au développement du business de l'ensemble des offres de la SL (développement d'une offre BAO, assistance sur une offre existante restent des pistes possibles)

2) En veillant à améliorer ton TU (productif 34.8% - Billable 22.7%) pour atteindre le TU attendu pour un B8

Tu dois améliorer ta proactivité pour veiller à maintenir un bon niveau d'employabilité

Ton niveau de séniorité, ton expérience acquise, les contacts obtenus au sein d'IBM doivent te permettre d'atteindre les objectifs attendus et de te repositionner dans cette dynamique ».

Mme [Y] [R], son supérieur hiérarchique N+2, concluant de la façon suivante :

« Année très décevante pour [U] qui n'a fait preuve d'aucune proactivité pour améliorer son employabilité, comme attendu d'un band 8 senior. Donc une année de faible TU, sans développement de valeur pour la service Line » (pièce 4 de la société).

Concernant l'année 2013, l'évaluation mentionne :

« [U] a réalisé une année en deçà des attendus pour un collaborateur de son niveau de séniorité.

L'année de [U] est marquée principalement par :

- un accompagnement à la Transformation SMS - IMT France sur l'ensemble de l'année,

- une contribution sur des propositions/avant vente,

- une prise de connaissance de l'offre CFO Dashboard en vue d'une déclinaison pour BAO France TU Chargeable de 34.4% - TU Productif de 37.5%.

La notation 3 est justifiée par une contribution trop faible aux résultats de la service line (TU et Contribution au Signing). L'expérience acquise, les contacts obtenus au sein d'IBM doivent te permettre d'atteindre les objectifs attendus » (pièce 5 de la société).

Concernant l'année 2014, l'évaluation mentionne :

« En 2014, [U] a eu un PIP qui de par les actions menées ont permis de se faire connaître chez GBS. [U] a d'autre part accepté un certain nombre de missions (les retours sont bons sur le travail qu'effectue [U]) mais ces deux actions n'ont pas permis en 2014 d'atteindre un TU Billable ou chargeable en ligne avec ce que son niveau de poste nécessite. Les missions menées par [U] depuis Q4 2014, entre autres avec une mission billable en perspective, et son rapprochement avec la practice Risk and Fraud dans le service Line BAAS permettent d'envisager une année 2015 meilleure. Lors de l'entretien il a été rappelé à [U] l'importance du TU billable et chargeable, et le fait qu'il y a des efforts à fournir (étendre la zone "de confort" des compétences) afin d'atteindre cet objectif » (pièce 6 de la société).

L'évaluation de l'année 2015 mentionne quant à elle :

« « A la clôture de l'exercice 2015, le taux d'utilisation (TU) de [U] est de 21,7% en billable YTD et de 29,2% en chargeable YTD.

Ce résultat est insuffisant pour un managing consultant GBS B8, dont l'objectif de TU billable est de 65%.

Au titre des réalisations 2015, [U] a effectué une mission de consulting chez Air Liquide de début mai à mi-juillet 2015. Cette mission a donné lieu à une évaluation PFF. Les évaluateurs (directeur de mission et expert métier du projet) ont évalué la performance de [U] sur ce projet comme étant insatisfaisante. Ils ont noté que [U] n'a pas démontré le niveau d'autonomie, de fiabilité et de pro-activité attendu. Fin septembre, [F] [S] a proposé à [U] d'être le « proposal team leader » d'une proposition commerciale pour Axa Creditor, rôle en cohérence avec sa séniorité B8 et ses compétences. [U] ne s'est finalement pas engagé dans ce rôle. Mi-novembre 2015, [U] est monté sur une mission de conseil de quatre semaines, première phase sous NDA d'un projet conjoint entre IBM et un grand groupe bancaire français. Le directeur de mission a fait état d'un manque de pro-activité de [U] au lancement de la prestation (source PIP 4Q15). Fin décembre 2015, [U] a démarré un nouveau projet au Ministère de l'Éducation Nationale (MEN), avec une activité trop récente pour juger d'une performance effective. En synthèse, la performance 2015 de [U] n'est pas au niveau attendu au regard de ses objectifs PBC de managing consultant B8 » (pièce 28 de la société).

Il ressort des termes de ces évaluations que, de façon constante sur ces quatre années, le travail de M. [G] a été jugé insuffisant et que les améliorations demandées n'ont pas été constatées.

M. [G] oppose à la société IBM France qu'elle fonde sa décision de le licencier sur le « taux d'utilisation facturable » qui ne représente pas son activité totale, mais une simple analyse partielle de son activité, qui dépend de facteurs extérieurs sur lesquels il n'avait pas le pouvoir d'influer, qui ne peut pas démontrer la réalité d'une insuffisance professionnelle dans la mesure où il se voyait attribuer des missions avec un indicateur facturable très faible, qu'il était contraint d'assumer ce fait, qui correspondait aux missions propres aux commerciaux qui n'entraient pas dans ses tâches.

La société IBM France explique toutefois de façon pertinente à ce sujet que le taux d'utilisation (TU) prend en compte l'ensemble des activités de M. [G], qu'il s'agisse de son taux d'utilisation facturable, de son taux d'utilisation chargeable, c'est-à-dire l'activité délivrée à d'autres entités d'IBM, ou encore de son taux d'utilisation productif, ce dernier englobant l'activité non facturable au client en interne, correspondant au travail d'élaboration de propositions commerciales et de présentation.

M. [G] soutient encore qu'il n'avait pas pour tâche de mener des actions commerciales afin de trouver des missions sur lesquelles il aurait pu ensuite intervenir, que, si tel avait été le cas, un plan d'objectifs avec une rémunération en conséquence aurait été mis en place, ce qui n'a pas été le cas, ce point n'étant pas contesté par l'employeur.

M. [G] soutient qu'il a contesté ses évaluations annuelles. En réalité, M. [G] n'a pas demandé la révision de ses évaluations mais a contesté celles de 2013 et de 2015, en complétant l'encart prévu à cet effet dans le formulaire d'évaluation.

Au titre de l'année 2013, il a écrit : « Je conteste cette note qui ne repose absolument pas sur un examen objectif et exhaustif du travail que j'ai réalisé en 2013.

A titre d'exemple, concernant les missions et les activités d'avant ventes qui m'ont été confiées par mon management et le réseau de staffing, cette note ne tient pas compte :

- du périmètre et de la complexité/difficulté de celles-ci (programmes de transformation complexes et globaux au c'ur de la stratégie d'IBM, d'offres Smarter analytics...) ;

- des enjeux associés (enjeux financiers importants pour IBM Corporation, roadmap 2015 cf les impacts financiers enjeux de cette transformation) ;

- du niveau des interlocuteurs (Directions Générales, Executives, B10, B9, BTL, etc)

- de l'innovation que j'ai apportée à la démarche et la façon de traiter le sujet ;

- de la qualité du travail fourni et des skills mis en 'uvre : résultats tangibles, valeur apportée et satisfaction client ;

'

Je précise par ailleurs qu'à plusieurs reprises, et malgré mes relances, je n'ai pu obtenir de codes de pointages sur certaines activités d'avant vente (mon TU ne comptabilise donc pas toutes les activités réalisées).

J'ajoute également que sur l'ensemble de mon activité 2013, je n'ai noté aucune prise de référence de mon évaluateur auprès d'interlocuteurs clients (internes et externes) ni aucune consultation et examen de très nombreux livrables que j'ai produits. »

Au titre de l'année 2015, il a fait savoir qu'il n'était absolument pas d'accord avec son évaluation de performance. Il en critique essentiellement la subjectivité, l'absence de prise en compte des spécificités de ses missions et fait valoir que les jugements portés ne s'appuient pas sur un référentiel de compétences.

Dans le prolongement de ce commentaire, M. [G] soutient que les évaluations établies par l'employeur lui-même ne sauraient être une preuve suffisante et objective d'une insuffisance professionnelle.

Contrairement à ce que soutient le salarié, les évaluations, qui constituent un bilan de l'année écoulée et les perspectives de l'année suivante et qui peuvent faire l'objet d'observations, constituent des éléments d'appréciation qui peuvent être pris en compte dans l'appréciation d'une insuffisance professionnelle.

Sur les actions de soutien mises en place par l'employeur

Compte tenu de la mauvaise évaluation de M. [G] au titre de l'année 2012, sa supérieure hiérarchique, Mme [R], lui a écrit au début de l'année 2013, pour lui indiquer l'insuffisance de résultats sur l'année 2012 et ses attentes pour 2013.

Mme [R] a ainsi indiqué au salarié par courriel du 27 février 2013 (pièce 7 de l'employeur), ce qui suit :

« Pour 2013 il convient que l'on s'assure ensemble que tu puisses apporter une contribution supérieure à GBS. Tu dois améliorer ton taux d'utilisation billable ou chargeable en étant proactif sur la recherche de mission : en BTD à fin mai, nous attendons un TU chargeable minimum de 50%, conformément à ton banding et tes qualifications.

[Z] [E] te rencontrera chaque mois pour faire un bilan et voir avec toi si un plan de formation t'est nécessaire, et nous referons un point ensemble en mai ».

Il est justifié de plusieurs rendez-vous entre M. [G] avec M. [E], son N+1, pour faire des points d'avancement.

Au regard des résultats jugés insuffisants de M. [G] au cours de l'année 2013, la société indique que les supérieurs hiérarchiques du salarié ont décidé de mettre en place un suivi et un plan d'amélioration au début de l'année 2014.

Ainsi, par courriel du 24 février 2014, Mme [R] a informé M. [G] d'une nouvelle action de soutien en ces termes :

« Comme discuté ensemble lors de ton entretien PBC concernant l'année 2013, tu n'as pas atteint le niveau de performance attendu dans ton rôle sur l'année 2013.

Nous avons déjà ensemble évoqué un premier axe de travail pour mettre à disposition tes connaissances au niveau IOT, et tu travailles à la mise au point d'un package qui pourra permettre de faire connaître ton expérience.

Je te propose de revenir sur les axes de progrès identifiés, entre autres amélioration de ta performance en Taux d'utilisation billable et chargeable et de définir avec toi les objectifs et moyens qui te permettront de retrouver un niveau de résultat plus satisfaisant. Ces éléments feront partie des objectifs que nous consignerons dans ton PBC 2014. Nous nous rencontrerons chaque mois pour faire le point sur la progression de ce plan ainsi bâti.

Je te propose d'initialiser le suivi par une discussion le 28 février à 14h.

Je sais pouvoir compter sur toi, sois assuré de ton côté de mon soutien, de mon support et de ma disponibilité tout au long de cette année » (pièce 12 de l'employeur).

L'employeur justifie de la poursuite des actions de soutien au cours des années suivantes, qui sont cependant restées sans résultats.

M. [G] ne peut, dans ces conditions, utilement soutenir, comme il le fait aux termes de ses conclusions, qu'il a démontré l'étendue de ses compétences professionnelles tout au long de sa collaboration avec la société IBM France, et cela malgré la dégradation importante de ses conditions de travail à compter de 2012.

Il se déduit en effet des éléments versés aux débats que l'insuffisance professionnelle de M. [G] est caractérisée, ce qui conduit la cour à rejeter sa demande principale au titre de la rupture du contrat de travail et sa demande indemnitaire subséquente, par confirmation du jugement entrepris.

Sur l'exécution déloyale du contrat de travail

M. [G] soutient, à l'appui de sa demande tendant à l'allocation d'une somme de 32 088 euros à titre de dommages-intérêts, que la société IBM France est à l'origine de la dégradation de ses conditions de travail, qu'elle l'a volontairement envoyé sur des missions pour lesquelles il n'était pas formé et qu'elle a retenu des informations, démontrant ainsi son intention manifeste de le mettre en difficulté. Il fait également état d'une mauvaise organisation régnant au sein de son service.

La société Compagnie IBM France s'oppose à cette demande. Elle prétend qu'elle a soutenu le salarié durant quatre années en dépit de performances très insuffisantes, multipliant alors les formations proposées et les plans d'accompagnement. Elle soutient que cette demande de dommages-intérêts complémentaires n'est en réalité qu'une ultime tentative de M. [G] pour maximiser le gain escompté de la procédure.

Il est rappelé que, conformément aux dispositions de l'article L. 1222-1 du code du travail, le contrat de travail doit être exécuté de bonne foi.

M. [G] ne rapporte toutefois pas la preuve des faits qu'il allègue, à savoir que la société IBM France serait à l'origine de la dégradation de ses conditions de travail, qu'elle l'a volontairement envoyé sur des missions pour lesquelles il n'était pas formé et qu'elle a retenu des informations ou encore qu'une mauvaise organisation régnait au sein de son service.

Le salarié, qui soutient de façon générale, que son employeur a manifestement entendu le mettre en difficulté, ne justifie pas de cette allégation.

M. [G] sera dès lors débouté de cette demande, par confirmation du jugement entrepris.

Sur les intérêts moratoires et leur capitalisation

Le créancier peut prétendre aux intérêts de retard calculés au taux légal, en réparation du préjudice subi en raison du retard de paiement de sa créance par le débiteur.

La condamnation prononcée, de nature contractuelle, produira intérêts au taux légal à compter de la date de réception par l'employeur de la convocation devant le Bureau de Conciliation et d'Orientation.

En application des dispositions de l'article 1343-2 du code civil, il y a lieu de préciser que les intérêts échus, dus au moins pour une année entière, produiront intérêt.

Sur les dépens et les frais irrépétibles de procédure

La société Compagnie IBM France, tenue à paiement, supportera les dépens, de première instance et d'appel, en application des dispositions de l'article 696 du code de procédure civile.

Elle sera en outre condamnée à payer à M. [G] une indemnité sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, que l'équité et la situation économique respective des parties conduisent à arbitrer à la somme de 2 000 euros.

La société Compagnie IBM France sera déboutée de sa demande présentée sur le même fondement.

Le jugement de première instance sera infirmé en ses dispositions concernant les dépens et les frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

La COUR, statuant publiquement, en dernier ressort et par arrêt contradictoire,

DÉCLARE irrecevables les demandes de la SASU Compagnie IBM France tendant à la condamnation de M. [U] [G] à « lui restituer la rémunération indûment perçue durant la période de suspension des effets de la convention de forfait-jours, soit la somme de 44 429,40 euros au titre de la majoration de salaire applicable en vertu de la convention collective et 3 743,67 euros au titre des jours de RTT perçus »,

CONFIRME le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Nanterre le 27 septembre 2019, excepté en ce qu'il a débouté M. [U] [G] de sa demande au titre des heures supplémentaires et en ce qu'il a condamné M. [G] à payer à la société Compagnie IBM France la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

CONDAMNE la SASU Compagnie IBM France à payer à M. [U] [G] les sommes suivantes :

- 4 533,20 euros à titre de rappel d'heures supplémentaires,

- 453,32 euros au titre des congés payés afférents,

CONDAMNE la SASU Compagnie IBM France à payer à M. [U] [G] les intérêts de retard au taux légal à compter de la date de réception par l'employeur de la convocation devant le Bureau de Conciliation et d'Orientation sur cette créance contractuelle,

DIT que les intérêts échus, dus au moins pour une année entière, produiront intérêt,

CONDAMNE la SASU Compagnie IBM France à payer à M. [U] [G] une somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

DÉBOUTE la SASU Compagnie IBM France de sa demande présentée sur le même fondement,

CONDAMNE la SASU Compagnie IBM France au paiement des entiers dépens.

Arrêt prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour,les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code procédure civile et signé par Madame Valérie DE LARMINAT, Conseiller, en remplacement de Madame Isabelle VENDRYES, Président, légitimement empêché, et par Madame BOUCHET-BERT Elodie, Greffière, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER P/ LE PRÉSIDENT empêché


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 6e chambre
Numéro d'arrêt : 19/03786
Date de la décision : 09/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-09;19.03786 ?
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