COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
15e chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 01 DÉCEMBRE 2022
N° RG 20/02458 - N° Portalis DBV3-V-B7E-UEH6
AFFAIRE :
[I] [P]
C/
SAS MAPAD VAL D'OISE venant aux droits de la société KORIAN VAL D'OISE
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 16 Octobre 2020 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PONTOISE
N° Section : AD
N° RG : F19/00009
Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :
Me Mounir BOURHABA
Me Saïd SADAOUI de la SELAFA B.R.L. Avocats
Expédition numérique délivrée à : PÔLE EMPLOI
le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE PREMIER DÉCEMBRE DEUX MILLE VINGT DEUX,
La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant, initialement fixé au 26 octobre 2022, différé au 27 octobre 2022, puis prorogé au 17 novembre 2022, puis prorogé au 01 décembre 2022, les parties ayant été avisées dans l'affaire entre :
Madame [I] [P]
née le 26 Octobre 1981 à [Localité 5]
de nationalité Française
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentant : Me Mounir BOURHABA, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C2580
APPELANTE
****************
SAS MAPAD VAL D'OISE venant aux droits de la société KORIAN VAL D'OISE
N° SIRET : 499 411 981
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentant : Me Saïd SADAOUI de la SELAFA B.R.L. Avocats, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : L0305, substitué par Me Laura DENNIS, avocat au barreau de PARIS
INTIMEE
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 28 Juin 2022 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Régine CAPRA, Présidente chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Régine CAPRA, Présidente,
Monsieur Jean-Yves PINOY, Conseiller,
Madame Perrine ROBERT, Vice-présidente placée,
Greffier lors des débats : Monsieur Achille TAMPREAU,
EXPOSE DU LITIGE
Mme [I] [P] a été engagée par contrat de travail à durée indéterminée à compter du 1er mai 2013, avec reprise d'ancienneté à compter du 6 mars 2013, en qualité d'infirmière diplômée d'état, technicien niveau II, coefficient 279, puis coefficient 284, par la société Korian Val d'Oise, qui exploite notamment un epadh sis à [Localité 4] (95) sous l'enseigne '[6]'. La salariée a perçu d'avril 2017 à mars 2018, une rémunération mensuelle brute moyenne de 2 590,10 euros.
Les relations entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale de l'hospitalisation privée du 18 avril 2002.
La société Mapad Val d'Oise a notifié à Mme [P] une lettre d'observations remise en main propre le 14 novembre 2016.
Après avoir convoqué la salariée par lettre remise en main propre le 6 octobre 2017 à un entretien préalable à une éventuelle sanction, elle lui a notifié une mise à pied disciplinaire de deux jours par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 3 novembre 2017.
Après avoir convoqué la salariée par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 9 avril 2018 à un entretien préalable à une éventuelle sanction disciplinaire pouvant aller jusqu'au licenciement qui s'est déroulé le 19 avril 2018, elle lui a notifié son licenciement pour cause réelle et sérieuse par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 25 avril 2018.
Par requête reçue au greffe le 14 janvier 2019, Madame [I] [P] a saisi le conseil de prud'hommes de Cergy-Pontoise afin de contester la rupture de son contrat de travail et obtenir le paiement d'une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et d'une indemnité de procédure.
Par jugement du 16 octobre 2020, auquel la cour renvoie pour l'exposé des demandes initiales des parties et de la procédure antérieure, le conseil de prud'hommes de Cergy-Pontoise a :
- débouté Mme [P] de l'intégralité de ses demandes,
- débouté la société Korian Val D'Oise de sa demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- mis les éventuels dépens de l'instance à la charge de Mme [P].
Mme [P] a interjeté appel de cette décision par déclaration au greffe du 4 novembre 2020.
La société Korian Val d'Oise a changé de dénomination sociale et est devenue la société Mapad Val d'Oise.
Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par Rpva le 28 janvier 2021, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens, Mme [P] demande à la cour de la dire recevable et bien fondée en son appel, d'infirmer le jugement entrepris dans toutes ses dispositions et, statuant à nouveau, de :
- dire que la rupture de son contrat de travail s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
- en conséquence, condamner la société Mapad Val D'Oise (venant aux droits de la société Korian Val d'Oise ) à lui verser les sommes suivantes:
* à titre principal, 25 901,00 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
* à titre subsidiaire, 20 720,80 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
*en tout état de cause, 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- dire que les condamnations prononcées seront assorties des intérêts au taux légal à compter de la saisine du conseil de prud'hommes ;
- condamner la société Mapad Val D'Oise (venant aux droits de la SAS Korian Val d'Oise) aux entiers dépens de l'instance ainsi qu'aux éventuels frais d'exécution.
Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par Rpva le 19 avril 2021, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens, la société Mapad Val D'Oise, demande à la cour de :
- confirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté Mme [P] de l'intégralité de ses demandes ;
- en conséquence, dire que le licenciement de Mme [P] pour cause réelle et sérieuse est bien fondé et débouter Mme [P] de l'intégralité de ses demandes,
- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il l'a déboutée de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile et condamner, en conséquence, Mme [P] à lui verser la somme de 4 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
La clôture de l'instruction a été prononcée le 1er juin 2022.
MOTIFS DE LA DÉCISION
La lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, est rédigée comme suit :
'Après examen de votre dossier personnel et des éléments qui vous ont été exposés lors de notre entretien, nous vous informons que nous avons décidé de vous licencier pour les motifs suivants.
Pour mémoire, vous êtes employée par notre société depuis le 06/03/2013 au poste d'infirmière diplomée d'Etat. A ce titre, vous êtes tenue de respecter les règles applicables au sein de l'établissement et inhérentes à vos fonctions.
Nous vous avions déjà sanctionné d'un avertissement, il y a un an, et d'une mise à pied en novembre 2017 en rapport avec votre comportement envers votre supérieure hiérarchique et le non respect de votre fiche de poste.
Or nous avons encore une fois été amenés à déplorer les mêmes dysfonctionnements concernant votre fiche de poste :
-manque de traçabilité
-non suivi des stupéfiants
L'importance de la traçabilité de vos actes sur les plans de soin des résidents et les traitements vous a été rappelée à plusieurs reprises par M. [Y], le directeur, Mme [F], la directrice adjointe ainsi que Mme [J], Idec [infirmière coordinatrice], et Mme [L], Ider [infirmière référente] . Or à ce jour nous constatons une grave défaillance dans votre rôle propre concernant la distribution des traitements médicamenteux.
En effet, le 5 mars 2018, Mme [W] avait une prescription médicale de 3 gélules de Skenan de 10 mg.
Le 22 mars, Mme [L], Ider, vous a fait remarquer que vous aviez surdosé de 10 mg de Skenan cette résidente depuis plusieurs jours (13, 14, 17, 18, 19 mars) et donc pas respecté la prescription médicale, ce que vous avez reconnu sans pour autant, comme le recommande la HAS, tracer l'événement dans le dossier de soins et signaler cet événement indésirable.
Nous tenons à vous rappeler l'article R. 4311-7 du code de la santé publique 'l'infirmier applique et respecte la prescription médicale écrite, datée et signée'. Vous avez également l'obligation professionnelle de procéder à plusieurs vérifications au moment de la préparation des médicaments et de surveiller la prise.
Mme [L] a constaté par la suite des erreurs de traçabilité dans le relevé d'administration et de gestion du stock de stupéfiants en incohérence avec la validation des traitements dans le dossier informatisé du résident (validation de 3 gélules dans le DRI et 4 dans le registre des stupéfants). Nous vous rappelons que la traçabilité des traitements et le suivi des stupéfiants doivent être réalisés en temps réel.
En effet, le décompte des stupéfiants figurant dans le registre est erroné pour cette résidente. Nous nous sommes aperçus également d'erreurs de calculs importantes concernant de l'Oxynormoro de Mme [A], les 13 et 14 mars, et une absence de traçabilité pour Mme [W]
Vous n'êtes pourtant pas sans savoir le caractère réglementaire et légal relatifs aux substances, préparations et médicaments classés comme stupéfiants qui relève de vos propres compétences dans le 'décret infirmier'. Ce type d'incident engage la responsabilité de l'établissement.
En approfondissant, Mme [L] a relevé une fois de plus un manque de traçabilité dans les plans de soin des résidents, notamment le 8 mars 2018.
Ces faits sont inacceptables, ne sont pas isolés et ne peuvent être admis plus avant. Vous n'êtes pas sans savoir que l'établissement est par ailleurs engagé dans une démarche de réévaluation du Pathos nécessitant un investissement de chacun et plus particulièrement des infirmiers. Votre défaut de traçabilité et le non-respect des consignes et responsabilité inhérentes à vos fonctions nuisent au bon fonctionnement de la résidence.
Le manque de traçabilité peut avoir des conséquences très lourdes pour le résident et pour l'établissement. Un soin non tracé est en effet considéré comme non fait.
De plus, ces traitements découlent d'une prescription médicale, que vous êtes tenue en tant qu'IDE de respecter.
Enfin, votre statut d'infirmière diplômée d'Etat (IDE) vous demande d'être exemplaire vis-à-vis de vos collègues IDE, de vos subordonnés ASD et AVS.
Force est de constater que vos précédentes sanctions et rappels ne vous ont pas permis de rectifier votre attitude et d'améliorer vos pratiques.
Au cours de l'entretien, vous n'avez pas semblé prendre la mesure de l'importance et du sérieux des faits reprochés. Votre manque de remise en question nuit à votre travail et à celui de vos collègues.
Compte-tenu de la gravité des faits, de la répétition de ceux-ci et après examen de votre dossier, votre maintien dans l'entreprise s'avère impossible et nous sommes contraints de vous notifier par la présente votre licenciement.
La date de première présentation de cette lettre à votre domicile fixera le point de départ du préavis de 2 mois au terme duquel votre contrat sera définitivement rompu.'
La société Mapad Val d'Oise produit les ordonnances suivantes délivrées à Mme [W] :
- une ordonnance informatisée en date du 2 mars 2018 établie par son médecin traitant, le docteur [T], lui prescrivant :
*Skenan LP 30 MG gélule 14 (sulfate de morphine) 1 gélule à 8h et 19h tous les jours pendant 28 jours, à partir du 7 mars 2018 :
*Skenan LP 10 MG gélule 14 (sulfate de morphine) 1 gélule à 8h et 19h tous les jours pendant 28 jours, à partir du 11 mars 2018 ;
- une ordonnance informatisée en date du 5 mars 2018 établie par le docteur [U], médecin généraliste, lui prescrivant : Skenan LP 10 MG gélule 14 (sulfate de morphine) 2 gélules à 8h et 19h tous les jours pendant 7 jours ;
- une ordonnance manuscrite du 7 mars 2018 signée par son médecin traitant, le docteur [T], lui prescrivant : Skenan LP 30 MG : une gélule le matin et une gélule le soir pendant 28 jours ;
- une ordonnance manuscrite du 20 mars 2018 par le médecin coordonnateur, le docteur [B], lui prescrivant le traitement suivant pour 28 jours :
*Skenan LP 30 MG : matin et soir ;
*Skenan LP 10 MG : matin et soir,
sans autre précision.
Mme [P] produit une ordonnance manuscrite du 5 mars 2018 signée par le docteur [U] prescrivant à Mme [W] du Skenan LP 10 (dix milligrammes), 2 gélules matin et soir pendant 28 jours, qui n'a pas été modifiée par la prescription du docteur [T] du 7 mars 2018, qui porte uniquement sur le Skenan LP 30 MG.
Le signalement effectué par Mme [L], qui porte sur les médicaments qu'elle était chargée de distribuer à Mme [W] le 22 mars 2018 au matin, dont elle note qu'ils ont été préparés par Mme [P], qui a prévu 2 comprimés quand, selon elle, un seul était prescrit, se borne à indiquer pour les jours précédents 'enquête à mener.' Aucun manquement n'est toutefois reproché à Mme [P] dans la lettre de licenciement pour la journée du 22 mars 2018.
Il n'est pas établi que Mme [P] ait reconnu avoir effectué un surdosage de médicament et il est établi au contraire au vu de la prescription qu'elle produit, qu'elle a respecté la dose de médicament prescrite à Mme [W] les 13,14, 17, 18 et 19 mars 2018 en lui préparant 2 comprimés de Skenan LP 10 (dix milligrammes), matin et soir. Il ne peut dès lors lui être reproché de ne pas avoir tracé le surdosage qui lui est imputé dans le dossier de soins et de ne pas avoir signalé cet événement. Ces griefs ne sont pas établis.
Dans une ordonnance du 20 mars 2018, le docteur [B] a prescrit à Mme [W], si douleurs, des comprimés d'Oxynormoro 5 mg à raison de 4 comprimés par jour.
La société Mapad Val d'Oise produit le relevé d'administration et de gestion du stock de stupéfiants bordereau 44 concernant les comprimés d'Oxynormoro 5 mg (Oxycodone) prescrits par le docteur [B] à Mme [W] le 20 mars 2018, sur lequel :
- la collègue de Mme [P] a noté le 21 mars ligne 1 qu'il restait 2 comprimés après la distribution de 4 comprimés à Mme [W] et ligne 2 qu'il a été livré 8 boîtes de 14 comprimés, de sorte qu'il y a 114 comprimés en stock ;
- Mme [P] a noté le 22 mars ligne 3 qu'il restait 110 comprimés après la distribution de 4 comprimés à Mme [W] ;
- Mme [P] a noté le 23 mars ligne 4 qu'il restait 106 comprimés après la distribution de 4 comprimés à Mme [W] ;
- la collègue de Mme [P] a noté le 24 mars ligne 5 qu'il restait 102 comprimés après la distribution de 4 comprimés à Mme [W], le 25 mars ligne 6 qu'il restait 98 comprimés après la distribution de 4 comprimés à Mme [W] et le 26 mars ligne 7 qu'il restait 94 comprimés après la distribution de 4 comprimés à Mme [W] ;
- la ligne 8 est vierge ;
- Mme [P] a noté le 28 mars ligne 9 qu'il restait 148 comprimés après la distribution de 4 comprimés à Mme [W] ;
- la collègue de Mme [P] a noté le 29 mars ligne 10 qu'elle avait distribué 4 comprimés et n'a pas mentionné la quantité restante.
Il n'est justifié ni d'une incohérence entre la validation des traitements de Mme [W] dans le DRI et le relevé d'administration et de gestion du stock de stupéfiants, ni d'un décompte erroné des stupéfiants imputable à Mme [P] dans relevé d'administration et de gestion du stock de stupéfiants pour cette résidente, en l'absence de tout élément sur la journée du 27 mars 2018 (nom de l'infirmière responsable de la tenue du registre ce jour, justification du nombre de boîtes livrées ou de l'absence de livraison, nombre de comprimés distribués à Mme [W]).
Aucun surdosage de médicament n'est reproché à Mme [P] concernant Mme [A] dans la lettre de licenciement.
La société Mapad Val d'Oise, qui fait état d'erreurs de calculs importantes de Mme [P] concernant l'Oxynormoro de Mme [A], produit :
¿ l'ordonnance établie par le docteur [U], le 12 mars 2018 prescrivant à Mme [A] des comprimés d'Oxynormoro 5 mg à raison d'un comprimé toutes les 4 heures pour une durée de 28 jours.
¿ le relevé d'administration et de gestion du stock de stupéfiants bordereau 36 concernant les comprimés d'Oxynormoro 5 mg (Oxycodone) prescrits par le docteur [U] à Mme [A] sur lequel :
- la collègue de Mme [P] a noté le 12 mars 2018 ligne 5 qu'il restait 24 comprimés après la distribution de 3 comprimés à Mme [A] ;
- Mme [P] a noté le 13 mars ligne 6 qu'il restait 20 comprimés après la distribution de 4 comprimés à Mme [A] et ligne 7 qu'il a été livré 11 boîtes de médicaments, de sorte qu'il y a 174 comprimés en stock, ce dont il se déduit que les boîtes de médicaments livrées contenaient 14 comprimés ;
- Mme [P] a noté le 14 mars ligne 8 qu'il restait 170 comprimés après la distribution de 4 comprimés à Mme [A] et ligne 9 qu'il a été livré 1boîte de comprimés, de sorte qu'il y a 184 comprimés en stock, ce dont il se déduit que la boîte de médicaments livrée contenait14 comprimés ;
- sa collègue de travail a noté le 15 mars ligne 10 qu'il restait 181 comprimés après la distribution de 3 comprimés à Mme [A] ;
¿ le relevé d'administration et de gestion du stock de stupéfiants bordereau 43 concernant les comprimés d'Oxynormoro 5 mg (Oxycodone) prescrits par le docteur [U] à Mme [A] sur lequel : - la collègue de travail de Mme [P] a noté le 26 mars ligne 9 qu'il restait 143 comprimés après la distribution de 3 comprimés à Mme [A] ;
- la ligne 10 est vierge ;
- Mme [P] a noté le 28 mars ligne 11 qu'il y a 266 comprimés en stock après la distribution de 4 comprimés à Mme [A] ;
Les ratures observées sur le relevé d'administration et de gestion du stock de stupéfiants bordereau 36 pour les 13 et 14 mars 2018 ne sont pas de nature à caractériser une faute disciplinaire de Mme [P].
Il n'est pas établi en l'absence de tout élément concernant la journée du 27 mars 2018 (nom de l'infirmière responsable de la tenue du registre ce jour, justification du nombre de boîtes livrées ou de l'absence de livraison, nombre de comprimés distribués à Mme [A]) que Mme [P] ait mentionné des éléments erronés le 28 mars 2018 sur le relevé d'administration et de gestion du stock de stupéfiants bordereau 43.
L'existence d'erreurs de calculs importantes imputables à Mme [P] concernant l'Oxynormoro de Mme [A] n'est pas établie.
Le manque de traçabilité dans les plans de soin des résidents, notamment le 8 mars 2018, reproché par la société Mapad Val d'Oise à Mme [P] n'est corroboré par aucun élément.
Il résulte de ce qui précède que les fautes reprochées à la salariée à l'appui du licenciement ne sont pas établies.
Il convient en conséquence d'infirmer le jugement entrepris et de dire son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse.
Mme [P] comptait une ancienneté de 5 années complètes à la date de son licenciement, le 25 avril 2018, aucun élément n'étant invoqué à l'appui de l'ancienneté de 8 ans et 1 mois qu'elle allègue, alors qu'elle indique avoir été engagée le 1er mai 2013 et que ses bulletins de paie mentionnent une entrée dans l'entreprise le 6 mars 2013. L'intéressée peut prétendre, en application des dispositions de l'article L. 1235-3 du code du travail, dans sa rédaction résultant de l'ordonnance n°2017-1387 du 22 septembre 2017, à une indemnité à la charge de l'employeur, dont le montant est compris entre le montant minimal de trois mois de salaire brut et le montant maximal de six mois de salaire brut.
Mme [P] demande à la cour d'écarter ces dispositions légales comme étant contraires à l'article 10 de la Convention n°158 de l'Organisation internationale du travail (OIT) et à l'article 24 de la Charte sociale européenne.
Aux termes de l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, la loi doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse.
Les dispositions de l'article L. 1235-3, L. 1235-3-1 et L. 1235-4 du code du travail dans leur rédaction issue de l'ordonnance n°2017-1387 du 22 septembre 2017, qui permettent raisonnablement l'indemnisation de la perte injustifiée de l'emploi et assurent le caractère dissuasif des sommes mises à la charge de l'employeur, sont de nature à permettre le versement d'une indemnité adéquate ou une réparation considérée comme appropriée au sens de l'article 10 de la Convention n°158 de l'Organisation internationale du travail (OIT).
Il en résulte que les dispositions de l'article L. 1235-3 du code du travail sont compatibles avec les stipulations de l'article 10 de la Convention précitée.
Les dispositions de la Charte sociale européenne selon lesquelles les Etats contractants ont entendu reconnaître des principes et des objectifs poursuivis par tous les moyens utiles, dont la mise en oeuvre nécessite qu'ils prennent des actes complémentaires d'application et dont ils ont réservé le contrôle au seul système spécifique visé par la partie IV, ne sont pas d'effet direct en droit interne dans un litige entre particuliers.
L'invocation de son article 24 ne peut dès lors conduire à écarter l'application des dispositions de l'article L. 1235-3 du code du travail dans leur rédaction issue de l'ordonnance n°2017-1387 du 22 septembre 2017.
En raison de l'âge de la salariée au moment de son licenciement, 36 ans, du montant de la rémunération qui lui était versée, de son aptitude à retrouver un emploi, il convient de lui allouer, en réparation du préjudice matériel et moral qu'elle a subi, la somme de 12 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, avec intérêts au taux légal à compter du prononcé du présent arrêt.
Sur le remboursement des indemnités de chômage à Pôle emploi
En application de l'article L. 1235-4 du code du travail, il y a lieu d'ordonner le remboursement par la société Mapad Val d'Oise à Pôle emploi, partie au litige par l'effet de la loi, des indemnités de chômage qu'il a versées le cas échéant à Mme [P] à compter du jour de son licenciement, et ce à concurrence de trois mois d'indemnités.
Sur les dépens et l'indemnité de procédure
La société Mapad Val d'Oise, qui succombe, sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel et sera déboutée de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.
Il convient de la condamner, en application de l'article 700 du code de procédure civile, à payer à Mme [P] la somme de 2 000 euros pour les frais irrépétibles que celle-ci a exposés.
S'il peut être rappelé qu'aux termes de l'article L 111-8 du code des procédures civiles d'exécution, à l'exception des droits proportionnels de recouvrement et d'encaissement qui peuvent être mis partiellement à la charge des créanciers dans les conditions fixées en Conseil d'Etat, les frais de l'exécution forcée sont à la charge du débiteur, sauf s'il est manifeste qu'ils n'étaient pas nécessaires au moment où ils ont été exposés et qu'aux termes de l'article 11 du décret n° 96-1080 du 12 décembre 1996 modifié, le droit de recouvrement ou d'encaissement à la charge du créancier visé à l'article 10 dudit décret n'est pas dû lorsque le recouvrement ou l'encaissement est effectué sur le fondement d'un titre exécutoire constatant une créance née de l'exécution d'un contrat de travail, la demande tendant à la condamnation de la société Mapad Val d'Oise aux éventuels frais d'exécution présentée par Mme [P] est irrecevable, faute d'intérêt à agir, en l'absence de contestation née à ce jour de ce chef.
PAR CES MOTIFS :
La COUR,
Statuant par arrêt CONTRADICTOIRE,
Infirme le jugement du conseil de prud'hommes de Cergy-Pontoise en date du 16 octobre 2020, sauf en ce qu'il a débouté la société Mapad Val d'Oise de sa demande d'indemnité fondée sur l'article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles exposés en première instance, et statuant à nouveau sur les chefs infirmés :
Dit le licenciement de Mme [I] [P] dépourvu de cause réelle et sérieuse ;
Condamne la société Mapad Val d'Oise anciennement dénommée la société Korian Val d'Oise, à payer à Mme [I] [P] la somme de 12 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, avec intérêts au taux légal à compter du prononcé du présent arrêt ;
Ordonne le remboursement par la société Mapad Val d'Oise à Pôle emploi des indemnités de chômage qu'il a versées le cas échéant à Mme [I] [P] à compter du jour de son licenciement, et ce à concurrence de trois mois d'indemnités,
Condamne la société Mapad Val d'Oise à payer à Mme [I] [P] la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
Déboute la société Mapad Val d'Oise de sa demande d'indemnité fondée sur l'article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles exposés en cause d'appel,
Condamne la société Mapad Val d'Oise aux dépens de première instance et d'appel.
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame Régine CAPRA, Présidente et par Madame Sophie RIVIERE, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER, LA PRÉSIDENTE,