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20/10/2022 | FRANCE | N°20/01007

France | France, Cour d'appel de Versailles, 15e chambre, 20 octobre 2022, 20/01007


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 80C



15e chambre



ARRÊT N°





CONTRADICTOIRE





DU 20 OCTOBRE 2022





N° RG 20/01007



N° Portalis DBV3-V-B7E-T3ME





AFFAIRE :





[Y] [O]



C/



L'UNEDIC, DÉLÉGATION AGS CGEA D'ILE DE FRANCE EST

...



Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 26 Février 2020 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'Ar

genteuil

N° Section : Industrie

N° RG : 18/00180



Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :





Me Alissar ABI FARAH



Me Sophie CORMARY de la SCP HADENGUE et Associés



Me Géraldine HANNEDOUCHE de la SELARL DAVID ET HERON SOCIETE D'AVO...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80C

15e chambre

ARRÊT N°

CONTRADICTOIRE

DU 20 OCTOBRE 2022

N° RG 20/01007

N° Portalis DBV3-V-B7E-T3ME

AFFAIRE :

[Y] [O]

C/

L'UNEDIC, DÉLÉGATION AGS CGEA D'ILE DE FRANCE EST

...

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 26 Février 2020 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'Argenteuil

N° Section : Industrie

N° RG : 18/00180

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Alissar ABI FARAH

Me Sophie CORMARY de la SCP HADENGUE et Associés

Me Géraldine HANNEDOUCHE de la SELARL DAVID ET HERON SOCIETE D'AVOCATS

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT OCTOBRE DEUX MILLE VINGT DEUX,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant, initialement fixé au 28 septembre 2022, différé au 29 septembre 2022, puis prorogé au 13 octobre 2022, puis prorogé au 20 octobre 2022, les parties ayant été avisées, dans l'affaire entre :

Monsieur [Y] [O]

né le 28 Octobre 1983 à [Localité 7] (92),

de nationalité Française

[Adresse 3]

[Localité 6]

Représentant : Me Alissar ABI FARAH, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : E1747

APPELANT

****************

L'UNEDIC, DÉLÉGATION AGS CGEA D'ILE DE FRANCE EST

[Adresse 1]

[Localité 5]

Représentant : Me Sophie CORMARY de la SCP HADENGUE et Associés, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 98, substitué par Me François GREGOIRE, avocat au barreau de PARIS

SELARL [S], prise en la personne de Me [U] [S], ès qualité de mandataire liquidateur de la société ZEBRA APPLICATIONS

N° SIRET : 477 751 911

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentant : Me Géraldine HANNEDOUCHE de la SELARL DAVID ET HERON SOCIETE D'AVOCATS, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : K0031, substitué par Me Ségolène LE BLAYE, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉES

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 24 mai 2022 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Régine CAPRA, Présidente chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Régine CAPRA, Présidente,

Monsieur Jean-Yves PINOY, Conseiller,

Madame Perrine ROBERT, Vice-présidente placéee,

Greffier lors des débats : Madame Carine DJELLAL,

EXPOSE DU LITIGE

M. [Y] [O] a été engagé à compter du 16 mars 2015 par la société Zebra Applications, ayant pour activité la réalisation de prestations de travaux de signalisation routière (marquages au sol et pose de panneaux de signalisation), en qualité de 3ème aide applicateur, niveau 1, position 1, position 110, pour une durée hebdomadaire de travail de 35 heures de travail par semaine, moyennant un salaire forfaitaire de 1 500 euros, porté à 1 680 euros à compter du 1er octobre 2015, une prime de panier et de petits déplacements de 10 euros par jour travaillé et une prime de chargement de 2 euros par jour travaillé. Il bénéficiait en outre d'une prime de treizième mois.

La société Zebra Applications employait plus de 20 salariés.

Les élections au comité social et économique ont eu lieu le 16 mars 2018.

Le 28 mai 2018, la société Zebra Applications a informé et consulté le comité social et économique sur le projet de réorganisation de l'entreprise entraînant le licenciement pour motif économique collectif de 6 salariés.

M. [O] a été convoqué par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 22 mai 2018 à un entretien préalable à un éventuel licenciement pour motif économique. Après avoir été informé des motifs économiques de la rupture envisagée de son contrat de travail, il a adhéré au contrat de sécurisation professionnelle qui lui a été proposé et son contrat de travail a pris fin à l'expiration du délai de réflexion.

Par jugement du 18 juin 2018, le tribunal de commerce de Pontoise a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la société Zebra Applications et désigné Me [N] en qualité d'administrateur judiciaire et Me [S], de la SCP Ouizille-[S], en qualité de mandataire judiciaire.

Par requête reçue au greffe le 29 juin 2018, M. [O] a saisi le conseil de prud'hommes d'Argenteuil afin d'obtenir le versement de diverses sommes.

Par ordonnance du 7 août 2018, le juge-commissaire au redressement judiciaire de la société Zebra Applications a autorisé la suppression de huit postes, dont trois postes de chef d'équipe et un poste d'aide applicateur et applicateur.

Par jugement du 21 décembre 2018, le tribunal de commerce de Pontoise a arrêté le plan de cession de l'entreprise au profit de la société A2B Finances, dit que 21 postes seront repris par le cessionnaire et autorisé le licenciement du salarié dont le poste n'était pas repris.

Par jugement du 18 janvier 2019, le tribunal de commerce de Pontoise a prononcé la liquidation judiciaire de la société Zebra Applications, maintenu Me [N] en qualité d'administrateur judiciaire et désigné Me [S], de la SCP Ouizille-[S], en qualité de liquidateur.

Par jugement du 26 février 2020, auquel la cour renvoie pour l'exposé des demandes initiales des parties et de la procédure antérieure, le conseil de prud'hommes d'Argenteuil a :

-mis hors de cause Me [N] administrateur judiciaire de la société Zebra Application ;

-fixé au passif de la liquidation judiciaire de la société Zebra Application, représentée par Maître [S], ès qualitès de liquidateur judiciaire, au profit de M. [O] la somme de 1 428,32 euros brut au titre du temps d'habillage et de déshabillage de juin 2015 à mai 2018 ;

-débouté M. [O] de ses autres demandes ;

-débouté la société Zebra Applications de sa demande d'indemnité fondée sur l'article 700 du code de procédure civile ;

-déclaré le jugement opposable à l'AGS-CGEA IDF.

-dit que l'AGS-CGEA IDF devra garantir les montants des sommes allouées à M. [O] dans le jugement sur présentation d'un relevé du mandataire liquidateur de la société Zebra Application justifiant de l'absence de fonds disponibles ;

-fixé la moyenne des trois derniers salaires à 1 680 euros :

-mis les dépens éventuels à la charge de la liquidation judiciaire de la société Zebra Applications.

M. [O] a interjeté appel de cette décision par déclaration au greffe du 22 mai 2020.

Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par Rpva le 20 décembre 2020, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens, M. [O] demande à la cour :

-d'infirmer le jugement dont appel en ce qu'il l'a débouté de ses demandes de fixation au passif de la liquidation de la société Zebra Applications au titre des heures supplémentaires, congés payés afférents, repos compensateurs au titre de l'année 2016 et indemnité pour travail dissimulé ;

-de fixer en conséquence au passif de la liquidation judiciaire de la société Zebra Applications les sommes suivantes:

* heures supplémentaires de juin 2015 à décembre 2017 : 10 034 euros brut,

* congés payés afférents :1 003,40 euros brut,

* repos compensateurs 2016 : 2 059, 02 euros brut,

* indemnité pour travail dissimulé : 12 957,85 euros ;

-de confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a fixé au passif de la liquidation judiciaire de la société Zebra Applications la somme de 1 428, 32 euros au titre de la contrepartie au temps d'habillage et déshabillage ;

-de déclarer la décision à intervenir opposable à l'AGS-CGEA IDF Est dans les limites de sa garantie légale ;

-fixer les dépens au passif de la liquidation de la société Zebra Applications.

Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par Rpva le 13 avril 2022, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens, la Selarl [S], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Zebra Applications, prise en la personne de Me [S], demande à la cour :

¿ à titre principal, de :

-confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté M. [O] de sa demande d'heures supplémentaires et congés payés afférents et de repos compensateur ;

-infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a fixé au passif de la liquidation judiciaire de la société Zebra Applications la somme de 1 428,32 euros brut au titre du temps d'habillage et de déshabillage, et statuant à nouveau, de débouter M. [O] de l'intégralité de ses demandes ;

¿ à titre subsidiaire, de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

¿ y ajoutant, de condamner M. [O] aux entiers dépens d'appel ainsi qu'à lui verser la somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par Rpva le 23 septembre 2020, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens, l'AGS CGEA IDF Est demande à la cour de :

-confirmer le jugement en ce qu'il a débouté le salarié de sa demande au titre des heures supplémentaires et congés payés afférents, repos compensateur, indemnité pour travail dissimulé et, en conséquence, débouter le salarié de ses demandes ;

-réformer le jugement dont appel en ce qu'il a fixé au passif de la société Zebra Applications la somme de 1428,32 euros à titre de prime d'habillage ;

-subsidiairement, ramener à de plus justes proportions la demande de dommages-intérêts pour travail dissimulé, qui ne pourra dépasser 10 080 euros,

-en tout état de cause :

*mettre hors de cause l'AGS s'agissant des frais irrépétibles de la procédure,

*dire qu'en vertu des dispositions de l'article L 622-28 du code de commerce, la demande qui tend à assortir la créance des intérêts au taux légal ne saurait prospérer postérieurement à l'ouverture de la procédure collective,

*fixer l'éventuelle créance allouée au salarié au passif de la société,

*dire que le CGEA, en sa qualité de représentant de l'AGS, ne devra procéder à l'avance des créances visées aux articles L 3253-6, L 3253-8 et suivants du code du travail que dans les termes et conditions résultant des dispositions des articles L 3253-15, L 3253-19 à 21 et L 3253-17 du code du travail,

-dire que l'obligation du CGEA de faire l'avance de la somme à laquelle serait évalué le montant total des créances garanties, compte tenu du plafond applicable, ne pourra s'exécuter que sur présentation d'un relevé par le mandataire judiciaire et justification par celui-ci de l'absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder à leur paiement.

La clôture de l'instruction a été prononcée le 11 mai 2022.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la mise en oeuvre d'une modulation du temps de travail

Le titre I de l'accord national du 6 novembre 1998 sur l'organisation, la réduction du temps de travail et sur l'emploi dans le bâtiment et les travaux publics étendu par arrêté du 23 février 1999, modifié par avenant du 30 mai 2000, étendu par arrêté du 30 mai 2000, applicable aux relations entre les parties, dispose :

-en son paragraphe 1, qu'en application de l'article L. 212-2-1 du code du travail, la durée du travail peut faire l'objet au niveau de tout ou partie de l'entreprise, de l'établissement, de l'agence, du chantier ou de l'atelier d'une modulation sur l'année permettant d'adapter la durée du travail aux variations de la charge de travail, que cette modulation est assortie, pour les salariés auxquels elle s'applique, d'une réduction de leur horaire annuel de travail effectif, celui-ci ne pouvant excéder 1 645 heures (équivalent à 47 semaines x 35 heures) pour un salarié à temps plein présent sur toute la période de 12 mois, non comprises les heures supplémentaires visées au 1er alinéa du titre II du présent accord;

-en son paragraphe 2, que de façon à compenser les hausses et les baisses d'activité, l'horaire hebdomadaire de travail des salariés peut varier autour de l'horaire moyen hebdomadaire de 35 heures, dans le cadre d'une période de 12 mois consécutifs, de telle sorte que les heures effectuées au-delà et en-deçà de cet horaire moyen se compensent arithmétiquement ;

-en son paragraphe 3 :

'La mise en oeuvre de la modulation instituée par le présent accord national doit faire l'objet d'une négociation avec les délégués syndicaux en vue d'aboutir à un accord dans les entreprises ou établissements où existent des délégués syndicaux.

Lorsque, dans ces entreprises ou établissements, la négociation engagée en application de l'alinéa ci-dessus n'a pas abouti à la conclusion d'un accord, l'employeur peut procéder à la mise en place de la modulation dans les conditions définies par le présent accord national, après consultation du comité d'entreprise ou d'établissement ou, à défaut, des délégués du personnel, s'il en existe.

Dans les entreprises ou établissements qui n'ont pas de délégués syndicaux, mais où existent un comité d'entreprise ou d'établissement ou des délégués du personnel, cette mise en oeuvre est subordonnée à la consultation préalable du comité d'entreprise ou d'établissement ou, à défaut, des délégués du personnel.

Cette consultation a pour objet d'informer les représentants du personnel sur les raisons économiques et sociales motivant le recours à ce mode d'organisation du travail et de recueillir leur avis motivé sur le principe de sa mise en oeuvre et ses modalités d'application...

Dans les entreprises ou établissements non dotés de représentants du personnel, la mise en oeuvre de la modulation instituée par le présent accord national doit faire l'objet de l'information préalable des salariés concernés.'

-en son paragraphe 4, que la modulation est établie après consultation du comité d'entreprise ou d'établissement ou, à défaut, des délégués du personnel, s'il en existe, selon une programmation indicative communiquée aux salariés concernés, avant le début de chaque période de modulation et que cette consultation des représentants du personnel a lieu au moins 15 jours avant le début de ladite période.

La société Zebra Applications, qui invoque la mise en place d'une modulation, ne justifie pas avoir respecté la procédure prévue par le paragraphe 3 du titre I de l'accord national du 6 novembre 1998, à défaut de justifier d'un accord conclu avec les délégués syndicaux, ou de la consultation du comité d'entreprise ou d'établissement ou, à défaut, des délégués du personnel, s'il en existe, ou, si elle n'était pas dotée de représentants du personnel, de l'information préalable des salariés concernés, le seul fait que le contrat de travail du salarié fasse état d'une modulation annuelle sans autre précision ne satisfaisant pas à cette obligation. Elle ne justifie pas au surplus avoir communiqué une programmation indicative aux salariés concernés avant le début de chaque période de modulation.

Sur les heures supplémentaires

Il est constant que le fait que le contrat de travail du salarié stipule que la rémunération convenue est forfaitaire et tient compte notamment des éventuels dépassements d'horaires inhérents à la nature des fonctions et des responsabilités exercées est inopérant, la seule fixation d'une rémunération forfaitaire, sans que soit déterminé le nombre d'heures supplémentaires inclus dans cette rémunération, ne permettant pas de caractériser une convention de forfait.

Le titre II de l'accord national du 6 novembre 1998 sur l'organisation, la réduction du temps de travail et sur l'emploi dans le bâtiment et les travaux publics étendu par arrêté du 23 février 1999, modifié par avenant du 30 mai 2000, étendu par arrêté du 30 mai 2000, applicable aux relations entre les parties, dispose :

'Les heures supplémentaires sont les heures de travail accomplies à la demande de l'employeur au-delà de la durée légale du travail.

Les heures supplémentaires sont payées sous la forme d'un complément de salaire, assorti des majorations légales, s'ajoutant au salaire de base et correspondant au nombre d'heures supplémentaires accomplies au cours de chacune des semaines prises en compte dans la période de paie.

Les heures supplémentaires ouvrent également droit au repos compensateur conformément aux dispositions légales.'

Le salarié, qui soutient que s'il a travaillé de 7h00 à 15h00 à compter du 20 décembre 2017, sous déduction d'une pause déjeuner d'une heure, soit 7 heures par jour et 35 heures par semaine, il travaillait antérieurement de 7h00 à 16h00, sous déduction d'une pause déjeuner d'une heure, soit 8 heures par jour et 40 heures par semaine, alors qu'il n'a été payé que pour 35 heures de travail par semaine et que seules les heures supplémentaires effectuées au-delà de 40 heures par semaine lui ont été payées, revendique le paiement de 5 heures supplémentaires par semaine pour la période de juin 2015 à décembre 2017.

Selon l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction, après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

Il résulte de ces dispositions qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences légales et réglementaires. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.

Le salarié, qui produit de très nombreux rapports de chantiers mentionnant un début de chantier à 7h et une fin de chantier à 16 heures, des attestations de plusieurs collègues de travail, M. [H] [O], M. [B], M. [K], M. [R], M. [X], M. [V], M.[A] et M. [E] confirmant que jusqu'au 19 décembre 2017 les horaires de travail sur les chantiers étaient fixés de 7h00 à 16h00, les courriers adressés à la société Zebra Applications par M. [H] [O] à titre personnel les 25 août 2017 et 2 octobre 2017, puis, en qualité de représentant du personnel le 23 mars 2018, présente des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies. L'employeur, tenu d'assurer le contrôle des heures de travail effectuées, ne verse aucun élément de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par celui-ci. La preuve de l'accomplissement d'heures supplémentaires est dès lors rapportée, dont il appartient à la cour d'évaluer l'importance.

Au vu des pièces soumises à l'appréciation de la cour, il convient d'infirmer le jugement entrepris et de fixer la créance d'heures supplémentaires de M. [O] à la somme de 10 034 euros brut et la créance de congés payés afférents à la somme de 1 003,40 euros brut, lesdites sommes étant fixées au passif de la liquidation judiciaire de la société Zebra Applications.

Sur le repos compensateur

Il résulte de l'article L. 3121-11 du code du travail, dans sa rédaction résultant de la loi n°2008-789 du 20 août 2008, et des articles L. 3121-30 et suivants du code du travail, dans leur rédaction résultant de la loi n°2016-1088 du 8 août 2016, applicable à compter du 10 août 2016, que les heures supplémentaires effectuées au-delà du contingent annuel ouvrent droit à une contrepartie obligatoire en repos de 100% dans les entreprises de plus de 20 salariés.

Le contingent légal de 220 heures par an et par salarié n'ayant qu'un caractère supplétif et les contingents conventionnels prévus par des conventions ou accords conclus avant la loi n°2008-789 du 20 août 2008 étant restés en vigueur, le salarié est bien fondé à se prévaloir des dispositions du titre II de l'accord national du 6 novembre 1998 sur l'organisation, la réduction du temps de travail et sur l'emploi dans le bâtiment et les travaux publics étendu par arrêté du 23 février 1999, modifié par avenant du 30 mai 2000, étendu par arrêté du 30 mai 2000, qui dispose :

'Le contingent annuel d'heures supplémentaires prévu par l'article L. 212-6 du code du travail est fixé à 145 heures par an et par salarié. Il est augmenté de 35 heures par an pour les salariés dont l'horaire n'est pas actualisé. L'utilisation de cette faculté de majoration du contingent d'heures supplémentaires est subordonnée à la mise en oeuvre de la procédure prévue au paragraphe 3 du titre Ier du présent accord.'

En l'absence de mise en oeuvre par la société Zebra Applications de la modulation selon la procédure prévue au paragraphe 3 du titre Ier de l'accord national du 6 novembre 1998, le contingent applicable est le contingent de 145 heures.

M. [O] ayant été privé du fait de son employeur des contreparties obligatoires en repos dont il aurait dû pouvoir bénéficier pour avoir effectué 186,54 heures supplémentaires au-delà du contingent en 2016, il convient d'infirmer le jugement entrepris et de fixer la créance du salarié au passif de la liquidation judiciaire à la somme de 2 059, 02 euros brut à titre d'indemnité pour repos compensateur.

Sur le travail dissimulé

La dissimulation d'emploi salarié prévue par l'article L. 8221-5, 2°, du code du travail est caractérisée s'il est établi que l'employeur a, de manière intentionnelle, mentionné sur le bulletin de paie un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement effectué.

Le caractère intentionnel du travail dissimulé ne peut se déduire de la seule absence de mention des heures supplémentaires sur les bulletins de paie.

Il n'est pas établi en l'espèce que la société Zebra Applications a, de manière intentionnelle, omis de mentionner sur les bulletins de salaire les heures réellement effectuées par son salarié. Ce dernier sera en conséquence débouté de sa demande en paiement d'une indemnité pour travail dissimulé sur le fondement de l'article L. 8223-1 du code du travail et le jugement entrepris confirmé de ce chef.

Sur la contrepartie du temps d'habillage/déshabillage

Aux termes de l'article L. 3121-3 alinéa 1 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n°2016-1088 du 8 août 2016 :

'Le temps nécessaire aux opérations d'habillage et de déshabillage fait l'objet de contreparties. Ces contreparties sont accordées soit sous forme de repos, soit sous forme financière, lorsque le port de la tenue de travail est imposée par des dispositions légales, par des stipulations conventionnelles, le règlement intérieur ou le contrat de travail et que l'habillage et le déshabillage doivent être réalisés dans l'entreprise ou sur le lieu de travail.'

Aux termes de l'article L. 3121-3 du code du travail, dans sa rédaction résultant de la loi n°2016-1088 du 8 août 2016 :

'Le temps nécessaire aux opérations d'habillage et de déshabillage, lorsque le port de la tenue de travail est imposée par des dispositions légales, des stipulations conventionnelles, le règlement intérieur ou le contrat de travail et que l'habillage et le déshabillage doivent être réalisés dans l'entreprise ou sur le lieu de travail, fait l'objet de contreparties. Ces contreparties sont accordées soit sous forme de repos, soit sous forme financière.

Il en résulte que les contreparties au temps nécessaire aux opérations d'habillage et de déshabillage sont subordonnées à la réalisation de deux conditions cumulatives, à savoir l'obligation de porter une tenue de travail et l'obligation de la revêtir et de l'enlever dans l'entreprise ou sur le lieu de travail.

M. [O] rapporte la preuve de l'obligation qui lui était faite, en application des règles de sécurité imposées à ses salariés par la société Zebra Applications sur les chantiers, de porter une tenue de travail composée d'une combinaison, d'un baudrier réfléchissant, de chaussures de sécurité et de gants. Les photographies figurant dans le rapport sur la situation économique, sociale et environnementale et les perspectives de redressement établi par l'administrateur judiciaire en témoignent d'ailleurs.

M. [O] démontre qu'il exerçait ses fonctions dans des conditions de travail salissantes dues aux peintures et aux divers produits chimiques utilisés, notamment diluants et solvants, qui lui imposaient, pour des raisons d'hygiène et de sécurité, de revêtir et d'enlever son vêtement de travail dans l'entreprise ou sur le lieu de travail.

Lorsque les deux conditions cumulatives résultant de l'article L. 3121-3 du code du travail sont réunies, il appartient à l'employeur de rapporter la preuve de ce que les temps d'habillage et de déshabillage nécessaires pour revêtir et enlever la tenue de travail sont pris en compte dans le temps de travail effectif.

La société Zebra Applications n'établissant pas que les temps d'habillage et de déshabillage étaient rémunérés comme du temps de travail effectif, M. [O] est bien fondé à prétendre à une contrepartie à ces temps d'habillage et de déshabillage.

La société Zebra Applications ne démontre pas que la prime de chargement de 2 euros par jour travaillé versée au salarié par jour travaillé avait pour objet non seulement, comme son intitulé l'indique, de prendre en compte l'obligation incombant au salarié de participer au chargement du camion, mais également de compenser les temps d'habillage et de déshabillage. Elle est mal fondée à se prévaloir de la prime de chauffeur que l'intéressé n'a pas perçue, sauf en mai et décembre 2016, et dont il n'est pas établi qu'elle n'avait pas seulement pour objet, comme son nom l'indique, de prendre en compte la sujétion pesant sur certains salariés de conduire le camion, mais également de compenser les temps d'habillage et de déshabillage.

En l'absence de contrepartie déterminée par convention ou accord collectif de travail ou, à défaut, par le contrat de travail et le temps d'habillage et le temps de déshabillage pouvant être évalués à 10 minutes par jour travaillé, il convient de fixer cette contrepartie à la somme de 1 428,32 euros brut pour 756 jours travaillés par M. [O] de juin 2015 à mai 2018.

Le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur les intérêts

En application des dispositions combinées des articles L. 622-28 et L. 631-14 du code de commerce, le jugement du tribunal de commerce de Pontoise en date du 18 juin 2018, qui a prononcé l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la société Zebra Applications a arrêté le cours des intérêts légaux. Les sommes allouées ne produiront donc pas intérêts.

Sur la garantie de l'AGS

Le présent arrêt sera opposable à l'AGS (CGEA IDF Est) dans la limite des dispositions des articles L. 3253-6 et suivants et D 3253-5 du code du travail. Cet organisme ne devra faire l'avance de la somme représentant les créances garanties que sur présentation d'un relevé par le liquidateur et justification par celui-ci de l'absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder à son paiement.

Sur les dépens et l'indemnité de procédure

La Selarl [S], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Zebra Applications, qui succombe à l'instance supportera les dépens de première instance et d'appel et sera déboutée de sa demande d'indemnité fondée sur en application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La COUR,

Statuant par arrêt CONTRADICTOIRE,

Infirme partiellement le jugement du conseil de prud'hommes d'Argenteuil en date du 26 février 2020 et statuant à nouveau sur les chefs infirmés :

Fixe au passif de la liquidation judiciaire de la société Zebra Applications au profit de M. [Y] [O] les sommes suivantes :

* 10 034 euros brut à titre de rappel de salaire pour heures supplémentaires,

* 1 003,40 euros brut au titre des congés payés afférents,

* 2 059, 02 euros brut à titre d'indemnité pour repos compensateur ;

Dit que ces créances ne produisent pas intérêts,

Déclare le présent arrêt opposable à l'AGS (CGEA IDF Est) dans les limites de sa garantie légale et dit que cet organisme ne devra faire l'avance de la somme représentant les créances garanties que sur présentation d'un relevé par le mandataire judiciaire et justification par celui-ci de l'absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder à son paiement ;

Confirme pour le surplus les dispositions non contraires du jugement entrepris ;

Y ajoutant :

Déboute la Selarl [S], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Zebra Applications, de sa demande d'indemnité fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Met les dépens d'appel à la charge de la Selarl [S], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Zebra Applications.

- Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- Signé par Madame Régine CAPRA, Présidente et par Madame Sophie RIVIERE, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER,LA PRÉSIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 15e chambre
Numéro d'arrêt : 20/01007
Date de la décision : 20/10/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-10-20;20.01007 ?
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