COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
1ère chambre 1ère section
ARRÊT N°
CONTRADICTOIRE
Code nac : 96C
DU 13 DÉCEMBRE 2022
N° RG 21/02393
N° Portalis DBV3-V-B7F-UOAV
AFFAIRE :
[B] [N]
C/
ETABLISSEMENT PUBLIC DE SANTÉ [5]
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 16 Mars 2021 par le Tribunal Judiciaire de PONTOISE
N° Chambre :
N° Section :
N° RG : 19/00283
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :
-la SELARL MAYET & PERRAULT,
-la SCP BERGER/ BOSQUET/SAVIGNAT
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE TREIZE DÉCEMBRE DEUX MILLE VINGT DEUX,
La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dont le délibéré a été prorogé le 06 décembre 2022, les parties en ayant été avisées, dans l'affaire entre :
Monsieur [B] [N]
né le 02 Juillet 1958 à [Localité 3]
de nationalité Française
[Adresse 2]
[Adresse 2]
représenté par Me Raphaël MAYET de la SELARL MAYET & PERRAULT, avocat - barreau de VERSAILLES, vestiaire : 393 - N° du dossier 18RM0277
APPELANT
****************
ETABLISSEMENT PUBLIC DE SANTÉ [5]
prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés audit siège
N° SIRET : 269 500 088 00019
[Adresse 1]
[Adresse 1]
représenté par Me Sandrine BOSQUET de la SCP BERGER/BOSQUET/SAVIGNAT, avocat postulant - barreau de VAL D'OISE, vestiaire : 20 - N° du dossier 6081
Me Pierre-Yves FOURE de la SELARL HOUDART ET ASSOCIES, avocat - barreau de PARIS, vestiaire : A0294
INTIMÉ
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 17 Octobre 2022 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Nathalie LAUER, Conseiller chargée du rapport et Madame Sixtine DU CREST, Conseiller.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Anna MANES, Présidente,
Madame Nathalie LAUER, Conseiller,
Madame Sixtine DU CREST, Conseiller,
Greffier, lors des débats : Madame Natacha BOURGUEIL,
FAITS ET PROCÉDURE
M. [N] a été amené en ambulance le 30 juin 2018 à 6h59 au service des urgences de l'hôpital Louis Mourier de Colombes puis orienté vers l'établissement public de santé [5] de Moiselles (Val d'Oise) afin d'être hospitalisé en psychiatrie.
Il a été admis à l'établissement public de santé [5] le 30 juin 2018 sous le régime des soins sous contrainte sur décision du directeur de l'établissement en raison de l'existence d'un péril imminent sur la santé de la personne et la décision lui a été notifiée le dimanche 2 juillet 2018.
La mesure d'hospitalisation a été prolongée le 2 juillet 2018.
Le 5 juillet 2018, M. [N] a été entendu par le juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance de Pontoise qui a décidé de prolonger la mesure d'hospitalisation.
La mesure de soins psychiatriques sans consentement a été levée le 11 juillet 2018 par le directeur de l'établissement.
Par acte d'huissier de justice délivré le 14 décembre 2018, M. [N] a fait assigner devant le tribunal de grande instance de Pontoise l'établissement public de santé [5] et l'assistance publique hôpitaux de Paris.
Par jugement contradictoire rendu le 16 mars 2021, le tribunal judiciaire de Pontoise a :
- Débouté M. [N] de l'ensemble de ses demandes,
- Rejeté la demande de l'établissement public de santé [5] sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- Condamné M. [N] aux dépens.
M. [N] a interjeté appel de ce jugement le 12 avril 2021 à l'encontre de l'établissement public de santé [5].
Par dernières conclusions rendues le 26 janvier 2022, M. [N] demande à la cour de :
Vu les articles L.312-1, L.3211-3, L.3216-1 du code de la santé publique,
Vu l'avis de la Cour de cassation du 11 juillet 2016,
Vu l'arrêt du Conseil d'Etat du 13 novembre 2013,
- Infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions et,
- Constater l'irrégularité des décisions d'admission et de maintien en hospitalisation à l'établissement public de santé [5] de Moisselles des 1er et 2 juillet 2018,
- Constater la tardiveté de la notification des droits prévus à l'article L.3211-3 du code de la santé publique et des décisions d'admission et de maintien en soins sans consentement de M. [N].
Et ce faisant,
- Condamner l'établissement public de santé [5] de Moisselles à payer à M. [N] les sommes de :
o 8.000,00 euros en réparation du préjudice résultant de la privation de liberté illégale,
o 5.000,00 euros en réparation du préjudice résultant de l'administration de traitements sous la contrainte,
o 2.000,00 euros en réparation du préjudice résultant de la tardiveté de la notification des décisions d'admission et de maintien en hospitalisation et des droits prévus à l'article L.3211-3 du code de la santé publique.
- Condamner l'établissement public de santé [5] de Moisselles à payer à M. [N] la somme de 4.000,00 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Par d'uniques conclusions notifiées le 4 octobre 2021, l'établissement public de santé [5] demande à la cour de :
Vu les articles L. 3211-3 et L. 3212-1 du code de la santé publique,
- Confirmer le jugement en ce qu'il a débouté M. [N] de ses demandes indemnitaires à l'endroit de l'établissement public de santé [5],
- Condamner M. [N] à verser à l'établissement public de santé [5] la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi que la condamnation du même aux entiers dépens.
La clôture de l'instruction a été ordonnée le 8 septembre 2022.
SUR CE, LA COUR,
Les limites de l'appel et à titre liminaire
L'ensemble des dispositions du jugement, qui rejettent notamment toutes les demandes de M. [N], sont querellées.
Les demandes de M. [N]
Moyens des parties
l'irrégularité de la décision d'admission
M. [N] poursuit l'infirmation du jugement déféré en ce qu'il a rejeté ses demandes indemnitaires. À l'appui, il fait valoir en premier lieu que la décision d'admission est rétroactive.
Il précise que la décision d'admission en soins psychiatriques en cas de péril imminent a été prise tardivement puisqu'elle est intervenue le 1er juillet 2018, soit le lendemain de son admission effective au sein de l'établissement [5]. Il invoque un avis rendu le 11 juillet 2016 par la Cour de cassation qui a estimé que les décisions d'admission en hospitalisation ne pouvaient pas être rétroactives sauf pour le temps strictement nécessaire à l'élaboration de l'acte, qui ne saurait excéder quelques heures (pièce n° 11).
En l'espèce, il explique avoir été admis en soins sans consentement à l'établissement public de santé de [Localité 4] le 30 juin 2018 à 17h00 (pièces n° 1 et 2) mais n'avoir été informé de son mode d'hospitalisation que le lendemain à 18h00 (pièce n° 3).
Or, il fait valoir qu'au cas d'espèce, il ne s'agissait pas d'une décision préfectorale d'hospitalisation mais d'une décision du directeur de l'établissement qui ne nécessitait aucun échange entre l'intérieur et l'extérieur de l'hôpital, de sorte que le temps strictement nécessaire à l'élaboration de la décision était nécessairement très bref.
Sur le fondement de l'article L. 3212-1 du code de la santé publique, il affirme que la recherche de tiers susceptibles de solliciter une hospitalisation doit être effectuée dans les vingt-quatre heures de la décision d'admission en soins en cas de péril imminent, soit postérieurement à la décision d'admission, de sorte que cette recherche ne saurait justifier d'avoir différé la décision d'admission.
Il se fonde également sur le rapport du contrôleur général des lieux de privation de liberté rendu suite à sa visite de l'établissement public de santé de [Localité 4] au mois de mai 2016 (pièce n° 21) faisant ressortir qu'une décision d'admission a été prise tardivement en raison du manque de personnel administratif démontrant l'absence de prise et de notification de décision d'admission le week-end.
L'établissement public de santé [5] conclut au rejet des demandes de M. [N]. Il soutient au contraire en premier lieu que le délai d'élaboration et de notification de la décision d'admission de M. [N] a respecté le temps strictement nécessaire aux démarches.
Il se fonde à ce titre sur la jurisprudence rappelant que si la Cour de cassation estime, depuis son avis du 11 juillet 2016 (n° 16.70-006), que les décisions d'admission en soins psychiatriques sans consentement ne peuvent en principe pas avoir d'effet rétroactif, la haute juridiction admet cependant que la décision d'admission puisse être retardée le temps strictement nécessaire à l'élaboration de l'acte, ce temps ne pouvant excéder quelques heures.
En l'espèce, il fait valoir que la décision d'admission en soins pour péril imminent a été formalisée quelques heures seulement après l'admission de M. [N] dans l'établissement, le temps que les services de l'établissement public de santé [5] accomplissent les démarches nécessaires afin de s'assurer que le patient n'avait pas dans sa famille ou son entourage de tiers susceptible de demander son hospitalisation.
Par ailleurs, l'intimé rappelle qu'au regard des dispositions de l'article L. 3212-1 II 2° du code de la santé publique, l'admission en soins psychiatriques en cas de péril imminent est prononcée par le directeur de l'établissement qui doit en informer " dans un délai de 24 heures, sauf difficultés particulières, la famille de la personne qui fait l'objet de soins (...) ou à défaut toute personne justifiant de l'existence de relations avec la personne malade antérieures à l'admission en soins et lui donnant qualité pour agir dans l'intérêt de celle-ci " au visa du deuxième alinéa de l'article précité (pièce n° 14).
En l'espèce, l'établissement public de santé [5] certifie que le jour auquel M. [N] a été admis, soit le samedi 30 juin 2018 à 17h00, l'infirmière de service a contacté la seule personne de son entourage dont il avait communiqué les coordonnées au personnel hospitalier, à savoir une amie. Toutefois, l'intimé précise que celle-ci résidant aux Pays-Bas et n'ayant semble-t-il que des contacts irréguliers avec l'intéressé, elle n'était pas en mesure de demander son hospitalisation.
L'établissement public de santé [5] précise que ces démarches ont été accomplies entre 18h00 et 19h00, concomitamment à l'installation du patient, considérant l'heure à laquelle l'infirmière a saisi ses observations dans le dossier médical du patient, soit 19h11 (pièce n° 8).
Il ajoute qu'une admission prononcée et notifiée le soir même n'aurait pas permis de délivrer les informations prévues à l'article L. 3211-3 du code de la santé publique dans des conditions appropriées à l'état de M. [N], ce dernier s'étant montré ambivalent vis-à-vis des soins, après avoir lui-même appelé le SAMU (pièce n° 8).
Il en déduit que son personnel a accompli toutes diligences pour prévenir une personne de l'entourage du patient susceptible d'agir dans l'intérêt de celui-ci, de sorte qu'il ne peut par conséquent pas lui être reproché d'avoir différé de quelques heures la formalisation de la décision d'admission, dès lors que ceci s'est avéré nécessaire à l'accomplissement des démarches imposées par la loi dans l'intérêt du patient. Il conclut que M. [N] n'a subi aucun préjudice et aucune atteinte à ses droits de sorte que la décision n'est entachée d'aucune irrégularité (Civ.1, 4 juillet 2018, pourvoi n° 17-20.800).
En outre, l'intimé relève d'une part que le rapport de visite du mois de mai 2016 du contrôleur général des lieux de privation de liberté est antérieur à l'hospitalisation de M. [N], la directrice précisant dans son courrier du 11 septembre 2017 qu'une procédure relative aux décisions d'admission et aux notifications des mesures en dehors des heures d'ouverture du service des séjours hospitaliers a été élaborée et d'autre part, que la décision a été prise et notifiée le dimanche 1er juillet 2018 par le directeur d'astreinte en l'espèce.
Appréciation de la cour
L'article L 3212-1 du code de la santé publique dispose que :
" I. Une personne atteinte de troubles mentaux ne peut faire l'objet de soins psychiatriques sur la décision du directeur d'un établissement mentionné à l'article L. 3222-1 que lorsque les deux conditions suivantes sont réunies :
1° Ses troubles mentaux rendent impossible son consentement ;
2° Son état mental impose des soins immédiats assortis soit d'une surveillance médicale constante justifiant une hospitalisation complète, soit d'une surveillance médicale régulière justifiant une prise en charge sous la forme mentionnée au 2° du I de l'article L. 3211-2-1.
II.-Le directeur de l'établissement prononce la décision d'admission :
1° Soit lorsqu'il a été saisi d'une demande présentée par un membre de la famille du malade ou par une personne justifiant de l'existence de relations avec le malade antérieures à la demande de soins et lui donnant qualité pour agir dans l'intérêt de celui-ci, à l'exclusion des personnels soignants exerçant dans l'établissement prenant en charge la personne malade. Lorsqu'il remplit les conditions prévues au présent alinéa, le tuteur ou le curateur d'un majeur protégé peut faire une demande de soins pour celui-ci.
La forme et le contenu de cette demande sont fixés par décret en Conseil d'Etat.
La décision d'admission est accompagnée de deux certificats médicaux circonstanciés datant de moins de quinze jours, attestant que les conditions prévues aux 1° et 2° du I du présent article sont réunies.
Le premier certificat médical ne peut être établi que par un médecin n'exerçant pas dans l'établissement accueillant le malade ; il constate l'état mental de la personne malade, indique les caractéristiques de sa maladie et la nécessité de recevoir des soins. Il doit être confirmé par un certificat d'un second médecin qui peut exercer dans l'établissement accueillant le malade. Les deux médecins ne peuvent être parents ou alliés, au quatrième degré inclusivement, ni entre eux, ni du directeur de l'établissement mentionné à l'article L. 3222-1 qui prononce la décision d'admission, ni de la personne ayant demandé les soins ou de la personne faisant l'objet de ces soins ;
2° Soit lorsqu'il s'avère impossible d'obtenir une demande dans les conditions prévues au 1° du présent II et qu'il existe, à la date d'admission, un péril imminent pour la santé de la personne, dûment constaté par un certificat médical établi dans les conditions prévues au troisième alinéa du même 1°. Ce certificat constate l'état mental de la personne malade, indique les caractéristiques de sa maladie et la nécessité de recevoir des soins. Le médecin qui établit ce certificat ne peut exercer dans l'établissement accueillant la personne malade ; il ne peut en outre être parent ou allié, jusqu'au quatrième degré inclusivement, ni avec le directeur de cet établissement ni avec la personne malade.
Dans ce cas, le directeur de l'établissement d'accueil informe, dans un délai de vingt-quatre heures sauf difficultés particulières, la famille de la personne qui fait l'objet de soins et, le cas échéant, la personne chargée de la protection juridique de l'intéressé ou, à défaut, toute personne justifiant de l'existence de relations avec la personne malade antérieures à l'admission en soins et lui donnant qualité pour agir dans l'intérêt de celle-ci.
Lorsque l'admission a été prononcée en application du présent 2°, les certificats médicaux mentionnés aux deuxième et troisième alinéas de l'article L. 3211-2-2 sont établis par deux psychiatres distincts. "
Il en résulte en premier lieu que la décision d'hospitalisation sous contrainte en cas de péril imminent ne peut être prise par le directeur de l'établissement qu'à défaut de demande présentée par un membre de la famille, ce qui suppose d'effectuer des vérifications en ce sens avant que le directeur ne prenne cette décision, contrairement à ce que soutient M. [N], même si, ensuite, la famille doit également être informée dans un délai de 24 heures.
En l'espèce, il résulte des pièces produites aux débats que M. [N] a été transporté par le SAMU aux urgences de l'hôpital Louis Mourier le 30 juin 2018 à 6h59 à la suite d'un fléchissement de l'humeur.
Comme cela ressort du dossier médical, il a ensuite été conduit à 17 heures à l'établissement public de santé [5] au vu d'un certificat médical du Docteur [L], psychiatre, constatant qu'étant donné l'ambivalence aux soins et la rationalisation des troubles, le patient n'est pas en état de consentir aux soins ; qu'une hospitalisation complète sous contrainte est nécessaire afin d'effectuer une évaluation diagnostique et thérapeutique ; que le patient est prévenu de la nécessité de soins sous contrainte ; que ces troubles rendent impossible le consentement du patient ; que son état représente un péril imminent pour sa santé ; qu'en l'impossibilité d'obtenir une demande de tiers, il impose des soins psychiatriques immédiats dans un établissement régi par la loi du 5 juillet 2011 selon l'article L 3212-II-2 du code de la santé publique, à savoir l'hôpital [5].
L'édition du dossier médical produite par M. [N] comprend notamment un " relevé de démarches de recherche et/ou d'information de la famille dans les 24 heures pour une admission en soins psychiatriques en cas de péril imminent (L 3212-1-II 2 du CSP) effectuées le 30 juin 2018 par Mme [I] [K], infirmière, qui indique avoir informé l'entourage du patient en la personne d'une amie dont les coordonnées téléphoniques sont précisées.
Compte tenu des contraintes temporelles inhérentes à la nécessité légale de contacter l'entourage, il en résulte que la décision d'admission qui a été prise le 1er juillet 2018, soit un dimanche et par un directeur d'astreinte, et a été notifiée à M. [N] le même jour à 18h01, l'a été dans les meilleurs délais de sorte que, dans de telles circonstances l'écart de quelques heures entre l'admission et la notification n'est pas de nature à l'entacher d'irrégularité.
Ce moyen sera donc rejeté.
La motivation des décisions d'admission et de maintien en hospitalisation de M. [N] à l'établissement public de santé [5] de Moisselles
Moyens des parties
M. [N] poursuit l'infirmation du jugement déféré en ce qu'il l'a débouté de ses demandes en faisant valoir en second lieu que les décisions d'admission et de maintien en hospitalisation sont insuffisamment motivées.
Il rappelle que le Conseil d'Etat a, par un arrêt rendu le 13 novembre 2013 (pièce n° 23), établi que toutes les décisions d'admission et de maintien en soins sans consentement doivent être écrites et motivées et qu'il a par la suite précisé, par deux arrêts Deslandes du 9 novembre 2001 (pièce n° 25) et [C] du 11 juin 2003 (pièce n° 24), que l'autorité administrative peut satisfaire à l'obligation de motivation par référence à un certificat médical, à la double condition d'annexer ce certificat et de le joindre à la décision d'admission.
Il précise que la Cour de cassation a récemment repris cette exigence de motivation renforcée par un arrêt rendu le 29 septembre 2021 (pièce n° 26).
Or en l'espèce, il soutient que la décision d'admission (pièce n° 3) a été établie sur un formulaire préimprimé rempli simplement des noms de la personne hospitalisée et du médecin certificateur, sans reprendre le certificat visé établi par le Docteur [L] puisqu'au verso de cette décision d'admission figure le bordereau de notification à M. [N] sans que ne figure ledit certificat entre les deux.
Par ailleurs, l'appelant fait valoir qu'il appartient à l'établissement hospitalier de démontrer que ce certificat était joint à la décision en question.
En outre, M. [N] indique, au fondement des dispositions de l'article L.3212-1 du code de la santé publique, que le recours à la procédure de péril imminent est un recours exceptionnel moins protecteur des droits de la personne hospitalisée puisqu'il ne repose que sur un seul certificat médical, et non deux comme dans la procédure de droit commun des soins sur demande d'un tiers.
Il considère que la notion de péril imminent n'est nullement détaillée ni dans le certificat médical du Docteur [L] ni dans la décision d'admission.
Dans le même sens, l'appelant soulève l'irrégularité de la décision de maintien du 2 juillet 2018 pour défaut de motivation en ce qu'elle a été établie sur un formulaire préimprimé rempli simplement des noms du médecin certificateur et de la personne hospitalisée, en l'absence de certificat joint - dont la charge de la preuve incombe à l'intimé selon M. [N].
L'intimé réplique que la décision d'admission en soins psychiatriques sans consentement est suffisamment motivée au regard des dispositions de l'article 12 du code de procédure civile, du 2° du II de l'article L. 3212-1 du code de la santé publique, et des exigences posées par la jurisprudence " Deslandes " (Conseil d'Etat, 9 novembre 2001, Deslandes, n°23-52.47).
Il indique qu'en l'espèce le certificat médical du 30 juin 2018 établi par le Docteur [L] était joint à la décision d'admission, comme en atteste la production de ladite décision et des pièces médico administratives s'y rapportant (pièce n° 3), ainsi que l'ordonnance rendue le 5 juillet 2018 par le juge des libertés et de la détention qui en a ordonné le maintien (pièce n° 5).
L'intimé ajoute que la décision d'admission du 1er juillet 2018 a été prise sur la base du certificat médical du 30 juin du directeur d'astreinte, M. [J], qui énonce de façon suffisamment circonstanciée les motifs justifiant l'hospitalisation sans consentement de M. [N].
Pour l'établissement public de santé [5], l'hospitalisation sans consentement de M. [N] était justifiée par la nécessité qu'il puisse bénéficier d'une évaluation diagnostique et thérapeutique compte tenu :
- de ses antécédents médicaux, en particulier de ses troubles addictifs (puisque, lors de son admission, l'appelant était en sevrage éthylique médicamenteux depuis trois mois),
- de l'introduction récente d'un traitement antidépresseur par son médecin traitant,
- de son ambivalence aux soins et de sa susthénicité sous-jacente.
Concernant la décision du 2 juillet 2018 prononçant la poursuite des soins psychiatriques sans consentement à l'issue de la période d'observation et de soins (pièce n° 4), l'établissement public de santé [5] indique qu'elle est également motivée par référence aux certificats médicaux de vingt-quatre heures et de soixante-douze heures, joints à la décision, dans lesquels les deux psychiatres ayant examiné le patient ont décrit le même état mental que celui ayant justifié l'admission (ambivalence aux soins, substhénie...).
Appréciation de la cour
L'établissement public de santé [5] produit la décision d'admission en soins psychiatriques sans consentement prise par le directeur d'astreinte le 1er juillet 2018, laquelle vise l'article L 3212-1- II-2 et le certificat médical établi par le Docteur [P] [L] le 30 juin 2018 concernant M. [N]. Celle-ci indique " qu'il résulte du certificat médical ou des certificats médicaux susvisés dont je m'approprie les termes, que les troubles mentaux présentés par M. [N] [B] imposent des soins immédiats assortis d'une surveillance médicale constante ".
Il produit également le dit certificat médical. Celui-ci commence par décrire l'état et le comportement de M. [N] ainsi que ses antécédents. Il conclut en ces termes : " étant donné l'ambivalence aux soins et la rationalisation des troubles, le patient n'est pas en état de consentir aux soins. Nécessité d'une hospitalisation complète sous contrainte afin d'effectuer une évaluation diagnostique et thérapeutique. Patient prévenu de la nécessité de soins sous contrainte. Ces troubles rendent impossible le consentement du patient. Son état représente un péril imminent pour sa santé. En l'impossibilité d'obtenir une demande de tiers, il impose des soins psychiatriques immédiats dans un établissement régi par la loi du 5 juillet 2011 selon l'article L 3212-1-II-2 du code de la santé publique, à savoir l'hôpital [5]. "
Il s'ensuit que la décision d'admission qui s'approprie les termes de ce certificat médical est suffisamment motivée sans que l'exigence de motivation ne puisse servir de prétexte à remettre en cause les conclusions médicales ayant retenu l'existence d'un péril imminent pour la santé du patient.
Tant M. [N] que l'établissement public de santé produisent ce certificat médical. Il ne peut donc être sérieusement soutenu que celui-ci n'était pas annexé à la décision d'admission surtout que M. [N] ne produit pas lui-même le bordereau incriminé et supposé montrer que cette pièce était manquante.
Quant à la décision de poursuite des soins du 2 juillet 2018, elle s'approprie les termes du certificat médical de 24 heures établi par le Docteur [H] [G] le 1er juillet 2018 concluant à la nécessité de poursuivre les soins psychiatriques sans consentement sous la forme d'une hospitalisation complète. Ledit certificat est rédigé en ces termes : " patient de 60 ans, non connu du secteur et adressé en hospitalisation via les urgences de Louis Mourier pour fléchissement thymique. Ce jour patient calme, contact familier, ludique, discours cohérent mais relâchement ideïque, revendiquant et ambivalent aux soins. Discours centré sur son dossier MDPH et la décision de refus de lui accorder un taux d'handicap à 80 %. substhénique. Pas d'idées suicidaires. Dans ces conditions, les soins psychiatriques sans consentement sont justifiés et la mesure doit être maintenue."
La nécessité du maintien des soins sans consentement est donc motivée par l'état du patient et particulièrement par l'ambivalence aux soins puisqu'une telle ambivalence est bien la preuve que celui-ci n'était pas en état de consentir lui-même aux soins dont il avait besoin.
Tant M. [N] que l'établissement public de santé produisent ce certificat médical dont aucun commencement de preuve ne permet d'établir qu'il n'était pas joint à la décision de maintien des soins du 2 juillet 2018.
Le moyen fondé sur l'insuffisance ou le défaut de motivation des décisions d'admission et de maintien en soins psychiatriques sans consentement sera donc également rejeté.
La notification des droits prévus à l'article L.3211-3 du code de la santé publique et des décisions d'admission et de maintien en soins sans consentement de M. [N].
À l'appui de ses prétentions indemnitaires, M. [N] invoque enfin un défaut de notification de ses droits. Se fondant sur les dispositions de l'article L.3211-3 du code de la santé publique, il estime que ses observations auraient dû être recueillies avant que le directeur de l'établissement ne prenne une décision de maintien en soins sans consentement.
Par ailleurs, il indique que, dans son rapport de visite du mois de mai 2016 (pièce n° 21), le contrôleur général des lieux de privation de liberté avait formulé une recommandation tendant à ce qu'un protocole de recueil des observations soit mis en place (pièce n° 21).
Or, l'appelant remarque en l'espèce que la décision de maintien en soins ne mentionne pas que ses observations ont été préalablement recueillies.
Il ajoute qu'il n'est pas établi qu'il ait été informé dès son admission, soit le 30 juin 2018 à 17h00, de l'ensemble de ses droits et notamment de celui d'avoir accès au service d'un médecin ou d'un avocat de son choix.
En outre, M. [N] prétend enfin que la décision d'admission lui a été notifiée le 10 juillet 2018, bien qu'un formulaire général de notification ait été soumis à sa signature le 1er juillet.
L'établissement public de santé [5] réplique que les observations de M. [N] ont été recueillies à l'occasion de deux entretiens (pièce n° 8) ; que M. [N] a d'abord été vu par le médecin pour le certificat des vingt-quatre heures le 1er juillet 2018 à 19h11, occasion à laquelle il a été " informé des suites de la prise en charge ". ; que lors de l'entretien du 2 juillet 2018, il lui a été précisé à 14h06 qu'un " ajustement de son traitement est nécessaire avant d'envisager une sortie définitive " et que la possibilité d'exprimer son souhait de mettre fin à son hospitalisation lui a été offerte.
Appréciation de la cour
L'article L 3211-3 du code de la santé publique prévoit que la personne admise en soins psychiatriques sans consentement doit être informée, le plus rapidement possible et d'une manière appropriée à son état, de la décision d'admission et de chacune des décisions relatives à la prolongation ou à la modification des soins, ainsi que des raisons qui les motivent. Dans la mesure où elle peut la supporter, une forme d'information juridique et médicale doit ainsi lui être offerte. En outre, dès l'admission du malade ou aussitôt que son état le permet et, par la suite, à sa demande et après chacune des décisions relatives à sa prise en charge, celui-ci doit être informé de sa situation juridique, de ses droits, des voies de recours qui lui sont ouvertes et des garanties qui lui sont offertes en matière de contrôle des mesures de soins par le juge des libertés et de la détention.
Le même article L. 3211-3 prévoit que la personne doit également être mise à même de faire valoir ses observations et que son avis sur les modalités des soins doit être recherché et pris en considération dans toute la mesure du possible. Il revient au médecin de prouver que cette obligation a été respectée.
En l'espèce, est annexé à la décision d'admission du 1er juillet 2018 un formulaire de notification des droits et voies de recours à une personne hospitalisée faisant l'objet de soins psychiatriques sans son consentement qui se termine par une mention suivant laquelle M. [N] reconnaît avoir été informé de son hospitalisation en soins sans consentement à l'établissement public de santé [5] de [Localité 4] et reconnaît également que les droits et voies de recours lui ont été présentés. Il reconnaît également avoir reçu soit une décision d'admission de la directrice de l'hôpital, ou de l'arrêté préfectoral le concernant. Cette mention est suivie de la date du 1er juillet 2018 manuscrite, ainsi que de sa signature.
Elle comprend également un récépissé de remise de la décision d'admission signé de la main de M. [N] intégrant un paragraphe " observations éventuelles du patient ". Or, ce paragraphe est abondamment renseigné par l'intéressé sans que la cour ne soit cependant en mesure de déchiffrer ces indications manuscrites.
La décision de maintien des soins du 2 juillet 2018 comprend un récépissé également signé de sa main et des observations manuscrites de M. [N].
En outre, l'édition du dossier médical du patient, produite tant par M. [N] que par l'établissement public de santé consigne que le patient a été informé de la contrainte de soins lors de son admission ; que, vu pour l'établissement du certificat des 24 heures, son mode d'hospitalisation lui a été expliqué et qu'il lui a été indiqué qu'il rencontrera dans les jours à venir un juge des libertés et de la détention en présence d'un avocat ; qu'il a été informé des suites de sa prise en charge ; que le suivi à la date du 4 juillet 2018 indique qu'il était informé de son passage par le juge des libertés et de la détention le lendemain et qu'enfin il a été informé de la levée de la mesure le 11 juillet 2018.
Face à ce suivi complet du patient, M. [N] ne fournit aucun élément de preuve permettant d'établir qu'il n'aurait pas été informé, de manière appropriée à son état, du déroulé et des tenants et aboutissants de la mesure de d'hospitalisation sous contrainte.
Ce moyen sera donc également rejeté.
Les conséquences
L'ensemble des moyens invoqués par M. [N] étant rejeté, le jugement déféré sera confirmé en toutes ses dispositions y compris accessoires.
En tant que partie perdante tenue aux dépens, M. [N] sera débouté de sa propre demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
En équité, il n'y a pas lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au bénéfice de l'établissement public de santé [5].
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant par arrêt contradictoire et mis à disposition,
CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement rendu le 16 mars 2021 par le tribunal judiciaire de Pontoise,
Et, y ajoutant,
DÉBOUTE les parties de leurs demandes respectives de l'article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE M. [N] aux dépens d'appel.
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,
- signé par Madame Anna MANES, présidente, et par Madame Natacha BOURGUEIL, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier, La Présidente,