COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 80C
17e chambre
ARRÊT N°
CONTRADICTOIRE
DU 2 NOVEMBRE 2022
N° RG 20/01576
N° Portalis DBV3-V-B7E-T63O
AFFAIRE :
[L] [C]
C/
Société CARGLASS SAS
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 26 février 2020 par le Conseil de Prud'hommes Formation paritaire de CERGY PONTOISE
Section : C
N° RG : F 16/00297
Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :
Me Ghislain DADI
Me Jérôme WATRELOT
le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE DEUX NOVEMBRE DEUX MILLE VINGT DEUX,
La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
Monsieur [L] [C]
de nationalité française
[Adresse 3]
[Localité 2]
Représentant : Me Ghislain DADI de la SELAS DADI AVOCATS, Plaidant/ Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : A0257
APPELANT
****************
Société CARGLASS SAS
N° SIRET : 425 050 556
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentant : Me Jérôme WATRELOT de la SELCA CHASSANY WATRELOT ET ASSOCIES, Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : K0100 et Me Juliette POUYET de la SCP SELCA CHASSANY WATRELOT ASSOCIES, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : K100, substitué à l'audience par Me Jérémie THIERRY, avocat au barreau de Paris
INTIMÉE
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 22 septembre 2022 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Nathalie GAUTIER, Conseiller chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Aurélie PRACHE, Président,
Monsieur Laurent BABY, Conseiller,
Madame Nathalie GAUTIER, Conseiller,
Greffier lors des débats : Madame Dorothée MARCINEK
RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCEDURE
M. [C] a été engagé en qualité de cariste, par contrat de travail à durée indéterminée, à compter du 18 août 2003 par la société Carglass.
Cette société applique la convention collective des services de l'automobile et emploie plus de 10 salariés.
En dernier lieu, le salarié occupait le poste de chef d'équipe sur le site de [Localité 5] qui comptait environ 80 salariés, et il percevait une rémunération brute mensuelle de 2 893,33 euros.
Le 18 avril 2015, le Syndicat Anti-Précarité (le SAP) a créé une section syndicale sur le site de [Localité 5] et a désigné M. [D] en qualité de responsable de section.
M. [C] était le chef de l'équipe de nuit A, M. [D] était son adjoint, M. [G] étant un des membres de l'équipe.
En décembre 2015, des salariés ont alerté l'employeur de ce qu'un salarié de l'équipe de M. [C], M. [G], quittait son poste de travail en avance, ce qui ne ressortait pas de son compteur d'heures de modulation.
Par lettre du 1er février 2016, M. [C] a été convoqué à un entretien préalable en vue d'un éventuel licenciement, fixé le 9 février 2016, avec mise à pied à titre conservatoire.
M. [C] a été licencié par lettre du 18 février 2016 pour cause réelle et sérieuse dans les termes suivants:
« Nous avons récemment constaté qu'un collaborateur de votre équipe, Monsieur [G], quittait fréquemment son poste de travail de manière anticipée sans badger.
Sur 5 dates, Monsieur [G] est parti très largement avant la fin de l'activité de la journée. Pour rappel, les horaires de votre équipe sont les suivantes: de 16h a 23h30, avec une ¿ heure de coupure repas. Ainsi :
- le 8 décembre 2015, Monsieur [G] quitte l'entreprise à 23h03 sans badger
- le 9 décembre 2015, Monsieur [G] quitte l'entreprise à 22h21 sans badger
- le 6janvier 2016, Monsieur [G] quitte l'entreprise à 22h18 sans badger.
- le 7 janvier 2016, Monsieur [G] quitte l'entreprise à 22h06 sans badger.
- le 8 janvier 2016, Monsieur [G] quitte l'entreprise à 21h15 sans badger.
Dans la mesure où vous êtes son manager direct, vous avez été amené à corriger son absence de badgeage, le lendemain, à votre prise de poste.
Or, il s'avère que vos corrections ne correspondent absolument pas à ses horaires réels de départ.
Dans la mesure où vous nous avez affirmé, lors de notre entretien, que Monsieur [G] vous prévenait à chaque fois lors de ses départs anticipés, nous ne comprenons pas pourquoi vos corrections sur notre logiciel de gestion des temps(GTA) ne correspondent pas à la réalité.
Une des conséquences directes est que le compteur de modulation de Monsieur [G] ne correspond pas à la réalité des heures qu'il a effectivement réalisées. Vous n'êtes pas sans savoir qu'à la fin de la période de modulation, si ce compteur est positif, les heures peuvent être soit récupérées, soit payées sur décision de la Direction de l'Entreprise.
Une autre conséquence réside dans le fait que l'entreprise paye des majorations d'heures de nuit au salarie alors qu'il ne les à pas effectuées.
Vous ne pouviez ignorer que vous participez, en agissant de la sorte, à alimenter indûment et frauduleusement le compteur de modulation de votre collaborateur.
Dans la mesure où vous êtes le garant de l'activité et des horaires de vos collaborateurs, il est très anormal de constater qu'en dépit du départ anticipé de votre collaborateur dont vous nous dites être au courant, vous ne retranscriviez pas la réalité de ses horaires sur GTA.
Ceci est d'autant plus inquiétant que sur seulement 5 dates vérifiées, un écart substantiel a été constaté à chaque fois. En effet, sur ces dates, un écart de presque 6 h est à déplorer entre les horaires constates sur GTA et les horaires réels.
Il est clairement de votre ressort, en tant que Chef d'Équipe, de bien gérer les compteurs de modulation de vos salariés. Vous pouvez parfaitement décider de faire partir plus tôt un salarié qui, ayant terminé sa journée, accuse un compteur de modulation positif. Cela lui permet de récupérer des heures. Mais, il est en revanche inacceptable que vous laissiez partir un salarie plus tôt alors que son compteur est négatif et en enregistrant son heure de départ comme s'il avait effectué sa journée complète.
Suite à ces faits, nous avons également mis le doigt sur un dysfonctionnement majeur dans le suivi de votre équipe.
En effet, en réalisant un focus sur les badgeages de Monsieur [G] depuis le 28 septembre 2015, jusqu'au 17 janvier 2016, nous avons constaté que ce dernier n'avait pas badgé à 164 reprises (aux entrées et sorties de l'entreprise). C'est énorme et représente un taux d'absence de badgeage de près de 61% sur cette période (ce taux était de 82,6896 entre le 1"juin et le 27 septembre 2015).
De manière plus générale, au sein de votre équipe, le taux de badgeage modifié ou manquant est d'environ 38% sur la période du 28 septembre 2015 au 17 janvier 2016. Cela signifie que vous devez à chaque fois apporter une correction manuelle lorsque l'un de vos collaborateurs oublie de badger.
Nous ne comprenons pas pourquoi vous n'avez pas essayé d'enrayer ces nombreux manquements.
Vous savez parfaitement que la règle applicable à l'ensemble des salariés de la Société en matière de temps de travail (hormis les cadres au forfait) est la suivante : chaque salarié concerné à l'obligation de badger 4 fois par jours.
- Une fois le matin, en entrée
- Une fois pour prendre votre pause repas, en sortie
- Une fois à l'issue de votre pause repas, en entrée
- Une fois à la fin de votre journée de travail, en sortie
Ces quatre étapes sont nécessaires et obligatoires pour mettre a jour et calculer au plus juste l'ensemble des compteurs sociaux, et notamment ceux de la gestion des heures des collaborateurs (modulation, heures supplémentaires éventuelles...).
Il s'agit ici d'un manquement essentiel à vos obligations professionnelles, et notamment à votre obligation de gérer et contrôler le temps de travail des salariés de votre équipe. Ce manquement a entraîné des dérives graves au sein de votre équipe. Vous ne nous avez jamais alerté sur ce point, et nous ne pouvons l'accepter.
Lors de notre entretien, vous nous avez dit que vous en faisiez régulièrement état lors de vos briefs. Manifestement, cela n'a pas suffi. Vous auriez dû alerter votre hiérarchie des les premières dérives afin que cessent ces anomalies récurrentes. Cela vous aurait permis d'éviter de perdre votre temps a saisir constamment les badgeages des salariés de votre équipe.
Par conséquent, et compte tenu des éléments ci-dessus énoncés, nous vous notifions, par le présent courrier, votre licenciement pour cause réelle et sérieuse. »
Le 24 février 2016, le CHSCT de la société Carglass a ouvert une enquête sur tous les postes du site de [Localité 5] pour dégradation des conditions de travail et atteinte à la santé physique et mentale des collaborateurs. Le CHSCT a rendu son rapport d'enquête le 24 mars 2016.
Le 4 avril 2016, le cabinet PsyFrance Assistance a réalisé un audit interne de la santé au travail sur le site de [Localité 5] à la demande de l'employeur.
Le 18 mai 2016, M. [C] a saisi le conseil de prud'hommes de Cergy-Pontoise afin voir juger son licenciement nul, à titre principal, sans cause réelle et sérieuse, à titre subsidiaire, et d'obtenir le paiement de rappels de salaires ainsi que diverses sommes de nature indemnitaire.
Par ordonnance du 29 septembre 2016, le bureau d'orientation et de conciliation a ordonné une mesure d'instruction. Cette mission a été menée par deux conseillers rapporteurs sur la plate-forme logistique de [Localité 5] et ils ont déposé leur rapport le 4 novembre 2016.
Le 4 octobre 2017, M. [C], ainsi que d'autres salariés, se sont constitués partie civile devant le doyen des juges d'instruction du tribunal de grande instance de Pontoise pour discrimination syndicale et entrave à l'exercice du droit syndical.
Par jugements avant-dire droit des 14 mars 2018 et 27 mars 2019, le conseil de prud'hommes a dit n'y avoir lieu à attendre l'issue de l'instruction en cours et a rejeté la demande de sursis à statuer du salarié.
Par jugement du 26 février 2020, le conseil de prud'hommes de Cergy-Pontoise a :
- dit qu'il n'y a pas discrimination syndicale à l'encontre de M. [C],
- dit que le licenciement de M. [C] repose bien sur une cause réelle et sérieuse,
- débouté M. [C] de l'ensemble de ses demandes,
- mis les entiers dépens de l'instance à la charge de M. [C].
Par déclaration adressée au greffe le 21 juillet 2020, M. [C] a interjeté appel de ce jugement.
Une ordonnance de clôture a été prononcée le 14 juin 2022.
PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Vu les dernières conclusions transmises par voie électronique le 21 octobre 2020, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à l'article 455 du code de procédure civile et aux termes desquelles M. [C] demande à la cour de :
- infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
- fixer le salaire moyen brut à la somme de 2 893,33 euros brut,
sur la rupture du contrat de travail,
à titre principal,
- prononcer la nullité du licenciement,
- ordonner la remise en l'état du contrat de travail, à compter du prononcé de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard et se réserver le pouvoir de liquider cette astreinte,
- ordonner le paiement de la totalité des salaires et accessoire depuis le 11 avril 2016, date de fin du préavis, sans aucune déduction, ainsi que toute autres sommes comme s'il n'avait jamais été licencié (notamment intéressement et participation),
- condamner la société Carglass à lui délivrer les fiches de salaire depuis avril 2016, en tenant compte des augmentations intervenues depuis, sous astreinte de 100 euros par jour de retard et se réserver le pouvoir de liquider cette astreinte, sauf à nommer tout expert qu'il plaira à la cour, avec mission de procéder au calcul des salaires dus, et mettre la provision de frais d'expertise à charge de la société,
- condamner la société Carglass à lui payer le salaire net résultant des fiches de salaire sus évoquées, sous astreinte de 100 euros par jour de retard et se réserver le pouvoir de liquider cette astreinte,
- condamner la société Carglass à lui payer la somme suivante à titre de provision :
. 140 000 euros de salaire net pour la période couverte par la nullité la rupture,
à titre subsidiaire,
- condamner la société Carglass à lui payer les sommes suivantes :
. 75 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ( 6 mois minimum : L 1235-5 CT = 17 359,98 euros),
sur les autres demandes,
- condamner la société Carglass à lui payer les sommes suivantes :
. 15 000 euros à titre de dommages et intérêts pour entrave à l'activité syndicale,
. 15 000 euros à titre de dommages et intérêts pour discrimination syndicale,
. 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral,
. 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- prononcer l'anatocisme.
Vu les dernières conclusions transmises par voie électronique le 20 janvier 2021, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à l'article 455 du code de procédure civile et aux termes desquelles la société Carglass demande à la cour de :
à titre principal,
- dire que la Cour n'est pas saisie et renvoyer M. [C] à se pourvoir ainsi qu'il en avisera,
subsidiairement,
- confirmer le jugement en toutes ses dispositions,
en tout état de cause,
- condamner M. [C] à lui verser les sommes de :
. 5 000 euros à titre de dommages et intérêts,
. 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 code de procédure civile,
- condamner M. [C] en tous les dépens.
MOTIFS
Sur la régularité de la saisine de la cour d'appel
L'employeur fait valoir qu'au niveau de la Cour d'appel, la demande en justice a nécessairement pour objet la réformation/infirmation du jugement ou bien encore son annulation, qu'il appartient à l'appelant d'inscrire l'une de ces mentions dans l'acte qui saisit la cour, et qu'écrire, dans la déclaration d'appel, que certains des chefs du jugement sont « critiqués » ne saisit pas la juridiction du second degré.
Le salarié ne formule dans les motifs de ses conclusions aucun moyen en réplique.
Aux termes de l'article 901 du code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret n 2022-245 du 25 février 2022, à peine de nullité, la déclaration d'appel est faite par acte, comportant le cas échéant une annexe, contenant outre les mentions prescrites par les 2° et 3° de l'article 54 et par le cinquième alinéa de l'article 57, et à peine de nullité notamment les chefs du jugement expressément critiqués auxquels l'appel est limité.4° Les chefs du jugement expressément critiqués auxquels l'appel est limité, sauf si l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible.
Contrairement à ce que soutient la société, qui invoque l'article 54 du code de procédure civile, les textes spécifiques régissant la procédure d'appel, et plus particulièrement l'article 901 précité et les article 542 et 954 du code de procédure, ne prévoient pas que la déclaration d'appel indique qu'elle a pour objet la réformation, l'infirmation du jugement ou bien son annulation, cette indication devant en revanche figurer dans le dispositif des conclusions de l'appelant, en application des l'articles 542 et 954 du code de procédure civile.
L'arrêté du 25 février 2022, modifiant l'arrêté du 20 mai 2020 relatif à la communication électronique, précise en son article 4 : '' lorsqu'un document doit être joint à un acte, le dit acte renvoie expressément à ce document. ''
En l'espèce, la déclaration d'appel mentionne en objet/portée de l'appel : ' Appel limité aux chefs de jugement expressément critiqués. Cf pièce jointe '. La pièce jointe, constitutive d'une annexe, précise les chefs de demande du jugement expressément critiqués, dont la cour d'appel est donc saisie.
Ainsi la déclaration d'appel du salarié, à laquelle est jointe une annexe comportant les chefs du jugement expressément critiqués et à laquelle elle renvoie expressément, constitue l'acte d'appel conforme aux exigences de l'article 901 dans sa nouvelle rédaction, et l'indication de ce que l'appel tend à l'infirmation du jugement figure bien dans le dispositif des conclusions de l'appelant.
Dès lors, le moyen tiré de l'irrégularité de la saisine de la cour d'appel n'est pas fondé.
Sur la nullité du licenciement pour violation du statut protecteur
Pour solliciter le bénéfice du statut de salarié protégé, le salarié se prévaut de l'imminence de sa candidature aux élections professionnelles et de la lettre envoyée par le SAP le 18 avril 2015, ce que conteste l'employeur.
Aux termes de l'article L.2411-7 du code du travail dans sa rédaction alors applicable, l'autorisation de licenciement de l'inspecteur du travail est requise lorsque la lettre du syndicat notifiant à l'employeur la candidature aux fonctions de délégué du personnel a été reçue par l'employeur ou lorsque le salarié a fait la preuve que l'employeur a eu connaissance de l'imminence de sa candidature avant que le candidat ait été convoqué à l'entretien préalable au licenciement.
Si le caractère imminent de la candidature n'est pas subordonné à la conclusion préalable d'un protocole d'accord électoral, encore faut-il que des élections soient envisagées à bref délai ce qui n'était pas le cas en l'espèce.
La lettre envoyée par le SAP le 18 avril 2015 comporte la mention suivante, s'agissant notamment de M. [C], « Ceux-ci ont accepté que vous connaissiez leurs noms et seront dès que possible candidats aux prochaines élections professionnelles ».
La procédure de licenciement du salarié a été engagée le 20 janvier 2016 et les élections professionnelles ont eu lieu le 7 juin 2017, comme annoncé par l'employeur.
La candidature du salarié, annoncée prématurément, en dehors de tout processus électoral et à distance de plus de deux ans desdites élections, sans être renouvelée à cette fin, ne saurait être assimilée à une candidature immente.
Le salarié ne rapporte donc pas la preuve de l'existence de la violation du statut protecteur justifiant l'autorisation préalable de l'inspection du travail pour engager la procédure de licenciement.
Aucune nullité n'est donc encourue à ce titre.
Sur la nullité du licenciement pour discrimination à raison des activités syndicales du salarié
Le salarié fait valoir que les griefs de la lettre de licenciement sont dénués de tout fondement et même complètement faux et que la rupture a un lien direct avec sa future candidature aux élections de représentant du personnel et son engagement syndical au sein du SAP. Il soutient que l'employeur a marqué son opposition à la création du syndicat et à son maintien dans l'entreprise notamment en se séparant de cinq salariés, dont lui-même, en raison de leur affiliation au syndicat. Il précise qu'un contrôle resserré a été mis en place et que l'employeur, à l'instar du directeur de site, a trouvé, dans un premier temps, un prétexte pour le licencier, ainsi que M. [G], en raison de fraude sur les heures de pointage puis, dans un second temps, a licencié MM. [D], [N] et [X] pour s'être rendus coupables de harcèlement moral.
L'employeur réplique que le salarié présente des faits généraux et se contente de faire état d'allégations sur sa prétendue situation ainsi que celle des quatre autres collègues de travail.
* *
Aux termes des articles L.1132-1, L. 2141-5 du code du travail, aucune personne ne peut notamment être licenciée en raison de ses activités syndicales et il est interdit à l'employeur de prendre en considération l'appartenance à un syndicat ou l'exercice d'une activité syndicale pour arrêter ses décisions en matière notamment de mesures de disciplines et de rupture du contrat de travail.
Selon les dispositions de l'article et L. 1134-1, lorsque survient un litige en raison d'une méconnaissance de ces dispositions, il appartient au salarié qui se prétend lésé par une mesure discriminatoire de présenter au juge des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte au vu desquels il incombe à l'employeur de prouver que les mesures prises sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.
Enfin, la discrimination syndicale ne peut être retenue dans le cas d'un salarié, simple adhérent d'un syndicat, lorsqu'il n'est pas établi que son engagement syndical était connu de l'employeur.
Il est établi que M. [D] a été désigné représentant de section syndicate, RSS, le 18 avril 2015 par le SAP et a communiqué à à la direction de l'établissement de [Localité 5], la liste des personnes syndiquées, à savoir MM. [N], [C], [D] et [X], candidats aux prochaines élections.
L'employeur a eu connaissance de l'engagement actif du salarié dès le 18 avril 2015.
Le salarié invoque chronologiquement les faits suivants comme contribuant, selon lui, à la discrimination syndicale qu'il dénonce et qui sont à l'origine de la décision de l'employeur de procéder à la rupture du contrat de travail :
- la ' visible détestation à l'encontre des syndicats' des responsables du site SOA: elle n'est pas confirmée que par les deux attestations de salariés produites par M. [C] dont les termes sont très généraux . Le fait n'est pas établi.
- la mise en place d'un stratagème, dont des pressions et harcèlement exercés par l'employeur conduisant à éliminer le SAP : par lettres des 18 juin et 23 juillet 2015, le SAP s'est plaint auprès du président de la société des pressions subies par ses quatre membres depuis la lettre du 18 avril 2015, de la surveillance excessive à laquelle ils étaient soumis, de demandes d'explications sur leur motivation pour adhérer au SAP et il a demandé l'organisation d'élections partielles de délégués du personnel.
La lettre du 18 juin 2015 a donné lieu à une rencontre entre le SAP et la direction, qui a pris en compte l'alerte du SAP.
Cette alerte ne repose ensuite sur aucun fait précis et circonstancié des manoeuvres alléguées.
En effet, l'enregistrement du directeur du site, M. [O], à son insu le 22 avril 2015 réalisé avec le téléphone portable de M. [J], responsable d'exploitation adjoint, n'est pas communiqué au dossier, alors qu'il s'agit d'une pièce visée au bordereau du salarié et dont l'employeur a sollicité dans ses écritures qu'elle soit écartée des débats comme illicite.
L'attestation de M. [J], qui restitue ce long échange, ne reprend que les déclarations du directeur de site, sans mentionner ses propres propos de sorte que ce témoignage partiel est dépourvu de force probante.
S'il est également établi que la création de la section syndicale a inquiété M. [J], responsable d'exploitation adjoint du site , qui en a fait part à son responsable, M. [A] lors de son entretien d'évaluation en 2015 en invoquant une ' communication devenue plus compliquée', cela ne participe pas d'une tactique visant à supprimer la nouvelle cellule, la question de la création du nouveau syndicat étant ouvertement abordée par l'employeur.
En outre, quatre salariés qui étaient dans les équipes de nuit et certains toujours en poste lors de la rédaction des attestations, vantent les qualités de leurs responsables, dont M. [C]. Ils témoignent, sans retenue, notamment de l'organisation alors mise en place et n'attestent pas de pressions exercées par la direction du site à l'encontre des membres du syndicat depuis sa création.
M. [U], salarié, relate avoir connu deux directions différentes et évoque uniquement la ' pression concernant la productivité' avec la 'dernière direction'.
Le SAP n'a ensuite alerté l'inspection du travail qu'à compter du 18 février 2016, soit après l'engagement de la procédure de licenciement à l'encontre de M. [C] et la dénonciation de l'existence de pressions exercées par les membres adhérents du SAP sur d'autres salariés.
La lettre adressée au CHSCT est datée du 18 février 2016, jour du licenciement du salarié.
La lettre dénonçant à la société Carglass un harcèlement ' anti-syndical' par le directeur et le responsable d'exploitation du site a été adressée par le SAP le 4 mars 2016. Elle est également postérieure à la rupture du contrat de M. [C] et à l'enquête du CHSCT.
Ces dénonciations sont tardives puisqu'effectuées après la rupture du contrat de travail du salarié qui ne peut s'en prévaloir.
Enfin, si plusieurs salariés adhérents au SAP ont été licenciés, les motifs du licenciement sont, pour chacun d'eux, étrangers à l'exercice de leur action syndicale et consécutifs à des dénonciations de salariés au CHSCT, ou à l'employeur, celui-ci ne pouvant pas se dispenser d'apporter des réponses aux faits dénoncés.
Dès lors, le fait que l'employeur ait mis en place un stratagème conduisant à éliminer le SAP depuis sa création et à licencier les salariés adhérents n'est pas établi.
- le licenciement des seuls adhérents du SAP qui ont effectué des modifications de pointage : ce fait est contredit par la communication au dossier des deux lettres de licenciement pour faute grave notifiées par l'employeur en 2016 à deux salariées ayant falsifié le pointage et qui n'étaient pas adhérentes au SAP.
- l'enquête partiale du CHSCT qui n'évoque pas des faits de harcèlement à l'encontre des adhérents du SAP le 18 février 2016 : ce fait n'est pas établi dans la mesure où il est mentionné dans l'introduction du compte rendu du CHSCT que l'enquête a été diligentée à la demande d'un collaborateur et de M. [D], RSS du SAP.
- l'intention de l'employeur de licencier les adhérents du SAP dès la création de la section syndicale : hormis la retranscription sous la forme d'une attestation de l'enregistrement du directeur de distribution du site à son insu le 22 avril 2015, dont l'absence de force probante a été précédemment relevée, aucun élément n'est produit à l'appui de cette allégation, de sorte que ce fait n'est pas davantage établi.
En définitive, aucun des faits dénoncés par le salarié comme laissant supposer l'existence d'une discrimination syndicale n'étant établi, le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a débouté le salarié de sa demande de nullité du licenciement et rejeté sa demande de dommages-intérêts pour discrimination syndicale.
Sur la demande de dommages-intérêts pour entrave à l'activité syndicale
Selon les dispositions de l'article L. 2316-1 du code du travail sa rédaction alors applicable jusqu'au 1er janvier 2018, le fait de porter ou de tenter de porter atteinte à la libre désignation des délégués du personnel ou à l'exercice régulier de leurs fonctions caractérise le délit d'entrave.
Le salarié n'a pas rapporté la preuve de l'exercice d'une activité syndicale pendant la relation contractuelle ni qu'il a été désigné délégué du personnel.
Il n'établit donc pas que l'employeur a tenté de porter, ou porter, atteinte à sa libre désignation en qualité de délégué du personnel ou à son exercice régulier de ses fonctions.
Dès lors, le délit d'entrave n'est pas caractérisé.
Il sera donc débouté de sa demande de dommages-intérêts à ce titre et le jugement déféré sera confirmé en ce sens.
Sur le licenciement
Selon les articles L.1232-1 et L.1232-6 du code du travail, tout licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse, énoncée dans une lettre notifiée au salarié.
Il est reproché au salarié d'une part d'avoir alimenté indûment et frauduleusement le compteur de modulation du temps de travail de M. [G], salarié sous sa responsabilité, en ne retranscrivant pas la réalité des heures qu'il effectuait et d'autre part d'avoir failli dans son obligation de gestion et contrôle du temps de travail des salariés de son équipe par une importante omission de badger.
S'agissant du premier grief, il ressort des pièces versées au dossier que le salarié a enregistré des heures de sortie sur la fiche individuelle de M. [G] qui ne sont pas identiques à celles relevées lors du visionnage des entrées et sorties des véhicules.
Il s'ensuit que M. [G] a quitté l'établissement avant l'heure déclarée par M. [C] sur la fiche individuelle à plusieurs reprises en décembre 2015 et janvier 2016, et ce au moins une heure, voire deux heures, avant l'heure de sortie mentionnée sur le listing.
L'obligation de pointage plusieurs fois par jour par chaque salarié n'est pas contestée par M. [C] ni le fait qu'il était informé des départs anticipés de M. [G], qui a pu bénéficier ainsi d'un régime de faveur en travaillant moins que ce qui était déclaré.
Le salarié, qui produit pourtant de nombreuses attestations de collègues, ne justifie pas que la direction du site acceptait que les salariés quittent l'atelier avant l'heure prévue en application de la méthode dite ' fini-parti' et que la hiérarchie rectifiait le badgeage en indiquant l'heure de sortie théorique.
Le salarié n'établit pas davantage que, parce que la direction et les responsables d'équipe avaient accès au logiciel d'enregistrement, le système de badgeage était ni fiable ni infalsifiable, le détournement du système par des cadres ne pouvant pas être présumé par l'employeur.
Enfin, la mission des conseillers rapporteurs sur le site confirme la matérialité des faits. Ils ont visionné les enregistrements de vidéo surveillance et constaté que le salarié quittait les locaux sans badger.
Le rapport des conseilleurs rapporteurs, dont la partialité est seulement alléguée par le salarié mais non établie, conclut notamment que : ' concernant le bidouillage des heures entre M. [G] et son responsable, M. [C], la vidéo montre toutes les phases du départ anticipé de M. [G] étant rappelé que ces enregistrements vidéo sont connus de l'ensemble du personnel.'.
Cette conclusion s'appuie sur plusieurs témoignages dont celui de :
- M. [B], qui indique que ' [G] partait avant l'heure, pas de mail, il ne badgeait pas, il allait dans le bureau dire au revoir aux chefs et partait. Tout le monde le savait. Si je ne badge pas, le lendemain je suis convoqué.'.
- M. [W], qui indique que ' on savait que [G] partait tôt sans badger avec l'accord des chefs d'équipe. Les gens qui ne pointent pas et les chefs qui badgent à leur place, ce n'est pas normal. J'ai demandé pourquoi ils ne pointaient pas tous, mes chefs m'ont dit que ce n'était pas normal. Ceux qui ne pointaient pas appartenaient à l'autre équipe.'.
-M. [B], qui indique ' [G] parfait avant l'heure, pas de mail, il ne badgeait pas.'.
- M. [M]: ' D'autres finissent plus tôt, on en fait pas de pression pour récupérer les heures, notamment [G].'.
- M. [T], indique que ' Si on oublie de badger, ils ( les manager) badgent pour nous. Ils rectifient tout en rappelant de ne pas oublier; aucune idée si beaucoup de personnes oublient de badger; moi quand je partais avec l'accord des chefs d'équipe, les heures étaient retirées. Concernant [G], je ne sais pas mais il y avait des jours où il était avant l'heure.'.
Le premier grief est donc établi en ce que le salarié a déclaré pour le compte d'un membre de son équipe davantage d'heures que celles réellement réalisées.
S'agissant du second grief, il est justifié que M. [G] a omis de badger à 164 reprises entre septembre 2015 et janvier 2016 , soit un taux de 61% d'omission comparé à celui de l'ensemble de l'équipe de 36,5% et 23,5% pour tout le site.
Le taux d'omission de toute l'équipe de M. [C] est très élevé par rapport à la moyenne de l'ensemble du site, ce qui induit un manque de contrôle et engendre un surcroît de travail pour saisir les horaires des salariés qui n'ont pas badgé, cette situation n'ayant pas été dénoncée par le salarié à sa hiérarchie.
Le salarié ne peut se prévaloir de la pratique dite ' fini/parti' acceptée par la direction et, non justifiée comme indiquée précédemment.
Dès lors, le salarié a corrigé les omissions de badgeage de M. [G] pour l'avantager et n'a pas veillé à la juste application des principes de la modulation du temps de travail de ses équipiers.
Le second grief est également établi.
Ces deux griefs sont suffisamment sérieux pour constituer une cause de licenciement.
Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a dit le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse et rejeté les demandes financières subséquentes.
Sur les dommages-intérêts pour préjudice moral
Le salarié ne présente dans les motifs de ses conclusions aucun moyen de fait ou de droit au soutien de cette demande.
La décision des premiers juges, qui l'en a débouté, sera confirmée.
Sur la demande reconventionnelle de l'employeur au titre des dommages-intérêts
L'employeur ne développe pas cette demande dans la motivation de ses conclusions et ne caractérise pas le motif de sa demande de dommages-intérêts.
Ajoutant au jugement, il convient de rejeter la demande à ce titre.
Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile
Le salarié qui succombe, doit supporter la charge des dépens exposés et ne saurait bénéficier de l'article 700 du code de procédure civile tant en première instance et qu'en cause d'appel ; toutefois, pour des raisons d'équité, il n'y a pas lieu de faire application à son encontre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS:
Statuant publiquement et contradictoirement, en dernier ressort et par mise à disposition au greffe,
DÉBOUTE la SAS Carglass de son exception de nullité,
CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement,
Ajoutant au jugement,
REJETTE la demande de dommages-intérêts de la SAS Carglass,
DÉBOUTE les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires,
DÉBOUTE les parties de leurs demandes en application de l=article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE M. [L] [C] aux dépens d'appel.
. prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
. signé par Madame Aurélie Prache, président et par Madame Dorothée Marcinek, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le greffier Le président