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06/12/2022 | FRANCE | N°21/06124

France | France, Cour d'appel de Versailles, 13e chambre, 06 décembre 2022, 21/06124


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 4DC



13e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 06 DECEMBRE 2022



N° RG 21/06124

N° Portalis DBV3-V-B7F-UYXB



AFFAIRE :



S.N.C. NATIOCREDIMURS



C/



S.A.R.L. HUGO MANAGEMENT ET PARTICIPATIONS

....







Décision déférée à la cour : Ordonnances rendues le 28 Septembre 2021 par le Juge commissaire du TC de VERSAILLES

N° Chambre :

Section :

N° RG : 2020M02741



Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :



Me Michèle DE KERCKHOVE



Me Valérie LEGER



Juge commissaire du TC de VERSAILLES

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



L...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 4DC

13e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 06 DECEMBRE 2022

N° RG 21/06124

N° Portalis DBV3-V-B7F-UYXB

AFFAIRE :

S.N.C. NATIOCREDIMURS

C/

S.A.R.L. HUGO MANAGEMENT ET PARTICIPATIONS

....

Décision déférée à la cour : Ordonnances rendues le 28 Septembre 2021 par le Juge commissaire du TC de VERSAILLES

N° Chambre :

N° Section :

N° RG : 2020M02741

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

Me Michèle DE KERCKHOVE

Me Valérie LEGER

Juge commissaire du TC de VERSAILLES

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE SIX DECEMBRE DEUX MILLE VINGT DEUX,

La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

S.N.C. NATIOCREDIMURS

[Adresse 1]

[Localité 7]

Représentant : Me Michèle DE KERCKHOVE de la SELARL BVK AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : C.26 - N° du dossier 17879

APPELANTE

****************

S.A.R.L. HUGO MANAGEMENT ET PARTICIPATIONS

[Adresse 4]

[Localité 5]

S.E.L.A.R.L. ML CONSEILS prise en la personne de Maître Cosme ROGEAU ès qualités de mandataire judiciaire de la société HUGO MANAGEMENT ET PARTICIPATIONS

[Adresse 3]

[Localité 5]

S.E.L.A.R.L. PATRICK PRIGENT prise en la personne de Maître Patrick PRIGENT, ès qualités d'administrateur judiciaire de la société HUGO MANAGEMENT ET PARTICIPATIONS

[Adresse 2]

[Localité 6]

Représentant : Me Valérie LEGER de la SELARL CABINET DE L'ORANGERIE, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 404 - N° du dossier 210105

INTIMEES

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 24 Octobre 2022 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Marie-Andrée BAUMANN, Conseiller, chargé du rapport, et Madame Delphine BONNET, Conseiller.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Marie-Andrée BAUMANN, Conseiller,

Madame Delphine BONNET, Conseiller,

Madame Aurélie DAOUST, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Madame Sabine NOLIN,

En vertu d'un accord cadre signé le 10 décembre 2014, la SARL Hugo management et participations, par contrats en date des 17 juillet 2015 et 8 septembre 2015, a conclu avec la SA BNP Paribas rental solutions, deux contrats de location portant sur divers équipements informatiques, lesquels ont été cédés à la SNC Natiocrédimurs.

Ces contrats ont été conclus pour une durée de 48 mois et remboursés à compter respectivement des 1er juillet 2015 en 16 loyers trimestriels de 6 283,39 euros HT (contrat X 0138421) et 1er septembre 2015 en 16 loyers trimestriels de 14 516,66 euros HT (contrat X0164180).

La société Hugo management et participations ayant suspendu le paiement des échéances à compter du mois d'octobre 2016 pour le premier contrat et du mois de septembre 2016 pour le second, la société Natiocrédimurs, par lettre recommandée du 4 janvier 2018, a résilié les deux contrats et informé la société Hugo management et participations qu'elle devait régler la somme de 263 717 euros au titre de l'indemnité de résiliation.

Par courriel en date du 9 mars 2018, la société Natiocrédimurs a accepté la proposition de la société Hugo management et participations de régler sa dette en 48 mensualités, à hauteur de 5 494 euros TTC par mois, en lui demandant de revoir les montants à la hausse dès que sa situation financière s'améliorerait, à raison d'une fois par an.

Par jugement en date du 27 juin 2019, le tribunal de commerce de Versailles a ouvert une procédure de sauvegarde à l'égard de la société Hugo management et participations et désigné la Selarl ML conseils, prise en la personne de maître Cosme Rogeau et la Selarl Patrick Prigent, prise en la personne de maître Patrick Prigent, respectivement en qualité de mandataire et d'administrateur judiciaires.

Par courrier recommandé en date du 12 août 2019, la société Natiocrédimurs a déclaré régulièrement sa créance entre les mains de maître Rogeau, ès qualités, à hauteur de la somme de 71 542,93 euros TTC au titre du contrat X0138421 et de celle de 227 822,06 euros TTC au titre du contrat X0164180.

Par courrier du même jour dans lequel elle a rappelé que les contrats avaient été résiliés pour non paiement le 4 janvier 2018, elle a interrogé l'administrateur sur sa volonté de poursuivre le moratoire en échange du matériel laissé à disposition ; par courrier du 23 septembre 2019, la Selarl Patrick Prigent, ès qualités, notant que les contrats 'auraient été résiliés le 4 janvier 2018', a considéré qu'ils n'étaient plus en cours et ne pouvaient être poursuivis.

Par lettre recommandée du 25 octobre 2019, la société Natiocrédimurs a également formulé une demande en restitution du matériel objet des contrats laquelle n'a pas été accueillie aux termes d'une ordonnance du juge-commissaire du 8 octobre 2020.

Par lettre datée du 27 janvier 2020 et reçue le 4 février 2020, maître Rogeau, ès qualités, a indiqué à la société Natiocrédimurs que sa créance était contestée par la débitrice et qu'il entendait proposer au juge-commissaire de retenir une créance de 27 470 euros à titre chirographaire, la société Hugo management et participations considérant qu'en vertu de l'accord conclu en 2018, elle ne demeurait redevable que de cinq mensualités de 5 494 euros, de février 2019 à juin 2019.

Par lettre recommandée du 13 février 2020, la société Natiocrédimurs, après avoir indiqué que le moratoire convenu le 9 mars 2018 'n'emportait aucunement novation des contrats initiaux', a maintenu sa déclaration relative au contrat X0138421 à hauteur de 71 542,93 euros mais a effectué une déclaration rectificative pour le contrat X0164180 à hauteur de la somme de 172 882,06 euros, après déduction des dix versements de 5 494 euros opérés par la société locataire.

Par deux ordonnances en date du 28 septembre 2021, le juge-commissaire désigné dans la procédure collective, considérant que pour les deux contrats, la créance déclarée résultait de la novation du contrat, a admis définitivement les créances chirographaires de la société Natiocrédimurs au passif de la société Hugo management et participations à hauteur de 22 620,18 euros (au titre de la créance déclarée pour 71 542,93 euros, contrat X0138421) et de 92 191,94 euros (au titre de la créance déclarée pour 227 822,06 euros, contrat X0164180) ; il a rejeté le surplus réclamé pour chacun des contrats et a dit que les dépens seraient employés en frais privilégiés de procédure.

Par déclarations en date du 8 octobre 2021, la société Natiocrédimurs a interjeté appel de chacune de ces ordonnances.

Par ordonnance de jonction en date du 19 mai 2022, le magistrat chargé de la mise état a joint les procédures RG 21/06127 et RG 21/06124, sous le RG 21/06124.

Dans ses dernières conclusions déposées au greffe et notifiées par RPVA le 5 juillet 2022, la société Natiocrédimurs demande à la cour de :

- la recevoir en ses écritures et l'y déclarer bien fondée ;

- débouter la société Hugo management et participations, la Selarl Patrick Prigent et la Selarl ML conseils, chacune ès qualités, de l'ensemble de leurs demandes ;

- infirmer les ordonnances rendues par le juge-commissaire du tribunal de commerce Versailles en date du 28 septembre 2021 ;

Statuant de nouveau,

- prononcer son admission au passif de la société Hugo management et participations pour la somme de 71 542,93 euros au titre du contrat X0138421 et pour la somme de 172 882,06 euros au titre du contrat X0164180 ;

- dire que les dépens de l'instance seront employés en frais privilégiés de procédure collective.

La société Hugo management et participations, la Selarl Patrick Prigent et la Selarl ML conseils, chacune ès qualités, dans leurs dernières conclusions déposées au greffe et notifiées par RPVA le 19 juillet 2022, demandent à la cour de :

- les recevoir en leurs prétentions et les y déclarer bien fondées ;

- infirmer les deux ordonnances rendues par le juge-commissaire le 28 septembre 2021 ;

Statuant de nouveau,

A titre principal,

- dire et juger n'y avoir lieu à fixer la créance de la société Natiocrédimurs au passif ;

A titre subsidiaire,

- fixer la créance de la société Natiocrédimurs au passif à la somme totale de 32 964 euros, au titre des deux contrats ;

A titre infiniment subsidiaire,

- fixer la créance de la société Natiocrédimurs au passif à la somme totale de 59 872,12 euros, au titre des deux contrats ;

A titre encore plus subsidiaire,

- fixer à un euro le montant de l'indemnité de résiliation.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 22 septembre 2022.

Pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties, il est renvoyé à leurs dernières écritures conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

SUR CE,

Sur la novation :

La société Natiocrédimurs conteste la novation retenue par le juge-commissaire en rappelant les dispositions des anciens articles 1134 et 1273 du code civil et la jurisprudence de la Cour de cassation selon laquelle la volonté de nover doit être non équivoque et résulter clairement des faits et actes intervenus entre les parties, un réaménagement de la dette ne pouvant constituer une novation. Elle soutient que par conséquent l'accord offert à la locataire de solder sa dette, après résiliation des contrats, par le versement de 48 mensualités ne saurait être analysé comme un nouveau contrat emportant novation des contrats initiaux, que d'ailleurs suite à l'ouverture de la procédure collective, elle a déclaré sa créance en prenant en compte la résiliation sur laquelle elle n'est jamais revenue et que contrairement à ce que prétendent les intimées, sa démarche à l'égard de l'administrateur sur la continuité de l'aménagement consenti en mars 2018 est dépourvue de toute ambiguïté puisque celui-ci a pris bonne note que les contrats avaient été résiliés en janvier 2018 et que par conséquent le moratoire ne pouvait perdurer ; elle ajoute que le seul fait que le matériel ait été laissé à disposition de la locataire ne saurait caractériser un acte positif traduisant une volonté de nover de sa part et de conclure une nouvelle convention au regard de la forte et rapide dépréciation de ce type de matériel, les frais de récupération pouvant être plus élevés que la valeur de revente.

Les intimées qui rappellent que la novation, prévue à l'article 1329 du code civil, peut avoir lieu par substitution d'obligation entre les mêmes parties, par changement de débiteur ou de créancier, soutiennent qu'en l'espèce un nouveau contrat s'est substitué en 2018 aux deux précédents qui sont donc éteints, par substitution d'obligation entre les mêmes parties, observant que la société Natiocrédimurs n'a pas seulement accordé un moratoire mais qu'elle a aussi volontairement laissé la société locataire en possession des objets loués, de sorte qu'une nouvelle location, en échange d'un nouveau loyer mensuel de 5 494 euros, s'est mise en place. Elles ajoutent que d'ailleurs la bailleresse, à la suite de l'ouverture de la procédure de sauvegarde, a demandé à l'administrateur judiciaire de se prononcer sur la poursuite des contrats et que la réponse de celui-ci démontre que le nouveau contrat était toujours en cours au jour de l'ouverture de la procédure collective, à la place des contrats antérieurs novés.

Les intimées en concluent que les déclarations de créance sollicitant la fixation au passif notamment d'indemnités de résiliation au titre de contrats qui n'ont plus d'existence ni de portée juridique, n'ont donc pas de fondement contractuel. Subsidiairement, si la cour devait considérer que les déclarations de créance emportent un effet juridique, elles soutiennent que les contrats n'ont pas été continués dans le cadre de la sauvegarde et demandent à la cour de juger que seules les six mensualités impayées des nouveaux loyers pourraient être fixées au passif à hauteur de 32 964 euros.

Selon l'ancien article 1273 du code civil, applicable aux contrats conclus avant le 1er octobre 2016 et repris, sans modification, à l'article 1330 du code civil, la novation ne se présume pas ; il faut que la volonté de l'opérer résulte clairement de l'acte.

Un réaménagement de la dette ne suffit pas à la caractériser de même, qu'en cas d'emprunt, il ne suffit pas, pour l'opérer, de modifier les modalités de remboursement.

Il ressort des éléments du dossier, qu'à la suite d'échéances trimestrielles restées impayées da,s chacun des contrats de location, la société Natiocrédimurs, par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 4 janvier 2018 dans laquelle elle a évoqué une précédente mise en demeure de payer et de restituer le matériel restée sans effet, a résilié les deux contrats et informé la société Hugo management et participations qu'elle était redevable de l'indemnité de résiliation, ce qui portait le montant de sa créance à la somme totale de 263 717 euros ; la société Natiocrédimurs a ainsi fait application des conditions générales figurant en annexe 3 de l'accord cadre en vertu duquel les contrats de location ont été conclus, lesquelles prévoient en leur article 10 que 'sans qu'il y ait besoin d'aucune formalité judiciaire, le présent contrat peut être résilié de plein droit, si bon semble au loueur, dans les cas suivants :

non respect de l'un des engagements pris au présent contrat et notamment le défaut de paiement d'une échéance ou de toute somme due en vertu du contrat (...)'

Si ensuite, par courriel en date du 9 mars 2018, elle a accepté la proposition de la société Hugo management et participations de régler sa dette en 48 mensualités, à hauteur de 5 494 euros TTC par mois, en lui demandant de revoir les montants à la hausse dès que sa situation financière s'améliorerait, à raison d'une fois par an, cette seule acceptation d'un règlement échelonné ne révèle pas une intention explicite de la société appelante d'opérer novation des contrats conclus à l'origine, d'autant que la société Natiocrédimurs n'est pas revenue sur sa décision de les résilier puisqu'elle a accepté le moratoire sur la somme correspondant notamment à l'indemnité de résiliation, peu important que la société locataire ait pour sa part estimé être liée à la société Natiocrédimurs par un 'nouveau contrat renégocié et non formalisé en 2018'.

D'ailleurs, si la société appelante a consulté l'administrateur judiciaire de la société locataire, sur 'la poursuite des contrats', elle a d'abord rappelé, dans son courrier du 12 août 2019, leur résiliation intervenue pour non paiement le 4 janvier 2018 puis elle a indiqué que la poursuite s'entendait ' surtout sur les versements prévus par le moratoire en échange du matériel laissé à disposition' ; l'administrateur qui a relevé que les contrats 'auraient été résiliés' avant l'ouverture de la procédure collective, a considéré qu'ils n'étaient plus en cours et ne pouvaient être poursuivis.

En outre, le fait que la société Natiocrédimurs ait laissé le matériel loué à la disposition de sa locataire ne peut révéler son intention novatrice, au regard en particulier de la nature du matériel loué constitué de matériel informatique et de sa dépréciation rapide ; le fait de laisser la société locataire en possession du matériel loué ne pouvait que la motiver à respecter l'échéancier consenti par la société bailleresse.

Dans ces circonstances, il ne peut être considéré qu'une novation s'est opérée à la suite de l'accord de paiement échelonné de la dette intervenu en mars 2018 de sorte que la société intimée sera également déboutée de sa demande subsidiaire sollicitant la limitation de sa condamnation en paiement de la somme de 32 964 euros au titre des loyers impayés de ce qu'elle considère comme un 'nouveau' contrat.

Sur les demandes en paiement de la société Natiocrédimurs :

La société Natiocrédimurs qui rappelle que sa déclaration de créance a été formée pour le montant de la dette exigible à l'ouverture de la procédure collective, fait valoir à titre principal que l'indemnité de résiliation n'est pas une clause pénale susceptible de réduction dans la mesure où elle a pour objet de compenser un manque à gagner.

Subsidiairement, si la cour devait retenir la qualification de clause pénale, elle fait valoir qu'elle ne pourrait pour autant faire droit à la demande de modération dans la mesure où le montant de l'indemnité ne peut être inférieur au préjudice subi par le co-contractant ; elle précise que dans l'économie d'un contrat de location, le préjudice subi par le bailleur est constitué par l'impossibilité d'obtenir le remboursement intégral du prix acquitté pour l'acquisition du matériel, objet du financement et par la perte de la rémunération espérée en conséquence du financement consenti au locataire. Elle souligne que les loyers étant impayés depuis l'échéance exigible le 1er septembre 2016 pour l'un des contrats et du 3 octobre 2016 pour le second, elle a été privée du remboursement du prix d'acquisition du matériel sur plus de trois ans alors qu'elle a acquitté celui-ci pour un montant total de 378 441, 41 euros de sorte que sa demande doit être accueillie dans les termes du dispositif de ses conclusions.

A titre infiniment subsidiaire, les intimées demandent à la cour, si elle devait considérer que les déclarations de créance devaient emporter un effet juridique et que les contrats de 2015 n'ont pas été novés, de décider que le créancier a renoncé implicitement à la résiliation des contrats initiaux en accordant un nouvel échéancier contre le matériel laissé en possession de sorte que jusqu'à l'ouverture de la sauvegarde, les contrats se sont poursuivis, observant d'ailleurs que c'est suite à la sauvegarde que la société Natiocrédimurs a sollicité la restitution des matériels. Elles en concluent qu'aucune indemnité de résiliation ne peut être admise au passif, seule la somme de 59 872,12 euros au titre des loyers impayés pouvant l'être.

A titre encore plus subsidiaire, si la cour considère que la société Natiocrédimurs a droit à une indemnité de résiliation, les intimées lui demandent d'exercer son pouvoir modérateur en application de l'article 1231-5 du code civil ; elles font valoir que l'indemnité de résiliation contractuellement convenue, au regard notamment de son caractère comminatoire, peut être qualifiée de clause pénale soumise au pouvoir modérateur de la cour à laquelle elles demandent de la réduire à un euro.

Si la renonciation à un droit peut être tacite, elle ne peut cependant être retenue que si elle est claire et non équivoque et se traduit par des actes incompatibles avec la prérogative abandonnée.

Les éléments précédemment exposés à propos de l'absence de novation ne permettent pas de considérer, contrairement à ce que prétendent les intimées, que la société Natiocrédimurs a renoncé à la résiliation des contrats alors même que l'accord de règlement échelonné de la dette a été convenu sur la somme de 263 717 euros laquelle correspond, d'après les décomptes joints à la mise en demeure du 4 janvier 2018 et intitulés chacun 'décompte contrat résilié le 4/01/2018', à la somme des loyers impayés et de l'indemnité de résiliation correspondant elle-même à la somme de 'l'indemnité réparatrice' et d'une 'pénalité' représentant 10 % de l'indemnité réparatrice ; la société Natiocrédimurs a d'ailleurs rappelé la résiliation intervenue lorsqu'elle a demandé à l'administrateur de se prononcer sur la poursuite des versements prévus par le moratoire et, elle a fait figurer dans sa déclaration de créance l'indemnité de résiliation pour chacun des contrats, le seul fait qu'elle ait laissé la société locataire en possession du matériel loué ne suffisant pas à démontrer son intention de renoncer à la résiliation des contrats.

L'article 10 des conditions générales rappelées en annexe de l'accord cadre conclu avec la société locataire, précédemment cité, prévoit que 'la résiliation entraîne de plein droit, au profit du loueur, le paiement par le locataire ou ses ayants droits, en réparation du préjudice subi en sus des loyers impayés et de leurs accessoires, d'une indemnité égale aux loyers restant à échoir au jour de la résiliation. Cette indemnité sera majorée d'une somme forfaitaire égale à 10 % de la dite indemnité à titre de clause pénale (...).'

Cette clause, par l'anticipation de l'exigibilité des loyers à échoir dès la résiliation du contrat en plus de l'application d'une pénalité de 10 % sur cette indemnité, majore les charges financières pesant sur la société locataire et est stipulée à la fois pour la contraindre à l'exécution du contrat et comme évaluation conventionnelle et forfaitaire du préjudice subi par la société bailleresse du fait de la rupture fautive du contrat. Par conséquent, la société Natiocrédimurs n'est pas fondée à discuter qu'elle constitue une clause pénale susceptible de modération dans les conditions de l'ancien article 1152 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016.

Il est justifié, au vu des factures du matériel loué, qu'il a été investi par la société bailleresse pour le financement du matériel la somme de 95 147,19 euros HT, soit 114 176,63 euros TTC, pour le contrat X 0138421 et 220 220,65 euros HT, soit 264 264,78 euros TTC, pour le contrat X0164180 ; celle-ci, au regard du montant des loyers contractuellement convenus, entendait en outre être rémunérée à hauteur de 100 534,24 euros HT, soit 120 641,09 euros TTC (contrat X 0138421) et de 232 266,56 euros HT, soit 278 719,87 euros TTC (contrat X 0164180 ).

Il ressort des décomptes établis à l'appui de la déclaration de créances que :

- au titre du contrat X 0138421 dont la première échéance trimestrielle était fixée au 1er juillet 2015, deux loyers ont été impayés en octobre 2016 et janvier 2017 puis un en janvier 2018 pour un montant total de 18 850,15 euros HT, soit 22 620,18 euros TTC dont le quantum n'est pas discuté par les intimées, huit loyers ayant été précédemment réglés ; le montant de l'indemnité réparatrice réclamée par l'appelante correspond aux cinq loyers restant à échoir à hauteur de 31 417,96 euros HT ;

- au titre du contrat X 0164180 dont la première échéance trimestrielle était fixée au 1er septembre 2015, six loyers ont été partiellement ou totalement impayés à compter du 1er septembre 2016 pour un total de 77 026,62 euros HT, soit 92 191,94 euros TTC dont le quantum n'est pas discuté par les intimés, quatre loyers ayant été précédemment réglés ; le montant de l'indemnité réparatrice réclamée correspond aux six loyers restant à échoir à hauteur de 87 100,96 euros HT.

Au regard des loyers impayés mis à la charge de la société locataire pour chacun des contrats, 'l'indemnité réparatrice' correspondant aux loyers restant à échoir n'est pas manifestement excessive au regard du préjudice économique et financier subi par la société Natiocrédimurs qui, outre la somme investie pour l'achat du matériel et dont elle a justifié par les factures versées aux débats, n'a pas perçu, du fait des impayés, la rémunération espérée en conséquence du financement consenti à la locataire.

En revanche, la pénalité calculée à hauteur de 10 % de 'l'indemnité réparatrice' et qui excède de 10 % le préjudice ainsi subi par la société Natiocrédimurs est manifestement excessive, d'autant plus au regard de la nature du matériel loué dont l'appelante a elle-même précisé qu'il se dépréciait rapidement. Elle sera réduite à un euro pour chacun des contrats.

Il convient en outre de préciser que contrairement à ce qui est indiqué par la société Natiocrédimurs dans son décompte, l'indemnité de résiliation qui a pour objet de réparer un préjudice économique et qui a donc un caractère indemnitaire n'est pas soumise à la TVA en application de l'article 256 du code général des impôts dès lors qu'elle ne constitue pas une prestation de services ou une livraison de biens; seuls sont soumis à la TVA les loyers échus.

Le décompte des sommes à admettre au passif de la société Hugo management s'établit donc ainsi :

* au titre du contrat X 0138421,

22 620,18 euros TTC au titre des loyers échus impayés outre la somme totale de 31 418,96 euros au titre de l'indemnité de résiliation retenue HT ;

* au titre du contrat X 0164180,

92 191,94 euros TTC au titre des loyers échus impayés outre la somme totale de 87 101,96 euros retenue HT au titre de l'indemnité de résiliation, sous déduction cependant des dix versements d'un montant de 5 494 euros chacun dans le cadre de l'accord de règlement accepté par la société Natiocrédimurs, soit une créance de 37 251,94 euros TTC au titre des loyers impayés outre l'indemnité de résiliation.

Les ordonnances sont par conséquent infirmées de ce chef, celles-ci étant uniquement confirmées sur les dépens.

PAR CES MOTIFS

Statuant par arrêt contradictoire,

Infirme les ordonnances en date du 28 septembre 2021 sauf en ce qu'elles ont dit que les dépens seraient employés en frais privilégiés de procédure ;

Statuant à nouveau,

Admet au passif de la société Hugo management et participations la créance chirographaire de la société Natiocrédimurs au titre du contrat X0138421 à hauteur de 22 620,18 euros TTC au titre des loyers échus impayés outre la somme de 31 418,96 euros au titre de l'indemnité de résiliation ;

Admet au passif de la société Hugo management et participations la créance chirographaire de la société Natiocrédimurs au titre du contrat X0164180, à hauteur de 37 251,94 euros TTC au titre des loyers impayés outre la somme de 87 101,96 euros au titre de l'indemnité de résiliation ;

Déboute la société Natiocrédimurs du surplus de sa demande ;

Dit que les dépens de la procédure d'appel seront employés en frais privilégiés de la procédure collective.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Marie-Andrée BAUMANN, Conseiller et par Madame Sabine NOLIN, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le conseiller,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 13e chambre
Numéro d'arrêt : 21/06124
Date de la décision : 06/12/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-12-06;21.06124 ?
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