COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 50D
1re chambre 2e section
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 06 SEPTEMBRE 2022
N° RG 21/03760 - N° Portalis DBV3-V-B7F-USEQ
AFFAIRE :
Mme [C] [P]
C/
S.A.S. ANET AUTOMOBILES
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 06 Avril 2021 par le Tribunal de proximité de DREUX
N° RG : 11-20-0172
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le : 06/09/22
à :
Me Valérie RIVIERE-DUPUY
Me Grégory VAVASSEUR
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE SIX SEPTEMBRE DEUX MILLE VINGT DEUX,
La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
Madame [C] [P]
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentant : Maître Valérie RIVIERE-DUPUY de la SCP IMAGINE BROSSOLETTE, Postulant et Plaidant, avocat au barreau de CHARTRES, vestiaire : 000034 - N° du dossier 2020116
APPELANTE
****************
S.A.S. ANET AUTOMOBILES
Ayant son siège
[Adresse 4]
[Localité 1]
prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
Représentant : Maître Grégory VAVASSEUR, Postulant et Plaidant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 238
INTIMEE
****************
Composition de la cour :
L'affaire a été débattue à l'audience publique du 17 Mai 2022, Monsieur Philippe JAVELAS, président, ayant été entendu en son rapport, devant la cour composée de :
Monsieur Philippe JAVELAS, Président,
Madame Gwenael COUGARD, Conseillère,
Madame Agnès PACCIONI, Vice-présidente placée,
qui en ont délibéré,
Greffier, lors des débats : Madame Françoise DUCAMIN
EXPOSE DU LITIGE
Le 26 août 2019, Madame [C] [P] a fait l'acquisition auprès du garage Anet Automobiles d'un véhicule de marque Fiat Doblo, pour un montant de 5 290 euros toutes taxes comprises, après révision et contrôle technique du véhicule effectué le 13 juin 2019.
Selon les indications figurant sur la carte grise, le véhicule a été mis en service le 26 juin 2007.
Le 27 août 2019, Mme [P] signalait au garage l'activation d'un voyant orange ABS et d'un autre rouge avec le signal 'attention'. Selon accord des parties, un deuxième contrôle technique a été réalisé le 25 octobre 2019 par Mme [P] aux frais du garage.
A la suite d'une expertise amiable organisée le 7 janvier 2020 par l'assurance ' protection juridique' de Mme [P], celle-ci a mis en demeure le 9 mars 2020 le garage de lui rembourser le prix d'achat du véhicule.
Le 18 mars 2020, le garage a organisé une contre-expertise du véhicule, à l'issue de laquelle il réfutait l'existence d'un vice caché.
Par acte d'huissier de justice délivré le 11 août 2020, Mme [P] a assigné le garage Anet Automobiles devant le tribunal de proximité de Dreux aux fins d'obtenir :
- sa condamnation à la restitution du prix de vente du véhicule litigieux,
- le paiement des sommes de 1 500 euros en réparation de son préjudice de trouble de jouissance, et celle de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- à titre subsidiaire, une diminution du prix de vente d'un montant de 2 764,895 euros, et la somme de 1 261,12 euros au titre des réparations indispensables.
Par jugement contradictoire du 6 avril 2021, le tribunal de proximité de Dreux a :
- débouté Mme [P] de l'ensemble de ses demandes,
- dit n'y avoir lieu à condamner Mme [P] au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- dit que Mme [P] supporterait les dépens de l'instance,
- ordonné l'exécution provisoire de l'ensemble du jugement.
Par déclaration reçue au greffe le 14 juin 2021, Mme [P] a relevé appel de ce jugement.
Aux termes de ses conclusions signifiées le 18 février 2022, Mme [P], appelante, demande à la cour de :
- infirmer la décision du tribunal de proximité de Dreux en ce qu'elle :
* l'a déboutée de l'ensemble de ses demandes,
* a dit qu'elle supporterait les dépens de l'instance,
Ce faisant, statuant à nouveau, à titre principal :
- condamner le garage Anet Automobiles à lui restituer la somme de 5 529,79 euros au titre du prix de vente,
A titre subsidiaire,
- condamner le garage Anet Automobiles à lui verser la somme de 2 764,895 euros toutes taxes comprises au titre de la diminution du prix de vente,
- condamner le garage Anet Automobiles à lui verser la somme de 1 261,12 euros. au titre des réparations indispensable,
En tout état de cause :
- condamner le garage Anet Automobiles à lui payer la somme de 1 500 euros au titre de son trouble de jouissance depuis l'acquisition,
- condamner le garage Anet Automobiles à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner le garage Anet Automobiles aux entiers dépens.
Aux termes de ses conclusions signifiées le 4 avril 2022, la société ' garage Anet Automobiles', intimée, demande à la cour de :
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté Mme [P] de ses demandes,
- condamner Mme [P] à lui verser la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
La clôture de l'instruction a été prononcée le 7 avril 2022.
Conformément à l'article 455 du code de procédure civile, pour plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens soutenus par les parties, la cour se réfère à leurs écritures et à la décision déférée.
MOTIFS DE LA DÉCISION
I) Sur les demandes indemnitaires de Mme [P]
Mme [P] fait grief au premier juge de l'avoir déboutée de sa demande de remboursement du prix du véhicule et des ses autres demandes indemnitaires, motif pris de ce les défaillances constatées sur le véhicule vendu apparaissaient comme la conséquence d'une usure normale d'un véhicule d'occasion ayant parcouru plus de cent mille kilomètres et ne caractérisaient pas un vice caché.
Poursuivant l'infirmation de ce chef du jugement déféré, elle fait valoir en cause d'appel que :
- les désordres constatés diminuent fortement l'usage du véhicule selon les dires de l'expert, et le rendent impropre à sa destination,
- les vices existaient au moment de la vente et sont plus graves qu'une simple usure résultant de l'usage normal du véhicule, et il appartient au vendeur, en application de l'article L. 211-7 du code de la consommation de démontrer que les vices n'étaient pas préexistants à la vente, dès lors que ces vices sont apparus dans les six mois de la délivrance du bien,
- la gravité du vice n'est pas subordonnée à la survenance d'un incident ou d'un accident lors de l'utilisation du véhicule,
- à la défaillance des freins s'ajoutent d'autres vices d'une particulière gravité,
- le juge ne peut refuser de prendre en compte l'expertise amiable dès lors qu'elle a été régulièrement versées aux débats et soumise à la libre discussion des parties.
A titre principal, Mme [P] sollicite la restitution du prix de vente.
A titre subsidiaire, elle demande la condamnation de la société intimée à lui payer les sommes de 2 764, 89 euros au titre de la diminution du prix de vente, 1 261, 12 euros au titre des réparations indispensables, 1 500 euros en indemnisation de son préjudice de jouissance.
La société ' Anet Automobiles', qui a vendu le véhicule litigieux, concluant à la confirmation du jugement déféré en ce qu'il a débouté Mme [P] de l'ensemble de ses demandes, fait valoir que:
- le véhicule vendu avait parcouru 97 500 km au moment de la vente et a été cédé après qu'eurent été réalisés un contrôle technique favorable à la circulation sans nécessité de contre-visite, une révision par un professionnel, les essais d'usage,
-
il n'est pas démontré l'existence d'un quelconque vice au moment de la vente, les désordres constatés d'une grande banalité en matière mécanique pour un véhicule de cet âge peuvent apparaître après un usage intensif,
- la preuve n'est pas non plus rapportée d'un dysfonctionnement réel ayant une incidence sur la conduite du véhicule,
- le deuxième contrôle technique a été réalisé après que le véhicule eut parcouru 5 346 km en deux mois ce qui démontre une utilisation intensive du véhicule, qui peut engendrer la nécessité de changer disques et plaquettes de frein,
- l'expertise amiable réalisée par l'assurance de Mme [P], alors que le véhicule avait parcouru près de dix mille kilomètres depuis la vente sans aucun incident relevé ou démontré, est dénuée de force probante, l'expert s'étant trompé sur le nombre de kilomètres parcourus, et ayant affirmé de manière péremptoire et sans aucune démonstation technique ni aucune investigation que ' les désordres existaient de toute évidence au moment de la vente'.
Réponse de la cour
Mme [P] fonde son action sur l'article 1641 du code civil.
Elle évoque dans le corps de ses conclusions, en outre, les dispositions de l'article L. 211-7, devenu L. 217-7, du code de la consommation qui édicte une présomption d'antériorité du défaut apparu à la vente d'un bien d'occasion dès lors que celui-ci est apparu dans les six mois de la délivrance, cette présomption simple pouvant être renversée par la preuve contraire.
Cependant, les dispositions de l'article L. 217-7 du code de la consommation, relatives au défaut de conformité, sont étrangères à l'action pour vice rédhibitoire, de sorte que Mme [P] ne peut les invoquer utilement au soutien de ses prétentions.
En application de l'article 1641 du Code civil, le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement son usage, que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus.
Il résulte de ce texte que Mme [P], pour triompher, doit démontrer que :
- les vices invoqués étaient rédhibitoires,c'est-à-dire qu'ils s'analysent comme des défauts rendant la chose impropre à l'usage auquel, en sa qualité d'acheteur, elle la destinait. Et que si elle en avait eu connaissance avant la vente, elle n'aurait pas acheté ou elle aurait acheté à un moindre prix,
- les vices invoqués étaient antérieurs à la vente,
-les vices invoqués n'étaient pas apparents ou plus exactement qu'il s'agissait de vices qu'en sa qualité d'acheteur non professionnel, elle ne pouvait normalement pas détecter,
Il est constant que Mme [P] a acquis, le 26 août 2019, de la société Anet Automobiles, un véhicule Fiat Doblo 19 JTD 105 CLASS, mis en circulation au mois de juin 2007, ayant parcouru 97500 kilomètres, au prix de 5 290 euros, incluant une garantie mécanique de trois mois et excluant les éléments d'équipement tels que pneus, freins, échappement et climatisation.
Le véhicule a fait l'objet d'un premier contrôle technique, réalisé le 13 juin 2019, soit antérieurement à la vente, qui a constaté une défaillance mineure : disque ou tambour de frein légèrement usagé, ce contrôle technique ne prévoyant aucune contrevisite, le garage ayant procédé au contrôle préconisant seulement un remplacement des disques de frein au prochain remplacement des plaquettes de frein.
Le véhicule a fait l'objet d'un deuxième contrôle technique réalisé le 25 octobre 2019, soit postérieurement à la vente intervenue le 26 août, réalisé après que le véhicule litigieux eut parcouru 5346 kilomètres en deux mois, qui a révélé des défaillances importantes: disque ou tambour de frein usé, mauvais fonctionnement du système ABS, dispositif d'éclairage de la plaque d'immatriculation arrière déficient, câble de frein endommagé.
Mme [P] a, par ailleurs, fait réaliser par son assurance 'protection juridique' une expertise amiable du véhicule, réalisée alors que le véhicule avait parcouru un peu moins de dix mille kilomètres depuis la vente ; l'expert, dans de compendieuses écritures, se borne à indiquer :
' Constatations : le contrôle technique est fait à 102846 km, soit 3446 km après l'achat, les disques de frein avant sont usés, le voyant ABS allumé au tableau de bord, eclaireur arrière de plaque de police ne fonctionne pas.
Conclusions : compte tenu de nos constatations et du contrôle technique en contre-visite, les désordres existaient de toute évidence lors de la vente. De plus, ils n'étaient pas décelables par un profane, diminuent très fortement l'usage du véhicule. A cet effet, la responsabilité du garage Anet Automobiles est à rechercher pour la vente d'un véhicule avec des défauts'.
Il résulte de ce qui précède que, contrairement à ce qu'indique l'expert amiable, l'antériorité à la vente des désordres n'est pas établie, dès lors que :
- le premier contrôle technique révèle que le dispositif de freinage est efficient avec une efficacité de 72% au moment de l'achat, et ne fait pas état des autres désordres constatés par l'expert, concernant le système ABS et l'allumage d'un voyant, qui ne constitue pas en soi un vice rédhibitoire,
- le deuxième contrôle technique faisant apparaître notamment l'usure des freins, a été réalisé deux mois après la vente, et alors que le véhicule avait parcouru 5346 km depuis son achat et non pas 3 446 km comme l'indique à tort l'expert, et ce que kilométrage correspond à un usage intensif du véhicule de nature, à lui seul, à provoquer les désordres mécaniques constatés.
- l'expertise amiable a été réalisée après que le véhicule eut parcouru plus de neuf mille kilomètres.
En tout état de cause, et comme l'a pertinemment relevé le premier juge, les anomalies constatées ne s'analysent pas comme des vices rédhibitoires au sens de l'article 1641 du code civil, dès lors qu'ils sont en lien avec une usure normale du véhicule, à laquelle l'acquéreur devait normalement s'attendre, compte tenu de son kilométrage (9700 kilomètres à l'achat), de son ancienneté (12 ans) et de l'usage intensif que Mme [P] est amenée à en faire compte tenu de sa profession.
Mme [P] a fait le choix en connaissance de cause d'acquérir un véhicule ayant beaucoup roulé et dont elle ne pouvait espérer la même utilisation ni la même longévité qu'un véhicule plus récent.
Le préjudice de jouissance dont elle fait état et demande l'indemnisation n'est pas caractérisé en l'absence de toute incident et immobilisation du véhicule litigieux.
C'est donc à bon droit que le premier juge a débouté Mme [P] de l'ensemble de ses demandes indemnitaires.
Le jugement déféré sera, par suite, confirmé en toutes ses dispositions.
II) Sur les demandes accessoires
Mme [P], qui succombe, sera condamnée aux dépens de la procédure d'appel, les dispositions du jugement entrepris, relatives aux dépens de première instance étant, par ailleurs, confirmées.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant contradictoirement et par mise à disposition au greffe
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant
Déboute Mme [C] [P] de la totalité de ses demandes ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne Mme [C] [P] à payer à la société Anet Automobiles une indemnité de 3 000 euros ;
Condamne Mme [C] [P] aux dépens de la procédure d'appel.
- prononcé hors la présence du public par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Monsieur Philippe JAVELAS, Président et par Madame Françoise DUCAMIN, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le greffier,Le président,