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15/11/2022 | FRANCE | N°21/05835

France | France, Cour d'appel de Versailles, 1re chambre 2e section, 15 novembre 2022, 21/05835


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 51Z



1re chambre 2e section



ARRET N°



REPUTE CONTRADICTOIRE



DU 15 NOVEMBRE 2022



N° RG 21/05835 - N° Portalis DBV3-V-B7F-UX2I



AFFAIRE :



Mme [P] [N]

...



C/



M. [M]-[E]

...







Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 26 Juillet 2021 par le Tribunal de proximité de MONTMORENCY



N° RG : 11-21-0611



Expédi

tions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le : 15/11/22

à :



Me Philippe RAOULT



Me Christophe SOVRAN-CIBIN

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE QUINZE NOVEMBRE DEUX MILLE VINGT DEUX,

La cour d'appel de Versailles, a rendu...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 51Z

1re chambre 2e section

ARRET N°

REPUTE CONTRADICTOIRE

DU 15 NOVEMBRE 2022

N° RG 21/05835 - N° Portalis DBV3-V-B7F-UX2I

AFFAIRE :

Mme [P] [N]

...

C/

M. [M]-[E]

...

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 26 Juillet 2021 par le Tribunal de proximité de MONTMORENCY

N° RG : 11-21-0611

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le : 15/11/22

à :

Me Philippe RAOULT

Me Christophe SOVRAN-CIBIN

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE QUINZE NOVEMBRE DEUX MILLE VINGT DEUX,

La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Madame [P] [N]

[Adresse 1]

[Localité 5]

Représentant : Maître Philippe RAOULT de la SELARL RAOULT PHILIPPE, Postulant et Plaidant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 172 - N° du dossier P21129

Monsieur [S] [A]

[Adresse 1]

[Localité 5]

Représentant : Maître Philippe RAOULT de la SELARL RAOULT PHILIPPE, Postulant et Plaidant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 172 - N° du dossier P21129

APPELANTS

****************

Société SOLINTER ACTIFS 1 Société par actions simplifiées

N° SIRET : 814 789 392 RCS PARIS

Ayant son siège

[Adresse 3]

[Localité 4]

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Représentant : Maître Christophe SOVRAN-CIBIN de la SELARL SOVRAN-CIBIN, Postulant et Plaidant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 195

INTIMEE

Monsieur [M]-[E]

[Adresse 2]

[Localité 6]

Madame [B]-[H]

[Adresse 2]

[Localité 6]

Assignés à personne

INTIMES DEFAILLANTS

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 20 Septembre 2022 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Jean-Yves PINOY, conseiller, et Monsieur Philippe JAVELAS, Président chargé du rapport.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Philippe JAVELAS, Président,

Monsieur Jean-Yves PINOY, Conseiller,

Madame Rose-May SPAZZOLA, Conseillère,

Greffier, lors des débats : Madame Françoise DUCAMIN

EXPOSE DU LITIGE

Par acte sous seing privé du 21 octobre 2018, la société Solinter Actifs 1, filiale de CDC habitat social, a donné à bail d'habitation à Mme [P] [N] et M. [S] [A] un appartement situé [Adresse 2]) moyennant un loyer mensuel de 759 euros et une provision pour charges de 157, 61 euros, porté en 2021 à un loyer de 786 euros et la même provision pour charges.

Via l'espace locataire de la société, Mme [N] et M. [A] se sont plaints à plusieurs reprises, entre mars 2019 et mai 2021, du comportement de leurs voisins, Monsieur [M]-[E] et Madame [B]- [H], résidant dans l'appartement A 202. Ils ont également déposé des mains courantes.

Par courriers recommandés des 22 octobre 2020, 16 novembre 2020, et 8 décembre 2020, la protection juridique de M. [A] a sommé le bailleur d'agir en raison des nuisances subies et du fait de l'absence d'intervention sur des désordres affectant le volet roulant de l'appartement de M. [A].

M. [A] et Mme [N] ont donné congé le 7 mai 2021 pour une prise d'effet au 6 juin 2021.

Par acte d'huissier de justice délivré le 2 juin 2021, M. [A] et Mme [N] ont assigné la société Solinter Actifs 1, M. [M]-[E] et Mme [B]-[H] devant le juge des contentieux de la protection du tribunal de proximité de Montmorency aux fins de :

- les voir condamnés in solidum à leur payer la somme de 9 241 euros de dommages et intérêts avec intérêts de retard au taux légal à compter de la délivrance de l'assignation se décomposant ainsi :

* 5 241 euros au titre du préjudice de jouissance,

* 4 000 euros au titre du préjudice moral,

- les voir condamnés in solidum à leur payer la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société Solinter Actifs 1 aux entiers dépens.

Par jugement réputé contradictoire du 26 juillet 2021, le juge des contentieux de la protection tribunal de proximité de Montmorency a :

- débouté M. [A] et Mme [N] de l'ensemble de leurs demandes,

- laissé les dépens à la charge de M. [A] et Mme [N].

Par déclaration reçue au greffe le 23 septembre 2021, Mme [N] et M. [A] ont relevé appel de ce jugement.

Aux termes de leurs conclusions signifiées le 28 octobre 2021, Mme [N] et M. [A], appelants, demandent à la cour de :

- les recevoir en leur appel, les déclarer bien fondés,

- infirmer en tous points le jugement entrepris et statuant à nouveau,

- dire qu'ils ont souffert dans les lieux qui leur été loués par la société Solinter Actifs 1 de troubles anormaux du voisinage entre mars 2019 et mai 2021,

- déclarer M. [M]-[E] et Mme [B]-[H] responsables de ces troubles anormaux de voisinage sur le fondement de l'article 1240 du code civil,

- dire que la responsabilité du bailleur, la société Solinter Actifs 1, est également engagée pour ne pas avoir pris des mesures propres à faire cesser ces troubles,

- condamner en conséquence in solidum la société Solinter Actifs 1, M. [M]-[E] et Mme [B]-[H] à les indemniser des préjudices subis,

- les condamner en conséquence sous la même solidarité à leur payer la somme de 5 241 euros au titre du préjudice de privation de jouissance et 4 000 euros au titre du préjudice moral,

- les condamner encore au paiement d'une indemnité de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Aux termes de ses conclusions signifiées le 24 juin 2022, la société Solinter Actifs 1, intimée, demande à la cour de :

- déclarer Mme [N] et M. [A] recevables mais entièrement mal fondés en leur appel,

- en conséquence, les débouter de l'ensemble de leurs prétentions et confirmer la décision entreprise en toutes ses dispositions,

- condamner in solidum Mme [N] et M. [A] à lui payer la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner Mme [N] et M. [A] in solidum au paiement des dépens de première instance et d'appel, avec le bénéfice de l'article 699 du code de procédure civile.

Mme [B]-[H], intimé, n'a pas constitué avocat. Par acte d'huissier de justice délivré le 3 novembre 2021, la déclaration d'appel et les conclusions des appelants lui ont été signifiées par remise à personne physique. Les conclusions de l'intimée lui ont été signifiées par acte d'huissier de justice délivré le 18 février 2022 par remise à l'étude.

M. [M]-[E], intimé, n'a pas constitué avocat. Par acte d'huissier de justice délivré le 3 novembre 2021, la déclaration d'appel et les conclusions des appelants lui ont été signifiées par remise à personne physique. Les conclusions de l'intimée lui ont été signifiées par acte d'huissier de justice délivré le 18 février 2022 par remise à l'étude.

La clôture de l'instruction a été prononcée le 8 septembre 2022.

Conformément à l'article 455 du code de procédure civile, pour plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens soutenus par les parties, la cour se réfère à leurs écritures et à la décision déférée.

M. [M]-[E] et Madame [B]-[H], intimés, ayant été cités à personne, la cour statuera par décision réputée contradictoire en application des dispositions de l'article 474, alinéa 1, du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

I) Sur les demandes indemnitaires de Mme [N] et M. [A]

Les appelants font grief à la décision contestée d'avoir rejeté leur demande d'indemnisation, en raison du fait que la preuve des troubles de voisinage allégués et imputés à leurs voisins n'était pas rapportée.

Poursuivant l'infirmation de ce chef du jugement dont appel, ils recherchent la responsabilité de leurs voisins - Mme [B] [H] et M. [M] [E] - sur le fondement de l'article 1240 du code civil et celle de leur bailleur - la société Solinter actifs 1 - au visa de l'article 1719, alinéa 3, du code civil, en vertu duquel le bailleur doit à ses locataires une jouissance paisible des lieux loués.

Ils sollicitent la condamnation solidaire de leur bailleresse et de leurs voisins intimés à leur payer une somme de 5 241 euros en indemnisation de leur préjudice de jouissance et de 4 000 euros en réparation de leur préjudice moral.

Au soutien de leurs demandes indemnitaires, ils font valoir devant la cour que :

- le courrier qu'ils ont adressé au maire de la commune de [Localité 6] était signé par trois autres voisins,

- ils produisent, en outre, une attestation de Mme [W] qui précise être très gênée par les nuisances sonores,

- ils ont demandé à plusieurs reprises et sans succès à leur bailleur de réparer l'arrivée électrique du volet roulant de l'appartement,

- les nuisances subies étaient si importantes qu'ils ont été contraints de renoncer à leur logement et de déménager.

La société Solinter actifs 1 rétorque que :

- la preuve objective de troubles du voisinage n'est pas rapportée, comme l'a relevé le premier juge,

- s'agissant du volet roulant, sa responsabilité ne peut être engagée, le défaut signalé ayant été réparé.

Réponse de la cour

Il ressort des dispositions de l'article 1719-3° du Code civil et de l'article 6 de la loi du 6 juillet 1989 que le bailleur a l'obligation d'assurer au locataire une jouissance paisible des lieux donnés à bail, ce qui emporte interdiction faite au bailleur de troubler la possession de son preneur et l'usage convenu, que ce soit par son fait personnel ou celui des personnes dont il a la charge et la responsabilité.

L'obligation de jouissance paisible est une obligation de résultat qui ne cesse qu'en cas de force majeure (Cass. 3e civ., 29 avril 2009, n°08-12.261, [T] c/[F]) ou de faute de la victime mais présentant les caractéristiques de la force majeure (Cass. 3e civ., 5 janvier 2010, n°08-21.140, [Z] c/ [K]).

Il résulte de ces dispositions que le fait que le bailleur ait réagi avec diligence pour faire cesser les nuisances n'empêche pas la réparation du trouble de jouissance subi par le locataire dès lors que ce trouble est établi.

Il incombe néanmoins au locataire d'établir l'existence des troubles de voisinage et de l'atteinte à sa jouissance paisible des lieux.

En l'espèce, Mme [N] et M. [A] versent aux débats :

- de nombreux signalements faits à la bailleresse, entre les mois de septembre 2019 et octobre 2020, pour dénoncer des incivilités commises par leurs voisins, M. [M] et Mme [B], à qui il est reproché de faire sécher du linge sur les rambardes de leur balcon, des vomissures sur le balcon, des jets d'objets par la fenêtre, des fêtes très bruyantes et tardives réunissant des dizaines de convives et suscitant des attroupements au bas de l'immeuble en raison de l'importance des nuisances sonores, des travaux non moins bruyants exécutés la nuit,

- cinq mains courantes dénonçant ces mêmes incivilités,

- une lettre adressée par la bailleresse aux appelants le 6 mars 2020 dans lequel il est indiqué qu'un courrier a été adressé à leur voisin pour lui rappeler les règles de la vie en collectivité,

- une lettre adressée par M. [A] et signée par Mme [N] et deux autres locataires - M. [O] et M. [Y] - au maire de la commune de [Localité 6] l'informant que les familles [M] [E] [B] [H] ' s'adonnent chaque fin de semaine à toutes sortes de festivités', perturbant ainsi leur qualité de vie et leur sommeil, et sollicitant son intervention pour faire cesser ce tapage,

- un signalement du 26 août 2020 informant la bailleresse du fait que ' l'électricité n'arrive pas jusqu'au volet roulant, qu'un technicien est intervenu sur ce volet roulant et a fait ce constat', accompagné d'un nouveau signalement du 16 octobre 2020 indiquant que le problème n'a reçu aucune solution,

- une attestation de Mme [X] [W], voisine, indiquant être elle-même très gênée par les nuisances sonores en provenance de l'appartement de M. [M] [E] et [B] [H]. Mme [W] indique ' de très forts sons de musique sont entendus toute la nuit jusqu'au matin.

J'ai déjà eu à me rendre chez le voisin du A202 pour leur demander de baisser le son. Sans succès. Cette nuisance sonore est récurrente en semaine comme les week-ends. Parfois des travaux sont faits la nuit et là aussi, bruit de perceuse pendant près d'une heure en semaine. A ce jour rien n'y fait. Le

voisin du A 202 continue le vacarme musical à haut volume nuit et jour. C'est difficile de trouver le sommeil dans ces conditions'.

Ces pièces, contrairement à ce qui a été retenu par le premier juge, démontrent à suffisance et même en l'absence de constat d'huissier de justice, que les consorts [N] - [A] ont subi un trouble excédant les inconvénients ordinaires de voisinage, et dépassant la mesure coutumière de ce qui doit être supporté entre voisins et que ces dommages sont imputables aux consorts [M]-[E], [B] [H].

Ce trouble de jouissance est important puisqu'il a contraint les appelants à changer de logement.

Le trouble subi engage également la responsabilité de la bailleresse, dès lors qu'il caractérise un manquement à l'obligation que fait peser sur elle l'article 1719, alinéa 3, du code civil, étant rappelé que le bailleur ne peut être exonéré de sa responsabilité par l'envoi d'une mise en demeure au locataire de faire cesser les nuisances (Cass. 3ème civ. 17 avril 1996, n°94-15.876) et que le bailleur est tenu de réparer les dommages résultant du trouble de jouissance que ses locataires se causent entre eux.

La bailleresse a également manqué à son obligation d'entretenir la chose louée en état de servir à l'usage pour lequel elle a été louée et n'a pas permis à son locataire de jouir paisiblement du logement loué en n'y exécutant pas, dans les meilleurs délais, la réparation rendue nécessaire en cours de bail du volet roulant défectueux, qui lui incombait.

Compte tenu de la durée et de l'intensité du trouble subi, le préjudice des appelants sera intégralement réparé par la condamnation in solidum des intimés à payer à Mme [N] et M. [A] une indemnité de 5 000 euros.

Le préjudice moral est, en revanche, insuffisamment caractérisé, en sorte que le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a a débouté les appelants de leur demande indemnitaire en réparation de ce préjudice.

II) Sur les demandes accessoires

Les intimés, qui succombent, seront condamnés aux dépens de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant par arrêt réputé contradictoire et par mise à disposition au greffe,

Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions à l'exception de celle ayant débouté Mme [P] [N] et M. [S] [A] de leur demande en réparation de leur préjudice moral;

Statuant à nouveau

Condamne in solidum la société Solinter actifs 1, d'une part, et M. [M]-[E] et Mme [B]-[H], d'autre part, à payer à Mme [P] [N] et M. [S] [A] une indemnité de 5 000 euros en réparation de leur préjudice de jouissance ;

Déboute la société Solinter actifs 1 et M. [M]-[E] et Mme [B]-[H] de la totalité de leurs demandes ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Solinter actifs 1 et M. [M]-[E] et Mme [B]-[H] à payer à Mme [P] [N] et M. [S] [A] une indemnité de 2 000 euros ;

Condamne la société Solinter actifs 1 et M. [M]-[E] et Mme [B]-[H] aux dépens de première instance et d'appel.

- prononcé hors la présence du public par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Monsieur Philippe JAVELAS, Président et par Madame Françoise DUCAMIN, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 1re chambre 2e section
Numéro d'arrêt : 21/05835
Date de la décision : 15/11/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-11-15;21.05835 ?
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