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01/12/2022 | FRANCE | N°21/00058

France | France, Cour d'appel de Versailles, 21e chambre, 01 décembre 2022, 21/00058


COUR D'APPEL

de

VERSAILLES



21e chambre





ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 1ER DÉCEMBRE 2022



N° RG 21/00058

N° Portalis DBV3-V-B7F-UHYE









Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 24 novembre 2020 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de DREUX

N° Section : C

N° RG : 18/00110





Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :



Me Louis DUCELLIER



Me Amel CHAR

TRAIN



le :







RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



Le 1er décembre 2022, après première prorogation du 24 novembre 2022 les parties en ayant été avisées,



La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suiva...

COUR D'APPEL

de

VERSAILLES

21e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 1ER DÉCEMBRE 2022

N° RG 21/00058

N° Portalis DBV3-V-B7F-UHYE

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 24 novembre 2020 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de DREUX

N° Section : C

N° RG : 18/00110

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Louis DUCELLIER

Me Amel CHARTRAIN

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le 1er décembre 2022, après première prorogation du 24 novembre 2022 les parties en ayant été avisées,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

S.A.R.L. TRANSPORTS BARYLA

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentant : Me Louis DUCELLIER de la SAS ENCIMA AVOCATS, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0309 - N° du dossier 2018/745

APPELANTE

***

Monsieur [P] [S]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentant : Me Amel CHARTRAIN de la SCP GATINEAU CHARTRAIN GOUIN, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de CHARTRES, vestiaire : 000031

INTIME

****

Composition de la cour

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 3 octobre 2022 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Odile CRIQ, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Thomas LE MONNYER, Président,

Madame Odile CRIQ, Conseiller,

Madame Véronique PITE, Conseiller,

Monsieur Mohamed EL GOUZI, greffier lors des débats.

FAITS ET PROCÉDURE

M. [S] a été engagé à compter du 2 novembre 2010 en qualité de Livreur Manutentionnaire, par la société Transports Baryla, d'abord selon contrat à durée déterminée, puis par contrat de travail à durée indéterminée à compter du 2 mai 2011.

Le salarié soutient avoir auparavant été employé par la société Transports Baryla à compter du 13 juillet 2010 par contrat d'intérim.

L'entreprise, qui a pour activité les transports routiers de fret et de proximité, emploie plus de dix salariés et relève de la convention collective des transports routiers et activités auxiliaires du transport.

Le 20 avril 2018, M. [S] a été victime d'un accident du travail et a été placé en arrêt maladie.

M. [S] a saisi, le 22 octobre 2018, le conseil de prud'hommes de Dreux aux fins d'entendre prononcer la résiliation judiciaire de son contrat de travail devant produire les effets d'un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et condamner la société au paiement de diverses sommes de nature salariale et indemnitaire.

La société a demandé au conseil de surseoir à statuer, s'est opposée aux demandes du requérant et a sollicité sa condamnation au paiement d'une somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

A l'issue d'une visite médicale du 13 juin 2019, le médecin du travail, a conclu à l'inaptitude de M. [S].

Convoqué le 21 juin 2019 à un entretien préalable à un éventuel licenciement, fixé au 5 juillet suivant, M. [S] a été licencié par lettre datée du 10 juillet 2019 énonçant une inaptitude et impossibilité de reclassement .

Par jugement rendu le 24 novembre 2020, notifié le 8 décembre 2020, le conseil a statué comme suit :

Rejette l'exception de sursis à statuer ;

Dit que la relation contractuelle entre M. [S] et la société Transports Baryla date du 15 juillet 2010 ;

Dit que la moyenne des salaires s'élève à la somme de 2 339,90 euros bruts.

Prononce la résiliation judiciaire du contrat de travail de M. [S] aux torts de la société, ayant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

En conséquence,

Condamne la société à payer à M. [S] les sommes suivantes :

- 883,53 euros au titre de l'indemnité spéciale de licenciement,

- 199,78 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

- 19,98 euros au titre des congés payés y afférents,

- 18 719,20 euros à titre d'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse

- 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Rejette la demande de dommages et intérêts pour absence de notification des motifs s'opposant au reclassement.

Condamne la société à délivrer à M. [S] un bulletin de salaire, une attestation Pôle emploi, un certificat de travail et un solde de tout compte conformes à la présente décision, sous astreinte de journalière de 100,00 euros pour l'ensemble des documents à compter du 21ème jour suivant la notification du jugement et que le conseil se réserve expressément le droit de liquider

Rappelle que sont exécutoires de droit à titre provisoire les condamnations ordonnant la délivrance de toutes pièces que l'employeur est tenu de remettre (bulletin de paie, certificat de travail...) ainsi que celles ordonnant le paiement des sommes au titre des rémunérations et indemnités mentionnées à l'article R1454-14 dans la limite maximum de neuf mois de salaire calculés sur la moyenne des trois derniers mois de salaire, étant précisé que la moyenne des trois derniers mois de salaire est fixée à 2 339,90 euros,

Rejette la demande de consignation des sommes dues auprès de la Caisse de dépôt et consignations.

Le 6 janvier 2021, la société Transports Baryla a relevé appel de cette décision par voie électronique.

Par ordonnance rendue le 7 septembre 2022, le conseiller chargé de la mise en état a ordonné la clôture de l'instruction et a fixé la date des plaidoiries au 3 octobre 2022.

' Selon ses dernières conclusions notifiées le 2 avril 2021, la société Transports Baryla demande à la cour de :

Réformer le jugement rendu par le conseil des prud'hommes de Dreux en ce qu'il a prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail à ses torts

En conséquence,

Débouter à titre principal M. [S] de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions afférentes à sa demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail ;

Débouter à titre subsidiaire M. [S] de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions afférentes à sa demande de requalification du licenciement pour inaptitude en licenciement sans cause réelle ni sérieuse

Confirmer le jugement du conseil des prud'hommes en ce qu'il a débouté M. [S] de sa demande indemnitaire afférente à un prétendu manquement à l'obligation de sécurité,

Condamner M. [S] à lui rembourser les sommes perçues au titre de l'exécution provisoire de droit

Condamner M. [S] à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamner M. [S] aux entiers dépens.

' Aux termes de ses dernières conclusions, remises au greffe le 18 juin 2021, M. [S] demande à la cour de :

Confirmer le jugement notamment en ce qu'il :

- l'a déclaré recevable en ses demandes,

- rejeté l'exception de sursis à statuer,

- reconnu que la relation contractuelle date du 15 juillet 2010,

- reconnu que la moyenne des trois derniers mois de salaire s'élevait à la somme de 2 339,90 euros bruts,

- reconnu l'existence d'un manquement grave de l'employeur à son obligation de sécurité,

- prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de la société,

- en conséquence, condamné la société à lui payer les sommes suivantes :

- 883,53 euros au titre de l'indemnité spéciale de licenciement,

- 199,78 euros à titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

- 19,98 euros au titre des congés payés afférents,

Infirmer le jugement du Conseil de Prud'hommes de Dreux rendu le 24 novembre 2020 pour le surplus ;

En conséquence,

Statuant à nouveau,

Ordonner que les sommes allouées au titre de l'indemnité de préavis, de congés payés y afférents et de l'indemnité spéciale de licenciement produisent intérêts au taux légal à compter de l'introduction de la demande en application des dispositions des articles 1344 et 1344-1 du code civil.

Condamner en sus la société à lui verser les sommes de :

- 30 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement nul ou, subsidiairement, 18 719,20 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse en confirmation du jugement déféré ;

- 3 000 euros à titre de dommages-intérêts pour absence de notification des motifs s'opposant au reclassement ;

- 5 000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre des procédures de première instance et d'appel ;

Ordonner à la société de remettre, sous astreinte journalière de 100 euros qui courra passé un délai de huitaine suivant la notification de l'arrêt à intervenir :

- les bulletins de salaire conformes ;

- un certificat de travail conforme ;

- solde de tout compte ;

- une attestation Pôle Emploi conforme.

Mentionner dans la décision à intervenir la moyenne des trois derniers mois de salaire, soit 2 339,90 euros.

Débouter la société de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions, notamment de celle tendant à son débouté d'une demande d'indemnité au titre du manquement à l'obligation de sécurité de résultat, cette demande n'ayant pas été tranchée par le jugement déféré et la Cour n'en étant pas saisie ;

Condamner enfin la société aux entiers dépens de première instance et d'appel qui comprendront notamment les frais de l'exécution forcée.

Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties, il convient de se référer aux écritures susvisées.

MOTIFS

Sur la résiliation judiciaire du contrat de travail

M. [S] plaide l'existence d'un manquement de la société à son obligation de sécurité en ne maintenant pas en état de fonctionnement et de bon entretien le hayon du camion de livraison et notamment sa télécommande.

Il soutient d'une part que le rapport de vérification périodique établi le 15 janvier 2018 et produit par l'employeur n'a pas été délivré à la demande de ce dernier, mais à la demande des [Localité 3], tiers au contrat de travail et d'autre part que ce rapport ne porte pas sur le système de télécommande manuelle auxiliaire, laquelle est l'élément défectueux ayant entraîné la survenance de l'accident du travail.

Le salarié affirme que ce dysfonctionnement ainsi que d'autres problèmes avaient préalablement été signalés vainement et à plusieurs reprises à l'employeur, qui n'avait pas souhaité y remédier.

La société qui conclut au rejet de la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail conteste la valeur probante des témoignages produits par le salarié et oppose le fait que le système de télécommande est une option qui ne rentrait pas dans les points de contrôle obligatoire du hayon qui avait été effectué par la société LE POIDS-LOURD DROUAIS le 15 janvier 2018 et qui avait donné lieu à un avis favorable de l'organisme de contrôle pour la période du 15 janvier au 15 juillet 2018.

Lorsque des manquements de l'employeur d'une gravité faisant obstacle à la poursuite du contrat de travail sont caractérisés, la résiliation judiciaire est prononcée aux torts de l'employeur et produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ou nul.

S'il est fait droit à la demande de résiliation judiciaire alors que celle-ci a été suivie d'un licenciement, la résiliation judiciaire produit effet à la date du licenciement.

I - Sur le manquement de l'employeur à son obligation de sécurité

Selon l'article L. 4121-1 du code du travail, l'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. Ces mesures comprennent : 1° des actions de prévention des risques professionnels et de la pénibilité au travail ; 2° des actions d'information et de formation ; 3° la mise en place d'une organisation et de moyens adaptés. L'employeur veille à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes.

Ces mesures sont mises en oeuvre selon les principes définis aux articles L. 4121-2 et suivants du même code.

Dès lors que le salarié invoque précisément un manquement professionnel en lien avec le préjudice qu'il invoque, il appartient à l'employeur de rapporter la preuve du respect de son obligation de sécurité à l'égard du salarié.

L'employeur expose M. [S] subissait un accident du travail, dans la mesure où un de ses collègues, travaillant en binôme avec lui, sur la tournée de livraison des sacs de farine, à destination des boulangeries refermait le hayon du camion sur la main gauche de l'intimé.

Le salarié précise qu'en l'absence de télécommande manuelle auxiliaire en état de fonctionnement, son collègue, M. [B], a dû utiliser le boîtier de commande électrique, situé sur le côté du camion, empêchant ainsi toute visibilité sur le hayon où lui-même travaillait et lui écrasait trois doigts et lui sectionnant les tendons.

L'employeur ne conteste pas le dysfonctionnement de la télécommande ni du lien entre cette panne et la survenance de l'accident, mais la connaissance qu'il pouvait avoir de ce dysfonctionnement plaidant, d'une part, que le contrôle technique ne portait pas sur cet élément, et, d'autre part, le caractère dépourvu de force probante des témoignages en ce sens.

M. [S] produit aux débats les témoignages de M. [V], de M. [F] et de M. [B], ses collègues.

Il ne sera pas tenu compte du témoignage de M. [V] en date du 20 juillet 2018, lequel s'est rétracté par attestation du 29 novembre 2018 en précisant que son premier témoignage avait été dicté par le salarié, qu'il avait perdu son permis à la fin de l'année 2017 et qu'il n'était pas au courant d'un prétendu défaut du hayon du camion litigieux.

Il ressort des témoignages concordants de M. [F] et M. [B] que s'agissant du véhicule immatriculé DT'809'PE, l'absence de télécommande avait été signalée à l'employeur à plusieurs reprises, sans effet.

Vainement la société critique la valeur probante du témoignage de M. [F] au motif que ce dernier n'était pas affecté le jour de l'accident du travail au camion litigieux, non plus que sur la période entre janvier et avril 2018, dans la mesure où les feuilles de route qui ne sont pas toutes produites aux débats démontrent qu'il y avait un roulement entre salariés quant à l'utilisation de ce camion, de sorte qu'il n'est pas établi que M. [M] [F] n'ait pas utilisé ce véhicule sur la période considérée.

Vainement aussi la société critique la force probante du témoignage de M. [B] qui indique que l'absence de télécommande avait été signalée plusieurs fois aux personnes concernées alors que ce dernier n'avait été embauché que le 11 avril 2018, et qu'il aurait nourri de la ranc'ur pour être sorti des effectifs rapidement en raison de la rupture de la période d'essai par la société, dans la mesure où il est établi aux termes de l'attestation Pôle emploi produite que M. [B] est entré dans la société au 1er février 2018 et non pas le 11 avril 2018, de sorte qu'il s'est écoulé un temps suffisant pour qu'il ait été témoin du fait relaté. De plus, le seul fait que M. [B] ait vu sa période d'essai rompue par la société ne saurait à lui seul discréditer son témoignage.

La société produit aux débats le rapport du contrôle périodique du hayon effectué par la société LE POIDS-LOURD DROUAIS le 15 janvier 2018 faisant état de l'avis favorable de l'organisme pour la période du 15 janvier au 15 juillet 2018.

Toutefois, il convient de relever que ce rapport ne fait pas état d'un contrôle par l'organisme de la télécommande du hayon.

Or, contrairement à ce que soutient la société, le fait que la télécommande ait été une option ne l'exonérait pas de son obligation de faire porter le contrôle sur cet élément.

Il est par ailleurs établi selon les témoignages produits que la société avait été informée du dysfonctionnement de la télécommande, et qu'elle n'a pas procédé à sa réparation.

Il résulte de ces éléments que l'employeur ne justifie pas avoir satisfait à son obligation de sécurité.

Ce manquement grave de l'employeur à ses obligations justifie de prononcer la résiliation judiciaire du contrat travail aux torts de l'employeur.

II - Sur le manquement à l'obligation de reclassement

M. [S] fait valoir qu'à la suite de l'inaptitude à son poste reconnu en une visite le 13 juin 2019, l'employeur n'a pas procédé à une recherche sérieuse de reclassement dans un autre établissement ou une autre société du groupe.

La société Transports Baryla réplique qu'au vu des registres unique du personnel de chacune des huit sociétés du groupe auquel elle appartient aucun poste de reclassement ne pouvait être proposé à M. [S], leurs effectifs étant en quasi-totalité soit des chauffeurs soit des manutentionnaires.

La société oppose qu'à la lecture du CV du salarié aucune offre de reclassement correspondant à ses diplômes ou à son expérience professionnelle, voire même en suivant une formation, ne pouvait lui être faite.

L'article L. 1226'10 du code du travail dispose que lorsque le salarié victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle est déclaré inapte par le médecin du travail, en application de l'article L.4624-4 à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités, au sein de l'entreprise ou des entreprises du groupe auquel elle appartient le cas échéant, situées sur le territoire national et dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation assurent la permutation de tout ou partie du personnel. 

Cette proposition prend en compte, après avis du comité économique et social, les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur les capacités du salarié à exercer l'une des tâches existant dans l'entreprise. Le médecin du travail formule également des indications sur l'aptitude du salarié à bénéficier d'une formation le préparant à occuper un poste adapté. 

L'emploi proposé est aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, aménagements, adaptations ou transformations de postes existants ou aménagement du temps de travail.

Par ailleurs l'article L. 1226'12 du même code prévoit que : « Lorsque l'employeur est dans l'impossibilité de proposer un autre emploi au salarié, il lui fait connaître par écrit les motifs qui s'opposent au reclassement. 

L'employeur ne peut rompre le contrat de travail que s'il justifie soit de son impossibilité de proposer un emploi dans les conditions prévues à l'article L. 1226-10, soit du refus par le salarié de l'emploi proposé dans ces conditions, soit de la mention expresse dans l'avis du médecin du travail que tout maintien du salarié dans l'emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans l'emploi. 

L'obligation de reclassement est réputée satisfaite lorsque l'employeur a proposé un emploi, dans les conditions prévues à l'article L. 1226-10, en prenant en compte l'avis et les indications du médecin du travail. 

S'il prononce le licenciement, l'employeur respecte la procédure applicable au licenciement pour motif personnel prévue au chapitre II du titre III.

Le 13 juin 2019 le médecin du travail a déclaré M. [S] inapte à son poste dans les termes suivants : « ne peut plus porter de charges avec le bras gauche ».

Certes l'employeur produit aux débats le registre unique du personnel des huit sociétés du groupe auquel elle appartient démontrant effectivement que la quasi-totalité des salariés sont soit chauffeurs soit manutentionnaires, néanmoins la société ne produit aucune pièce justifiant des recherches effectuées pour tenter de reclasser M. [S] au regard des contraintes mentionnées par le médecin du travail.

Elle ne démontre pas en particulier qu'aucun poste conforme à l'avis du médecin du travail et aux capacités et compétences du salarié n'était disponible dans l'entreprise au moment de son licenciement, au besoin en mettant en 'uvre des mesures telles que mutation, aménagement, adaptation ou transformation de postes existants.

Dans le cadre de sa recherche de reclassement l'employeur aurait pu interroger le médecin du travail pour connaître les aménagements nécessaires et / ou possibles sur le poste de M. [S] qui soient conformes à son état de santé, ce qui n'a pas été le cas en l'espèce.

De plus, alors que l'avis d'inaptitude est daté du 13 juin 2019, l'employeur engageait la procédure de licenciement dès le 21 juin 2019, sans justifier au salarié avoir consulté le comité économique et social, ni lui avoir notifié par écrit les motifs s'opposant à son reclassement.

Il s'ensuit que la société intimée n'a pas procédé à une recherche loyale et complète de reclassement du salarié, en conséquence la résiliation du contrat de travail sera prononcée à ses torts, ses effets étant ceux d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et non nul comme le sollicite le salarié sans argumenter en droit ni en fait ce chef de prétention.

III - Sur les conséquences financières du licenciement

Le licenciement ayant été prononcé en méconnaissance des dispositions légales relatives au reclassement du salarié victime d'un accident du travail, déclaré inapte, M. [S] peut prétendre en application de l'article L 1226'15 du code du travail renvoyant aux dispositions de l'article L. 1235-3-1 du code du travail à une indemnité à la charge de l'employeur qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.

Compte tenu de l'âge de M. [S] au moment de la rupture du contrat de travail (46 ans) de son ancienneté (8 ans et 8 mois) de son salaire (2339,90 euros), sans justifier de l'évolution de sa situation professionnelle, il sera alloué au salarié la somme de 18 719,20 euros à titre d'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse par confirmation du jugement entrepris de ce chef.

Aux termes de l'article L. 1226-14 du code du travail, la rupture du contrat de travail dans les cas prévus au deuxième alinéa de l'article L. 1226'12 ouvre droit à une indemnité compensatrice de montant égal à celui de l'indemnité compensatrice de préavis prévue à l'article L. 1234-5 ainsi qu'à une indemnité spéciale de licenciement qui sauf dispositions conventionnelles plus favorables, est égale au double de l'indemnité prévue par l'article L 1134-9 du code du travail.

Conformément à la convention collective applicable en l'espèce, la durée du préavis est de deux mois.

L' indemnité de préavis due au salarié est égale à la somme de 4 679,81 euros, outre la somme de 467,98 euros au titre des congés payés afférents.

Le salarié est bien fondé en sa demande en paiement du solde au titre de l'indemnité de préavis, soit 199,78 euros, outre 19,98 euros au titre des congés payés afférents, l'employeur ayant préalablement réglé la somme de 4480,02 euros.

M. [S] est également bien fondé en sa demande d'indemnité spéciale de licenciement discutée ni dans son principe ni dans son quantum par la société, qui est, sauf dispositions conventionnelles plus favorables, égale au double de l'indemnité prévue par l'article L 1234-9 du code du travail.

Le salarié ayant une ancienneté préavis compris de 9 ans, 1 mois et 27 jours, l'indemnité spéciale de licenciement s'élève à la somme de 10 714,81 euros.

L'employeur ayant préalablement réglé la somme de 9 831,28 euros. Il sera fait droit à la demande du salarié en paiement du solde dû, à hauteur de 883,53 euros.

Le jugement entrepris sera confirmé quant à ses chefs de demande.

Sur la demande de dommages intérêts pour absence de notification des motifs opposant au reclassement

M. [S] fait valoir que sans même avoir notifié par écrit les motifs s'opposant au reclassement, l'employeur a engagé la procédure de licenciement, ce qui lui a causé un préjudice.

La société n'a pas répliqué à cette demande.

L'indemnité en réparation du préjudice subi du fait de l'absence de notification écrite des motifs qui s'opposent au reclassement prévue à l'article L. 1226-2-1 du code du travail et l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ne se cumulant pas, la demande d'indemnisation formée de ce chef sera rejetée.

Sur les intérêts au taux légal

Conformément aux articles 1231-6 et 1231-7 du code civil, les créances de nature salariale porteront intérêt à compter de la réception par l'employeur de la convocation devant le conseil de prud'hommes, alors que les créances indemnitaires porteront intérêt au taux légal à compter de la décision qui les ordonne.

Sur les autres demandes

La société sera condamnée à payer à M. [S] la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

La société Transports Baryla sera condamnée aux dépens d'appel. Ils ne comprendront pas les frais d'exécution forcée qui ne constituent pas des dépens au sens de l'article 695 du code de procédure civile et sont recouvrés dans les conditions du code des procédures civiles d'exécution.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,

Confirme le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Dreux le 24 novembre 2020 en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a fait droit à la demande de fixation d'une astreinte.

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés,

Y ajoutant,

Ordonne à la société Transports Baryla la remise à M. [S] des bulletins de salaire, du certificat de travail, du solde de tout compte et d'une attestation Pôle emploi conformes à la présente décision.

Rejette la demande de fixation d'une astreinte,

Rappelle que les créances de nature salariale porteront intérêt à compter de la réception par l'employeur de la convocation devant le conseil de prud'hommes, pour les créances salariales échues à cette date  et à compter de chaque échéance devenue exigible, s'agissant des échéances postérieures à cette date, alors que les créances indemnitaires porteront intérêt au taux légal à compter de la décision qui les ordonne. 

Condamne la société Transports Baryla à payer à M. [S] la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société Transports Baryla aux dépens d'appel qui ne comprennent pas les frais d'exécution forcée.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Monsieur Thomas LE MONNYER, Président, et par Madame Alicia LACROIX, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 21e chambre
Numéro d'arrêt : 21/00058
Date de la décision : 01/12/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-12-01;21.00058 ?
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