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05/01/2023 | FRANCE | N°20/00248

France | France, Cour d'appel de Versailles, 6e chambre, 05 janvier 2023, 20/00248


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES



Code nac : 80A



6e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 05 JANVIER 2023



N° RG 20/00248

N° Portalis DBV3-V-B7E-TW4B



AFFAIRE :



Monsieur [K] [T] [H] est décédé. Cette action est reprise par ses ayant droits :



- Madame [J] [T] [H] (épouse)

- Mademoiselle [C] [T] [H] (fille)

- Monsieur [U] [T] [H] (fils)

- Madame [N] [T] [H] (fille)



C/



S.A.R.L. LNEA


r>

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 06 décembre 2019 par le Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de NANTERRE

N° Section : I

N° RG : 17/00344





Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :



...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

6e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 05 JANVIER 2023

N° RG 20/00248

N° Portalis DBV3-V-B7E-TW4B

AFFAIRE :

Monsieur [K] [T] [H] est décédé. Cette action est reprise par ses ayant droits :

- Madame [J] [T] [H] (épouse)

- Mademoiselle [C] [T] [H] (fille)

- Monsieur [U] [T] [H] (fils)

- Madame [N] [T] [H] (fille)

C/

S.A.R.L. LNEA

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 06 décembre 2019 par le Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de NANTERRE

N° Section : I

N° RG : 17/00344

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Grégoire HERVET

Me Valérie LACROUX

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE CINQ JANVIER DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Monsieur [K] [T] [H] est décédé. Cette action est reprise par ses ayant droits :

- Madame [J] [T] [H] (épouse) résidant [Adresse 2] ;

- Mademoiselle [C] [T] [H] (fille) résidant [Adresse 2] ;

- Monsieur [U] [T] [H] (fils) résidant [Adresse 2] ;

- Madame [N] [T] [H] (fille) résidant [Adresse 2]

Représentés par Me Grégoire HERVET de la SAS HERVET AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : D621 substitué par Me SIMONE Marion du barreau de PARIS

APPELANT

****************

S.A.R.L. LNEA

N° SIRET : 524 232 600

[Adresse 3]

[Localité 5]

Représentée par Me Valérie LACROUX, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C1452

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 04 novembre 2022 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Isabelle CHABAL, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Catherine BOLTEAU-SERRE, Président,

Madame Valérie DE LARMINAT, Conseiller,

Madame Isabelle CHABAL, Conseiller,

Greffier placé lors des débats : Clémence VICTORIA

Greffier en pré-affectation lors du prononcé : Domitille GOSSELIN

La société Laboratoire National de l'Embout Auriculaire (ci-après LNEA), dont le siège social se situe [Adresse 1], est spécialisée dans la fabrication de matériel médico-chirurgical. Elle emploie plus de dix salariés.

 

La convention collective nationale applicable est celle du négoce et des prestations de services dans les domaines médico-techniques du 9 avril 1997.

 

M. [K] [T] [H] a été engagé par lettre du 17 septembre 1990 par la société Distrigone, aux droits de laquelle est venue la société SARFAA, en qualité d'aide prothésiste. Son lieu de travail était situé à [Localité 4].

 

Par courrier du 23 juillet 2010, la société SARFAA a notifié à M. [T] [H] le transfert de son contrat de travail au sein de la société LNEA à compter du 1er septembre 2010, ce qui impliquait notamment un changement de lieu de travail pour [Localité 5] (95).

 

A compter du 1er septembre 2010 et jusqu'au 30 décembre 2010, M. [T] [H] a été placé en arrêt de travail.

 

Par courrier du 8 décembre 2010, M. [T] [H] a indiqué à la société SARFAA que le transfert de son contrat de travail et l'éloignement géographique conséquent était incompatible avec son état de santé.

 

Les arrêts de travail se sont poursuivis jusqu'au 30 décembre 2011.

Le 6 janvier 2012, à l'occasion de la visite de reprise de M. [T] [H], le médecin du travail a conclu que le salarié est 'inapte au poste mais apte à un autre', en précisant 'peut occuper un poste exclusivement assis. Trajet domicile-travail inenvisageable par les transports en commun. A revoir dans 15 jours' (pièce 5 de l'appelant).

Le 9 janvier 2012, M. [T] [H] a de nouveau été placé en arrêt maladie jusqu'au 6 avril 2012.

Par courrier du 10 janvier 2012, la société LNEA a convoqué M. [T] [H] à une seconde visite médicale aux fins de constater la compatibilité entre les postes proposés et les préconisations du médecin du travail.

Le 24 janvier 2012, le médecin du travail a conclu que le salarié est 'apte avec restriction', précisant 'apte pour toutes les opérations du poste effectuées en position assise. Les opérations effectuées habituellement debout seront effectuées en position assise en aménageant un siège. A revoir dans 3 mois.'

Par courrier du 20 avril 2012, la société LNEA a convoqué M. [T] [H] à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 2 mai 2012.

 

Par courrier recommandé du 14 mai 2012, la société LNEA a notifié à M. [T] [H] son licenciement pour faute grave dans les termes suivants :

'Suite à notre entretien du 27 avril dernier, par la présente, je suis contraint de vous notifier votre licenciement pour faute grave.

En effet, je vous ai exposé lors de cet entretien les raisons pour lesquelles j'envisageais un licenciement, à savoir vos nombreuses absences justifiées très tardivement ou même injustifiées:

- une absence pour maladie depuis le 1er avril 2011 et notifiée le 31 mars 2011 avec l'envoi par recommandé de l'arrêt de travail correspondant,

- une absence à partir du 2 janvier 2012 justifiée seulement le 31 janvier 2012 par l'envoi d'une feuille d'arrêt maladie pour la période du 9 janvier au 23 janvier 2012, et encore, à la suite d'une lettre d'avertissement de notre part en date du 24 avril dernier.

Pour le mois de janvier 2012, l'absence du 2 au 9 janvier n'a jamais été justifiée.

Surtout, absence non justifiée par arrêt de travail du 6 avril 2012 au 25 avril 2012.

Pourtant déclaré apte à la reprise du travail par la médecine du travail le 24 janvier 2012, vous n'avez toujours pas rejoint notre société. Vous avez cru devoir nous envoyer des arrêts de travail de complaisance évoquant des séquelles traumatiques du pied gauche, motif médical qui n'a pas été retenu par le médecin du travail, vous déclarant apte.

Dans ces conditions, eu égard à votre refus délibéré de rejoindre votre poste sans motif médical valable, et compte tenu de vos absences non justifiées pour plus de trois semaines, le licenciement pour faute grave est inévitable.'

 

Par requête reçue au greffe le 18 février 2014, M. [T] [H] a saisi le conseil de prud'hommes de Nanterre aux fins de contester la rupture de son contrat de travail et de se voir allouer diverses sommes indemnitaires.

La société LNEA avait quant à elle conclu au débouté du salarié et avait sollicité sa condamnation à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

M. [T] [H] est décédé le 3 juillet 2014 et ses ayants droit, Mme [J] [T] [H], Mme [C] [T] [H], M. [U] [T] [H] et Mme [N] [T] [H] (ci-après les consorts [T] [H]) ont repris la procédure le 27 novembre 2014.

 

L'affaire a été radiée par ordonnance du 3 février 2016 et rétablie à la suite d'un courrier des demandeurs du 9 février 2017.

 

Par décision du 4 juin 2018, le bureau de jugement s'est mis en partage de voix et a renvoyé l'affaire devant la formation de départage du 11 février 2019, qui l'a renvoyée au 5 juillet 2019.

Par jugement rendu le 6 décembre 2019, le juge départiteur du conseil de prud'hommes de Nanterre a :

- dit que le licenciement de M. [T] [H] par la société LNEA a une cause réelle et sérieuse,

- condamné la société LNEA à payer aux consorts [T] [H], ayants-droit de [K] [T] [H], la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté les parties de leurs autres demandes,

- condamné la société LNEA aux dépens de l'instance.

 

Les consorts [T] [H] ont interjeté appel de ce jugement par déclaration du 27 janvier 2020.

 

Par conclusions n°1 notifiées par voie électronique le 22 avril 2020, les consorts [T] [H] demandent à la cour de :

- dire et juger fondés les ayants-droits de M. [K] [T] [H], en leur action,

- dire et juger le licenciement de M. [T] [H] comme dépourvu de cause réelle et sérieuse,

Par conséquent,

- condamner la société (sic) à verser aux ayants-droits de M. [K] [T] [H] :

. 42 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, compte tenu des circonstances particulièrement vexatoires et douloureuses dans lesquelles se sont déroulées son licenciement,

. 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

 

Par conclusions notifiées par voie électronique le 7 juillet 2020, la société LNEA demande à la cour de :

- débouter M. [T] [H] de l'intégralité de ses demandes,

- dire et juger que le changement de lieu de travail s'analyse en une modification des conditions de travail,

- constater les absences injustifiées de M. [T] [H] du 6 au 18 avril et à compter du 22 avril 2012,

- constater que M. [T] [H] a été déclaré apte depuis le 24 janvier 2012 à travailler en position assise et qu'un poste adapté lui avait été proposé, sans aucune réponse de sa part,

- dire et juger que les appelants n'apportent pas la preuve de son incapacité de se déplacer et ne (fournissent) aucune preuve relative à une situation de santé déficiente, le dernier avis médical mentionnant un état général au contraire satisfaisant, et que son comportement s'analyse en un refus fautif de rejoindre son poste,

- dire et juger fondé le licenciement pour faute grave de M. [T] [H],

- condamner M. [T] [H] à verser à la société LNEA la somme de 5 000 euros par application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

Par conclusions n°2 notifiées par voie électronique le 1er novembre 2022, les consorts [T] [H] demandent à la cour de :

- réformer dans son intégralité le jugement déféré rendu par le conseil de prud'hommes de Nanterre le 6 décembre 2019,

Et statuant à nouveau :

- juger que le licenciement de M. [T] [H] est dépourvu de toute cause réelle et sérieuse,

En conséquence :

- condamner la société LNEA à verser aux ayants-droits de M. [K] [T] [H] :

. 3 510,53 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis dont 351 euros à titre d'indemnité de congés payés afférents,

. 11 214,19 euros à titre d'indemnité légale de licenciement,

. 42 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, compte tenu des circonstances particulièrement vexatoires et douloureuses dans lesquelles se sont déroulées son licenciement,

. 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 3 novembre 2022, la société LNEA a demandé que les conclusions n°2 de la partie appelante soient écartées des débats.

 

Par ordonnance rendue le 2 novembre 2022, le magistrat chargé de la mise en état a ordonné la clôture de l'instruction et a fixé la date des plaidoiries au 4 novembre 2022.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.

MOTIFS DE L'ARRET

Il sera indiqué à titre liminaire que la cour ne statue pas sur les demandes tendant à 'dire et juger' ou 'constater', qui ne constituent pas des prétentions au sens de l'article 4 du code de procédure civile.

Sur la demande tendant à voir écarter des débats les conclusions n°2 de la partie appelante

La société LNEA fait valoir que la partie appelante a notifié de nouvelles conclusions le 1er novembre 2022 à 21 h 47, à moins de deux heures de la clôture fixée au 2 novembre 2022, qui comportent des nouvelles demandes et un nouvel argumentaire, sans qu'aucune circonstance ne justifie leur dépôt extrêmement tardif, ce qui ne lui a pas permis d'en prendre connaissance et d'y répondre en temps utile. Elle demande en conséquence que ces conclusions soient écartées des débats au visa des articles 15 et 135 du code de procédure civile.

La société LNEA a refusé tout renvoi de l'affaire à l'audience du 4 novembre 2022 et le dossier a été retenu.

L'article 15 du code de procédure civile dispose que 'les parties doivent se faire connaître mutuellement en temps utile les moyens de fait sur lesquels elles fondent leurs prétentions, les éléments de preuve qu'elles produisent et les moyens de droit qu'elles invoquent, afin que chacune soit à même d'organiser sa défense.'

L'article 135 du même code dispose que 'le juge peut écarter du débat les pièces qui n'ont pas été communiquées en temps utile'.

En l'espèce, les parties ont été avisées le 25 avril 2022 que la clôture serait prononcée le 2 novembre 2022.

Les consorts [T] [H] ont notifié de nouvelles conclusions le 1er novembre 2022, jour férié, à 21 heures 46, à la veille de la clôture.

Cette communication tardive a empêché la société LNEA de répondre à ces écritures, dont la cour observe d'une part que les ajouts n'y sont pas matérialisés contrairement à ce qu'indiquait le conseil des appelants et d'autre part qu'elles comportent des demandes nouvelles.

Dans ces conditions, le principe du contradictoire n'ayant pas été respecté, il convient d'écarter ces conclusions des débats.

Sur le licenciement

Les appelants vont valoir qu'en 2008, en raison de la dégradation de son état de santé, M. [T] [H] avait déménagé à [Localité 7] pour être proche de son lieu de travail situé à [Localité 4] ; que compte tenu de son état de santé et notamment de ses problèmes à la jambe gauche, il ne pouvait effectuer un trajet d'une durée d'une heure et demie pour se rendre sur son nouveau lieu de travail situé à [Localité 5], raison pour laquelle il a refusé ce changement de lieu de travail et il a été contraint de se mettre en arrêt de maladie. Ils soutiennent que le licenciement de M. [T] [H] est sans cause réelle et sérieuse.

La société LNEA réplique qu'alors qu'il ne s'était jamais absenté pour raison de santé pendant plus de vingt années chez son ancien employeur, M. [T] [H] a subitement notifié à son nouvel employeur, lors du transfert de son contrat de travail, un arrêt maladie pour un problème de pied, ancien mais qui ne l'avait jamais handicapé pour travailler.

Elle soutient que le temps de trajet du salarié est passé, avec son nouveau poste, de 20 minutes avec 11 minutes de marche à 1h08 minutes avec 20 minutes de marche, soit un allongement du temps de marche de seulement 9 minutes ; qu'une mutation à l'intérieur de la région parisienne ne constitue pas une modification du contrat de travail.

Elle soutient que les arrêts de travail sont complaisants et trouve curieux que le frère de M. [T] [H], dont le contrat de travail était également transféré, soit aussi tombé malade pour une longue durée début septembre 2010.

Elle expose qu'elle a été contrainte de licencier M. [T] [H] en raison de son refus délibéré de rejoindre son poste, de façon injustifiée, alors qu'il avait été déclaré apte par le médecin du travail.

Il résulte de l'article L. 1232-1 du code du travail que tout licenciement pour motif personnel est motivé et justifié par une cause réelle et sérieuse.

La cause du licenciement, qui s'apprécie au jour où la décision de rompre le contrat de travail est prise par l'employeur, doit se rapporter à des faits objectifs, existants et exacts, imputables au salarié, en relation avec sa vie professionnelle et d'une certaine gravité qui rend impossible la continuation du travail et nécessaire le licenciement.

L'article L. 1235-1 du code du travail prévoit que le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié.

La faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise et justifie son départ immédiat. L'employeur qui invoque la faute grave pour licencier doit en rapporter la preuve.

La lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige en ce qui concerne les motifs du licenciement, invoque des absences justifiées très tardivement ou injustifiées sur plusieurs périodes.

La maladie du salarié ne rompt pas en principe le contrat de travail et n'entraîne qu'une suspension de son exécution dès lors qu'elle est temporaire et médicalement constatée. Il appartient au salarié absent pour cause de maladie d'avertir l'employeur et de justifier des raisons de son absence, en principe par l'envoi du certificat medical d'arrêt de travail établi par le médecin traitant. La violation par le salarié de son obligation d'information constitue une cause réelle et sérieuse de licenciement et peut constituer une faute grave en cas d'absence totale d'information de l'employeur.

- sur la tardiveté de la justification de l'absence pour maladie depuis le 1er avril 2011

La lettre de licenciement du 14 mai 2012 reproche au salarié de n'avoir justifié son absence pour maladie à compter du 1er avril 2011 que par l'envoi par recommandé le 31 mars 2011 de l'arrêt de travail correspondant.

Les appelants font valoir d'une part que l'absence a été purgée de tout vice puisqu'elle a été justifiée le 31 mars 2011 et d'autre part que les faits sont prescrits car ils sont antérieurs de plus de deux mois à la date de convocation à l'entretien préalable.

L'article L. 1332-4 du code du travail prévoit qu'aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuites pénales.

Le délai de deux mois court à compter de la date de convocation à l'entretien préalable.

En l'espèce, M. [T] [H] a été convoqué à un entretien préalable au licenciement par courrier du 20 avril 2012.

En conséquence, le grief tenant à la tardiveté de la justification de l'arrêt maladie débutant le 1er avril 2011 est prescrit.

- sur la tardiveté de la justification de l'absence à partir du 2 janvier 2012

La lettre de licenciement reproche au salarié de n'avoir justifié son absence pour maladie à compter du 2 janvier 2012 que par l'envoi d'une feuille d'arrêt de maladie pour la période du 9 janvier au 23 janvier 2012, à la suite d'une lettre d'avertissement de la part de l'employeur en date du 24 avril 2012.

Les appelants font valoir que ces faits sont prescrits et qu'ils ont été sanctionnés par un avertissement.

Le grief n'est pas fondé dès lors d'une part qu'il était prescrit à la date de convocation à l'entretien préalable et d'autre part qu'il a donné lieu à un avertissement par courrier du 24 janvier (et non avril) 2012 (pièce 12 de l'intimée).

- sur l'absence injustifiée du 9 au 23 janvier 2012

La lettre de licenciement reproche au salarié de ne jamais avoir justifié son absence du 2 au 9 janvier 2012.

Les appelants font valoir à juste titre que ce grief est prescrit.

- sur l'absence injustifiée du 6 avril 2012 au 25 avril 2012

La lettre de licenciement reproche au salarié de ne pas avoir justifié par un arrêt de travail son absence du 6 au 25 avril 2012, alors qu'il avait été déclaré apte à la reprise par la médecine du travail le 24 janvier 2012.

Les appelants font valoir que l'absence sur cette période est parfaitement justifiée par la production des arrêts de travail, le seul arrêt dont le salarié n'a pas gardé de copie concernant la période du 6 au 18 avril 2012 ayant été envoyé à l'employeur.

Les appelants versent au débat les arrêts de travail suivants, établis par le docteur [S] [F], médecin traitant :

- arrêt initial du 9 janvier 2012 au 23 janvier 2012 pour séquelle d'un traumatisme mutilant du pied gauche (pièce 6),

- prolongation de l'arrêt du 25 janvier 2012 au 15 février 2012 (pièce 7),

- prolongation du 15 février 2012 au 29 février 2012 (pièce 8),

- prolongation du 29 février 2012 au 20 mars 2012 (pièce 9),

- prolongation du 20 mars 2012 au 6 avril 2012 (pièce 10),

- prolongation du 18 avril 2012 au 22 avril 2012 (pièce 12).

S'agissant de la période du 6 au 17 avril 2012, les appelants se réfèrent à leur pièce n°11 qui est constituée d'un courrier daté du 24 avril 2012 adressé par M. [T] [H] à son employeur, indiquant qu'il n'a pas pu se rendre à la première visite de reprise programmée le 13 avril 2012 dès lors que la lettre recommandée de convocation ne lui a été remise que le jour même et transmettant la photocopie de son dernier arrêt de travail qui a déjà été adressé par courrier. Aucun arrêt de travail n'est joint à la pièce n°11.

Par contre, la société LNEA produit l'original du courrier du 24 avril 2012, auquel est joint le certificat médical de prolongation d'arrêt de travail du 18 au 22 avril 2012.

Il n'est donc pas justifié de l'existence d'un arrêt de travail pour la période du 6 au 17 avril 2012.

Néanmoins, par courrier du 24 avril 2012, M. [T] [H] a justifié de son arrêt de travail pour la période du 18 au 22 avril 2012, de sorte qu'un seul certificat était manquant dans une succession d'arrêts de travail.

Les appelants se réfèrent en second lieu à la motivation de la décision du conseil de prud'hommes qui a retenu que l'absence n'était pas injustifiée jusqu'au 17 avril 2012, date à laquelle le médecin du travail s'est prononcé sur l'aptitude du salarié, puisque l'employeur ne justifie pas avoir adressé au salarié la convocation à la visite médicale de reprise du 13 avril 2012 en temps et en heure.

L'article R. 4624-21 du code du travail dans sa version applicable antérieurement au 1er juillet 2012 dispose que le salarié bénéficie d'un examen de reprise du travail par le médecin du travail notamment après une absence d'au moins 21 jours pour cause de maladie ou d'accident non professionnel.

C'est à l'employeur de prendre l'initiative de saisir le service de santé au travail, lequel organise la visite médicale, le jour de la reprise effective du travail et au plus tard dans un délai de huit jours suivant cette reprise. Le salarié doit se rendre à la visite médicale de reprise au risque de voir son licenciement intervenir pour une faute constitutive d'un motif réel et sérieux.

En l'absence de visite de reprise organisée par l'employeur, le contrat de travail demeure suspendu, de sorte que l'employeur ne peut reprocher au salarié son absence et le licencier pour ce motif (Cass. Soc., 16 octobre 2019, n°18-19.893).

Par courrier du 6 avril 2012 (pièce 17 de la société LNEA), M. [T] [H] a indiqué à son employeur que son arrêt de travail avait pris fin le jour-même et qu'il devait se rendre à la médecine du travail pour la visite de reprise obligatoire ; que dans la mesure où son état de santé ne lui permettait pas de faire le trajet depuis son domicile, il lui était impossible de se présenter à son poste de travail.

Il n'est pas justifié de la date d'envoi par la société LNEA à M. [T] [H] de la lettre de convocation à la visite de reprise du travail prévue le 13 avril 2012. Le salarié a affirmé sans être contredit qu'il a reçu la convocation le jour prévu pour la visite.

La visite de reprise a pu avoir lieu le 17 avril 2012 et le médecin a conclu que le salarié était apte à reprendre son poste sous la réserve de travailler en position assise.

Dans ces conditions, du 6 avril 2012, fin de l'arrêt maladie au 17 avril 2012, date de la visite de reprise, le salarié ne pouvait être considéré en absence injustifiée, ainsi que l'a retenu le conseil de prud'hommes.

Le grief n'est donc pas fondé.

- sur le refus de rejoindre son poste de travail

La lettre de licenciement reproche enfin à M. [T] [H] d'avoir refusé de rejoindre son poste sans motif médical valable, le médecin du travail l'ayant déclaré apte depuis le 24 janvier 2012, et d'être en absence injustifiée depuis plus de trois semaines.

Les appelants font valoir que la société aurait dû aménager le poste de travail de M. [T] [H] conformément à l'avis médical du 24 janvier 2012 et qu'à aucune occasion elle n'a indiqué au salarié qu'elle avait procédé à cet aménagement.

La visite de reprise met fin à la suspension du contrat de travail. Si le médecin du travail conclut à l'aptitude du salarié et que son avis n'a fait l'objet d'aucun recours, le salarié ne peut invoquer un avis contraire de son médecin traitant pour refuser d'exécuter les tâches demandées conformément à son contrat de travail. Le refus du salarié qui n'est pas justifié par son état de santé peut être constitutif d'une faute grave.

En l'espèce, le médecin du travail a conclu le 24 janvier 2012 que M. [T] [H] était apte à reprendre son poste avec une restriction liée à la nécessité d'effectuer ses tâches en position assise, en aménageant un siège. Il n'a pas indiqué que le trajet domicile-travail était inenvisageable par les transports en commun, à la différence de ce qu'il avait mentionné dans son avis du 6 janvier 2012.

Le 24 janvier 2012, la société LNEA a écrit à M. [T] [H] en lui indiquant que, compte tenu de l'avis du médecin du travail, 'nous avons organisé votre station de travail, et mis à votre disposition un siège, pour vous permettre d'effectuer votre travail selon les prescriptions médicales exigées. Aussi, si votre absence se prolongeait, je serai amené à envisager des sanctions plus sévères.' (pièce 12 de la société LNEA).

Contrairement à ce que soutiennent les appelants, le salarié a ainsi été avisé par son employeur que son poste de travail était aménagé, étant souligné que l'aménagement consistait seulement en la mise à disposition d'un siège pour travailler en position assise.

L'avis d'aptitude avec restriction pris le 17 avril 2012 par le médecin du travail est rigoureusement identique à celui émis le 24 janvier 2012.

Le médecin du travail ne relevant aucune difficulté à accomplir les trajets domicile-travail et l'employeur ayant mis un siège à la disposition du salarié, ce dernier pouvait reprendre son travail à compter du 18 avril 2012.

Il a été placé en arrêt de maladie du 18 au 22 avril 2012.

La société LNEA ne démontre pas que les arrêts de travail délivrés par le docteur [F] étaient des arrêts de complaisance, alors que les appelants démontrent par un certificat médical du docteur [F] daté du 27 septembre 2011 (pièce 18) que M. [T] [H] était diabétique de type II et que son pied gauche présentait une mutilation, par des certificats médicaux du centre de santé municipal de [Localité 6] (93) (pièce 4) qu'il présentait une dyspnée d'effort et des douleurs articulaires intermittentes au genou en novembre 2010 et un syndrome anxio-dépressif début 2011 et qu'il était détenteur d'une carte d'invalidité à 80 % depuis le 1er octobre 2010 (pièce 20).

Cependant, M. [T] [H] n'ayant pas repris le poste de travail auquel il avait été déclaré apte, alors que l'employeur avait fait part de l'aménagement du poste, sans justifier d'aucune raison médicale au-delà du 22 avril 2012, date de cessation du dernier arrêt de travail, il se trouvait en absence injustifiée depuis trois semaines à la date du licenciement le 14 mai 2012.

Le grief tenant au refus délibéré de rejoindre son poste de travail sans motif médical, depuis une durée de trois semaines, est fondé. Il constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise et justifie son départ immédiat. Le licenciement pour faute grave est donc justifié et conduit à rejeter la demande de dommages et intérêts formée par les ayants droit de M. [T] [H].

En conséquence, la décision du conseil de prud'hommes sera infirmée en ce qu'elle a requalifié le licenciement pour faute grave en licenciement pour cause réelle et sérieuse mais confirmée en ce qu'elle a débouté les parties de leurs autres demandes.

Statuant à nouveau, il sera jugé que le licenciement de M. [T] [H] est fondé sur une faute grave.

Sur les demandes accessoires

Le jugement du conseil de prud'hommes sera infirmé en ce qu'il a condamné la société LNEA aux dépens et à payer aux consorts [T] [H] une somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Les consorts [T] [H] seront condamnés aux dépens de première instance et d'appel.

Ils seront déboutés de leur demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile et seront condamnés à verser à ce titre à la société LNEA une somme de 500 euros.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement, par arrêt mis à disposition au greffe, contradictoire et en dernier ressort,

Ecarte des débats les conclusions n°2 signifiées le 1er novembre 2022 par les consorts [T] [H],

Infirme le jugement rendu le 6 décembre 2019 par le conseil de prud'hommes de Nanterre sauf en ce qu'il a débouté les parties de leurs autres demandes,

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,

Dit que le licenciement de M. [T] [H] est fondé sur une cause grave,

Condamne Mme [J] [T] [H], Mme [C] [T] [H], M. [U] [T] [H] et Mme Aarani [T] [H] aux dépens de première instance et d'appel,

Déboute Mme [J] [T] [H], Mme [C] [T] [H], M. [U] [T] [H] et Mme [N] [T] [H] de leur demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne Mme [J] [T] [H], Mme [C] [T] [H], M. [U] [T] [H] et Mme [N] [T] [H] à payer à la société Laboratoire National de l'Embout Auriculaire une somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Arrêt prononcé publiquement à la date indiquée par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile et signé par Mme Catherine BOLTEAU-SERRE, président, et par Mme Domitille GOSSELIN, greffier en pré-affectation, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier en pré-affectation, Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 6e chambre
Numéro d'arrêt : 20/00248
Date de la décision : 05/01/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-01-05;20.00248 ?
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