COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
1ère chambre 1ère section
ARRÊT N°
CONTRADICTOIRE
Code nac : 70A
DU 04 OCTOBRE 2022
N° RG 21/01655
N° Portalis DBV3-V-B7F-UL5U
AFFAIRE :
Consorts [A]
C/
Consorts [W]
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 28 Janvier 2021 par le Tribunal de Grande Instance de VERSAILLES
N° Chambre :
N° Section :
N° RG : 19/01769
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :
-la SCP GRAS - ROBERT - CHARPENTIER,
-l'AARPI SCOTTI- PIQUET AVOCATS ASSOCIES
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE QUATRE OCTOBRE DEUX MILLE VINGT DEUX,
La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
Madame [D], [O], [P] [A]
née le 17 Décembre 1966 à [Localité 14]
de nationalité Française
[Adresse 5]
[Localité 11]
Madame [Z], [Y] [A]
née le 17 Avril 1972 à [Localité 14]
de nationalité Française
[Adresse 3]
[Localité 12]
Monsieur [B], [J], [H] [A]
né le 30 Septembre 1937 à [Localité 17]
de nationalité Française
[Adresse 8]
[Localité 11]
Madame [L] [LC] divorcée [A]
née le 16 Novembre 1944 à
de nationalité Française
[Adresse 7]
[Localité 11]
représentés par Me Nathalie JOURDE-LAROZE substituant Me Hélène ROBERT de la SCP GRAS - ROBERT - CHARPENTIER, avocat - barreau de VERSAILLES, vestiaire : 152 - N° du dossier 81/2019
APPELANTS
****************
Madame [X], [AB], [C] [W] épouse [R]
née le 01 Avril 1970 à [Localité 16]
de nationalité Française
[Adresse 1]
[Localité 10]
Monsieur [CE], [PD], [T] [W]
né le 08 Décembre 1965 à [Localité 16]
de nationalité Française
[Adresse 9]
[Localité 13]
représentés par Me Véronique PIQUET de l'AARPI SCOTTI-PIQUET AVOCATS ASSOCIES, avocat - barreau de VERSAILLES, vestiaire : 634
INTIMÉS
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 16 Juin 2022 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Anna MANES, Présidente chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Anna MANES, Présidente,
Madame Nathalie LAUER, Conseiller,
Madame Marie-Andrée BAUMANN, Conseiller,
Greffier, lors des débats : Madame Natacha BOURGUEIL,
***************************
FAITS ET PROCÉDURE
Mme [R] née [W] et son frère M. [CE] [W] (ci-après, autrement nommés 'les consorts [W]') sont propriétaires en indivision de la parcelle nue, anciennement cadastrée section B n° [Cadastre 2] située [Adresse 18] (Yvelines) et nouvellement cadastrée section AD n° [Cadastre 6], à la suite d'une donation-partage de leurs parents, M. et Mme [JJ] [W], par acte notarié établi le 3 juillet 1993 par l'étude [N] à [Localité 14] (Yvelines) et régulièrement publié.
Désireuse de racheter la part de son frère, pour acquérir la pleine propriété de cette parcelle et réaliser un projet immobilier, Mme [R] et son frère ont mandaté leur notaire, l'étude [N] à [Localité 14], pour établir l'acte authentique d'acquisition de la pleine propriété de cette parcelle au profit de Mme [R].
Parallèlement, Mme [R] a obtenu de la commune de [Localité 13] la délivrance, le 5 janvier 2016, d'un permis de construire n° [XXXXXXXXXXX015] l'autorisant à construire sur cette parcelle trois logements destinés à la location.
A la suite à l'affichage de ce permis de construire sur le terrain, M. [A] s'est manifesté auprès de la commune d'[Localité 13] prétendant avoir, avec son épouse, acquis cette même parcelle de M. et Mme [U], née [K], son épouse, aux termes d'un acte régularisé par M. [M], notaire à [Localité 14], le 9 septembre 1985 et publié auprès de la conservation des hypothèques de Versailles (3ème bureau) le 9 janvier 1986.
Cette parcelle a fait l'objet d'un bail rural à long terme au profit de Mme [D] [A] dressé par devant M. [DP], notaire à [Localité 14], le 6 mars 1998, publié au bureau des hypothèques les 27 avril 1998 et 10 août 1998.
M. et Mme [A] ont fait ensuite donation de cette parcelle à leurs filles, Mmes [D] et [Z] [A], par acte régularisé devant Mme [N], notaire à [Localité 14], le 29 septembre 2008, publié le 9 octobre 2008 et objet d'une attestation rectificative le 24 novembre 2008, publiée le 1er décembre 2008.
Mme [R] et M. [W] ont fait assigner Mmes [D] et [Z] [A] et leurs parents M. [A] ainsi que Mme [LC] (i-après, autrement nommés 'les consorts [A]') devant le tribunal judiciaire de Versailles, afin de voir déclarer que cette parcelle nue cadastrée section AD n° [Cadastre 6] (anciennement cadastrée section B n° [Cadastre 2]) leur appartenait et de pouvoir en disposer juridiquement librement et en particulier l'aliéner.
Par jugement contradictoire rendu le 28 janvier 2021, le tribunal judiciaire de Versailles a :
- Déclaré Mme [R] et M. [W] propriétaires indivis de la parcelle anciennement cadastrée section B n° [Cadastre 2] et nouvellement cadastrée section AD n° [Cadastre 6], située [Adresse 18],
- Ordonné la publication de ce jugement à leurs frais au service de la publicité foncière,
- Condamné les consorts [A] à payer à Mme [R] et M. [W] la somme de 1 200 euros chacun au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- Ordonné l'exécution provisoire,
- Condamné les consorts [A] aux dépens,
- Débouté les parties de leurs demandes plus amples et contraires.
Mme [D] [A], Mme [Z] [A], M. [A] et Mme [LC] ont interjeté appel de ce jugement le 11 mars 2021 à l'encontre de Mme [R] épouse [W] et M. [W].
Par leurs dernières conclusions notifiées le 22 octobre 2021, Mme [D] [A], Mme [Z] [A], M. [A] et Mme [LC] demandent à la cour, au fondement de l'article 564 du code de procédure civile, de :
- Déclarer irrecevables Mme [R] et M. [W] de la demande contenue dans le corps de leurs écritures et non reprise dans leur dispositif, portant sur le fondement de l'article 2272, alinéa 2, du code civil ;
- Infirmer le jugement déféré en ce qu'il a :
* Déclaré Mme [R] et M. [W] propriétaires indivis de la parcelle anciennement cadastrée section B n° [Cadastre 2] et nouvellement cadastrée section AD n° [Cadastre 6], sise [Adresse 18],
* Ordonné la publication du présent jugement à leurs frais au service de la publicité foncière,
* Condamné les consorts [A] à payer à Mme [R] et M. [W] la somme de 1 200 euros chacun au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
* Ordonné l'exécution provisoire,
* Condamné les consorts [A] aux dépens,
* Débouté les parties de leurs demandes plus amples et contraires.
Puis statuant à nouveau, de :
- Les déclarer être les seuls propriétaires en indivision de la parcelle anciennement cadastrée section B n° [Cadastre 2] et nouvellement cadastrée section AD n° [Cadastre 6], située [Adresse 18],
- Ordonner la publication du jugement à intervenir au service de la publicité foncière de Versailles 3, situé Centre des Finances Publiques, [Adresse 4],
- Débouter Mme [R] et M. [W] de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,
- Condamner in solidum M. [W] et Mme [R] à leur payer la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens comprenant les frais de publication au service de la publicité foncière.
Par d'uniques conclusions notifiées le 26 juillet 2021, Mme [R] et M. [W] demandent à la cour, au visa des articles 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 auquel renvoie le préambule de la Constitution du 4 octobre 1958, 544, 545 et 2272 du code civil, de :
- Confirmer le jugement rendu le 28 janvier 2021 par le tribunal judiciaire de Versailles.
En tout état de cause,
- Débouter Mmes [D] et [Z] [A], M. [A] et Mme [LC], de l'ensemble de leurs demandes, fins et prétentions,
- Les juger et déclarer qu'ils sont propriétaires indivis de la parcelle cadastrée section AD n°[Cadastre 6], située [Adresse 18],
- Condamner in solidum Mmes [D] et [Z] [A], M. [A] et Mme [LC], à leur verser la somme totale de 4 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure d'appel, et aux entiers dépens.
La clôture de l'instruction a été ordonnée le 12 mai 2022.
SUR CE, LA COUR,
Sur les limites de l'appel et à titre liminaire,
Il résulte des écritures ci-dessus visées que le débat en cause d'appel se présente dans les mêmes termes qu'en première instance, chacune des parties maintenant ses prétentions telles que soutenues devant les premiers juges.
La cour rappelle que, conformément aux dispositions de l'article 954 du code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion. Par 'prétention', il faut entendre, au sens de l'article 4 du code de procédure civile, une demande en justice tendant à ce qu'il soit tranché un point litigieux.
Une prétention qui aurait été formulée dans le corps des écritures sans être reprise dans le dispositif de celle-ci n'encourt cependant pas l'irrecevabilité, mais la cour qui n'en est pas saisie, ne saurait statuer sur elle.
En outre, ne constitue pas une prétention, le moyen de droit ou/et de fait développé à l'appui d'une prétention.
En l'espèce, contrairement à ce que soutiennent les appelants, les intimés en invoquant les dispositions de l'article 2272, alinéa 2, du code civil, à savoir les règles régissant l'usucapion abrégée, à l'appui de leur prétention consistant à se voir déclarer propriétaires du bien litigieux, sont parfaitement légitimes à le faire, auraient-ils invoqué nouvellement ce moyen à hauteur d'appel. Au reste, il est indéniable que cette disposition ne figure pas seulement dans le corps de leurs écritures mais également au dispositif de leurs conclusions ce qui n'est cependant pas nécessaire, l'article 954 du code civil n'imposant nullement d'y récapituler les moyens de fait et de droit, mais seulement les prétentions.
Pour la bonne compréhension du litige, il importe de rappeler que les deux parties en présence se disent toutes deux propriétaires du bien situé [Adresse 18]) et nouvellement cadastrée section AD n° [Cadastre 6], d'une contenance totale de 4 ares 70 centiares en justifiant chacune d'un titre sur cette parcelle.
C'est exactement que le premier juge a rappelé que la preuve de la propriété immobilière est libre, que celui qui revendique la propriété d'un bien doit en rapporter la preuve, que le juge se détermine après avoir recherché parmi les preuves de propriété présentées celles qui sont les meilleurs et les plus caractérisées, que le titre de propriété ne constitue qu'une modalité de preuve parmi d'autres. C'est aussi avec raison que le jugement rappelle que la loi n'établit aucune hiérarchie parmi les modes de preuve bien qu'une possession trentenaire utile d'un fonds immobilier emporte généralement la conviction face à un titre contesté.
A cet égard, l'usucapion (article 2258 du code civil) trentenaire (article 2272, alinéa 1er, du code civil) ou abrégée (article 2272, alinéa 2, du code civil) suppose de rapporter la preuve d'une possession utile (article 2261 du même code). Une possession n'est utile que si elle est véritable, impliquant le corpus et l'animus domini, qu'elle se fait à titre de véritable propriétaire, et qu'elle est exempte de vices (ni violente, ni clandestine, ni discontinue, ni équivoque). Le corpus est l'élément fondamental de la possession et il appartient à celui qui invoque la prescription acquisitive de faire état d'actes matériels desquels on puisse déduire, de sa part, une prise de possession et l'intention d'exercer la possession conforme au droit invoqué.
Il revient donc au demandeur qui l'invoque de caractériser l'existence d'actes matériels de possession pour pouvoir utilement se prévaloir d'une usucapion, l'absence de vices ne suffisant pas. Ces actes de jouissance matériels invoqués doivent être suffisants dans leur intensité ou dans leur étendue.
Les faits de possession doivent également révéler, de façon explicite et certaine, que celui qui les accomplit se considère comme propriétaire. Les tiers ne doivent pas pouvoir se tromper et se demander à quel titre le possesseur agit.
A cet égard, en première instance, les parties n'invoquaient pas l'usucapion pour démontrer leur qualité de propriétaires de la parcelle revendiquée. En cause d'appel, les intimés font valoir 'en tout état de cause' être fondés à solliciter l'application des dispositions de l'article 2272 du code civil, dès lors que, selon eux, les appelants ne contestent pas la possession trentenaire utile de la parcelle litigieuse par leurs parents depuis 1964 jusqu'en 1993, possession qu'ils ont poursuivie depuis l'acte de donation du 3 juillet 1993 de leurs parents à leur profit (alinéa 1er de ce texte). Ils soutiennent en outre, que le second alinéa du même texte est applicable puisqu'ils disposent d'un titre de propriété émanant de leurs parents, qu'ils prenaient pour les véritables propriétaires et qu'ils possèdent utilement cette parcelle depuis 1993.
Contrairement à ce que prétendent les consorts [W], leurs adversaires contestent la possession dont ils se prévalent et, comme indiqué précédemment, il revient aux consorts [W] de rapporter la preuve de leur possession utile sur la parcelle litigieuse. Or, à cet égard, force est de constater qu'ils ne produisent devant cette cour aucun élément de preuve de nature à caractériser l'existence d'actes matériels de possession, mais se bornent à en affirmer l'existence. Le moyen tiré de l'usucapion abrégée, qui n'est pas fondé, sera dès lors rejeté. L'usucapion trentenaire n'est pas plus démontrée puisque, là encore, les consorts [W] se bornent à affirmer que leurs auteurs ont acquis par prescription sans produire aucun élément de preuve, en particulier, des actes matériels qui auraient été accomplis par leurs parents sur cette parcelle.
En définitive, juridiquement, le débat à hauteur d'appel se présente donc dans les mêmes termes qu'en première instance et il reviendra à cette cour d'apprécier si les moyens de fait et de droit développés par les parties sont de nature à lui permettre de revenir sur la décision des premiers juges.
Sur la propriété de la parcelle litigieuse
Après avoir analysé les titres de propriété, les origines sur lesquels ils sont établis, le jugement retient que les deux parties justifient d'un titre sur la parcelle litigieuse ; il a, en particulier, donné préférence au titre des consorts [W] parce qu'il était le plus ancien.
' Moyens des parties
Les consorts [A] observent qu'une seule et même étude notariale actuellement dénommée Anne-Marie Trianneau-Robin, Franck Djiane et [F] [N], office fondé en 1762 à [Localité 14] a régularisé les actes suivants :
- l'acte d'acquisition par M. et Mme [W] du 7 février 1964,
- l'acte d'acquisition par M. et Mme [A] le 9 septembre 1985,
- l'acte de donation par M. et Mme [W] au profit de M. [CE] [W] et Mme [X] [W] épouse [R] le 3 juillet 1993,
- l'acte de donation par M. et Mme [A] au profit de leurs filles, Mmes [D] et [Z] [A] le 29 septembre 2008 (pièce 5).
Selon eux, cette étude notariale aurait dû relever la difficulté dès l'achat par M. et Mme [A] en 1985 et, à tout le moins, lors de l'établissement de l'acte de donation entre les consorts [W] le 3 juillet 1993.
En outre, ils prétendent que le premier juge a fait une analyse erronée des faits de la cause dès lors que :
* le notaire lui-même, dans sa lettre du 12 août 2016 (pièce 11) tout en estimant que M. [W] acquéreur en 1964 serait prioritaire par rapport aux consorts [A] acquéreurs en 1985, affirmait que la parcelle litigieuse 'n'a aucune origine de propriété correcte depuis le départ' ; il s'ensuit, selon eux, qu'il est hasardeux d'affirmer ensuite que le titre de M. [W] primerait,
* les consorts [W] ont, par lettre du 7 juin 2017, contesté ces conclusions auprès de leur notaire (pièce 14) et lui ont réclamé 159 500 euros en réparation du préjudice subi en raison de sa faute ; désormais, ils se rangent, selon eux de manière opportuniste, sur l'analyse du notaire estimant donc que leur titre, plus ancien, l'emporterait sur le titre plus récent des consorts [A],
* l'antériorité d'un titre par rapport à un autre plus récent ne suffit pas à lui seul à caractériser sa validité par rapport à l'autre,
* seule l'analyse de chaque titre permettra d'apprécier l'existence d'une antériorité non contestable.
En l'espèce, selon les consorts [A], la qualité de propriétaires des consorts [W] sur la parcelle litigieuse est discutable dès lors que :
* la Direction des finances publiques attribue la propriété de cette parcelle aux consorts [A] (pièce 18, relevé parcellaire de la Brigade régionale foncière du 24 février 2016),
* l'acte de notoriété du 7 février 1964 n'a pas été versé aux débats et la fiche d'immeuble n'en fait pas mention, ce qui laisse supposer que cet acte n'a pas été publié et n'est donc pas opposable aux tiers (article 1199 du code civil, article 28 du décret n° 55-22 du 4 janvier 1955 portant réforme de la publicité foncière) de sorte que la preuve de la propriété de la parcelle n'est pas rapportée,
* conformément aux dispositions de l'article 1198, alinéa 2, du code civil et à la jurisprudence de la Cour de cassation (3e Civ., 1 octobre 2020, pourvoi n° 19-17.549, publié au Bulletin), le législateur a consacré le principe selon lequel la propriété est transférée par la publication comme mode d'acquisition ; il s'ensuit que, par analogie, les consorts [W] ne peuvent se prévaloir d'un acte de notoriété qui justifierait la possession par prescription acquisitive de cette parcelle par M. [RH] puisque cet acte n'a pas été publié.
Ils soutiennent que leur titre rend la propriété qu'ils revendiquent sur la parcelle plus vraisemblable dès lors que :
* l'origine de la propriété du lot qu'ils ont acquis en 1984 est claire en ce qu'il est mentionné sur l'acte authentique que cet immeuble dans son entier appartenait en propre à Mme [U] pour l'avoir recueilli dans les successions confondues de ses grands-parents M. et Mme [G] et de sa mère Mme [G] née [K],
* cette acquisition a été publiée et mention a été portée sur la fiche d'immeubles.
Il s'ensuit, selon eux, que la cour ne pourra qu'infirmer le jugement déféré et les déclarer propriétaires de cette parcelle litigieuse.
Les consorts [W] poursuivent la confirmation du jugement de ce chef et rétorquent que :
* la direction générale des finances publiques a confirmé par lettre du 21 juillet 2016 (pièce 13) que la parcelle litigieuse appartenait non seulement à l'indivision [W] [X] et [CE], mais aussi aux consorts [A],
* ils tiennent la parcelle par donation réalisée en 1993 (pièces 2 et 13) de leurs parents, ces derniers l'ayant acquise par acte authentique du 23 mars 1964 publié à la conservation des hypothèques le 23 mars 1964 volume 5355 n° 7 (pièce 3),
* l'origine de propriété de cette parcelle tient pour moitié de la possession trentenaire non interrompue et à titre de propriétaire par M. [BL] [RH] et ses auteurs, établie par acte de notoriété du 7 février 1964 et, pour l'autre moitié de cette parcelle, par succession de sa mère Mme [RH] née [S] laquelle la tenait de ses parents pour l'avoir recueillie dans les successions réunies et confondues de ses parents, M. et Mme [S] décédés les 23 août 1897 et 14 mars 1901, M. [I] [CE] [S] tenant lui-même originellement la propriété de cette parcelle par donation-partage de son père, M. [J] [V] [S], comme indiqué dans cet acte,
* aucune disposition réglementaire ou législative n'impose la publication d'un acte de notoriété et en tout état de cause l'acte authentique de vente du 7 février 1964, qui y fait référence, a été publié à la conservation des hypothèques le 23 mars 1964 (pièce 3) ; ils soutiennent donc que le moyen tiré de l'absence de publication de l'acte de notoriété est inopérant.
Ils en concluent qu'ils disposent d'un titre de propriété régulièrement publié, établissant leur qualité de propriétaires en indivision de la pleine propriété de la parcelle en cause, l'origine de propriété de cette parcelle étant également établie.
Ils font en outre valoir que l'étude notariale [N] a, par lettre du 12 août 2016, indiqué que 'M. et Mme [A] ont acquis (la parcelle litigieuse) de M. et Mme [U] (lesquels) déclarent dans l'acte que ce terrain appartient en propre à Mme [U] pour l'avoir recueilli dans les successions de M. et Mme [G], décédés en 1923 et 1928, ainsi qu'il résulte d'une notoriété dressée par Me [E], notaire à [Localité 14], sans justificatif d'origine de propriété. En faisant des recherches, on ne peut pas savoir si ce terrain appartenait à M. et Mme [G] puisque le cadastre a changé depuis' (pièce 9). Il s'ensuit que l'origine de la propriété de cette parcelle par les auteurs des consorts [A] n'est pas établie.
Ils insistent sur le fait que l'origine de propriété de cette parcelle acquise en 1964 par leurs parents de M. et Mme [RH] et donnée par ces derniers à leurs enfants en 1993, est établie dans l'acte de notoriété de Me [GM] le 7 février 1964, référencé dans l'acte authentique d'acquisition du même jour publié à la conservation des hypothèques le 23 mars 1964 volume 5355 n° 7 (pièce 3, formalité de publicité du 23 mars 1964 de l'acte authentique d'acquisition par M. [W]).
Ils soutiennent ainsi disposer d'un meilleur titre, qui est antérieur à celui dont se prévalent les consorts [A] et que c'est à bon droit que le jugement l'a préféré à celui des consorts [A].
' Appréciation de la cour
C'est à bon droit que le premier juge a rappelé qu'il lui revient d'apprécier quelles sont les preuves de propriété les meilleures et les plus caractérisées pour décider laquelle des parties en présence est propriétaire de la parcelle revendiquée par toutes.
En outre, il est patent que les parties s'accordent sur le fait que l'antériorité du titre de propriété régulièrement publié devra emporter la conviction du juge.
En l'espèce, c'est exactement que le premier juge a retenu que les consorts [W] sont propriétaires de la parcelle litigieuse.
En effet, peu important que l'acte de notoriété du 7 février 1964 n'ait pas été publié, l'acte authentique du 7 février 1964 l'a été et celui-ci est donc opposable aux tiers. Les mentions qu'il contient font foi jusqu'à inscription de faux. La foi due aux actes authentiques porte sur les faits matériels que l'officier y a énoncés comme les ayant accomplis lui-même ou comme s'étant passés en sa présence dans l'exercice de ses fonctions (1re Civ., 23 janvier 2007, pourvoi n° 05-20.287, Bull. 2007, I, n° 37 ; Ch. mixte., 6 octobre 2006, pourvoi n° 04-17.070, Bull. 2006, Ch. mixte, n° 8).
En l'espèce, il résulte de l'acte authentique dressé par M. [GM], notaire à [Localité 14], le 7 février 1964 que le notaire a constaté l'existence de cet acte de notoriété qu'il a du reste dressé lui-même le 7 février 1964, soit le jour de la vente, de sorte que cette mention relative à l'existence de cet acte de notoriété vaut jusqu'à inscription de faux. Il ne ressort ni du dispositif des écritures des appelants, ni de la procédure, ni des productions que la procédure d'inscription de faux contre cet acte ait été mise en oeuvre de sorte que la cour tiendra pour acquis que cet acte de notoriété existe. L'origine de la propriété de 2 ares 40 centiares de la parcelle litigieuse en 1964 est donc établie. S'agissant de celle des 2 ares 39 centiares restant, cette origine est également établie, en ce qu'il est mentionné dans l'acte authentique qu'ils sont la propriété de la venderesse qui les a acquis par succession de sa mère, laquelle les a recueillis dans les successions réunies et confondues de ses parents, qui eux-mêmes les ont recueillis de leur père par donation partage, et n'est du reste pas querellée.
En outre, contrairement à ce que soutiennent les appelants, le fait que la Direction des finances publiques, le 24 février 2016, 'attribue la propriété' de cette parcelle aux consorts [A] (pièce 18, relevé parcellaire de la Brigade régionale foncière du 24 février 2016) n'est pas de nature à emporter la conviction de la cour, d'abord parce que ce document n'établit pas la preuve de la propriété d'un bien immobilier, ensuite parce que la direction générale des finances publiques a indiqué postérieurement par lettre du 21 juillet 2016 (pièce 13) que la parcelle litigieuse 'appartient', selon les documents cadastraux, non seulement à l'indivision [W] [X] et [CE], mais aussi aux consorts [A]. L'administration fiscale a précisé que 'cette situation trouve son origine dans le fait que les conservateurs des hypothèques acceptait antérieurement de publier des actes qui confèrent à 2 personnes distinctes des droits concurrents sur un même bien immobilier. Dans son arrêt du 12 juin 1996, la 3ème chambre civile de la Cour de cassation a mis fin à cette pratique. Les responsables des Services de Publicité foncière doivent désormais s'assurer de la concordance entre un document déposé et ceux publiés antérieurement (Arrêt Hedreul 12/06/1996).'
Les dispositions de l'article 1198, alinéa 2, du code civil, qui prévoient que 'Lorsque deux acquéreurs successifs de droits portant sur un même immeuble tiennent leur droit d'une même personne, celui qui a, le premier, publié son titre d'acquisition passé en la forme authentique au fichier immobilier est préféré, même si son droit est postérieur, à condition qu'il soit de bonne foi.' ne trouvent pas à s'appliquer dès lors que les parties ne tiennent pas leurs droits sur l'immeuble de la même personne. Au reste, à supposer que cet article soit applicable, en l'espèce, ce sont bien les consorts [W], plus exactement leurs auteurs, qui ont publié leur titre d'acquisition passé en la forme authentique avant les auteurs des consorts [A].
Il résulte également de l'acte authentique d'acquisition de la parcelle litigieuse (lieudit [Adresse 18], cadastrée section B n° [Cadastre 2], d'une contenance de 4 ares 70 centiares) du 9 septembre 1985 (pièce 3 des appelants) par les auteurs des consorts [A], qu'elle a été acquise de M. et Mme [U] qui déclarent dans l'acte que ce terrain appartient en propre à Mme [U] pour l'avoir recueilli dans les successions de M. et Mme [G], décédés en 1923 et 1928, ainsi qu'il résulte d'une notoriété dressée par Me [E], notaire à [Localité 14], sans justificatif d'origine de propriété.
Il découle de l'ensemble de ces éléments que les preuves les meilleures et les plus caractérisées commandent de retenir que les consorts [W] justifient être propriétaires de la parcelle litigieuse.
Le jugement sera dès lors confirmé.
Sur les demandes accessoires
Le sens du présent arrêt conduit à confirmer le jugement en ses dispositions relatives aux dépens et à l'article 700 du code de procédure civile.
Les consorts [A] qui succombent en leurs prétentions seront condamnés in solidum aux dépens d'appel. Par voie de conséquence, leur demande fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile sera rejetée.
L'équité commande d'allouer la somme de 4 000 euros aux consorts [W] sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, somme à laquelle les consorts [A] seront condamnés in solidum.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt contradictoire et mis à disposition,
CONFIRME le jugement ;
Y ajoutant,
CONDAMNE in solidum Mme [D] [A], Mme [Z] [A], M. [A] et Mme [LC] aux dépens d'appel ;
CONDAMNE in solidum Mme [D] [A], Mme [Z] [A], M. [A] et Mme [LC] à verser à Mme [W] épouse [R] et M. [W] la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
REJETTE la demande de Mme [D] [A], Mme [Z] [A], M. [A] et Mme [LC] fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,
- signé par Madame Anna MANES, présidente, et par Madame Natacha BOURGUEIL, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier, La Présidente,