COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 56B
13e chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 15 NOVEMBRE 2022
N° RG 21/03683
N° Portalis DBV3-V-B7F-UR4D
AFFAIRE :
SARL AMANE FAST INTERVENTIONS
C/
S.A.R.L. CSD
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 19 Mai 2021 par le Tribunal de Commerce de PONTOISE
N° Chambre : 0
N° Section : 0
N° RG : 2019F00603
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :
Me Monique TARDY
Me Dan ZERHAT
TC PONTOISE
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE QUINZE NOVEMBRE DEUX MILLE VINGT DEUX,
La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
SARL AMANE FAST INTERVENTIONS
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentant : Me Monique TARDY de l'ASSOCIATION AVOCALYS, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 620 - N° du dossier 004953
Représentant : Me Yasmina OULMI, Plaidant, avocat au barreau du VAL-DE-MARNE, vestiaire : 355
APPELANTE
****************
S.A.R.L. CSD
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentant : Me Dan ZERHAT de l'AARPI OHANA ZERHAT, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 731 - N° du dossier 21078114
Représentant : Me Marie-Odile LAMOUREUX DE BELLY, Plaidant, avocat au barreau de MONTPELLIER
INTIMEE
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 04 Octobre 2022 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Marie-Andrée BAUMANN, Conseiller chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Sophie VALAY-BRIERE, Présidente,
Madame Marie-Andrée BAUMANN, Conseiller,
Madame Delphine BONNET, Conseiller,
Greffier, lors des débats : Madame Sabine NOLIN,
Par contrat de sous-traitance du 1er novembre 2015, la SARL CSD a confié à la SARL Amane fast interventions (la société Amane) des prestations de gardiennage et de sécurité.
La société Amane a présenté à la société CSD quatre factures, émises entre le 1er février 2019 et le 2 mai 2019, pour des prestations qu'elle a indiqué avoir réalisées au cours des mois de janvier à avril 2019 ; la société CSD ne les a pas réglées.
Par ordonnance du 19 juin 2019, le président du tribunal de commerce de Pontoise a enjoint à la société CSD de payer à la société Amane la somme de 106 610,15 euros en principal avec intérêts légaux à compter de l'ordonnance.
Par courrier du 17 juillet 2019, la société CSD a formé opposition à l'ordonnance devant le tribunal de commerce de Pontoise, lequel, par jugement contradictoire assorti de l'exécution provisoire du 19 mai 2021, a :
- dit la société CSD recevable et bien fondée en son opposition ;
- débouté la société Amane de l'ensemble de ses demandes ;
- condamné la société Amane à payer à la société CSD la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- débouté la société Amane de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile; - condamné cette dernière aux entiers dépens de l'instance.
Par déclaration du 9 juin 2021, la société Amane a interjeté appel du jugement.
Les deux procédures, créées à la suite d'un double envoi de la déclaration, ont été jointes sous le numéro 21/3683 par ordonnance du 3 janvier 2022.
Par ordonnance d'incident contradictoire en date du 6 avril 2022, le conseiller de la mise en état :
- a débouté la société CSD de sa demande de rejet des conclusions de la société Amane remises au greffe et notifiées par RPVA le 7 mars 2022 ;
- a ordonné à la société CSD de communiquer à la société Amane la copie des comptes clients de son grand livre 2019, et ce, dans le délai de quinze jours à compter de la signification de la présente ordonnance, sous astreinte provisoire, passé ce délai, de 250 euros par jour de retard pendant deux mois;
- s'est réservé la liquidation de l'astreinte ;
- a renvoyé le dossier à la mise en état du 19 mai 2022 pour fixation et clôture ;
- a dit que les dépens de l'incident suivront le sort de ceux de l'instance au fond ;
- a rejeté les demandes formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile dans le cadre du présent incident ;
- a rappelé l'obligation de confidentialité édictée à l'article L.153-2 du code de commerce.
Dans ses dernières conclusions déposées au greffe et notifiées par RPVA le 31 août 2022, la société Amane demande à la cour de :
- la déclarer recevable et bien fondée en son appel ;
- infirmer le jugement en toutes ses dispositions ;
Et en conséquence,
- condamner la société CSD à lui régler les sommes suivantes :
- 106 610,15 euros correspondant au règlement des factures des mois de janvier à avril 2019 avec intérêts au taux égal à trois fois le taux d'intérêt légal, ceci à compter du 4 juillet 2019 (date de l'ordonnance d'injonction de payer) ;
- 15 000 euros en liquidation de l'astreinte pour la période du 5 mai au 5 juillet 2022 ;
- 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- 5 000 euros pour résistance abusive ;
- débouter la société CSD de sa demande reconventionnelle formulée au titre de l'article 700 du code de procédure civile et pour un montant de 5 000 euros ;
- condamner la société CSD aux entiers dépens de première instance et d'appel, conformément à l'article 695 du code de procédure civile.
La société CSD, dans ses dernières conclusions déposées au greffe et notifiées par RPVA le 23 août 2022, demande à la cour de :
In limine litis,
- juger qu'elle n'est pas compétente pour liquider l'astreinte demandée par l'appelante ;
A titre subsidiaire,
- juger qu'elle a bel et bien exécuté l'ordonnance en date du 6 avril 2022 ;
A titre infiniment subsidiaire,
- juger que l'astreinte sera réduite à hauteur du préjudice éventuellement subi par la société Amane ;
Au fond,
- ordonner la jonction de la présente instance avec celle inscrite au rôle sous le numéro RG n°21/03685 et dire qu'elles se poursuivront sous le seul numéro RG 21/03683 ;
- confirmer en toutes ses dispositions le jugement et notamment en ce qu'il fait droit à sa demande d'opposition ;
- débouter la société Amane de l'ensemble de ses demandes ;
En conséquence,
- condamner la société Amane à lui payer une somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en raison de la procédure d'appel ;
- condamner la société Amane aux entiers dépens.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 8 septembre 2022.
Pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties, il est renvoyé à leurs dernières écritures conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
SUR CE,
Aucun moyen n'étant soulevé ou susceptible d'être relevé d'office, il convient de déclarer l'appel de la société Amane recevable.
La recevabilité de l'opposition de la société CSD n'est pas discutée de sorte que le jugement sera confirmé de ce chef.
Sur la demande en paiement de la société Amane :
En premier lieu, la société Amane qui relève à titre liminaire que les échanges de correspondance avant l'introduction de la procédure attestent de la réalité des prestations réalisées, indique produire des bons de commande, intitulés 'bons de commande sous-traitant' faisant état des heures réalisées quotidiennement, en précisant que des commandes étaient parfois émises par téléphone et validées par l'envoi d'un planning ou d'un courriel sur lequel il est fait mention de la commande puis que le bon de commande mensuel était transmis par la société CSD récapitulant toutes les prestations réalisées, chacun de ces bons, émanant de cette dernière et sous son en-tête professionnelle, marquant ses 'besoins'. Détaillant les indications portées sur ces bons de commande, elle observe que chaque facture discutée correspond parfaitement en termes de volume et de prix à ce qui a été commandé par la société CSD et relève que le défaut de signature de ces documents n'a nullement empêché la réalisation des prestations commandées comme cela s'est toujours produit dans leurs relations contractuelles ; elle soutient qu'ainsi, contrairement à ce que le tribunal a retenu, la société CSD, conformément au contrat, a été placée en possession d'un récapitulatif écrit des heures de gardiennage qu'elle dit avoir quotidiennement produit de sorte qu'elle a parfaitement apporté la preuve des travaux réalisés et que c'est sans pertinence que la société CSD a allégué que la matérialité des factures ne serait pas rapportée.
Pour compléter ses explications sur la preuve 'irréfutable' des prestations réalisées, elle précise verser aux débats, sous ses pièces 25 à 28, des correspondances et plannings émanant de la société CSD et prouvant que les prestations lui ont été parfaitement confiées.
S'agissant de l'intervention de la société Bour sécurité privée dont la société CSD prétend désormais qu'elle aurait réalisé les prestations litigieuses, elle soutient que les factures de cette société, invoquées après plus de trois ans de procédure alors qu'elles auraient pu l'être en première instance, ont été rédigées pour les besoins de la cause au regard de cette tardiveté à les évoquer et que leur examen ne résiste pas à la contradiction et au doute quant à leur véracité, évoquant de la part de la société CSD 'une tentative d'escroquerie au jugement'.
S'agissant de sa capacité à effectuer le nombre d'heures facturées, elle précise que les prestations commandées par la société CSD ont été réalisées compte tenu du volume de celles-ci avec l'aide d'une société sous-traitante, la société Phenix sécurité privée, selon contrat de sous-traitance qu'elle communique ; elle y joint les documents légaux concernant cette société et deux attestations de son ancien dirigeant et de celui de la société CSD pour témoigner de cette pratique de la sous-traitance et de l'accord de l'intimée à cet égard, observant qu'elle est totalement étrangère au conflit purement familial qui oppose la société CSD à son ancien dirigeant. Elle ajoute enfin avoir fourni à la société CSD l'ensemble des documents pour justifier du respect de ses obligations sociales, en particulier les attestations de l'Urssaf, observant que l'intimée, en sa qualité de donneur d'ordre, se devait en cas de doute d'en vérifier l'authenticité, ce qu'elle n'a pas fait.
La société CSD expose qu'aucune des demandes de la société Amane, que ce soit au titre des factures ou au titre du taux d'intérêt qu'elle réclame et qui n'est prévu ni dans le contrat de mission dont seraient issues les factures ni dans des conditions générales, ne saurait prospérer.
Elle fait valoir en premier lieu que ces factures ne résultent d'aucun bon de commande accepté par elle, les bons communiqués étant signés uniquement par la société Amane, les nouvelles factures et bons de commandes communiqués par l'appelante et antérieurs aux faits litigieux n'étant pas de nature à prouver la réalisation effective et factuelle des prestations dont celle-ci se prévaut.
Rappelant les dispositions de l'article 1315 du code civil et que l'appelante ne peut valablement tenter de renverser la charge de la preuve en exigeant qu'elle produise la preuve de l'exécution de ses obligations et du paiement de ses prestations, elle soutient en deuxième lieu et surtout que les factures litigieuses ne prouvent pas la réalisation effective des prestations comme l'a retenu le tribunal, exposant qu'elle a demandé maintes fois à la société Amane ses attestations Urssaf et soutenant en appel que les prestations litigieuses ont été effectuées non pas par la société Amane mais par un autre sous-traitant, la société Bour sécurité privée à laquelle elle indique avoir remis, après les avoir visés au contraire de ceux
communiqués par la société Amane, des bons de commande qui matérialisent son consentement à la prestation exécutée par la société Bour sécurité ; elle souligne que les numéros des sites correspondent à ceux figurant sur les bons de commande communiqués par la société Amane, que le compte fournisseur 2019 de la société Bour sécurité privée et l'extrait de son propre compte bancaire démontrent qu'elle a bien payé les factures émises par cette dernière et que la production de pièces en appel n'est pas prohibée par le code de procédure civile.
S'agissant de la sous-traitance alléguée par la société Amane pour démontrer sa capacité à effectuer les prestations alors qu'elle employait moins de onze salariés, la société CSD explique qu'elle ne l'a jamais autorisée et qu'elle va à l'encontre de la lettre même du contrat qui la proscrivait, ajoutant que le tribunal a retenu à bon droit que l'attestation de son ancien dirigeant, M. [R], n'avait aucune force probante du fait du conflit actuel entre ce dernier et sa direction.
Conformément aux dispositions de l'ancien article 1315 du code civil, celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver.
Selon l'article L.110-3 du code de commerce, à l'égard des commerçants, les actes de commerce peuvent se prouver par tous moyens à moins qu'il n'en soit autrement disposé par la loi.
La société Amane sollicite le paiement de quatre factures correspondant à des prestations de gardiennage de janvier à avril 2019 pour les montants suivants :
- 67 910,16 euros émise le 1er février 2019, pour 3 079,50 heures au prix unitaire de 17 euros et 115,08 heures réalisées un jour férié,
- 32 843,95 euros émise le 1er mars 2019 pour 1 603,58 heures au prix unitaire de 17 euros,
- 5 026,54 euros émise le 1er avril 2019 pour 245,42 heures (17 euros de l'heure),
- 829,50 euros émise le 2 mai 2019 pour 40,50 heures (17 euros de l'heure).
A l'appui de sa demande en paiement des quatre factures, la société Amane communique pour les trois premières un document dénommé 'bon de commande' établi sur papier à en tête de la société CSD ; si ce document n'est effectivement signé que de la société Amane qui a fait précéder sa signature de la mention 'bon pour accord', il ne peut pour autant en être tiré aucune conséquence dès lors qu'il n'est pas discuté par la société CSD qu'elle a bien émis ce document.
Ce document y détaille, pour chacun des mois de janvier à mars 2019, les dates d'intervention, l'heure d'arrivée et de départ de l'agent de sécurité, le lieu d'intervention indiqué selon un code précisé à la fin de ce document. Il y répertorie le nombre d'heures effectuées au taux horaire de 17 euros et celles au taux majoré de 34 euros pour les jours fériés, nombre répertorié sur la facture.
Malgré l'intitulé de ce document, la cour constate qu'il est daté, non pas d'une date antérieure à la réalisation des prestations mais du dernier jour de chacun des mois facturés ; il constitue ainsi, de la part de la société CSD, un état des heures réalisées par la société Amane pendant le mois écoulé et facturé au vu des éléments que celle-ci lui a transmis de sorte que, comme le soutient l'appelante, la société CSD a été nécessairement en possession d'un 'récapitulatif écrit des heures de gardiennage ponctuel et constant et ce, quotidiennement' tel qu'exigé au contrat.
Ce document reflète d'ailleurs la pratique habituelle des parties qui étaient contractuellement liées depuis le mois de novembre 2015, la société Amane versant aux débats plusieurs factures, émises entre avril et
décembre 2018 et payées sans contestation par la société CSD, auxquelles est joint le même type de 'bon de commande' que celui communiqué à l'appui des factures litigieuses et établi à la fin de chacune des périodes facturées.
Il est joint à la dernière facture, un planning du mois d'avril 2019 édité par la société CSD et portant commande manuscritement à la société Amane pour son intervention de 40,50 heures sur le site dénommé 'marché du terroir', la société Amane ayant accepté cette prestation. Dans la suite de la réalisation de ce bon de commande, la société CSD ne justifie pas avoir contesté la réalité de cette prestation.
Dans ces circonstances, la société CSD n'est pas fondée à invoquer la fictivité des interventions de la société Amane, dont elle a allégué, sans que la preuve en soit apportée, que cette dernière aurait bénéficié d'un accord de son ancien dirigeant, M. [C] [R], pour facturer des prestations qui n'étaient pas celles effectuées physiquement ; elle justifie uniquement avoir déposé plainte à l'encontre de ce dernier à la suite de l'usage frauduleux de chèques et diligenté à son encontre une procédure devant le tribunal de commerce, la société CSD lui reprochant, en sa qualité de dirigeant, de s'être versé une rémunération excessive et non autorisée et d'avoir indûment prélevé des fonds sur les comptes de la société.
Au regard des déclarations Urssaf qu'elle communique sous sa pièce 16 sur l'intégralité de la période facturée, la société Amane a employé six salariés en janvier, puis ensuite de février à avril 2019, cinq salariés ; selon le calcul opéré par la société CSD elle-même dans sa lettre d'opposition à l'ordonnance d'injonction de payer sur la base d'une durée mensuelle de 120 heures travaillée par chaque salarié, le nombre d'heures facturé est compatible avec ce nombre de salariés pour les factures de mars et avril.
S'il ne l'est effectivement pas pour les mois de janvier et février, la société Amane justifie cependant, en produisant l'attestation de son ancien dirigeant et le contrat de partenariat conclu avec la société Phoenix, qu'elle avait recours à la sous-traitance, quand bien même l'attestation de l'ancien dirigeant de la société CSD n'est pas retenue compte tenu du contentieux qui l'oppose à cette dernière ; même si la société Amane n'était pas autorisée, au terme du contrat, à faire effectuer partie ou totalité de son mandat par une autre société, la non observation de cette règle ne pourrait se résoudre qu'en dommages et intérêts et non justifier le refus de paiement des prestations dont la réalité n'a pas été déniée par la société CSD lorsqu'elle a établi le document récapitulant les prestations mensuellement effectuées.
De surcroît, la société Amane verse également aux débats plusieurs plannings pour des prestations de gardiennage, établis par la société CSD et transmis, selon les mentions manuscrites qui y sont portées, à l'ancien dirigeant de l'appelante, M. [B] [I], dénommé 'Momo' comme le confirment les mails échangés avec '[H]', son interlocuteur au sein de la société CSD en juin 2019 ; elle communique également le planning mensuel de la société Amane, 'trié par site' pour le mois de février 2019, tel qu'édité par la société CSD le 11 mars 2019, postérieurement donc à la réalisation des prestations, confirmant ainsi que la société CSD ne contestait pas la réalité de ces interventions pour un total de 1 603,58 heures correspondant au nombre d'heures facturées en février 2019.
Enfin, la société CSD qui ne l'a jamais allégué ni en réponse aux mises en demeure de paiement ni en première instance, ne peut valablement s'opposer au paiement des prestations telles qu'elles figurent sur les 'bons de commandes' établis au nom de la société Amane au motif qu'elle a payé ces mêmes prestations à la société Bour sécurité selon quatre factures d'un montant respectivement de 66 554,97 euros, 57 481,57 euros, 63 179,77 euros et 61 567,57 euros correspondant pour partie à des prestations effectuées sur les mêmes sites que celles facturées par la société Amane, l'intimée ne fournissant aucune explication pour justifier de la communication particulièrement tardive de cet élément de fait.
Dans ces circonstances, il convient, infirmant le jugement sauf en ce qu'il a dit l'opposition de la société CSD recevable, de condamner la société CSD à verser à la société Amane la somme totale de 106 620,15 euros ; selon la mention portée sur les factures, le taux d'intérêt dû en cas de retard de paiement est égal à trois fois le taux légal, ce qui est conforme au taux d'intérêt minimal qui est prévu en cas de retard de paiement par les dispositions de l'article L.441-6 devenu l'article L.441-10 du code de commerce de sorte que la condamnation portera intérêt à ce taux à compter du 4 juillet 2019, date de l'ordonnance d'injonction de payer comme le sollicite l'appelante.
Sur la demande au titre de l'astreinte :
La société Amane expose que la pièce communiquée par la société CSD, avec ses écritures du 4 mai 2002, ne satisfait pas aux exigences de l'ordonnance du conseiller de la mise en état dès lors qu'elle est biffée et inexploitable. S'appuyant sur un arrêt de la Cour de cassation (2ème civ. 21 février 2008, 07-17160), elle précise que la cour d'appel, encore saisie de l'affaire, est compétente pour statuer sur la demande en liquidation d'une astreinte prononcée par le conseiller de la mise en état et qu'il convient, sur le fondement de l'article L.631-4 du code des procédures civiles d'exécution, de fixer le montant de l'astreinte provisoire à la somme de 15 000 euros, la société CSD n'étant pas fondée à invoquer encore la nécessaire préservation du secret des affaires alors même que le conseiller de la mise en état avait limité la production aux comptes client et non au grand livre en son entier.
La société CSD qui, in limine litis, soulève l'incompétence de la cour pour liquider l'astreinte ordonnée par le conseiller de la mise en état, au visa des articles L.131-3 et R.131-2 du code des procédures civiles d'exécution, soutient que cette ordonnance a été correctement exécutée dans la mesure où si la pièce a été partiellement biffée, uniquement pour les comptes clients sans lien avec l'affaire, afin de protéger l'intérêt légitime de la société CSD, elle reste parfaitement exploitable pour les besoins de la cause ; elle communique également un tableau de correspondance des noms de site tels qu'il ressortent des factures et des noms des clients figurant au grand livre et demandant qu'il soit appliqué le principe de proportionnalité entre la sauvegarde du secret des affaires et le droit à un procès équitable.
Très subsidiairement, elle fait valoir, au visa de l'article L.421-2 du code des procédures civiles d'exécution que la somme réclamée par la société Amane est totalement disproportionnée au regard de son éventuel préjudice, observant qu'elle ne lui a demandé aucun complément de pièce.
Selon l'article L. 131-3 du code des procédures civiles d'exécution, l'astreinte, même définitive, est liquidée par le juge de l'exécution, sauf si le juge qui l'a ordonnée reste saisi de l'affaire ou s'en est expressément réservé le pouvoir.
La cour d'appel, dès lors qu'elle est encore saisie de l'affaire, est compétente pour liquider l'astreinte ordonnée par le conseiller de la mise en état.
Selon l'article L.131-4 du même code le montant de l'astreinte provisoire est liquidé en tenant compte du comportement de celui à qui l'injonction a été adressée et des difficultés qu'il a rencontrées pour l'exécuter. Le taux de l'astreinte définitive ne peut jamais être modifié lors de sa liquidation.
L'astreinte provisoire ou définitive est supprimée en tout ou partie s'il est établi que l'inexécution ou le retard dans l'exécution de l'injonction du juge provient, en tout ou partie, d'une cause étrangère.
En outre, si l'article L.131-2 du code des procédures civiles d'exécution précise en son premier alinéa que l'astreinte est indépendante des dommages et intérêts, l'article L.421-2 du même code dispose que par exception, le montant de l'astreinte une fois liquidée ne peut excéder la somme compensatrice du préjudice effectivement causé. Il est tenu compte, lors de sa fixation des difficultés que le débiteur a rencontrées pour satisfaire à l'exécution de la décision.
Il est admis par la société Amane que la société CSD lui a adressé la pièce litigieuse dans le délai fixé par le conseiller de la mise en état ; s'il est constant que ce document a été amputé de nombreuses mentions qui sont devenues illisibles, la société Amane dont la demande principale a été accueillie ne peut arguer d'aucun préjudice en lien avec le défaut de communication complète du compte client de sorte qu'elle sera déboutée de sa demande de liquidation de l'astreinte provisoire à 15 000 euros.
Sur la demande indemnitaire pour résistance abusive :
La société Amane, sur le fondement des articles 1240 et 1241 du code civil, reproche à la société CSD d'avoir refusé d'exécuter l'obligation à laquelle elle était pourtant contractuellement tenue et de ne pas hésiter à persévérer dans son entêtement et à nier la réalité des prestations effectuées. Elle soutient que faute d'avoir été réglée, elle a dû souscrire un prêt d'un montant de 62 000 euros.
La société CSD conteste tout résistance abusive en exposant qu'il était normal qu'elle souhaite s'assurer du bon respect de ses obligations par son contractant, s'agissant en particulier des déclarations à l'Urssaf de son personnel ; elle conteste le lien de causalité entre la conclusion du contrat de prêt allégué par l'appelante et les faits litigieux.
Dans la mesure où la demande de la société Amane n'a pas été accueillie par le tribunal, il ne peut être considéré que la résistance au paiement de la société CSD ait été abusive de sorte que le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté l'appelante de toute demande de ce chef.
PAR CES MOTIFS
Statuant par arrêt contradictoire,
Déclare l'appel de la société Amane fast interventions recevable ;
Infirme le jugement du 19 mai 2021sauf en ce qu'il a dit la société CSD recevable en son opposition et en ce qu'il a débouté la société Amane fast interventions de sa demande de dommages et intérêts pour résistance abusive ;
Statuant à nouveau,
Condamne la société CSD à payer à la société Amane fast interventions la somme de 106 620,15 euros avec intérêts égal à trois fois le taux légal à compter du 4 juillet 2019 ;
Dit que la cour a le pouvoir juridictionnel de statuer sur la demande d'astreinte ;
Déboute la société Amane fast interventions de sa demande au titre de l'astreinte provisoire ;
Condamne la société CSD à verser à la société Amane fast interventions la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la société CSD aux dépens de première instance et d'appel
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame Marie-Andrée BAUMANN, Conseiller, pour la Présidente empêchée et par Madame Sabine NOLIN, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le greffier, Le conseiller,