La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

24/11/2022 | FRANCE | N°20/02338

France | France, Cour d'appel de Versailles, 15e chambre, 24 novembre 2022, 20/02338


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 80A



15e chambre



ARRÊT N°





CONTRADICTOIRE





DU 24 NOVEMBRE 2022





N° RG 20/02338



N° Portalis DBV3-V-B7E-UDOP





AFFAIRE :





S.A.S. CHEZ JOJO





C/





[L] [C]





Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 09 Septembre 2020 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de Boulogne-Billancourtr>
N° Section : Commerce

N° RG : F18/01165



Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :





Me Didier LEICK de la SCP LEICK RAYNALDY & ASSOCIES



Me Lionel PARIENTE de la SELARL PARIENTE & Associés





le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE F...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

15e chambre

ARRÊT N°

CONTRADICTOIRE

DU 24 NOVEMBRE 2022

N° RG 20/02338

N° Portalis DBV3-V-B7E-UDOP

AFFAIRE :

S.A.S. CHEZ JOJO

C/

[L] [C]

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 09 Septembre 2020 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de Boulogne-Billancourt

N° Section : Commerce

N° RG : F18/01165

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Didier LEICK de la SCP LEICK RAYNALDY & ASSOCIES

Me Lionel PARIENTE de la SELARL PARIENTE & Associés

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT-QUATRE NOVEMBRE DEUX MILLE VINGT DEUX,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant, initialement fixé au 19 octobre 2022, différé au 20 octobre 2022, puis prorogé au 17 novembre 2022, puis prorogé au 24 novembre 2022, les parties ayant été avisées, dans l'affaire entre :

S.A.S. CHEZ JOJO

N° SIRET : 833 432 859

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentant : Me Didier LEICK de la SCP LEICK RAYNALDY & ASSOCIES, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0164 substitué par Me Rose SKENADJE, avocat au barreau de PARIS

APPELANTE

****************

Monsieur [L] [C]

né le 18 Septembre 1976 à [Localité 4] (Maroc)

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentant : Me Lionel PARIENTE de la SELARL PARIENTE & Associés, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : B0372 substitué par Me Florence GARDEZ, avocat au barreau de LILLE

INTIMÉ

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 21 juin 2022 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Régine CAPRA, Présidente chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Régine CAPRA, Présidente,

Monsieur Jean-Yves PINOY, Conseiller,

Madame Perrine ROBERT, Vice-présidente placée,

Greffier lors des débats : Madame Carine DJELLAL,

EXPOSE DU LITIGE

M. [L] [C] a été engagé à compter du 18 octobre 2006, en qualité de second de cuisine, niveau II, échelon 1, puis de chef de cuisine, statut non cadre, par contrat de travail à durée indéterminée, pour 39 heures de travail par semaine, par la société Bok'Bar, exploitant sous l'enseigne 'La Place'un fonds de commerce de bar, brasserie, restaurant, sis [Adresse 2]. Le fonds de commerce était ouvert à la clientèle du lundi au samedi de 7h à 23h et fermé le dimanche et les jours fériés.

L'établissement a été fermé pour travaux à compter du mois de septembre 2017.

La société Bok'Bar a cédé son fonds de commerce à la société Chez Jojo selon acte du 19 janvier 2018.

Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 20 janvier 2018, la société Chez Jojo a informé M. [C] de ce que son contrat de travail lui a été transféré à compter du 1er janvier 2018.

Les relations entre les parties sont soumises à la convention collective nationale des hôtels, cafés, restaurants.

Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 27 juillet 2018, la société Chez Jojo a licencié M. [C] pour faute grave.

La Société Chez Jojo employait habituellement moins de 11 salariés au moment du licenciement.

Par requête du 25 septembre 2018, reçue au greffe le 26 septembre 2018, M. [C] a saisi le conseil de prud'hommes de Boulogne-Billancourt afin de contester son licenciement et d'obtenir le versement de diverses sommes.

Par jugement du 9 septembre 2020, auquel la cour renvoie pour l'exposé des demandes initiales des parties et de la procédure antérieure, le conseil de prud'hommes de Boulogne-Billancourt a :

- fixé la rémunération mensuelle brute de M. [C] à la somme de 2 317,87 euros ;

- dit que le licenciement de M. [C] est pourvu de cause réelle et sérieuse ;

- en conséquence, a condamné la société Chez Jojo à verser à M. [C] les sommes suivantes :

* 1 423,17 euros à titre de rappel de salaires,

* 142,31 euros à titre de congés payés afférents,

* 7 146,75 euros à titre d'indemnité de licenciement,

* 4 635,74 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

* 463,57 euros à titre de congés payés afférents,

* 2 317,87 euros à titre d'indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement,

* 895 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- débouté M. [C] pour le surplus de ses demandes ;

- débouté la société Chez Jojo de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire ;

- condamné la société Chez Jojo aux entiers dépens de l'instance.

La société Chez Jojo a interjeté appel de cette décision par déclaration au greffe du 20 octobre 2020.

Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par Rpva le 25 janvier 2022, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens, elle demande à la cour de la déclarer recevable et bien-fondée en son appel et ses écritures tant présentes que précédentes, et, y faisant droit, d'infirmer partiellement le jugement entrepris et, statuant à nouveau, de :

- dire que M. [C] s'est rendu coupable de fautes graves justifiant son licenciement,

- en conséquence, dire que M. [C] ne peut prétendre à une indemnisation au titre :

* du rappel de salaires et des congés payés afférents,

* de l'indemnité de licenciement,

* de l'indemnité compensatrice de préavis et des congés payés afférents,

- condamner M. [C] à la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance,

- confirmer le jugement entrepris pour le surplus.

Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par Rpva le 14 mars 2022, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens, M. [C] demande à la cour de le déclarer recevable et bien-fondé en sa qualité d'intimé et recevoir ses écritures et, statuant à nouveau, de :

- fixer la moyenne des rémunérations à 2520,31 euros brut,

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société Chez Jojo au versement de la somme de 1 423,17 euros au titre du rappel de salaire et de la somme de 142,31 euros au titre des congés payés afférents,

- confirmer le jugement en son principe mais le réformer en son quantum en ce qui concerne le montant des condamnations prononcées en première instance et condamner la société Chez Jojo à lui payer de ces chefs :

* indemnité compensatrice de préavis : 5 040,62 euros,

* congés payés afférents : 504,62 euros,

* indemnité légale de licenciement : 7 770,94 euros,

* indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement : 2 520,31 euros,

* article 700 du code de procédure civile (première instance) : 2 500 euros,

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il l'a débouté de sa demande visant à voir juger son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et condamner la société Chez Jojo au versement des sommes suivantes :

* indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 20 162,48 euros,

*dommages-intérêts pour violation de l'exécution de bonne foi du contrat de travail : 2500 euros,

- condamner en outre la société au paiement d'une indemnité de 2000 euros sur le fondement de l'article

700 du code de procédure civile pour les frais engagés en cause d'appel,

- condamner la société Chez Jojo au paiement des entiers dépens d'instance comprenant les frais d'exécution du jugement à intervenir.

La clôture de l'instruction a été prononcée le 25 mai 2022.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur le rappel de salaire :

La société Chez Jojo demande à la cour d'infirmer les dispositions du jugement l'ayant condamnée à payer à M. [C] la somme de 1 423,17 euros à titre de rappel de salaires et la somme de 142,31 euros à titre de congés payés afférents. M. [C] sollicite la confirmation de ces dispositions.

Il résulte des bulletins de paie délivrés à M. [C] par la société Bok'Bar que cette dernière a versé au salarié les salaires suivants :

- en période d'activité, de mars à août 2017, une somme nette de 2 400 euros, calculée à partir des éléments suivants :

* de mars à juillet 2017, à partir d'un salaire mensuel brut de 3 096,57 euros pour 169 heures de travail, dont 2 750,83 euros pour 151,67 heures et 345,74 euros pour 17,33 heures supplémentaires, sur la base d'un taux horaire de 18,137 euros ;

* en août 2017, à partir d'un salaire mensuel brut de 3 083,75 euros pour 169 heures de travail, dont 2 739,44 euros pour 151,67 heures et 344,31 euros pour 17,33 heures supplémentaires, sur la base d'un taux horaire de 18,062 euros ;

- après la fermeture du restaurant au 31 août 2017 :

* en septembre 2017, une somme nette de 2 000,10 euros calculée à partir d'un salaire mensuel brut de 2 556,45 euros pour 169 heures de travail, dont 2 271,01 euros pour 151,67 heures et 285,44 euros pour 17,33 heures supplémentaires, sur la base d'un taux horaire de 14,973 euros ;

* d'octobre à décembre 2017, une somme nette de 1800 euros, calculée à partir des éléments suivants :

* en octobre 2017, à partir d'un salaire mensuel brut de 2 488,17 euros pour 169 heures de travail, dont 2 210,36 euros pour 151,67 heures et 277,81 euros pour 17,33 heures supplémentaires, sur la base d'un taux horaire de 14,573 euros ;

- en novembre 2017, à partir d'un salaire mensuel brut de 2 254,45 euros pour 169 heures de travail, dont 2 086,23 euros pour 151,67 heures et 262,21 euros pour 17,33 heures supplémentaires, sur la base d'un taux horaire de 13,755 euros ;

- en décembre 2017, à partir d'un salaire mensuel brut de 2 297,78 euros pour 169 heures de travail, dont 2 041,22 euros pour 151,67 heures et 256,56 euros pour 17,33 heures supplémentaires, sur la base d'un taux horaire de 13,458 euros.

Il est établi que le salarié a perçu de la société Chez Jojo de janvier à juin 2018, un salaire mensuel brut de 2 317,87 euros pour 151,67 heures de travail, calculé sur la base d'un taux horaire de 15,282 euros, ayant donné lieu à un salaire net à payer de 1 800 euros de janvier à avril 2018 et de 1 802,32 euros en mai et juin 2018 et qu'il a été considéré en absence non rémunérée du 1er au 31 juillet 2018. La société Chez Jojo indique qu'elle s'est basée sur le salaire mensuel brut de M. [C] de 2 317,87 euros pour une durée de travail mensuelle de 151,67 euros mentionné en page 9 de la promesse de vente sous condition suspensive du fonds de commerce signée par sa société holding, la société JNH Holding, avec la société Bok'Bar le 26 juillet 2017, qui précisait qu'il correspondait au salaire de M. [C] du mois de juillet 2017, et non sur le salaire mensuel brut de M. [C] de 2 750,73 euros pour une durée de travail mensuelle de 151,67 euros mentionné en page 10 de l'acte de cession du fonds de commerce qu'elle a elle-même signé avec la société Bok'Bar le 19 janvier 2018, qui précisait qu'il correspondait au salaire de M. [C] du mois de décembre 2017, ce qui était manifestement erroné.

M. [C] est bien fondé à se prévaloir de la durée de travail de 39 heures par semaine stipulée dans son contrat de travail du 18 octobre 2006, transféré de plein droit à la société Chez Jojo en application de l'article L. 1224-1 du code du travail. Aucun élément ne justifie les baisses successives du salaire mensuel brut de M. [C]. Au vu de ses bulletins de paie, le salarié, rémunéré en septembre 2017 sur la base d'un salaire mensuel brut de 2 556,45 euros pour 39 heures de travail par semaine, est bien fondé à prétendre au salaire mensuel brut de 2 520,31 euros qu'il revendique, sans que l'employeur puisse lui opposer, au regard de l'effet relatif des conventions, la mention de la promesse de vente sous condition suspensive du fonds de commerce selon laquelle son salaire mensuel brut était au mois de juillet 2017 de 2 317,87 euros pour 151,67 heures de travail, ce qui était inexact au vu du bulletin de paie du mois de juillet produit. Il convient en conséquence de fixer le salaire mensuel brut de M. [C] à compter du 1er janvier 2018 à la somme de 2 520,31 euros qu'il revendique, et de confirmer en conséquence le jugement entrepris en ce qu'il a condamné l'employeur à payer au salarié sur la base de ce salaire, la somme de 1 423,17 euros à titre de rappel de salaires pour la période de janvier à juillet 2018 ainsi que la somme de 142,31 euros au titre des congés payés afférents.

Sur le licenciement

La lettre de licenciement en date du 27 juillet 2018 notifiée par la société Chez Jojo à M. [C], qui fixe les limites du litige, est rédigée comme suit :

'Nous vous informons, par la présente, de notre décision de vous licencier pour les motifs suivants :

-refus d'exécuter les tâches confiées,

-absences non justifiées.

Ces faits mettent en cause la bonne marche du service et les explications recueillies auprès de vous n'ont pas permis de modifier cette appréciation.

Compte-tenu de la gravité des faits qui vous sont reprochés, votre maintien dans l'entreprise est impossible.

Selon votre contrat, vous devez présenter un justificatif dans les 48 heures après l'absence. Hors depuis le 25 juin 2018 (date de reprise) vous ne vous avez refusé de vous présenter [sic] sur votre lieu de travail.

Votre licenciement prend donc effet le 31 juillet 2018, sans indemnité de préavis ni de licenciement.'

Il incombe à l'employeur de rapporter la preuve de la faute grave qu'il reproche au salarié à l'appui du licenciement.

Il est établi que la société Chez Jojo a proposé à M. [C] un avenant à son contrat de travail fixant ses horaires de travail à compter du 25 juin 2018 comme suit : les lundi, mercredi, vendredi et samedi de 11h à 15h et de 19h à 23 h, le dimanche de 11h à 20h, avec deux jours de repos par semaine, le mardi et le jeudi, portant ainsi sa durée de travail de 39 heures à 41 heures par semaine, que le salarié a refusé de signer.

Le salarié fait valoir que lorsqu'il s'est présenté au restaurant, à la demande de son employeur, le 25 juin 2018, les travaux n'étaient pas terminés et que s'il a accepté d'effectuer des tâches de manutention et d'aider les ouvriers présents dans l'avancement des travaux, il n'était pas question qu'il accepte les jours suivants d'effectuer ainsi des tâches sans lien avec sa qualification de chef de cuisine, et qu'il a en conséquence adressé le 30 juin 2018 un courrier à son employeur pour lui demander de lui indiquer le jour de réouverture du restaurant pour qu'il puisse se présenter sur son lieu de travail et effectuer son travail de chef de cuisine mais qu'aucune réponse ne lui a été apportée.

Il produit la lettre recommandée avec demande d'avis de réception en date du 30 juin 2018, qu'il a adressée à la société Chez Jojo, présentée le 4 juillet 2018, retournée à l'expéditeur non réclamée, aux termes de laquelle il reprochait à son nouvel employeur d'avoir modifié unilatéralement son contrat de travail en réduisant le montant de son salaire de 2 400 euros net à 1 800 euros net et en réduisant sa durée contractuelle de travail de 39 heures à 35 heures par semaine, relatait que lorsqu'il s'est présenté sur son lieu de travail le 25 juin 2018 à 9 heures, comme demandé, il a constaté que le restaurant était toujours en travaux et qu'il lui a été demandé de porter des chaises et des tables et de sortir la terrasse, ce qui n'est pas le travail d'un chef de cuisine et demandait à la société Chez Jojo de lui indiquer le jour de réouverture du restaurant pour qu'il puisse se présenter sur son lieu de travail et y effectuer son travail de chef de cuisine.

La société Chez Jojo, qui avait l'obligation de fournir à M. [C] le travail convenu correspondant à sa qualification, celui d'un chef de cuisine, n'établit pas avoir mis à la disposition de M. [C] le 25 juin 2018 une cuisine en état de fonctionnement lui permettant d'effectuer son travail de chef de cuisine. En refusant de continuer à effectuer, au-delà du 25 juin 2018, des tâches sans lien avec sa qualification, M. [C] n'a commis aucune faute.

La société Chez Jojo ne justifie pas de la date de la réouverture effective du restaurant au public et n'établit pas non plus avoir informé M. [C] de cette date, après 10 mois de fermeture de l'établissement pour travaux, alors que le salarié se tenait à sa disposition pour y effectuer son travail de chef de cuisine. Elle est dès lors mal fondée à lui reprocher une absence injustifiée.

Il y a lieu de relever au surplus qu'elle n'a aucunement mis M. [C] en demeure de reprendre son poste ou de justifier du motif de son absence, alors que ce salarié comptait plus de 11,5 ans d'ancienneté, sans antécédent disciplinaire et ne l'a pas même convoqué à un entretien préalable à son licenciement pour qu'il puisse s'expliquer sur les faits qui lui étaient reprochés.

Le licenciement du salarié ne repose ni sur une faute grave, ni même sur une cause réelle et sérieuse. Il convient en conséquence d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a dit le licenciement justifié par une cause réelle et sérieuse et a débouté le salarié de sa demande d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Le salarié dont le licenciement n'est pas fondé sur une cause grave est bien fondé à prétendre à une indemnité compensatrice du préavis dont il a été privé, aux congés payés afférents et à l'indemnité de licenciement.

L'indemnité compensatrice de préavis due à M. [C] correspond aux salaires et avantages qu'il aurait perçus s'il avait travaillé durant les deux mois du préavis, soit, au vu des rappels de salaire ci-dessus alloués, la somme de 2 520,31 euros brut par mois. Il convient en conséquence d'infirmer le jugement entrepris et de condamner la société Chez Jojo à payer à M. [C] la somme de 5 040,62 euros qu'il revendique de ce chef ainsi que la somme de 504,62 euros au titre des congés payés afférents.

L'indemnité de licenciement ne peut être inférieure à un quart de mois de salaire par année d'ancienneté pour les années jusqu'à dix ans et à un tiers de mois de salaire par année d'ancienneté pour les années à partir de dix ans, l'indemnité étant calculée, en cas d'année incomplète, proportionnellement au nombre de mois complets. M. [C], dont le salaire mensuel brut moyen des trois derniers mois précédant son licenciement devait être de 2 520,31 euros, est bien fondé à prétendre à l'indemnité légale de licenciement de 7 770,94 euros qu'il revendique.

L'employeur n'ayant pas convoqué M. [C] à l'entretien préalable au licenciement exigé par l'article L.1232-2 du code du travail, la procédure de licenciement est irrégulière. Le salarié, qui n'a pu bénéficier d'un entretien au cours duquel il aurait été assisté d'un conseiller du salarié, a été licencié en violation des dispositions de l'article L. 1232-4 du code du travail. Il est dès lors bien fondé à prétendre à l'application des dispositions de l'article L. 1235-2, instituant une indemnité qui ne peut être supérieure à un mois de salaire en cas d'inobservation de la procédure de licenciement. La cour fixe le préjudice subi par le salarié du fait de cette irrégularité qui ne lui a pas permis d'assurer sa défense dans le cadre de la procédure de licenciement à la somme de 2 520,31 euros. Il convient en conséquence d'infirmer le jugement entrepris et de condamner la société Chez Jojo à payer ladite somme à M. [C].

En application des dispositions de l'article L. 1235-3 du code du travail, dans sa rédaction résultant de l'ordonnance n°2017-1387 du 22 septembre 2017, M. [C], qui, ayant été engagé le 18 octobre 2006 et licencié le 27 juillet 2018, comptait une ancienneté de 11 années complètes à la date de la rupture de son contrat de travail, peut prétendre, en réparation du préjudice que lui a causé la perte injustifiée de son emploi, à une indemnité à la charge de l'employeur, dont le montant est compris entre le montant minimal de 3 mois de salaire brut et le montant maximal de 10,5 mois de salaire brut. Au vu des éléments de la cause, la cour fixe le préjudice subi par le salarié à la somme de 20 162,48 euros correspondant à 8 mois de salaire brut. Il convient en conséquence de condamner la société Chez Jojo à payer ladite à M. [C] à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

M. [C] sollicite en outre l'allocation de la somme de 2 500 euros à titre de dommages-intérêts pour violation de l'obligation d'exécuter le contrat de travail de bonne foi.

Le salarié ne rapporte pas la preuve qu'il a subi un préjudice distinct de celui résultant de la perte injustifiée de son emploi, ci-dessus réparé par une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, de celui résultant de l'irrégularité de la procédure de licenciement ci-dessus réparée par l'allocation de dommages-intérêts pour non-respect de la procédure de licenciement et de celui résultant du retard de paiement des salaires, réparé par les intérêts au taux légal de sa créance. Il convient en conséquence de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté le salarié de sa demande de dommages-intérêts pour violation de l'obligation d'exécuter le contrat de travail de bonne foi.

Sur les dépens et l'indemnité de procédure

La société Chez Jojo, qui succombe partiellement, sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel et sera déboutée de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.

Il convient de la condamner, en application de l'article 700 du code de procédure civile, à payer à M. [C] la somme de 2 500 euros pour les frais irrépétibles qu'il a exposés en cause d'appel, en sus de la somme de 895 euros qu'elle a été condamnée à payer à celui-ci par le conseil de prud'hommes pour les frais irrépétibles exposés en première instance, qui est confirmée.

PAR CES MOTIFS :

La COUR,

Statuant par arrêt CONTRADICTOIRE,

Infirme partiellement le jugement du conseil de prud'hommes de Boulogne-Billancourt en date du 9 septembre 2020 et statuant à nouveau sur les chefs infirmés :

Dit le licenciement de M. [C] par la société Chez Jojo dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

Fixe la rémunération mensuelle brute de M. [C] à la somme de 2520,31 euros brut,

Condamne la société Chez Jojo à payer à M. [C] les sommes suivantes :

* 5040,62 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

* 504,62 euros au titre des congés payés afférents,

* 7770,94 euros à titre d'indemnité légale de licenciement,

* 20 162,48 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 2520,31 euros à titre de d'indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement,

Confirme pour le surplus les dispositions non contraires du jugement entrepris ;

Y ajoutant :

Déboute la société Chez Jojo de sa demande d'indemnité fondée sur l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société Chez Jojo à payer à M. [C] la somme de 2 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles qu'il a exposés en cause d'appel.

Condamne la société Chez Jojo aux dépens d'appel.

- Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- Signé par Madame Régine CAPRA, Présidente et par Madame Sophie RIVIERE, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER, LA PRÉSIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 15e chambre
Numéro d'arrêt : 20/02338
Date de la décision : 24/11/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-11-24;20.02338 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award