COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 51Z
1re chambre 2e section
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 14 JUIN 2022
N° RG 21/01831
- N° Portalis DBV3-V-B7F-UMMJ
AFFAIRE :
M. [R] [N]
C/
Mme [P], [O] [E]
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 02 Février 2021 par le Juge des contentieux de la protection de CHARTRES
N° RG : 1120000388
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le : 14/06/22
à :
Me Julien GIBIER
Me Isabelle GUERIN
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE QUATORZE JUIN DEUX MILLE VINGT DEUX,
La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
Monsieur [R] [N]
[Adresse 5]
[Localité 2]
Représentant : Maître Julien GIBIER de la SELARL GIBIER FESTIVI RIVIERRE GUEPIN, Postulant et Plaidant, avocat au barreau de CHARTRES, vestiaire : 000021 - N° du dossier 201520
APPELANT
****************
Madame [P], [O] [E]
née le 13 Mars 1946 à [Localité 6]
de nationalité Française
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentant : Maître Isabelle GUERIN de la SELARL ISALEX, Postulant et Plaidant, avocat au barreau de CHARTRES, vestiaire : 000053 - N° du dossier 208250
INTIMEE
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 06 Avril 2022 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Isabelle BROGLY, Magistrat honoraire chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Monsieur Philippe JAVELAS, Président,
Madame Gwenael COUGARD, Conseillère,
Madame Isabelle BROGLY, Magistrat honoraire,
Greffier, lors des débats : Madame Claudine AUBERT,
EXPOSE DU LITIGE
Mme [P] [E] est propriétaire d'un bien à usage d'habitation sis [Adresse 4] (28). Suivant convention en date du 17 novembre 2019, elle a donné à bail ce logement à Mme [Y], moyennant un loyer de 620 euros, et une provision sur charges de 30 euros.
Par acte d'huissier de justice délivré le 29 août 2020, Mme [E] a assigné Mme [Y] et M. [N], pris en qualité de caution de la locataire, à comparaître devant le juge des contentieux de la protection du tribunal de judiciaire de Chartres aux fins de voir :
- constater la validité du congé adressé le 16 janvier 2020 et ordonner l'expulsion immédiate de Mme [Y] des lieux loués ainsi que celle de tous occupants de son chef,
- subsidiairement, prononcer la résiliation du bail,
- condamner solidairement les défendeurs au paiement de la somme de 3 900 euros au titre des loyers et charges actualisés à la date du 28 août 2020, terme d'août 2020 inclus, outre les intérêts au taux légal,
- condamner solidairement les défendeurs au paiement des loyers et charges dus depuis cette date jusqu'à la résiliation du bail,
- condamner solidairement les défendeurs au paiement d'une indemnité d'occupation égale au montant du loyer actuel, jusqu'à complète libération des lieux et remise des clés au demandeur suite à un départ volontaire ou jusqu'à l'expulsion à défaut de départ volontaire,
- condamner Mme [Y] au paiement de la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts,
- condamner solidairement les défendeurs au paiement d'une indemnité de 1 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Par jugement contradictoire du 2 février 2021, le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Chartres a :
- constaté que Mme [Y] avait donné congé à Mme [E] par courrier recommandé en date du 12 janvier 2020, pour quitter le logement sis [Adresse 4] (28),
- ordonné, à défaut de libération spontanée des lieux, l'expulsion de Mme [Y] ainsi que celle de tous les occupants de son chef, des lieux sis [Adresse 4], dans les deux mois de la délivrance d'un commandement de quitter les lieux,
- dit que Mme [E] pourra faire procéder à l'expulsion de Mme [Y] avec le concours d'un serrurier et de la force publique et au transport des meubles laissés dans les lieux à ses frais dans tel garde-meuble désigné par elle ou à défaut par le bailleur,
- condamné solidairement Mme [Y] et M. [N] à payer à Mme [E] à compter du 18 avril 2020, une indemnité mensuelle d'occupation égale au montant des loyers et des charges qui auraient été dus en l'absence de résiliation du bail jusqu'à la date de la libération effective et définitive des lieux caractérisée par la remise des clés du logement au bailleur ou à toute personne mandatée à cet effet,
- condamné solidairement Mme [Y] et M. [N] à payer à Mme [E] la somme de 6 500 euros au titre des loyers, charges et indemnités d'occupation impayés arrêtés au 1er décembre 2020, terme de décembre 2020 compris, avec intérêts au taux légal à compter de la signification de la décision,
- condamné solidairement M. [N] et Mme [Y] jusqu'au 31 décembre 2021, date de fin de l'acte de caution à payer à Mme [E] l'ensemble des condamnations ci-dessus prononcées à l'encontre de Mme [Y],
- condamné Mme [Y] à payer à Mme [E] la somme de 800 euros à titre de dommages et intérêts,
- accordé à Mme [Y] des délais de paiement et dit que la dette serait payable en 23 mensualités de 100 euros, la 24ème mensualité représentant le solde en principal, intérêts et frais,
- dit que les versements s'imputeraient d'abord sur le capital,
- dit que le non-paiement d'une seule mensualité à son échéance entraînerait la déchéance du terme et l'exigibilité de l'intégralité de la somme restant due,
- rappelé que la décision suspendait les procédures d'exécution qui auraient été engagées par le créancier et que les majorations d'intérêts ou les pénalités encourues à raison du retard cessaient d'être dues pendant le délai fixé par la décision,
- condamné Mme [Y] à payer à Mme [E] la somme de 400 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné in solidum Mme [Y] et M. [N] aux dépens,
- rappelé que l'exécution provisoire était de droit.
Par déclaration reçue au greffe le 18 mars 2021, M. [N] a relevé appel de ce jugement. Aux termes de ses conclusions signifiées le 4 juin 2021, il demande à la cour :
- de le déclarer bien fondé et recevable en son appel,
- d'infirmer le jugement rendu par le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Chartres le 2 février 2021 en ce qu'il :
* l'a condamné solidairement avec Mme [Y] à payer à Mme [E] à compter du 18 avril 2020, une indemnité mensuelle d'occupation égale au montant des loyers et des charges qui auraient été dus en l'absence de résiliation du bail jusqu'à la date de la libération effective et définitive des lieux caractérisée par la remise des clés du logement au bailleur ou à toute personne mandatée à cet effet,
* l'a condamné solidairement avec Mme [Y] à payer à Mme [E] la somme de 6 500 euros au titre des loyers, charges, indemnité d'occupation impayés arrêtés au 1er décembre 2020, terme de décembre 2020 compris, avec intérêts au taux légal à compter de la signification de la décision,
* l'a condamné solidairement avec Mme [Y], jusqu'au 31 décembre 2021, date de la fin de l'acte de caution, à payer à Mme [E] l'ensemble des condamnations ci-dessus prononcées à l'encontre de Mme [Y],
* l'a condamné in solidum avec Mme [Y] aux dépens,
- statuant à nouveau, de :
- constater que l'acte de caution versé aux débats est dépourvu de toute valeur juridique,
- dire en conséquence que Mme [E] ne peut pas se prévaloir de l'acte de caution querellé,
- débouter Mme [E] de l'ensemble des demandes qu'elle formulera à son égard,
- condamner Mme [E] à lui verser une somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner Mme [E] aux entiers dépens.
Aux termes de ses conclusions signifiées le 24 août 2021, Mme [E] demande à la cour de :
- confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Chartres le 2 février 2021,
-rejeter les arguments et les demandes de M. [N],
- juger que l'acte de caution solidaire en date du 1er janvier 2020 a bien été établi et signé par M. [N],
- condamner M. [N] à lui payer la somme de 10 400 euros au titre des loyers et indemnités d'occupation dus, avec intérêts de droit, capitalisés, à compter de la date d'échéance de chaque terme de loyer, jusqu'au parfait paiement,
- condamner M. [N] à lui payer la somme de 603,04 euros au titre des charges impayées,
en tout état de cause :
- condamner M. [N] à lui verser la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner M. [N] aux entiers dépens, qui comprendront les frais du commandement et de la dénonciation.
La clôture de l'instruction a été prononcée le 20 janvier 2022.
Conformément à l'article 455 du code de procédure civile, pour plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens soutenus par les parties, la cour se réfère à leurs écritures et à la décision déférée.
MOTIFS DE LA DÉCISION.
Sur l'appel de M. [N].
- Sur la validité de l'engagement de caution.
Au soutien de son appel, M. [N] conteste avoir rédigé l'acte de caution dont il n'aurait pris connaissance que dans le cadre du présent litige. Il fait valoir, au fondement de l'article 1373 du code civil, que c'est par une inversion de la charge de la preuve que le premier juge a néanmoins retenu que l'acte de caution était valable sans avoir cru devoir préalablement procéder à la vérification d'écritures conformément aux dispositions des articles 287 et suivants du code de procédure civile. Il rappelle des jurisprudences aux termes desquelles un acte sous-seing privé n'a de force probante qu'autant que la signature en est expressément ou tacitement reconnue ou a été au préalable vérifiée en justice, lorsque la signature est déniée ou méconnue, il appartient à celui qui se prévaut de l'acte de prouver sa sincérité, ou encore sauf à inverser la charge de la preuve, le juge ne peut statuer au fond qu'après avoir retenu que l'acte émane bien de la partie qui l'a désavoué.
Mme [E] réplique que l'argumentation de M. [N] ne saurait prospérer, faisant valoir qu'au vu des éléments matériels versés aux débats, le premier juge a pu observer que tant la signature de M. [N] sur le contrat de location que sur l'acte de cautionnement correspondent à celle figurant sur le recto de sa pièce d'identité, le bail signé par M. [N] stipule expressément que ce dernier se portera caution solidaire et que ladite caution sera annexée au présent bail. Elle verse aux débats des éléments matériels de nature à démontrer que M. [N] était pleinement investi dans cet engagement puisqu'elle produit l'avis d'imposition 2019 que ce dernier lui a remis avec l'engagement de caution lui permettant de justifier de sa capacité financière à se porter caution solidaire de Mme [Y], et fait valoir que les liens entre M. [N] et Mme [Y] étaient du moins, lors de la conclusion du bail, indiscutables dans la mesure où l'attestation d'assurance fournie par la locataire a été envoyée à une adresse qui n'était autre que celle de M. [N] lui-même.
Sur ce,
L'article 1372 du code civil dispose que 'l'acte sous signature privée, reconnu par la partie à laquelle on l'oppose ou légalement tenu pour reconnu à son égard, fait foi entre ceux qui l'ont souscrit et à l'égard de leurs héritiers et ayant-causes'.
Aux termes de l'article 1373 du même code 'la partie à laquelle on l'oppose peut désavouer son écriture ou sa signature. Les héritiers d'une partie peuvent pareillement désavouer l'écriture ou la signature de leur auteur, ou déclarer qu'ils ne les connaissent pas. Dans ce cas, il y a lieu à vérification d'écriture'.
En l'espèce, M. [N] conteste avoir écrit l'engagement et dénie sa signature.
La formalité prévue par l'article 1376 du code civil aux termes duquel l'acte juridique par lequel une seule partie s'engage envers une autre à lui payer une somme d'argent (...) doit être constaté dans un écrit qui comporte la signature de celui qui souscrit cet engagement ainsi que la mention écrite par lui-même de la somme ou de la quantité en toutes lettres et en chiffres, n'est pas prescrite à peine de nullité de l'engagement mais détermine seulement la force probante de l'acte produit qui vaut alors comme simple commencement de preuve par écrit.
En application de l'article 287 du code civil, si l'une des parties dénie l'écriture qui lui est attribuée ou déclare ne pas reconnaître celle qui est attribuée à son auteur, le juge vérifie l'écrit contesté à moins qu'il ne puisse statuer sans en tenir compte.
Or, l'examen comparé de la signature de M. [N] figurant sur sa pièce d'identité versée aux débats, soit sa carte nationale d'identité, et de celle figurant à l'acte de caution permet de faire ressortir sans contestation possible que les deux signatures sont identiques.
Même si Mme [E] ne dispose pas d'éléments de comparaison lui permettant d'établir que la mention manuscrite de l'engagement de caution a bien été rédigée par M. [N], la cour est en mesure de statuer sans tenir compte de la dénégation d'écriture de M. [N], dès lors qu'un manquement aux règles édictées par l'article 1376 du code civil n'emporte pas la nullité de l'obligation, le document imparfait constituant un commencement de preuve par écrit, qu'en l'espèce la signature figurant à l'acte étant incontestablement celle de M. [N] au vu de celle figurant sur sa carte nationale d'identité, approuvant ainsi ledit acte, lui donne force obligatoire.
Il s'ensuit que l'acte de cautionnement en date du 1er janvier 2020 est parfaitement valable. Le jugement est confirmé sur ce point.
- Sur le montant des sommes dues par M. [N].
M. [N] ne s'estime, en tout état de cause, redevable d'aucune somme à l'égard de Mme [E] au motif que l'acte de cautionnement prévoit que sa résiliation prend fin au terme du contrat de location, que Mme [Y] ayant donné son préavis de départ le 16 janvier 2020, elle est devenue occupante sans droit ni titre trois mois plus tard, de sorte que le cautionnement n'a pas pu produire un quelconque effet.
Mme [E] ne réplique pas sur ce point précis, se bornant à indiquer que Mme [Y] qui a occupé les lieux loués pendant 18 mois, soit du 1er janvier 2020 au 30 juin 2021, n'a acquitté que deux échéances, de sorte que sa créance au titre des seuls loyers impayés est de 10 400 euros (650 euros x16).
Sur ce,
En l'espèce, aux termes de l'acte de caution produit par Mme [E] auquel était annexée sa carte nationale d'identité, M. [N] s'est engagé en qualité de caution simple et solidaire pour couvrir les loyers, les frais de réparations locatives, les charges, impôts et taxes, frais de procédure, mais également les indemnités ou dommages-intérêts et ce, jusqu'au 31 décembre 2021, étant observé que même si cette date est surchargée, elle est parfaitement lisible.
Il s'ensuit que M. [N] doit être condamné solidairement avec Mme [Y], au paiement des sommes dues à Mme [E] jusqu'au 31 décembre 2021, soit au paiement de la somme de 10 400 euros au titre des loyers et indemnités d'occupation, ainsi qu'à celui de la somme de 603,04 euros au titre des charges locatives. Le jugement est également confirmé de ce chef.
Sur les mesures accessoires.
M. [N] doit être condamné aux dépens de la procédure d'appel, les dispositions du jugement contesté relatives à l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens de première instance étant, par ailleurs, confirmées.
Il y a lieu de faire droit à la demande de Mme [E] au titre des frais de procédure par elle exposés en cause d'appel en condamnant M. [N] à lui verser la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS.
La cour,
Statuant par arrêt contradictoire et par mise à disposition au greffe,
Confirme le jugement rendu le 2 février 2021 par le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Chartres, en ce qu'il a déclaré valable l'engagement de caution souscrit le 1er janvier 2020 par M. [N] et en ce qu'il l'a condamné solidairement avec Mme [Y] à verser à Mme [E] la somme de 10 400 euros au titre des loyers et indemnités d'occupation, ainsi que la somme de 603,04 euros au titre des charges locatives,
Y ajoutant,
Condamne M. [N] à verser à Mme [E] la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne M. [N] aux dépens d'appel.
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Monsieur Philippe JAVELAS, Président et par Madame Françoise DUCAMIN, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER,LE PRÉSIDENT,