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16/06/2022 | FRANCE | N°19/03377

France | France, Cour d'appel de Versailles, 6e chambre, 16 juin 2022, 19/03377


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 80C



6e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU16 JUIN 2022



N° RG 19/03377 - N° Portalis DBV3-V-B7D-TNTX



AFFAIRE :



[X] [F]





C/

SAS AVIS LOCATION DE VOITURES









Décision déférée à la cour : Jugement rendu(e) le 23 Juillet 2019 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NANTERRE

N° Chambre :

N° Section : E

N° RG :

F18/00732



Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :



Me Alexia BONNET



Me DUPUIS Martine





le : 17 Juin 2022



Expédition numérique délivrée à Pôle Emploi, le 17 Juin 2022





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80C

6e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU16 JUIN 2022

N° RG 19/03377 - N° Portalis DBV3-V-B7D-TNTX

AFFAIRE :

[X] [F]

C/

SAS AVIS LOCATION DE VOITURES

Décision déférée à la cour : Jugement rendu(e) le 23 Juillet 2019 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NANTERRE

N° Chambre :

N° Section : E

N° RG : F18/00732

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Alexia BONNET

Me DUPUIS Martine

le : 17 Juin 2022

Expédition numérique délivrée à Pôle Emploi, le 17 Juin 2022

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE SEIZE JUIN DEUX MILLE VINGT DEUX ,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant,fixé au 07 Avril 2022,puis prorogé au 09 Juin 2022, puis au 16 Juin 2022, les parties ayant été avisées, dans l'affaire entre :

Monsieur [X] [F]

né le 27 Juillet 1970 à [Localité 4] ([Localité 4])

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représenté par : Me Alexia BONNET, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de PARIS

APPELANT

****************

SAS AVIS LOCATION DE VOITURES

N° SIRET : 652 023 961

[Adresse 5]

[Adresse 5]

[Localité 3]

Représentée par :Me Déborah ATTALI du PARTNERSHIPS EVERSHEDS Sutherland (France) LLP, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : J014, substituée par Me TOMASZEWSKI Audrey, avocate au barreau de Paris ; et Me Martine DUPUIS de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 625

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 18 Février 2022 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Nathalie GAUTRON-AUDIC, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Isabelle VENDRYES, Président,

Madame Valérie DE LARMINAT, Conseiller,

Madame Nathalie GAUTRON-AUDIC, Conseiller,

Greffier lors des débats : Mme Elodie BOUCHET-BERT,

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

La SAS Avis Location de Voitures exerce une activité de location de courte durée de voitures et de véhicules automobiles légers. Elle est présente sur tout le territoire français au travers d'agences régionales localisées notamment dans les gares et les aéroports. Elle emploie plus de dix salariés.

Par contrat de travail à durée indéterminée du 17 mars 2000, M. [X] [F], né le 27 juillet 1970, a été engagé par la société Avis Location de Voitures, à compter du 17 avril 2000, en qualité d'assistant commercial et opérationnel, statut employé, niveau II, échelon 1, coefficient 170 de la convention collective nationale du commerce et de la réparation de l'automobile, du cycle et du motocycle et des activités connexes, ainsi que du contrôle technique automobile du 15 janvier 1981. Il a été affecté à l'agence Avis de la gare de [Localité 7].

En dernier lieu, et depuis le 1er octobre 2012, il occupait le poste de city manager [Localité 7], statut cadre, niveau II A, et percevait un salaire brut mensuel de base de 2 927 euros versé sur 13 mois, outre une rémunération variable.

Par courrier du 5 décembre 2014, M. [F] a été convoqué à un entretien préalable qui s'est tenu le 15 décembre 2014. Il s'est vu notifier son licenciement pour insuffisance professionnelle par lettre du 22 décembre 2014 ainsi rédigée :

« (...) Vous avez été engagé au sein de notre société, le 17 avril 2000, et occupez, depuis le 1er octobre 2012, le poste de City Manager de la City de [Localité 7].

En qualité de City Manager, vous avez en charge la gestion des différentes agences de votre périmètre. Dans ce cadre-là, vous devez notamment encadrer et accompagner les collaborateurs de votre secteur afin d'assurer une qualité de service client optimale et la rentabilité de vos agences du périmètre, dans le respect des directives qui vous sont données.

Comme vous le savez, votre poste revêt un caractère stratégique pour la Société en termes d'image et de résultats.

Or, depuis maintenant plusieurs mois et malgré les nombreux échanges que nous avons eus, nous sommes contraints de constater de nombreuses insuffisances dans l'exécution des tâches qui vous sont confiées, sans que l'on note une réelle volonté d'amélioration de votre part, au contraire.

En effet, et de manière préjudiciable à l'entreprise, vous ne suivez pas les directives qui vous sont données et rencontrez d'importantes difficultés dans le management de vos équipes, impactant directement les résultats de votre City.

Ainsi, à titre d'exemple, au mois de juin 2014, votre District Manager, Madame [D] [B], vous avait demandé de gérer l'externalisation du convoyage au plus tard pour le 1er octobre 2014. Malgré les relances de votre supérieure hiérarchique, nous sommes contraints de constater que ce projet n'est toujours pas finalisé notamment compte tenu de votre passivité et de l'inefficacité de vos actions.

Face à votre manque de réactivité et à vos insuffisances sur ce sujet, pourtant indispensable au bon fonctionnement de votre City, Madame [D] [B] a dû reprendre ce dossier en direct au début du mois de décembre.

Près de 6 mois après que ce dossier vous ait été confié, et alors que vous ne nous avez fait part d'aucune difficulté particulière, nous sommes contraints de constater que vous ne parvenez pas à mettre en 'uvre les actions nécessaires au bon fonctionnement de votre City.

Autre exemple, en votre qualité de City Manager, vous êtes en charge de la gestion de vos équipes et notamment de la gestion des effectifs et des plannings et ce afin d'offrir à nos clients une qualité de service optimale tout en veillant au respect des directives qui vous sont données.

Au mois d'août 2014, constatant un recours trop important au personnel intérimaire, Madame [D] [B] a demandé aux City Managers de son district de lui demander son accord préalable avant tout recours à l'intérim.

Si vous avez demandé l'autorisation pour le mois de septembre, vous n'avez en revanche jamais demandé l'autorisation de recourir à l'intérim aux mois d'octobre et novembre. Pourtant, nous avons constaté une forte augmentation du recours à l'intérim à compter du mois d'octobre puisque vous êtes passé à 3,8 ETP puis 3,4 ETP en novembre alors même que dans ses prévisions, Madame [D] [B] avait annoncé que l'intérim devait passer à 2,5 ETP en octobre et 1 ETP en novembre.

Non seulement vous n'avez pas respecté les directives de votre District Manager mais vous n'avez même pas pris la peine de l'informer de cette dérive.

Ce recours important à l'intérim est d'autant plus incompréhensible que l'activité sur votre City a diminué entre 2013 et 2014 et que les effectifs permanents ont augmenté. Un agent de préparation a d'ailleurs été recruté le 5 novembre 2014 aux fins de vous permettre de réduire le recours à l'intérim.

Dans ce contexte, la nécessité de recourir à du personnel intérimaire aurait dû, de fait, diminuer.

Ce constat dénote votre incapacité à gérer le personnel de votre City de manière optimale et dans le respect des consignes qui vous sont données. En outre, une telle gestion impacte, directement et nécessairement, la productivité de votre City compte tenu du coût engendré par le recours à l'intérim, pourtant point d'attention crucial que vous devez avoir en tant que City Manager.

Outre le non-respect des directives qui vous sont données, nous constatons de nombreuses insuffisances dans la gestion managériale de vos équipes, rôle clé de votre poste de City Manager.

Ainsi, vous devez notamment, en votre qualité de City Manager, encadrer le travail de vos collaborateurs et êtes le garant de la communication au sein de votre City. Au mois de juin dernier, constatant des carences sur ce plan-là, Madame [D] [B] et Monsieur [M] [W], Responsable des Ressources Humaines de votre périmètre, vous ont rencontré à [Localité 7] afin de vous demander de mettre en place des points hebdomadaires avec les trois Chefs de Station de votre secteur.

A ce jour, nous constatons que les points que vous deviez établir régulièrement, ne sont en réalité pas faits selon la fréquence attendue.

Cet encadrement insuffisant de vos équipes nuit au bon fonctionnement de votre City et est incompatible avec votre poste de City Manager.

En outre, dans le cadre de vos fonctions managériales, vous êtes en charge du suivi de l'activité de vos collaborateurs, vous devez vous assurer du respect des procédures et sanctionner, le cas échéant, les comportements fautifs. Nous sommes contraints de constater que vous ne parvenez pas à faire face à ces situations de manière adéquate et conforme aux attentes que la Société est en droit d'avoir à l'égard d'un cadre de votre niveau.

Ainsi, à titre d'exemple, le 19 novembre 2014, Monsieur [M] [W] a dû vous assister dans la conduite d'un entretien de recadrage avec l'un de vos Station Manager au comportement difficile car vous ne preniez pas les mesures nécessaires. Or, il vous appartient, en tant que City Manager, de gérer ce genre de situation.

Autre exemple des difficultés rencontrées dans la gestion et l'encadrement des collaborateurs de votre périmètre : Au mois de septembre dernier, alors que vous soupçonniez l'un de vos agents de préparation de voler du carburant sur la base arrière de l'aéroport de [Localité 7] [Localité 6], vous avez déposé une plainte contre X. Après enquête et perquisition de la police, il a été conclu qu'aucune preuve formelle ne pouvait être établie. Alors que ce collaborateur est venu vous voir, le 10 octobre 2014, en présence de Monsieur [J], Station Manager, en vous indiquant qu'il était choqué suite à la perquisition réalisée, celui-ci a affirmé que vous lui aviez réitéré vos soupçons et l'aviez formellement accusé de vol. Ce dernier a alors déposé une main courante pour faire constater cette accusation et a sollicité un entretien avec son Responsable des Ressources Humaines.

Un tel comportement à l'égard de l'un de vos subordonnés n'est pas admissible aux fonctions qui sont les vôtres et ce d'autant plus que nous vous avions alerté à plusieurs reprises sur la nécessité d'être vigilant sur la gestion de vos équipes et votre communication à leur égard.

Les points d'attention soulevés quant à la nécessité d'affirmer votre leadership vis-à-vis de vos équipes d'une part et d'améliorer votre communication à leur égard d'autre part demeurent donc. Aucune amélioration n'est en effet constatée et ce bien que vous ayez plus de 2 ans de pratique à votre poste.

Au regard de vos compétences, de votre expérience au sein de l'entreprise et de l'accompagnement que nous vous avons assuré, nous étions légitimement en droit d'attendre que vous développiez, encadriez et pilotiez efficacement la City qui vous était confiée. Or, la persistance et l'accumulation de ces insuffisances professionnelles impactent de manière négative l'activité et les résultats de votre City et sont incompatibles avec l'importance stratégique du poste que vous occupez.

Au regard de ceci, et compte tenu de l'impact sur l'activité de la Société, nous sommes contraints de vous notifier, par la présente, votre licenciement pour insuffisance professionnelle, cette dernière rendant impossible la poursuite de votre contrat de travail. (...) »

Par requête reçue au greffe le 6 février 2015, M. [F] a saisi le conseil de prud'hommes de Nanterre aux fins de contester son licenciement et sa mise à pied, et de voir condamner la société Avis Location de Voitures au versement de diverses sommes indemnitaires et salariales.

Par jugement rendu le 23 juillet 2019, le conseil de prud'hommes a :

- dit et jugé que le licenciement de M. [F] pour insuffisance professionnelle est justifié,

- débouté M. [F] de ses demandes,

- reçu et débouté la SAS Avis Location de Voitures de sa demande 'reconventionnelle',

- laissé les éventuels dépens à la charge de chacune des parties en ce qui la concerne.

M. [F] a interjeté appel de la décision par déclaration du 26 août 2019.

Par conclusions adressées par voie électronique le 25 novembre 2019, il demande à la cour de :

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a jugé que son licenciement était fondé et en ce qu'il l'a débouté de l'intégralité de ses demandes,

statuant à nouveau,

- juger que le licenciement de M. [F] est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

- condamner, en conséquence, la SAS Avis Location de Voitures à verser à M. [F] les sommes suivantes :

' à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 68 000 euros,

' à titre de dommages et intérêts en raison des conditions vexatoires de la rupture : 17 000 euros,

En toute hypothèse,

- condamner la SAS Avis Location de Voitures à verser à M. [F] les sommes suivantes :

' rappel de salaire de base au titre du 'travail égal-salaire égal' au titre de l'année 2014 : 26 100,43 euros bruts,

' congés payés afférents : 2 610,04 euros bruts,

' rappel de rémunération variable : 3 211,17 euros bruts,

' congés payés afférents : 321,11 euros bruts,

en conséquence,

' fixer le salaire mensuel moyen brut à la somme de : 4 802,60 euros bruts,

' rappel indemnité de licenciement : 5 200,06 euros nets,

' rappel indemnité compensatrice de préavis : 3 083,87 euros bruts,

' congés payés afférents : 308,38 euros bruts,

- prononcer l'intérêt au taux légal à compter de la réception de la demande par la SAS Avis Location de Voitures,

- condamner la SAS Avis Location de Voitures à verser à M. [F] la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

- condamner la même au paiement des entiers dépens.

Par conclusions adressées par voie électronique le 28 janvier 2020, la société Avis Location de Voitures demande à la cour de :

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :

* dit et jugé que le licenciement de M. [F] pour insuffisance professionnelle est justifié,

* débouté M. [F] de ses demandes,

ainsi,

- déclarer la société Avis Location de Voitures recevable et bien fondée en ses conclusions,

y ajoutant,

- condamner M. [F] au paiement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner M. [F] aux entiers dépens d'instance.

Par ordonnance rendue le 19 janvier 2022, le magistrat chargé de la mise en état a ordonné la clôture de l'instruction et a fixé la date des plaidoiries au 18 février 2022.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.

MOTIFS

Sur l'inégalité de traitement

M. [F] prétend qu'il a été victime d'une inégalité de traitement dans la mesure où il percevait une rémunération mensuelle fixe brute d'un montant inférieur à celle dont bénéficiait Mme [T] [P], qui occupait les mêmes fonctions de city manager, et ce d'autant qu'il a été nommé à ce poste en octobre 2012, donc avant elle. Il considère que le parcours différent de deux salariés ne peut permettre de justifier un écart de rémunération au même poste, avec des fonctions identiques et une ancienneté comparable.

Il s'estime bien fondé à revendiquer un rappel de salaire de 26 100,43 euros au titre des années 2013 et 2014, outre les congés payés afférents, un rappel de rémunération variable de 3 211,17 euros, outre les congés payés afférents. Il réclame en outre le versement d'un complément d'indemnité de licenciement et d'un complément d'indemnité compensatrice de préavis.

La société Avis Location de Voitures (ci-après Avis) s'oppose à ces demandes.

Il sera rappelé que le principe de l'égalité de traitement impose à l'employeur d'assurer une égalité de rémunération entre tous les salariés placés dans une situation identique et effectuant un même travail ou un travail de valeur égale.

Sont considérés comme ayant une valeur égale par l'article L. 3221-4 du code du travail les travaux qui exigent des salariés un ensemble comparable de connaissances professionnelles consacrées par un titre, un diplôme ou une pratique professionnelle, de capacités découlant de l'expérience acquise, de responsabilités et de charge physique ou nerveuse.

Il appartient au salarié qui invoque une atteinte au principe de l'égalité de traitement de soumettre au juge les éléments de fait susceptibles de caractériser une inégalité de rémunération et il incombe ensuite à l'employeur de rapporter la preuve d'éléments objectifs, pertinents et matériellement vérifiables justifiant cette différence.

Aux termes de son contrat de travail, l'appelant a été engagé le 17 avril 2000 en qualité d'assistant commercial et opérationnel. Il ressort des avenants à ce contrat qu'il a été nommé superviseur le 15 septembre 2002 puis chef de stations le 1er juillet 2003. Il occupait en dernier lieu, et depuis le 1er octobre 2012, le poste de city manager [Localité 7].

Selon les informations figurant dans le tableau récapitulatif établi par M. [F] pour la période de décembre 2013 à novembre 2014, confirmées par ses bulletins de paie et l'avenant du 1er octobre 2012 à son contrat de travail, il a perçu à compter de sa nomination comme city manager, outre une rémunération variable, un salaire brut de base de 2 846,15 euros (versé sur 13 mois), porté à 2 927 euros à compter du 1er janvier 2014.

L'appelant produit un tableau récapitulatif des salaires versés à Mme [P] en 2013 et 2014 dont il ressort que celle-ci bénéficiait d'un salaire fixe s'élevant à 3 766,83 euros en janvier 2013, à 3 846,15 euros en février et mars 2013 puis à 4 076,92 euros d'avril 2013 à décembre 2014.

Ce faisant, il justifie d'éléments de fait susceptibles de caractériser une inégalité de rémunération.

La société Avis fait cependant valoir en réplique que si les salariés occupaient tous deux un poste de city manager, l'un à [Localité 7], la seconde sur le site de [Localité 9] puis à [Localité 8], ils ne disposaient pas d'une ancienneté équivalente au sein de l'entreprise, Mme [P] ayant été embauchée le 6 octobre 1997 tandis que M. [F] l'a été le 17 avril 2000 et, surtout, ils n'étaient pas en charge du même périmètre.

L'intimée rapporte ainsi la preuve d'éléments objectifs justifiant la différence de rémunération entre les deux salariés, ce qui doit conduire, par confirmation du jugement entrepris, à rejeter la demande de rappel de salaires fixe et variable de M. [F].

Sur le licenciement

L'article L. 1232-1 du code du travail subordonne la légitimité du licenciement pour motif personnel à l'existence d'une cause réelle et sérieuse.

L'article L. 1235-1 du même code dispose qu'en cas de litige, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si un doute persiste, il profite au salarié.

L'insuffisance professionnelle est constituée par l'incapacité du salarié à remplir correctement ses missions du fait d'une inadaptation à l'emploi ou d'une incompétence. Elle constitue, en tant que telle, une cause réelle et sérieuse de licenciement.

L'appréciation des aptitudes professionnelles du salarié et de son adaptation à l'emploi relève du pouvoir de l'employeur. Néanmoins, l'insuffisance professionnelle alléguée à son encontre pour fonder un licenciement doit être justifiée par des éléments précis et concrets de nature à perturber la bonne marche de l'entreprise ou le fonctionnement du service et être constatée sur une période suffisamment longue pour ne pas apparaître comme passagère ou purement conjoncturelle, être directement imputable au salarié et non la conséquence d'une conjoncture économique difficile ou du propre comportement de l'employeur.

Il appartient à l'employeur d'établir que l'insuffisance professionnelle reprochée au salarié repose sur des éléments objectifs, précis et imputables à celui-ci.

Aux termes de la lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, il est reproché au salarié de nombreuses insuffisances dans l'exécution de ses tâches, en particulier des manquements dans la gestion de l'externalisation du convoyage, un recours trop important aux intérimaires ainsi que des insuffisances managériales.

Dans ses écritures, l'employeur soutient également que le salarié n'a pas été capable de prévoir les besoins en flotte à court et moyen terme, ni de gérer les entrées et sorties de véhicules, que les mêmes carences professionnelles ont été identifiées concernant la gestion des stocks de GPS sans que cependant ces éléments n'aient été portés à la connaissance du salarié au cours de la procédure .

M. [F] conteste l'ensemble des manquements invoqués au soutien du licenciement. Il considère qu'à supposer même qu'il ait réellement connu des difficultés à remplir ses fonctions, il appartenait à l'employeur de lui proposer de l'aide, ce qu'il n'a jamais fait, que la mesure de licenciement apparait en tout état de cause disproportionnée et expéditive. Il soutient que son licenciement a été monté de toutes pièces, dans un contexte de réorganisation par la société Avis de son schéma d'agences qui a conduit à la suppression de la city de [Localité 7] après fusion avec la city de [Localité 9] ainsi qu'à la suppression de postes de city managers, notamment le sien, et à la création de nouveaux postes à moindres responsabilités. Il indique que quatre autre city managers se sont vu licenciés au cours du dernier trimestre 2014, dont trois pour insuffisance professionnelle, et qu'un nouveau plan de sauvegarde de l'emploi a été déclenché à la fin de l'année 2015.

L'employeur se prévaut d'une fiche de poste de city manager dont le salarié soutient qu'elle ne lui a jamais été remise, faisant justement observer que cette fiche est datée d'avril 2016. Cette pièce sera en conséquence écartée.

- sur la gestion de l'externalisation du convoyage

L'employeur énonce que Mme [D] [B], district manager et supérieure hiérarchique de M. [F], lui a demandé au mois de juin 2014 de gérer l'externalisation du convoyage au plus tard pour le 1er octobre 2014, que le retard dans la mise en place de ce projet est lié directement à la passivité et à l'inefficacité du salarié, qu'il n'a jamais présenté le plan d'action réclamé par Mme [B], que celle-ci l'a relancé en vain à plusieurs reprises et que face à l'incapacité du salarié à gérer ce projet stratégique pour la société en termes de coûts et de résultats, elle a été contrainte de reprendre le dossier en direct au début du mois de décembre 2014.

Or, si l'employeur verse aux débats des courriels établissant que la sous-traitance du convoyage devait initialement être mise en place sur [Localité 7] en novembre 2014 et que l'échéance a été reportée au 1er janvier 2015 puis à février 2015, il ne démontre pas que le retard constaté est imputable à M. [F], celui-ci produisant des échanges de courriels dont il ressort qu'il a été confronté à l'inertie de la direction sur ce projet malgré ses relances (Cf. son courriel du 20 novembre 2013 à M. [Z] [A], district manager, ses courriels des 12 juin, 20 août, 16 septembre, 16 octobre et 10 novembre 2014 à M. [G] [K], procurement manager Europe de l'ouest). Le 16 octobre 2014, M. [F] écrivait à un de ses collègues « Pour le moment, j'ai beaucoup de mal à avoir retour de [G] [K], qui attend un retour de celui qui attend un retour. Etc ». Au mois de novembre 2014, le salarié demeurait dans l'attente de la validation par M. [K] de la proposition du prestataire Ergotechno IDF transmise en juillet 2014. Les échanges de courriels entre M. [F] et les prestataires font également état des difficultés rencontrées par ces derniers pour échanger avec M. [K].

La cour observe en outre que, sans être à l'initiative de ce projet comme il le soutient, M. [F] y a néanmoins activement participé dès le mois de mai 2013 et a été félicité pour la qualité de son travail par son précédent supérieur hiérarchique, M. [Z] [A] ; qu'il a transmis les éléments que lui demandait M. [K] ; que par courriel du 14 novembre 2014, il a informé sa supérieure hiérarchique, Mme [B], que suite à une nouvelle consultation pour le convoyage sur la city de [Localité 7], un retour des prestataires était attendu le 21 novembre pour 'un go live' avant la fin de l'année 2014, ce à quoi elle a répondu « Parfait ».

M. [F] fait enfin observer qu'au mois d'août 2015, soit plus de huit mois après son licenciement, le dossier de l'externalisation du convoyage, pourtant stratégique selon les termes mêmes de l'employeur, n'était toujours pas finalisé sur [Localité 7], comme en atteste le compte-rendu de la réunion du comité d'établissement d'Ile-de-France/[Localité 7] du 27 août 2015.

Le manquement n'est pas démontré.

- sur le recours trop important aux intérimaires

La société Avis fait ici valoir que le 5 août 2014, Mme [B] a alerté M. [F] sur l'importante hausse du recours à l'intérim, engendrant des coûts importants pour la société, qu'elle a demandé que chaque recrutement d'intérimaire soit soumis à sa validation, que M. [F] a demandé l'autorisation de recruter des intérimaires pour le mois de septembre 2014, qu'il s'est en revanche abstenu volontairement de demander l'autorisation de sa supérieure hiérarchique pour les mois d'octobre et novembre 2014 alors qu'il a eu recours à un nombre important d'intérimaires. La société Avis considère que le recours accru à l'intérim au sein de la city de [Localité 7], comparativement aux autres city, démontre l'incapacité du salarié à gérer le personnel de manière optimale.

Outre que, comme le fait observer le salarié, il lui est reproché une abstention volontaire ou encore son insubordination, en ce qu'il aurait passé outre les instructions données par sa supérieure hiérarchique, ce qui caractérise une faute disciplinaire et non une insuffisance professionnelle, l'employeur ne démontre pas que le recours à du personnel intérimaire sur la city de [Localité 7] n'était pas justifié par un manque d'effectif, les pièces versées aux débats par M. [F] établissant qu'il a été confronté aux absences répétées de certains agents affectés à la préparation des véhicules et à la difficulté de procéder à des recrutements en CDI ou en CDD, ainsi qu'il en a alerté sa hiérarchie dès le mois de février 2014, et ce dans un contexte d'accroissement de l'activité dû notamment à la conclusion d'un accord avec EDF.

Le manquement n'est pas démontré.

- sur les insuffisances managériales

La lettre de licenciement vise plusieurs manquements qui seront examinés successivement :

* sur l'encadrement insuffisant des équipes

La société Avis énonce qu'ayant constaté, au mois de juin 2014, une carence dans la communication de M. [F] au sein de son équipe, Mme [B] et M. [W] lui ont demandé de mettre en place des points hebdomadaires avec les trois chefs de station de son secteur, que le salarié ne s'est toutefois pas exécuté.

Cette allégation n'est étayée par aucune pièce et ce, tandis que M. [F] indique qu'il organisait régulièrement des réunions avec ses collaborateurs tout en précisant qu'en l'état de l'activité et des absences pour congés, il n'était pas tenable de faire des points hebdomadaires. Le salarié produit notamment un courriel daté du 18 septembre 2014 de Mme [N] [E], sales performances manager, qui vient contredire les déclarations de l'employeur : « Je suis particulièrement heureuse de faire partie d'une si belle équipe managériale que celle de [Localité 7] !! (...) [Localité 7] a réussi à construire une vraie équipe avec beaucoup de compétences et de potentiel. L'investissement de [X] [[F]] et de [I] dans le développement des compétences de leur équipe est palpable. (...) ils ont réussi à créer une émulation positive au coeur de leur équipe (...) Nous sommes donc aujourd'hui en présence d'une équipe solide avec une vraie volonté de performer. (...) »

Le manquement n'est pas démontré.

* sur l'assistance du RRH lors d'un entretien de recadrage

La société Avis reproche ensuite au salarié d'avoir fait appel à M. [W], responsable des ressources humaines, pour l'assister le 19 novembre 2014, lors d'un entretien de recadrage avec un station manager qu'il envisageait de sanctionner en raison de son insubordination. Elle ne produit aucune pièce au soutien du manquement invoqué.

Or, M. [F] fait valoir en réplique qu'il n'avait d'autre choix, compte tenu des procédures en vigueur au sein de l'entreprise, que de solliciter le concours du responsable des ressources humaines, lequel devait valider préalablement toute sanction disciplinaire. Il verse aux débats son courriel du 30 septembre 2014 à M. [W] auquel était jointe la demande circonstanciée de sanction disciplinaire établie sur un formulaire dédié au nom de Avis Budget. Comme le fait justement observer l'appelant, M. [W] avait toute latitude pour refuser d'assister à l'entretien de recadrage, ce qu'il n'a pas fait.

Le manquement n'est pas établi.

* sur le dépôt de plainte contre un salarié

La société Avis expose enfin que M. [F] prenait des décisions disproportionnées sans en informer ses supérieurs hiérarchiques. Ainsi, elle relate qu'au mois d'octobre 2014, il a déposé plainte contre un agent de préparation employé par la société depuis 2011, M. [C] [R], qu'il soupçonnait de vol de carburant sur la base arrière de l'aéroport de [Localité 7]-[Localité 6], et ce alors qu'il n'avait aucune preuve, que M. [R], qui a fait l'objet d'un contrôle de la police, a été particulièrement affecté par les accusations de son city manager, lequel est rapidement revenu sur ses déclarations et a admis s'être trompé.

M. [F] fait observer en réplique qu'en sa qualité de city manager, il se devait de réagir, ayant constaté des coupures régulières dans la vidéosurveillance de l'agence concernée, qui intervenaient toujours en présence du même salarié. Suite à son dépôt de plainte, la police s'est saisie de l'affaire et a réalisé une perquisition sur site. Faute de preuves, la plainte a été classée sans suite.

Outre que la plainte n'est pas versée aux débats et qu'il n'est donc pas possible de savoir si M. [R] était nommément désigné comme étant l'auteur possible des vols, il ne résulte pas des éléments du dossier que l'employeur n'a pas été informé de cette affaire. En outre, il était de la responsabilité de M. [F] de faire procéder à une enquête. En toute hypothèse, ce seul incident ne permet pas de caractériser l'insuffisance managériale alléguée.

Au vu de l'ensemble de ces constatations, le licenciement de M. [F] apparait dépourvu de cause réelle et sérieuse, contrairement à ce qu'ont décidé les premiers juges, dont la décision sera infirmée.

Au vu des pièces et des explications fournies, compte tenu des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée à l'appelant, de son âge, de son ancienneté depuis le 17 avril 2000, de sa perception d'allocations Pôle emploi dans les termes des pièces produites aux débats et des conséquences de la rupture à son égard, la société Avis sera condamnée à lui régler la somme de 42 000 euros à titre indemnitaire, par infirmation du jugement entrepris, avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision en fixant tout à la fois le principe et le montant.

Sur les conditions vexatoires de la rupture

M. [F] s'estime bien fondé à solliciter le versement de dommages-intérêts à hauteur de 17 000 euros au titre du préjudice moral résultant des conditions vexatoires de la rupture des relations contractuelles, faisant valoir qu'il a vécu la situation comme une profonde injustice, outre l'humiliation ressentie auprès de ses équipes, sans compter que son licenciement est intervenu à quelques jours des fêtes de fin d'année et qu'avant même l'entretien préalable, sa supérieure hiérarchique l'a volontairement omis de la liste de diffusion des courriels de félicitations et/ou d'encouragement qu'elle a adressés le 11 décembre à ses équipes.

Toutefois, le salarié ne démontre pas que le licenciement est effectivement intervenu dans des circonstances vexatoires, ni qu'il a subi un préjudice distinct de celui déjà réparé par l'allocation de dommages-intérêts au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a débouté le salarié de sa demande de ce chef.

Il convient en outre d'ordonner le remboursement par la société aux organismes concernés des indemnités de chômage effectivement versées à M [F] dans la limite de deux mois conformément aux dispositions de l'article L.1235-4 du code du travail.

Sur les dépens de l'instance et les frais irrépétibles

La société Avis supportera les dépens en application des dispositions de l'article'696 du code de procédure civile.

Elle sera en outre condamnée à payer à M. [F] une indemnité sur le fondement de l'article'700 du code de procédure civile, que l'équité et la situation économique respective des parties conduisent à arbitrer à la somme de 3 000 euros.

PAR CES MOTIFS

La COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

CONFIRME le jugement rendu le 23 juillet 2019 par le conseil de prud'hommes de Nanterre sauf en ce qu'il a dit que le licenciement de M. [X] [F] reposait sur une cause réelle et sérieuse et en ce qu'il a débouté M. [X] [F] de sa demande de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

DIT le licenciement notifié à M. [X] [F] dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

CONDAMNE la société Avis Location de Voitures à verser à M. [X] [F] la somme de 42 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt ;

ORDONNE le remboursement par la société Avis Location de Voitures à Pôle emploi des indemnités de chômage payées à la suite du licenciement de M. [X] [F] dans la limite de deux mois et dit qu'une copie certifiée conforme du présent arrêt sera adressée par le greffe par lettre simple à la direction générale de Pôle emploi conformément aux dispositions de l'article R. 1235-2 du code du travail;

CONDAMNE la société Avis Location de Voitures à verser à M. [X] [F] la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

DÉBOUTE la société Avis Location de Voitures de sa demande de ce chef ;

CONDAMNE la société Avis Location de Voitures aux dépens.

Arrêt prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour,les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code procédure civile et signé par Madame Isabelle VENDRYES, Président, et par Madame BOUCHET-BERT Elodie,Greffière,auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 6e chambre
Numéro d'arrêt : 19/03377
Date de la décision : 16/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-16;19.03377 ?
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