COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 51F
1re chambre 2e section
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 06 SEPTEMBRE 2022
N° RG 21/04354 - N° Portalis DBV3-V-B7F-UT74
AFFAIRE :
S.A.R.L. IMMINVEST
C/
M. [L] [R]
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 22 Mars 2021 par le Juridiction de proximité de BOULOGNE BILLANCOURT
N° RG : 11-19-0923
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le : 06/09/22
à :
Me Christophe DEBRAY
Me Franck LAFON
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE SIX SEPTEMBRE DEUX MILLE VINGT DEUX,
La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
S.A.R.L. IMMINVEST
N° SIRET : 393 706 593 RCS Paris
Ayant son siège
[Adresse 5]
[Adresse 5]
prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
Représentant : Maître Christophe DEBRAY, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 627 - N° du dossier 21270
Représentant : Maître Maud EGLOFF-CAHEN, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C1757
APPELANTE
****************
Monsieur [L] [R]
Présent à l'audience
[Adresse 6]
[Adresse 6]
Représentant : Maître Franck LAFON, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 618 - N° du dossier 20210292
Représentant : Maître Sébastien BOUTES, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0311
INTIME
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 24 Mai 2022 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Agnès PACCIONI, vice présidente placée et Monsieur Philippe JAVELAS, Président chargé du rapport.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Monsieur Philippe JAVELAS, Président,
Madame Agnès PACCIONI, Vice-présidente placée,
Madame Rose-May SPAZZOLA, Conseillère,
Greffier, lors des débats : Madame Françoise DUCAMIN,
EXPOSE DU LITIGE
Par acte sous seing privé du 22 août 2000, la société Assurances Générales de France Vie a donné à bail à M. [L] [R] un local à usage d'habitation situé [Adresse 6], moyennant un loyer mensuel révisable de 1 234,85 euros outre une provision sur charges de 91,77 euros par mois et le versement d'un dépôt de garantie de 2 469,67 euros.
Par acte d'huissier de justice délivré le 23 décembre 2019, M. [R] a assigné la société Assurances Générales de France Vie devant le juge des contentieux de la protection du tribunal de proximité de Boulogne-Billancourt aux fins de la voir condamnée à réaliser les travaux nécessaires à la mise en conformité de l'appartement et notamment l'étanchéité de la porte-fenêtre du salon, la réfection du plancher détérioré par les infiltrations d'eau et la rénovation des pièces présentant des fissures.
Par jugement réputé contradictoire du 22 mars 2021, le juge des contentieux de la protection du tribunal de proximité de Boulogne-Billancourt a :
- condamné la société Imminvest à procéder à la recherche de l'origine des infiltrations dans le salon et à réaliser les réparations nécessaires afin d'y remédier ainsi qu'à réaliser l'étanchéité de la porte-fenêtre et à diligenter la réfection des éléments détériorés par les infiltrations d'eau du logement sis [Adresse 6] loué par M. [R],
- condamné la société Imminvest à procéder à la mise en place d'un système de ventilation haute dans la pièce principale du logement sis [Adresse 6] loué par M. [R],
- condamné la société Imminvest au comblement des fissures des murs de l'appartement relevées par le constat d'huissier dans la chambre, l'entrée et la cuisine du logement sis [Adresse 6] loué par M. [R],
- autorisé M. [R] à séquestrer la totalité du loyer mensuel dû au titre de l'occupation du logement sis à [Adresse 6] et dit qu'il devrait verser à la Caisse des dépôts et consignations, aux lieux suivants :
- Trésorerie Générale des Hauts-de-Seine
Centre Administratif Départemental
[Adresse 4]
[Adresse 4],
Tel : [XXXXXXXX01],
ou
- Caisse des Dépôts
Direction bancaire
Service des consignations
[Adresse 3]
[Adresse 3]
Tel. :[XXXXXXXX02]
- dit que la décision prenait effet à compter du jugement jusqu'à la réalisation des travaux de réfection de l'appartement, le tout à la charge du bailleur, la société Imminvest,
- condamné la société Imminvest aux entiers dépens.
Par déclaration reçue au greffe le 7 juillet 2021, la société Imminvest a relevé appel de ce jugement.
Aux termes de ses conclusions signifiées le 14 mars 2022, la société Imminvest, appelante, demande à la cour de :
- réformer le jugement rendu le 22 mars 2021 par le juge des contentieux de la protection du tribunal de proximité de Boulogne-Billancourt du 22 mars 2021 en ce qu'il :
*l'a condamnée à procéder à la recherche de l'origine des infiltrations dans le salon et à réaliser les réparations nécessaires afin d'y remédier ainsi qu'à réaliser l'étanchéité de la porte-fenêtre, et à diligenter la réfection des éléments détériorés par les infiltrations d'eau du logement sis [Adresse 6] loué par M. [R],
*l'a condamnée à procéder à la mise en place d'un système de ventilation haute dans la pièce principale du logement sis [Adresse 6] loué par M. [R],
* l'a condamnée au comblement des fissures des murs de l'appartement relevées par le constat d'huissier dans la chambre, l'entrée et la cuisine du logement sis [Adresse 6] loué par M. [R],
* a autorisé M. [R] à séquestrer la totalité du loyer mensuel dû au titre de l'occupation du logement sis à [Adresse 6] et qu'il devrait verser à la Caisse des dépôts et consignations, aux lieux suivants :
- Trésorerie Générale des Hauts-de-Seine
Centre Administratif Départemental
[Adresse 4]
[Adresse 4],
Tel : [XXXXXXXX01],
ou :
- Caisse des Dépôts
Direction bancaire
Service des consignations
[Adresse 3]
[Adresse 3]
Tel. :[XXXXXXXX02]
* a dit que la décision prenait effet à compter de ce jour jusqu'à la réalisation des travaux de réfection de l'appartement, le tout à sa charge,
* l'a condamnée aux entiers dépens,
Statuant à nouveau :
- débouter M. [R] de toutes ses demandes,
- condamner M. [R] à lui payer les loyers impayés depuis le 1er avril 2021 à hauteur de 1 866, 83 euros et jusqu'à apurement,
- condamner M. [R] à 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner M. [R] aux entiers dépens.
Aux termes de ses conclusions signifiées le 22 décembre 2021, M. [R], intimé, demande à la cour de :
- confirmer purement et simplement le jugement entrepris,
Statuant à nouveau et y ajoutant :
- condamner la société Imminvest à effectuer l'ensemble des travaux mentionnés au devis de la société Azibo du 27 avril 2021, outre le comblement de la fissure du dégagement,
- assortir le démarrage de l'exécution de ces travaux sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de l'expiration d'un délai de 15 jours suivant la signification de la décision à intervenir,
- débouter la société Imminvest de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions contraires,
- la condamner à lui payer une somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître Franck Lafon, avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
La clôture de l'instruction a été prononcée le 21 avril 2022.
Conformément à l'article 455 du code de procédure civile, pour plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens soutenus par les parties, la cour se réfère à leurs écritures et à la décision déférée.
MOTIFS DE LA DÉCISION
La société Imminvest fait grief au premier juge de l'avoir condamnée à procéder à certains travaux et d'avoir autorisé son locataire à consigner le montant des loyers.
Poursuivant l'infirmation du jugement déféré en toutes ses dispositions, elle fait valoir en cause d'appel que :
- l'existence des troubles n'est pas démontrée : le constat sur lequel le premier juge s'est appuyé remonte à 2010 et ne prend pas en considération les travaux de réfection exécutés postérieurement, notamment la réfection complète de l'appartement effectuée le 31 janvier 2020,
- le locataire n'a pas entretenu les locaux donnés à bail et les réparations sollicitées lui incombent,
- M. [R] s'oppose à la réalisation des travaux et refuse l'accès à son appartement aux entreprises et notamment à la société qui a établi en janvier 2022 un devis de réfection approuvé pour un montant de 7 233, 60 euros,
- il est contre productif d'ordonner la réalisation de travaux et de supprimer, dans le même temps, le moyen pour le bailleur de financer la réalisation de ces travaux en ordonnant la consignation des loyers.
M. [R], locataire intimé qui conclut à la confirmation du jugement entrepris, réplique que :
- l'appartement n'a jamais fait l'objet d'une rénovation complète, le 31 janvier 2020, comme le soutient la bailleresse, mais d'une simple remise aux normes du circuit électrique défectueux à la demande de la mairie qui a dû se substituer à la bailleresse pour réaliser ces travaux,
- les désordres persistent et se sont aggravés comme le démontre le nouveau procès-verbal de constat établi le 19 juillet 2021, qui est versé aux débats,
- la société Imminvest a fait établir un devis par la société Azibo pour un montant de 10 725 euros toutes taxes comprises, mais la bailleresse exige, pour valider ce devis, que les loyers soient débloqués, et les travaux envisagés sont insuffisants pour remédier aux désordres constatés qui concernent désormais la totalité de l'appartement,
- la bailleresse doit être condamnée à réaliser, sous astreinte, les travaux mentionnés au devis de la société Azibo et à procéder, en outre, au comblement de la fissure du dégagement qui ne figure pas sur ce devis.
Réponse de la cour
Aux termes des dispositions des articles 1719 du Code civil et 6 de la loi du 6juillet 1989, le bailleur est tenu de remettre au locataire un logement décent ne laissant pas apparaître de risques manifestes pouvant porter atteinte à la sécurité physique ou à la santé et doté des éléments le rendant conforme à l 'usage d'habitation, ainsi que d 'entretenir les locaux en état de servir à l'usage prévu par le contrat et d'y faire toutes les réparations, autres que locatives, nécessaires au maintien en état et à l'entretien normal des lieux loués.
En l'espèce, M. [R] verse aux débats un procès-verbal de constat d'huissier de justice établi le 19 juillet 2021 dont il ressort essentiellement des fissures dans les chambres, la salle de bains, le dégagement de l'entrée, le salon. En outre, l'huissier a pu constater, dans le salon, que le parquet est noirci sur une surface d'environ un mètre sur un mètre, que les joints de la fenêtre sont décollés, que la peinture est craquelée en partie basse de la porte-fenêtre, qui ne ferme pas lorsque les verrous à entailler du vantail gauche sont fermés, dans l'une des salles de bain, que la robinetterie de la baignoire est défectueuse, le robinet devant constamment être laissé ouvert, que certaines huisseries, enfin, offrent une résistance à l'ouverture et à la fermeture.
Ces fissures et l'état de certaines huisseries caractérisent un manquement de la bailleresse à son obligation d'entretenir le bien et d'y faire les réparations que son état impose.
En outre, un premier constat d'huissier de justice dressé le 7 décembre 2010 et versé aux débats par M. [R] permet de constater que les désordres observés existent depuis de nombreuses années, sans qu'il y ait été porté remède par la bailleresse, et qu'ils se sont aggravés au fil des ans.
La société Imminvest est donc mal fondée à soutenir que la preuve de l'existence de ces désordres n'est pas rapportée.
Pareillement, elle ne saurait faire valoir qu'ils résultent d'un défaut d'entretien imputable au locataire, alors même que la réparation des huisseries vétustes et des fissures incombe à la bailleresse et non à son locataire.
Il en va de même, de la réparation des lattes de parquet abîmées, dès lors que les désordres constatés sur le parquet sont consécutifs à un défaut d'étanchéité de la porte-fenêtre.
Toutefois, s'agissant du parquet du salon, la nécessité de procéder au ponçage de la totalité du parquet n'est pas démontrée au vu des constats d'huissier de justice versés aux débats par M. [R]. C'est pourquoi il y a lieu de retenir le devis n°600-3 du 3 janvier 2022 et non celui du 27 avril 2021, comme le sollicite M. [R].
Enfin, il n'est pas démontré que M. [R] ferait obstacle à la réalisation des travaux pour lesquels la société Imminvest a fait établir un devis.
Par suite, le jugement déféré sera confirmé en toutes ses dispositions, y compris en ce qui concerne la consignation des loyers jusqu'à achèvement des travaux prescrits par la décision déférée, et la société Imminvest sera condamnée à faire réaliser dans les conditions précisées au dispositif les travaux mentionnés sur le devis n°600-3 du 3 janvier 2022, d'un montant de 7233,60 euros toutes taxes comprises.
Ces travaux devront être complétés par la réparation de la fissure se trouvant dans l'entrée de l'appartement (dégagement).
Enfin, la société Imminvest, qui succombe, sera condamnée aux dépens de la procédure d'appel.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant contradictoirement et par mise à disposition au greffe
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions
Y ajoutant
Condamne la société Imminvest à faire effectuer, dans un délai de trois mois à compter de la signification du présent arrêt, l'ensemble des travaux mentionnés sur le devis n°600-3 du 3 janvier 2022, d'un montant de 7 233, 60 euros toutes taxes comprises, outre le comblement de la fissure affectant le dégagement (entrée) de l'appartement donné à bail, et ce sous astreinte de 40 euros par jour de retard passé ce délai ;
Dit que cette astreinte pourra courir sur une durée de 3 mois et qu'au-delà il appartiendra au créancier de l'astreinte, en cas d'inexécution, de saisir le juge de l'exécution d'une demande de liquidation et/ou de prononcé d'une nouvelle astreinte ;
Déboute la société Imminvest de la totalité de ses demandes ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Imminvest à payer à M. [L] [R] une indemnité de 3 100 euros ;
Condamne la société Imminvest aux dépens de la procédure d'appel, qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile par Me Franck Lafon, avocat en ayant fait la demande.
- prononcé hors la présence du public par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Monsieur Philippe JAVELAS, Président et par Madame Françoise DUCAMIN, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le greffier,Le président,