COUR D'APPEL
de
VERSAILLES
21e chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 01 DECEMBRE 2022
N° RG 21/00252
N° Portalis DBV3-V-B7F-UIUB
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 18 décembre 2020 par le Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de BOULOGNE BILLANCOURT
N° Section : C
N° RG : F 17/01564
Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :
Me Daniel SAADAT
Me Laurence SOLOVIEFF
le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Le 1er décembre 2022,
La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
S.A.S. CARRARD SERVICES
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentant : Me Daniel SAADAT de la SELARL LPS AVOCATS ASSOCIES, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0392
APPELANTE
****
Madame [F] [W]
C/ Monsieur [L] [R]
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentant : Me Laurence SOLOVIEFF, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : A0007
INTIMEE
***
Composition de la cour
En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 10 octobre 2022 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Odile CRIQ, Conseiller chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Monsieur Thomas LE MONNYER, Président,
Madame Odile CRIQ, Conseiller,
Madame Véronique PITE, Conseiller,
Monsieur Mohamed EL GOUZI, greffier lors des débats.
FAITS ET PROCÉDURE
Mme [W] a été engagée à compter du 24 avril 2013 en qualité d'agent de nettoyage, par la société TFN Propreté, selon contrat de travail à durée indéterminée.
Le contrat de travail du salarié a été transféré à la société Carrard Services à compter du 1er mars 2014.
L'entreprise, qui intervient dans le domaine du nettoyage industriel, emploie plus de dix salariés et relève de la convention collective des entreprises de propreté.
Se plaignant de ne pas avoir été remplie de ses droits, Mme [W] a saisi, le 1er décembre 2017, le conseil de prud'hommes de Boulogne-Billancourt aux fins d'entendre juger qu'elle a droit à la prime de 13ème mois, en application du principe d'égalité de traitement et condamner la société au paiement de diverses sommes de nature salariale et indemnitaire.
La salariée a ultérieurement sollicité la requalification de son contrat en temps plein à compter de novembre 2014.
La société a soulevé la prescription de la demande de versement de la prime de 13ème mois, l'irrecevabilité de la demande nouvelle de requalification de son contrat de travail et s'est opposée aux demandes de la requérante.
Mme [W] a quitté les effectifs de la société le 3 février 2018 à la suite de la perte du marché sur lequel elle était affectée au profit de la société ISS Propreté.
Le conseil s'est déclaré en partage des voix le 19 juin 2019.
Par jugement de départage rendu le 18 décembre 2020, notifié le 21 décembre 2020, le conseil a statué comme suit :
Rejette la fin de non-recevoir tirée de la prescription ;
Dit n'y avoir lieu d'écarter les dernières conclusions de la société Carrard Services ;
Dit n'y avoir lieu d'écarter les dernières conclusions de Mme [W] ;
Condamne la société Carrard Services à verser à Mme [W] la somme de 2 155,18 euros bruts au titre de la prime de 13ème mois,
Dit que les créances salariales produiront intérêts au taux légal à compter de la présentation à l'employeur de la lettre le convoquant devant le bureau de conciliation et d'orientation, et que les créances indemnitaires produiront intérêts au taux légal à compter du présent jugement conformément aux dispositions des articles 1231-6 et 1231-7 du code civil ;
Ordonne la capitalisation des intérêts ;
Ordonne l'exécution provisoire ;
Condamne la société Carrard Services à verser à Mme [W] la somme de 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Déboute les parties de toutes leurs autres demandes ;
Condamner la société Carrard Services aux dépens.
Le 20 janvier 2021, la société Carrard Services a relevé appel de cette décision par voie électronique.
' Aux termes de ses conclusions, remises au greffe le 21 juillet 2021, la société Carrard Services demande à la cour d'infirmer le jugement sur les chefs de jugement critiqués et plus particulièrement en ce qu'il a :
- rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription ;
- dit n'y avoir lieu d'écarter les demandes nouvelles de Mme [W] ;
- l'a condamnée à verser à Mme [W] la somme de 2 155,18 euros bruts au titre de la prime de 13ème mois du 1er mars 2014 au 31 janvier 2019 ;
- dit que les créances salariales produiront intérêts au taux légal à compter de la présentation à l'employeur de la lettre le convoquant devant le bureau de conciliation et d'orientation, et que les créances indemnitaires produiront intérêts au taux légal à compter du présent jugement conformément aux dispositions des articles 1231-6 et 1231-7 du code civil ;
- ordonné la capitalisation des intérêts ;
- l'a condamnée à verser à Mme [W] la somme de 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile
- l'a déboutée de sa demande formulée sur le fondement de l'article 700 ;
- l'a condamnée aux dépens.
Et statuant à nouveau sur les chefs de jugement infirmés :
Juger irrecevables les demandes nouvelles formulées par Mme [W] au titre de la requalification de son contrat de travail en temps partiel à durée indéterminée en contrat à temps plein à compter de novembre 2014 et à titre de rappels de salaires afférents à hauteur de 32 928,51 euros, outre 3 292,85 euros de congés payés, en ce qu'elles ne figuraient pas dans sa requête initiale présentée devant le conseil de prud'hommes
Débouter la salariée intimée de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions
Condamner la salariée intimée à lui verser la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Confirmer le jugement intervenu sur les chefs de jugements critiqués par Mme [W] le cadre de son appel incident.
' Selon ses dernières conclusions notifiées le 15 septembre 2022, Mme [W] demande à la cour de :
Juger mal-fondée la société en son appel principal,
L'en débouter ainsi que de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
Juger qu'elle est bien fondée en son appel incident,
Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a 'condamné la société à lui verser les sommes de 2 155,18 euros bruts au titre de la prime de 13 ème mois , a dit que les créances salariales produiront intérêts au taux légal à compter de la présentation à l'employeur de la lettre le convoquant devant le bureau de conciliation et d'orientation, et que les créances indemnitaires produiront intérêts au taux légal à compter du présent jugement conformément aux dispositions des articles 1231-6 et 1231-7 du code civil, ordonné la capitalisation des intérêts et condamné la société à lui verser la somme de 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens',
L'infirmer en ce qu'il l'a déboutée de ses demandes de rappels de salaires au titre de la requalification du contrat de travail à durée déterminée en durée indéterminée,
En conséquence,
Requalifier les contrats de travail et avenants à temps partiel en contrat de travail à temps plein,
Condamner la société à lui verser les sommes de 26 421,44 euros bruts et 2 542,14 euros bruts au titre des rappels de salaires du 1er décembre 2014 au 31 janvier 2018 et au titre de l'indemnité de congés payés afférente,
Condamner, en tout état de cause, la société à lui verser les sommes suivantes :
- 2 155,18 euros bruts au titre des rappels de primes de 13 ème mois pour les années 2014 à 2018,
- 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile applicable devant le conseil de prud'homme,
Assortir les créances salariales des intérêts au taux légal à compter de la présentation à l'employeur de la lettre le convoquant devant le bureau de conciliation et d'orientation,
Ordonner la capitalisation des intérêts ;
Débouter la société de l'ensemble de ses demandes ;
Condamner la société au paiement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Par ordonnance rendue le 21 septembre 2022, le conseiller chargé de la mise en état a ordonné la clôture de l'instruction et a fixé la date des plaidoiries au 10 octobre 2022.
Suivant conclusions notifiées par RPVA le 30 septembre 2022, la société Carrard Services a demandé à la cour de rabattre la clôture et réitère pour le surplus ses précédentes demandes.
Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties, il convient de se référer aux écritures susvisées.
MOTIFS
A titre liminaire la cour rappelle qu'en application de l'article 954 du code de procédure civile, elle ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions ; en conséquence quand bien même, par l'acte d'appel ont été dévolus à la cour des chefs du dispositif du jugement, dès lors que le dispositif des conclusions ne formule pas de prétention relativement à ces chefs, il ne sera pas statué sur ceux-ci.
I ' Sur la demande de révocation de l'ordonnance de clôture :
La société Carrard Services demande la révocation de l'ordonnance de clôture du 21 septembre 2022, sur le fondement des articles 15 et 16 du code de procédure civile et de l'article 6 § 1 de la CESDH indiquant que la salariée a signifié de nouvelles conclusions le 15 septembre 2022 et ne pas avoir été en mesure de répliquer avant le 21 septembre 2022, elle estime que ce fait, caractérise une cause grave justifiant la révocation de ordonnance de clôture afin que soient admises ses dernières conclusions.
Les dernières conclusions de Mme [W], lesquelles comportent un complément limité d'argumentation, ayant été signifiées le 15 septembre 2022, la société disposait d'un délai suffisant de six jours dont trois jours ouvrés avant la date programmée de la clôture, pour y répliquer ou solliciter du conseiller de la mise en état un report de la clôture ce qu'elle s'est abstenue de faire.
Le principe du contradictoire ayant été respecté, faute pour la société appelante de justifier d'une cause grave, les dernières conclusions de la société Carrard Services notifiées le 30 septembre 2022 seront écartées et la demande de révocation de l'ordonnance de clôture sera donc rejetée en application des dispositions des articles 907, 802 et 803 du code de procédure civile.
II - Sur la recevabilité des demandes additionnelles de Mme [W]
L'appelante considère que les demandes formulées par Mme [W] aux termes de ses conclusions du 8 septembre 2020, soit plus de deux ans, après la saisine du conseil de prud'hommes, qui tendent à la requalification du contrat de travail à temps partiel en un contrat de travail à temps plein et au paiement de rappels de salaires, outre les congés payés afférents sont irrecevables, du fait que ces demandes ne figuraient pas dans la saisine initiale du conseil de prud'hommes intervenue le 1er décembre 2017, postérieure à l'entrée en vigueur du décret numéro 2016'660 du 20 mai 2016, ayant abrogé le principe de l'unicité de l'instance prud'homale.
Mme [W] s'oppose à cette fin de non-recevoir qui lui est opposée. Elle estime que les demandes formées aux termes de ses conclusions ampliatives, se rattachent par un lien suffisant à sa demande initiale au titre des rappels de 13e mois, en ce que ces deux demandes relèvent de rappels de salaire et de l'exécution du même contrat de travail.
Les règles spécifiques à la matière prud'homale de l'unicité de l'instance prévues à l'article R. 1452-6 du code du travail ont été abrogées par le décret n° 2016'660 du 20 mai 2016, soit antérieurement à la saisine de la juridiction prud'homale le 1er décembre 2017.
Conformément à l'article 70 du code de procédure civile, les demandes additionnelles ne sont recevables que si elles se rattachent aux prétentions originaires par un lien suffisant, l'appréciation du lien suffisant relevant du pouvoir souverain du juge du fond.
Il est constant que Mme [W] a saisi initialement le conseil de prud'hommes d'une demande de versement d'une prime de 13e mois, la demande additionnelle, portant sur la requalification du contrat de travail à temps plein et sur un rappel de salaires, force est de constater que ces demandes ont un lien suffisant entre elles, de sorte que c'est à bon droit que le conseil de prud'hommes les a déclarées recevables.
III - Sur la demande de requalification du CDI à temps partiel en CDI à temps plein
Mme [W] sollicite la requalification de son contrat de travail à temps partiel en contrat à temps complet et forme des demandes de rappel de salaires à compter du mois de décembre 2014.
Mme [W] affirme que son contrat de travail doit être requalifié en contrat de travail à temps plein au motif que le temps de travail rémunéré correspondant aux heures exécutées sur les chantiers ne comprend pas celles correspondant au temps de trajet entre ceux-ci.
Elle soutient exécuter du temps de travail complémentaire correspondant aux temps de trajet pour se rendre d'un site à l'autre entre deux vacations.
Elle ajoute que la réalisation d'heures variables selon les mois travaillés par l'exécution d'heures complémentaires et la multiplication des avenants notamment au cours de l'année 2014 comprenant des variations d'horaires et de jours de travail, impliquent qu'elle se tenait à la disposition permanente de l'employeur.
La société estime que la salariée demande en réalité le paiement d'heures ne correspondant pas à du temps de travail effectif, s'agissant de temps correspondant à des périodes inter-vacation.
L'employeur fait valoir que, pendant ces périodes, la salariée n'était pas à la disposition de la société et pouvait librement vaquer à ses occupations personnelles, de sorte qu'elle n'est pas fondée en sa demande en paiement.
La société objecte encore que chacun des avenants est conforme aux dispositions légales, dans la mesure où ils mentionnent systématiquement la durée du travail, ainsi que sa répartition entre les différents jours de la semaine.
Le contrat de travail à temps partiel, qui doit être établi par écrit, doit permettre au salarié de prévoir son rythme de travail, et lui permettre d'exercer éventuellement un emploi pour un autre employeur. Ainsi, le contrat doit obligatoirement fixer la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois, ainsi que les cas dans lesquels une modification éventuelle de cette répartition peut intervenir et la nature de cette modification.
Il est admis qu'un contrat de travail à temps partiel d'un salarié doit être requalifié de contrat de travail à temps plein dès lors que ses horaires de travail à temps partiel varient constamment et que la durée du travail convenue est fréquemment dépassée, sans que l'employeur ne justifie du délai de prévenance contractuel en sorte que, compte tenu de l'in certitude de ses horaires de travail, le salarié est contraint de demeurer à la disposition permanente de son employeur.
L'article L. 3121-1 du code du travail définit la durée du travail effective, comme le temps, pendant lequel le salarié est à la disposition de l'employeur et se conforme à ses directives, sans pouvoir vaquer librement à ses occupations personnelles.
L'article 6.2. de la Convention collective nationale, des entreprises de propreté et des services associés stipule que la vacation est une période continue, comprenant le temps éventuel de déplacement entre les chantiers au sein d'une même vacation sans qu'intervienne d'interruption non rémunérée.
L'article 6.2.6 stipule qu'en cas de recours continu pendant deux mois, à plus de 10 % d'heures complémentaires par rapport à la durée du travail inscrite au contrat, la durée du travail est automatiquement augmentée du nombre d'heures complémentaires effectuées en moyenne chaque mois.
Il ressort des avenants du 1er juillet et du 1er septembre 2014 que des vacations sont espacées d'une durée de 15 minutes, temps que Mme [W] estime correspondre à des temps de trajet entre les chantiers.
Il ressort de ces avenants que les vacations sont bien définies par période de temps, conformément à la convention collective, qu'elles sont accomplies sur le même site, à savoir la mairie d'[Localité 4], et que la salariée peut en accomplir trois sur la même journée.
Certaines sont espacées les unes des autres de plusieurs heures de sorte que le temps séparant ces vacations ne correspond pas en principe à un temps de trajet entre deux missions. En revanche, lorsque deux vacations sont séparées de 15 minutes, peu important que les chantiers afférents paraissent situés à la même adresse, ainsi que le soutient la salariée, cette dernière demeure à la disposition de l'employeur entre la fin de la première mission et celle qui suit immédiatement (rangement du matériel et préparation du chantier suivant).
La salariée est donc bien fondée en sa demande de rappel de salaire de 15 minutes supplémentaires par jour de travail de juillet 2014 à décembre 2015.
Selon l'article L.3123-17 du code du travail, le nombre d'heures complémentaires accomplies par un salarié à temps partiel au cours d'une même semaine ou d'un même mois ou sur la période prévue par un accord collectif conclu sur le fondement de l'article L. 3122-2 ne peut être supérieur au 10e de la durée hebdomadaire ou mensuelle de travail prévu dans son contrat calculé, le cas échéant sur la période prévue par un accord collectif conclu sur le fondement de l'article L. 3122-2.
Les heures complémentaires ne peuvent avoir pour effet de porter la durée du travail, accompli par un salarié au niveau de la durée légale du travail ou à la durée, fixée, conventionnellement.
S'agissant des heures complémentaires effectuées par la salariée, dont cette dernière n'établit pas qu'elles aient donné lieu au paiement de primes de remplacement, ni même qu'elles aient été supérieures à 10 % de la durée mensuelle du travail prévu, force est de constater qu'il résulte des bulletins de salaire que la salariée a réalisé en 2014, 9 heures complémentaires, qu'en 2015 elle a réalisé certains mois, entre 2 et 7 heures complémentaires et qu'il en est de même pour l'année 2016.
En l'état de ces éléments, il ne résulte pas que le recours à des heures complémentaires ait eu pour effet de porter la durée du travail de la salariée à temps partiel au niveau de la durée légale ou conventionnelle, justifiant la requalification de son contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps plein.
L'avenant de reprise de la salariée du 1er mars 2014 de Mme [W] mentionne une durée de travail effectif mensuelle de 32 h 50.
Sont également produits des avenants convenus entre l'employeur et la salariée qui ont pu majorer le nombre d'heures de travail à savoir :
-l'avenant du 1er juillet 2014, ayant porté à 117 heures la durée mensuelle de travail effectif,
-l'avenant du 1er septembre 2014 portant à 58 h 50 la durée mensuelle de travail effectif,
-l'avenant du 1er décembre 2015 portant à 32 h 50 la durée mensuelle de travail effectif,
-l'avenant du 1er mars 2016 portant à 42 h 25, la durée mensuelle de travail effectif,
-l'avenant du 1er mars 2017, portant à 104 heures la durée mensuelle de travail effectif.
Tous ces avenants ont été expressément acceptés et signés par la salariée. Les avenants mentionnent la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine. Il incombe à la salariée de rapporter la preuve qu'elle était placée dans l'impossibilité de prévoir à quel rythme elle devait travailler, et qu'elle devait se tenir constamment à la disposition de l'employeur.
Or, il ne peut être déduit de la seule succession de trois avenants au cours de l'année 2014, où même de la succession d'avenants en 2015, 2016, 2017 avec une durée mensuelle de travail certes différente, mais convenue entre les parties, le fait que Mme [W] devait se tenir constamment à la disposition de l'employeur, ces différents avenants ayant été soumis à son approbation et partant la variation même de la durée du travail d'un avenant au contrat de travail à l'autre.
En conséquence, Mme [W] sera déboutée de sa demande de requalification du contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps plein par confirmation du jugement entrepris de ce chef.
IV - Sur la demande de rappel de salaires
Il suit de ce qui précède que la salariée est bien fondée en sa demande de rappel de salaire du mois de juillet 2014 au mois de novembre 2015 en raison de 15 minutes supplémentaires par jour de travail sur cette période.
Il lui sera alloué de ce chef la somme de 1 143,25 euros à titre de rappel de salaires du mois de juillet 2014 au mois de novembre 2015, outre la somme de 114,32 euros au titre des congés payés afférents.
V- Sur l'inégalité de traitement et la demande de rappel de prime de 13e mois
En application du principe à travail égal salaire égal, l'employeur est tenu d'assurer l'égalité de rémunération entre tous les salariés pour autant que ceux-ci sont placés dans une situation identique.
Si, au terme de l'article 1315 du code civil, il appartient au salarié qui invoque une atteinte à ce principe de soumettre au juge des éléments de faits susceptibles de caractériser une inégalité de rémunération, il incombe à l'employeur de rapporter la preuve d'éléments objectifs et matériellement vérifiables justifiant cette différence.
Toutefois, il est de droit que l'évolution générale de la législation du travail en matière de négociation collective et de la jurisprudence en ce qui concerne le principe d'égalité de traitement à l'égard des accords collectifs conduit à apprécier différemment la portée du principe d'égalité de traitement à propos du transfert des contrats de travail organisé par voie conventionnelle. Par suite, la différence de traitement entre les salariés dont le contrat de travail a été transféré en application d'une garantie d'emploi instituée par voie conventionnelle par les organisations syndicales représentatives investies de la défense des droits et intérêts des salariés et à l'habilitation desquelles ces derniers participent directement par leur vote et les salariés de l'employeur entrant, qui résulte de l'obligation à laquelle est tenu ce dernier de maintenir au bénéfice des salariés transférés les droits qui leur étaient reconnus chez leur ancien employeur au jour du transfert, n'est pas étrangère à toute considération de nature professionnelle et se trouve dès lors justifiée au regard du principe d'égalité de traitement.
En l'espèce, la convention collective des entreprises de propreté et services associés du 26 juillet 2011 comprend en son article 7 un dispositif de garantie d'emploi. Ce texte fixe les « conditions de garantie de l'emploi et continuité du contrat de travail du personnel en cas de changement de prestataire ». L'article 7.2, II, relatif aux « modalités du maintien de l'emploi ' Poursuite du contrat de travail », précise que « Le transfert des contrats de travail s'effectue de plein droit par l'effet du présent dispositif et s'impose donc au salarié dans les conditions prévues ci-dessous. Le but de celui-ci est de protéger le salarié, son emploi et sa rémunération. Le transfert conventionnel est l'un des vecteurs stabilisateurs du marché de la propreté. Le maintien de l'emploi entraînera la poursuite du contrat de travail au sein de l'entreprise entrante ». L'article 7.2, II, B sur les « Modalités de maintien de la rémunération » indique que « le salarié bénéficiera du maintien de sa rémunération mensuelle brute correspondant au nombre d'heures habituellement effectuées sur le marché repris. A cette rémunération s'ajouteront les éléments de salaire à périodicité fixe de manière à garantir le montant global annuel du salaire antérieurement perçu correspondant au temps passé sur le marché repris. Ces éléments seront détaillés selon les indications figurant sur la liste fournie par l'entreprise sortante mentionnée à l'article 7.3-I. Le nouvel employeur ne sera pas tenu de maintenir les différents libellés et composantes de la rémunération, ni d'en conserver les mêmes modalités de versement, compte tenu de la variété des situations rencontrées dans les entreprises ». Enfin l'article 7.2, II, D, relatif au statut collectif énonce que « les salariés bénéficieront du statut collectif du nouvel employeur qui se substituera dès le premier jour de la reprise à celui du précédent employeur ».
Mme [W] se compare à deux collègues affectées comme elle au site de la ville d'[Localité 4] au même poste d'agent de propreté.
Elle communique :
-le bulletin de paye du mois de décembre 2014 de Mme [Z],
-le bulletin de paye du mois de décembre 2015 de Mme [H],
-le bulletin de paye du mois de décembre 2017 de Mme [H],
-ses propres bulletins de paye des années 2014, 2015, 2016 et 2017.
Il résulte de la comparaison entre les bulletins de paye de Mme [Z], de Mme [H] et ceux de la salariée que cette dernière n'a pas perçu, contrairement à ses collègues de prime de fin d'année.
Mme [W] produit ainsi des éléments de faits susceptibles de caractériser une inégalité de rémunération.
La société objecte que l'origine du versement de cette prime de 13e mois n'est pas de son fait, mais avait été octroyée aux collègues de Mme [W] par l'un de leurs anciens employeurs, et que la société Carrard Services a donc seulement été amenée à maintenir le versement de la prime au moment de leur intégration dans ses effectifs en mars 2014, en application de la Convention collective des entreprises de propreté.
La société Carrard Services en justifie en produisant les bulletins de paye de Mme [Z], et de Mme [H] des mois de janvier et février 2014 alors qu'elles étaient encore dans les effectifs du prestataire sortant sur le marché de la mairie d'[Localité 4], la société TFN Propreté, desquels il résulte que celles-ci bénéficiaient antérieurement à la reprise, d'une prime de 13e mois.
A juste titre la société appelante expose que la preuve de l'origine première de cette différence de traitement ne saurait, par ailleurs, reposer sur elle dans la mesure où, n'ayant pas été l'employeur de Mme [H] et de Mme [Z] avant le 1er mars 2014, cette preuve lui est impossible à rapporter.
La société produit également aux débats un tableau d'intégration des salariés au poste d'agent de service sur le marché de la ville d'[Localité 4], établi au moment de la reprise avec précision des avantages dont chaque salarié bénéficiait, et qui devaient être maintenus par la société Carrard Services en sa qualité d'entreprise entrante.
Alors que la société appelante justifie que Mmes [Z] et [H], auxquelles la salariée se compare percevaient effectivement auprès de leur ancien employeur une prime de 13ème mois, le tableau établi par la société Carrard à l'occasion de l'obtention du marché de la ville d'[Localité 4] répertoriant 24 salariés affectés sur le site d'[Localité 4], bénéficiaires de cette prime antérieurement au transfert, n'est pas de nature à modifier l'analyse et le fait que l'employeur rapporte la preuve qui lui incombe d'une raison objective et pertinente reposant sur l'application de l'accord conventionnel ci-dessus référencé qui justifie la différence de rémunération.
L'atteinte au principe d'égalité de traitement n'est donc pas caractérisée. La demande présentée à ce titre sera rejetée et le jugement déféré infirmé de ce chef.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,
Rejette la demande de rabat de la clôture,
Confirme le jugement du conseil de prud'hommes de Boulogne-Billancourt du 18 décembre 2020, en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a, d'une part, condamné la société Carrard Services à payer à Mme [W] la somme de 2 155,18 euros au titre de la prime de 13e mois et, d'autre part, débouté Mme [W] d'une partie de sa demande de rappel de salaires au titre des 15 minutes quotidiennes séparant deux vacations sur la période de juillet 2014 au mois de novembre 2015,
Statuant à nouveau des chefs infirmés,
Condamne la société Carrard Services à payer à Mme [W] la somme de 1 143,25 euros à titre de rappel de rappel de salaires sur la période de juillet 2014 au mois de novembre 2015, outre la somme de 114,32 euros au titre des congés payés afférents,
Dit que l'atteinte au principe d'égalité de traitement n'est pas constituée.
Déboute Mme [W] de sa demande de rappel de prime de 13e mois,
Y ajoutant,
Condamne la société Carrard Services à payer à Mme [W] la somme 1 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel.
Condamne la société Carrard Services aux dépens d'appel.
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Monsieur Thomas LE MONNYER, Président, et par Madame Alicia LACROIX, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le greffier, Le président,