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05/01/2023 | FRANCE | N°20/00351

France | France, Cour d'appel de Versailles, 6e chambre, 05 janvier 2023, 20/00351


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 80C



6e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 05 JANVIER 2023



N° RG 20/00351

N° Portalis DBV3-V-B7E-TXQ5



AFFAIRE :



SARL EMPURIA



C/



[T] [J]









Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 28 janvier 2020 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MANTES-LA-JOLIE

N° Section : C

N° RG : F 18/00206


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Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :



Me Laurence CAMBONIE



Me Stéphanie DEBEAUCHE



le :





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE CINQ JANVIER DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d'appel de...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80C

6e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 05 JANVIER 2023

N° RG 20/00351

N° Portalis DBV3-V-B7E-TXQ5

AFFAIRE :

SARL EMPURIA

C/

[T] [J]

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 28 janvier 2020 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MANTES-LA-JOLIE

N° Section : C

N° RG : F 18/00206

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Laurence CAMBONIE

Me Stéphanie DEBEAUCHE

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE CINQ JANVIER DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

SARL EMPURIA

SIRET N° : 750 812 679

[Adresse 6]

[Localité 2]

Représentée par Me Laurence CAMBONIE, avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS, vestiaire : 183

APPELANTE

****************

Monsieur [T] [J]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Stéphanie DEBEAUCHE, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 91

INTIME

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 04 novembre 2022 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Isabelle CHABAL, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Catherine BOLTEAU-SERRE, Président,

Madame Valérie DE LARMINAT, Conseiller,

Madame Isabelle CHABAL, Conseiller,

Greffier placé lors des débats : Clémence VICTORIA

Greffier en pré-affectation lors du prononcé : Domitille GOSSELIN

La société Empuria, dont le siège social se situe [Adresse 4], est spécialisée dans la restauration traditionnelle. Elle emploie plus de dix salariés.

La convention collective applicable est celle des hôtels, cafés et restaurants du 30 avril 1997.

 

M. [T] [J], né le 1er septembre 1975, a été engagé par la société Empuria Restaurant Del Arte par contrat de travail à durée indéterminée à temps plein en date du 1er mars 2015 en qualité de cuisinier pizzaïolo.

 

Des différends sont survenus sur la perception des acomptes déduits des salaires et sur le paiement d'heures supplémentaires.

À compter du 3 janvier 2018, M. [J] ne s'est plus présenté à son poste de travail.

 

Par courriers des 12 et 22 janvier 2018, la société Empuria l'a mis en demeure de reprendre son poste.

 

Par courrier du 2 février 2018, la société Empuria a convoqué M. [J] à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 15 février 2018, auquel il ne s'est pas présenté.

 

Par courrier du 5 mars 2018, M. [J] s'est vu notifier son licenciement pour faute grave dans les termes suivants :

'Cette décision est motivée par les faits suivants : vous êtes absent de votre poste de travail de façon continue depuis le 3 janvier 2018, sans autorisation et sans fournir de justificatif et malgré nos courriers recommandés de relance du 12 janvier 2018 et du 22 janvier 2018.

Vous n'avez à ce jour apporté aucun élément de nature à justifier votre situation, et ce en totale infraction avec les dispositions du code du travail.

Ce comportement constitutif d'un manquement grave à vos obligations professionnelles et contractuelles perturbe gravement la bonne marche de notre société et ne nous permet pas de vous compter plus longtemps dans l'effectif.'

 

Par courriers des 12 juin 2018 et 21 septembre 2018, M. [J] et son conseil ont sollicité la restitution d'acomptes indûment retenus.

 

Par requête reçue au greffe le 12 novembre 2018, M. [J] a saisi le conseil de prud'hommes de Mantes-la-Jolie aux fins de contester la rupture de son contrat de travail et de se voir allouer diverses sommes indemnitaires et salariales.

 

La société Empuria avait quant à elle conclu au débouté de M. [J] et avait sollicité sa condamnation à lui verser la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

 

Par jugement rendu le 28 janvier 2020, la section commerce du conseil de prud'hommes de

Mantes-la-Jolie a :

- dit que le licenciement de M. [J] pour faute grave est injustifié et l'a requalifié en licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- condamné la société Empuria à payer à M. [J] les sommes suivantes :

. 3 336,74 euros brut à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

. 333,67 euros brut au titre des congés payés afférents,

. 1 251,28 euros brut à titre d'indemnité légale de licenciement,

. 246,78 euros net à titre d'acomptes indûment retenus sur salaires,

. 1 730,50 euros brut à titre d'absences indûment retenues sur salaires,

. 173,05 euros brut au titre des congés payés afférents,

. 3 407,37 euros brut à titre d'heures supplémentaires impayées,

. 340,74 euros brut au titre des congés payés afférents,

- dit que ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter du 14 novembre 2018, date de la réception de la convocation devant le bureau de conciliation et d'orientation par la défenderesse, conformément à l'article 1231-6 du code civil,

- rappelé que l'exécution est de droit à titre provisoire sur les créances salariales,

- fixé à 1 668,37 euros brut la moyenne mensuelle en vertu des dispositions de l'article R. 1454-28 du code du travail,

- condamné la société Empuria à payer à M. [J] la somme suivante :

. 5 005,11 euros d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- dit que cette somme portera intérêts au taux légal à compter du prononcé du jugement conformément à l'article 1231-7 du code civil,

- ordonné à la société Empuria de rembourser à Pôle emploi le montant des allocations chômage perçues par M. [J] dans la limite maximum de 6 mois, conformément à l'article L. 1235-4 du code du travail,

- ordonné à la société Empuria de remettre à M. [J] les documents sociaux conformes à la décision à intervenir et sans fixer d'astreinte, à savoir :

. les bulletins de salaire,

. le certificat de travail,

. l'attestation Pôle emploi,

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire, hormis les cas où elle est de droit,

- condamné la société Empuria à payer à M. [J] la somme suivante :

. 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté M. [J] du surplus de ses demandes,

- débouté la société Empuria de sa demande 'reconventionnelle',

- dit que la société Empuria supportera les entiers dépens qui comprendront les éventuels frais d'exécution.

 

La société Empuria a interjeté appel de ce jugement par déclaration du 6 février 2020.

M. [J] a formé un incident de radiation en application de l'article 524 du code de procédure civile et son désistement d'incident a été constaté par ordonnance du conseiller de la mise en état en date du 8 octobre 2020.

 

Aux termes de ses dernières conclusions (n°3) notifiées par voie électronique le 16 février 2021, la société Empuria demande à la cour de :

- recevoir la société Empuria en ses demandes, fins et conclusions,

L'y disant bien fondée,

- infirmer le jugement entrepris,

Et statuant à nouveau,

- débouter M. [J] de l'intégralité de ses demandes formulées en première instance ainsi qu'en cause d'appel,

- condamner M. [J] à la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

 

Aux termes de ses dernières conclusions (n°3) notifiées par voie électronique le 3 mars 2021, M. [J] demande à la cour de :

- dire et juger la société Empuria irrecevable et mal fondée en son appel,

En conséquence,

- l'en débouter,

- confirmer le jugement du 28 janvier 2020 en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a débouté M. [J] de sa demande au titre du solde de tout compte et fixé l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à 5 005,11 euros,

- condamner la société Empuria à payer à M. [J] la somme de 6 673,48 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- condamner la société Empuria à payer à M. [J] la somme de 431 euros nets au titre du solde de tout compte,

- ordonner la capitalisation des intérêts en application des dispositions de l'article 1154 du code civil,

- condamner la société Empuria à payer à M. [J] la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société Empuria aux entiers dépens.

Par ordonnance rendue le 2 novembre 2022, le magistrat chargé de la mise en état a ordonné la clôture de l'instruction et a fixé la date des plaidoiries au 4 novembre 2022.

 

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des partis pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.

 

MOTIFS DE L'ARRET

 

Sur l'irrecevabilité de l'appel

M. [J] demande dans le dispositif de ses conclusions que l'appel de la société Empuria soit déclaré irrecevable, sans invoquer aucun moyen au soutien de cette prétention. Sa demande sera en conséquence rejetée.

Sur la demande en paiement des acomptes non reçus

Le conseil de prud'hommes a fait droit à la demande en paiement de la somme de 246,78 euros formée par M. [J] concernant des acomptes sur salaire qu'il n'aurait pas reçus.

La société Empuria fait valoir que M. [J] s'est vu retenir sur ses salaires des sommes qu'il a demandé à percevoir à titre d'acompte et qui lui ont été versées ; qu'il a reconnu devant le conseil de prud'hommes que chaque fois qu'il avait signé un document intitulé 'acompte', c'est qu'il avait perçu la somme en liquide, de sorte que ces documents constituent des reçus de versement ; qu'il a accusé réception de certains acomptes par des SMS qui lui sont bien imputables. Elle souligne que M. [J] avait demandé dans un premier temps le remboursement de la totalité des acomptes, sans avoir vérifié ce qui lui était dû.

M. [J] réplique que les SMS ne sont pas probants en ce qu'ils ne sont pas datés et que l'un d'eux émane de [W] [J] et non de [T] [J] ; que les listes d'acomptes ne sont pas probantes puisqu'établies par une partie pour elle-même ; que les formulaires intitulés acomptes correspondent à des sommes qu'il a reçues en espèces ou à des virements bancaires.

En vertu de l'article L. 3242-1 du code du travail, l'employeur peut verser un acompte sur salaire au salarié qui en fait la demande. L'acompte est déduit sur le salaire à payer en fin de mois.

Il appartient à l'employeur de justifier que les déductions qu'il a pratiquées sur les salaires correspondent à des acomptes demandés par le salarié et effectivement versés.

En l'espèce, M. [J] a réclamé à son employeur, par courrier de son conseil du 21 septembre 2018, paiement d'une somme de 6 922,01 euros au titre des acomptes, qui correspond à la totalité des sommes prélevées sur son salaire de 2015 à 2017 et sur le solde de tout compte (pièces 3 et 9 de M. [J]), sans aucune déduction des sommes perçues par lui à ce titre.

Il a réduit sa demande à 246,78 euros devant le conseil de prud'hommes, après déduction des sommes qu'il a perçues.

M. [J] a reconnu devant le conseil de prud'hommes (pièce 24 de l'appelant), et confirme dans ses dernières écritures, que les reçus présentés par son employeur, signés par lui, correspondent à des acomptes qui lui ont été remis en espèces.

La cour relève qu'un certain nombre de ces reçus sont établis au nom de [T] [W] [J], nom qui figure également sur certains plannings de travail, de sorte qu'il est vain pour l'intimé de contester que les demandes d'acomptes formées par SMS émanant de [W] [J] et non de [T] [J] ne lui sont pas imputables, d'autant que ces demandes sont corroborées par des virements faits sur le compte de M. [T] [J].

Il ressort des reçus et virements versés au débat par l'employeur (pièces 5 et 6) que M. [J] a reçu en 2015, 2016 et 2017 des acomptes sur salaire d'un montant total de 6 875,23 euros, ce qui donnerait une somme de 46,78 euros trop perçue par l'employeur (6 922,01 - 6 875,23).

Il existe une divergence entre les parties sur le montant de l'acompte correspondant au reçu signé le 17 juillet 2017. L'employeur prend en compte une somme de 500 euros tandis que le salarié retient 300 euros. La somme, inscrite à la main, est difficilement lisible et son paiement a été fait en espèces et non par virement.

Dans ces conditions, il sera retenu que l'acompte du 17 juillet 2017 est d'un montant de 300 euros et que l'employeur doit rembourser une somme de 246,78 euros à M. [J], par confirmation de la décision de première instance.

Sur la demande en paiement des absences indûment retenues sur salaire

Le conseil de prud'hommes a fait droit à la demande en paiement de la somme de 1 730,50 euros et des congés payés afférents formée par M. [J] concernant des absences indûment retenues sur salaires, au motif que la société Empuria ne justifiait pas de ces absences.

La société Empuria fait valoir que M. [J] a toujours pris les plus grandes libertés concernant son planning de travail et que si l'employeur ne lui en a jamais fait grief dans un cadre disciplinaire, il n'a pas réglé les salaires correspondant aux absences, sans que le salarié n'écrive pour contester les retenues effectuées à réception de ses bulletins de salaire. Elle appuie sa demande sur les plannings et un sms pour l'absence du mois d'août 2017.

M. [J] souligne que les sms ne sont pas datés et ne peuvent lui être attribués en totalité et ne concernent qu'une absence pour un rhume. Il soutient, au regard des pièces produites par l'employeur, que la somme de 1 085,50 euros bruts lui est due outre 108,55 euros au titre des congés payés afférents.

Il appartient à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, de rapporter la preuve des absences injustifiées du salarié au titre desquelles il opère des retenues de salaire.

Le contrat de travail de M. [J] (sa pièce 2) prévoit en son article 3 une durée de travail de 35 heures par semaine, avec des horaires variables qui ne sont pas précisés et la possibilité de travailler sur l'un des deux services du midi et du soir.

L'employeur produit des tableaux qu'il a établis à partir des plannings de travail du personnel de 2015 à 2017, comportant les heures effectuées par M. [J], ses absences et les heures supplémentaires (pièces 9 à 11 et 21 à 23).

Les données figurant dans ces tableaux comportent cependant quelques erreurs et des différences avec les bulletins de salaire en ce que notamment :

* pour l'année 2015 :

- semaine 30 (20 au 26/07), 33 heures de travail ont été accomplies au lieu de 35, avec une absence le 22 juillet soit 2 heures en moins tel que retenu sur le bulletin de salaire de juin et non 7 heures comme figurant sur le tableau,

- semaine 36 (31/8 au 6/09), M. [J] était en congés payés 3 jours (17,5 heures), puis en absence injustifiée le 3 septembre et il a travaillé 17 heures en 2 jours. Il a donc travaillé 34,5 heures sur la semaine, soit 0,5 heures de moins que ce qu'il aurait dû et non pas 7 heures comme déduit du bulletin de paye de septembre ; 6,5 heures ont donc été déduites à tort de son salaire,

- semaine 44 (26/10 au 1/11), 32 heures de travail au lieu de 35, soit 3 heures d'absence correspondant à la matinée du 1er novembre où M. [J] aurait dû travailler puisque le restaurant était ouvert quand bien même il s'agissait d'un jour férié. Or 4 heures ont été retenues sur le bulletin de paye de novembre 2015 pour cette date, de sorte qu'une heure lui est due,

- semaines 48 (23/11 au 29/11) et 49 (30/11 au 6/12), M. [J] a travaillé 35 heures mais 0,5 heures sont retenues pour chaque semaine sur sa fiche de paye de décembre, à tort, soit 1 heure lui étant due,

- semaine 50 (7 au 13/12), le planning montre que M. [J] a travaillé 35 heures mais le tableau indique 34 heures soit 1 h à retenir et la fiche de paye déduit 2 heures, à tort.

Il en résulte que 10,5 heures de travail ont été déduites à tort des fiches de paye, soit 105 euros (10,5 h x 10 €).

* pour l'année 2016 :

- semaine 6 (8 au 14/02) : 32 heures au lieu de 35, soit 3 heures en moins qui n'ont pas été déduites du salaire de février,

- semaine 8 (22 au 28/02) : 34,5 heures au lieu de 35, soit 0,5 heures en moins qui n'ont pas été déduites du salaire de février,

- semaine 12 (21 au 27/03) : 29,5 heures au lieu de 35, soit 5,5 heures comme déduit sur le bulletin de salaire de mars et non 9 comme indiqué sur le tableau, et aucune heure supplémentaire.

Il en résulte que 3,5 heures non travaillées n'ont pas été déduites du salaire de M. [J], soit 3,5 x 11 € = 38,50 euros.

* pour l'année 2017 :

- semaine 5 (30/01 au 5/02) : 34,5 heures travaillées au lieu de 35, soit 0,5 heures en moins comme déduits du salaire alors que les données du tableau (pièce 11) sont erronées et qu'ont été déduites à tort du salaire 7 heures d'absence et créditées à tort 3,50 heures supplémentaires,

- semaine 24 (12 au 18 juin) : les données sont incohérentes en ce que 39 heures ont été travaillées au lieu de 35, donnant lieu à 4 heures supplémentaires et 6 heures ont été déduites à tort du bulletin de salaire,

- semaine 40 (2 au 8/10) : 24 jours de maladie ont été déduits au lieu de 20 jours, soit 4 jours déduits à tort,

- semaine 43 (23 au 29/10) : 24,5 heures ont été travaillées au lieu de 35, soit 10,5 heures en moins qui ont été déduites du salaire d'octobre, avec déduction également de 7 heures au titre du 28 octobre, à tort,

- semaine 47 (20 au 26/11) : 35 heures ont été effectuées de sorte que 1 heure d'absence a été déduite à tort sur la paye de novembre 2017,

- semaine 50 (11 au 17/12) : 35 heures ont été effectuées de sorte que 0,5 heure d'absence a été déduite à tort sur la paye de décembre 2017.

Il en résulte que 25,5 heures d'absences injustifiées ont été déduites à tort des salaires de M. [J] x11 € = 280,50 euros.

Il est donc justifié de condamner la société Empuria à payer la somme de 347 euros au titre des heures d'absence indûment prélevées (105 + 280,50 - 38,50), outre 34,70 euros au titre des congés payés afférents.

Le jugement du conseil de prud'hommes sera en conséquence infirmé en ce qu'il a condamné la société Empuria à payer les sommes de 1 730,50 euros au titre des absences indûment retenues sur salaire et 173,05 euros au titre des congés payés afférents et, statuant à nouveau, la cour condamnera la société Empuria à payer les sommes de 347 euros et de 34,70 euros.

Sur la demande en paiement d'heures supplémentaires

Le conseil de prud'hommes a condamné la société Empuria à verser à M. [J] une somme de 3 407,37 euros au titre des heures supplémentaires que le salarié indiquait avoir réalisées à hauteur de 4 heures par semaine, outre 340,74 euros au titre des congés payés afférents.

La société Empuria fait valoir que lorsque M. [J] effectuait des heures supplémentaires, elles étaient rémunérées ; que le salarié a refusé de passer aux 39 heures et que le décompte qu'il produit n'est pas conforme aux données de l'employeur. Il estime ne devoir aucune somme et avoir même versé 84,70 euros en trop.

M. [J] réplique que sa charge de travail était en réalité de 39 heures et non de 35 heures par semaine et qu'il a refusé de passer à 39 heures car il ne souhaitait travailler que 35 heures. Il réclame désormais une somme de 787,30 euros bruts au titre des heures supplémentaires effectuées de mars 2015 à décembre 2017.

Selon l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences légales ainsi rappelées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.

Il ressort des plannings et bulletins de salaire versés au débat, pour partie par le salarié et pour le surplus par l'employeur, que M. [J] travaillait régulièrement plus de 35 heures par semaine.

M. [J] fournit ainsi des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments.

La comparaison des tableaux établis par l'employeur à partir des plannings et des bulletins de salaire montrent que toutes les heures supplémentaires réalisées en 2015, 2016 et 2017 par M. [J] ont été payées mensuellement, de sorte qu'aucune somme n'est due à ce titre par l'employeur.

Le jugement du conseil de prud'hommes sera en conséquence infirmé en ce qu'il a condamné la société Empuria à payer à M. [J] les sommes de 3 407,37 euros au titre des heures supplémentaires impayées et 340,74 euros au titre des congés payés afférents.

Statuant à nouveau, la cour rejettera les demandes formées à ce titre par M. [J].

Sur le licenciement

M. [J] reconnaît qu'il ne s'est plus rendu sur son lieu de travail à compter du 3 janvier 2018 mais invoque une exception d'inexécution tenant au défaut de paiement de nombreuses heures de travail et aux retenues injustifiées opérées sur ses salaires, sans remboursement ni explications. Il demande donc à titre principal que son licenciement soit déclaré sans cause réelle et sérieuse et à titre subsidiaire que le licenciement pour faute grave soit requalifié en licenciement pour cause réelle et sérieuse.

La société Empuria réplique qu'à la date de l'abandon de poste, aucune somme n'était due au salarié au titre des acomptes et que le montant des sommes en jeu ne justifiait pas de ne plus venir travailler. Elle souligne que le salarié n'a jamais écrit à son employeur pour formuler des griefs, n'a pas répondu aux lettres de mise en demeure des 12 et 22 janvier 2018 l'invitant à justifier du motif de ses absences et ne s'est pas présenté à l'entretien préalable du 15 février 2018 ; qu'en réalité il considérait que n'étant pas suffisamment payé, il n'était pas pour lui intéressant de continuer à travailler pour la société. Elle fait valoir que M. [J] a reconnu avoir trouvé un nouveau travail le 28 février 2018 soit avant le licenciement notifié le 5 mars 2018.

Il résulte de l'article L. 1232-1 du code du travail que tout licenciement pour motif personnel est motivé et justifié par une cause réelle et sérieuse.

La cause du licenciement, qui s'apprécie au jour où la décision de rompre le contrat de travail est prise par l'employeur, doit se rapporter à des faits objectifs, existants et exacts, imputables au salarié, en relation avec sa vie professionnelle et d'une certaine gravité qui rend impossible la continuation du travail et nécessaire le licenciement.

L'article L. 1235-1 du code du travail prévoit que le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié.

La faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise et justifie son départ immédiat. L'employeur qui invoque la faute grave pour licencier doit en rapporter la preuve.

Par application des articles 1217 et 1219 du code civil, si l'employeur manque gravement à ses obligations, notamment celle de verser les salaires dus à l'employé, ce dernier peut refuser d'exécuter sa propre obligation de travail.

Si la difficulté tenant au paiement des salaires constitue un incident isolé ou minime, le salarié n'est pas fondé à invoquer une exception d'inexécution.

Si M. [J] ne produit pas de réclamation écrite adressée à son employeur concernant les mentions figurant sur ses fiches de paye, il verse au débat les attestations de deux salariés qui affirment avoir assisté à des discussions entre M. [J] et M. [Y], gérant du restaurant, sur les heures manquantes sur les fiches de paye et les acomptes.

Ainsi que déterminé plus avant, les acomptes débités du salaire et non reçus par le salarié représentent la somme de 246,78 euros, les absences non payées la somme de 347 euros et toutes les heures supplémentaires effectuées par M. [J] lui ont été payées au fur et à mesure par la société Empuria.

Les sommes en cause étant minimes, aucune exception d'inexécution ne peut justifier l'absence de M. [J] à son poste de travail à compter du 3 janvier 2018.

Il ressort des SMS produits par la société Empuria que M. [J] s'est parfois plaint de ne pas être assez payé par rapport à ses charges. Le 5 décembre 2017 il écrivait : 'bonjours jose je t apel tu me repond pas c t juste pour vous dire tu ma payer au dusou smic se ke je n accepterais donc je resterais chez moi juska ce ke le problème soit régler merci', ce à quoi l'employeur a répondu qu'il est rémunéré 13 % au dessus du smic horaire mais qu'il a décidé de faire une semaine de 25 heures et a quitté son poste le jour-même une demi-heure avant la fin de travail programmée. M. [J] a répondu 'je vous demande de me vire car jai plus envie de travailler dans ces condition pour l'instant je reste chez moi. Je m en fout tu peu me vire pour abandon de poste dans tous les cas jai plus envie de bosser avec toi.'

Par SMS du 3 janvier 2018, M. [J] a écrit à son employeur : 'Bonjour patron j'espère ke tu tiendra en compte mon rupture conventionnel je vais vous l'envoyer par courrier merci'.

Il n'a plus rejoint son poste de travail à compter de cette date, sans adresser de justificatif à son employeur. Il n'a pas répondu aux mises en demeure de reprendre son poste qui lui ont été adressées par son employeur les 12 et 22 janvier 2018, qu'il a reçues puisqu'il en produit les originaux. Il ne s'est pas non plus présenté à l'entretien préalable au licenciement du 15 février 2018.

Son absence constitue un abandon de poste, violation des obligations résultant du contrat de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise et justifie son départ immédiat.

Le licenciement pour faute grave est en conséquence fondé.

M. [J] a d'ailleurs indiqué lors de l'audience prud'homale qui s'est tenue le 19 novembre 2019 qu'il travaille depuis février 2018 sur [Localité 5] en tant que pizzaïolo, ce qui montre qu'il avait rejoint une autre entreprise avant même son licenciement notifié le 5 mars 2018.

Le jugement du conseil de prud'hommes sera infirmé en ce qu'il a dit que le licenciement de M. [J] pour faute grave est injustifié et l'a requalifié en licenciement sans cause réelle et sérieuse et en ce qu'il a condamné la société Empuria à verser à M. [J] les sommes de 3 336,74 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis, 333,67 euros au titre des congés payés afférents, 1 251,28 euros à titre d'indemnité légale de licenciement et 5 005,11 euros pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés, la cour dira le licenciement fondé sur une faute grave et déboutera M. [J] de ses demandes indemnitaires et salariales.

Sur la demande portant sur le solde de tout compte

M. [J] avait demandé en première instance paiement de la somme de 304,86 euros nets au titre du solde de tout compte.

Le conseil de prud'hommes a alloué des sommes à M. [J] en le déboutant du surplus des demandes formées, sans motivation concernant le solde de tout compte.

La société Empuria soutient que M. [J] persiste à demander le paiement de sommes en brut là où elles ne peuvent lui être réglées qu'en net et qu'il dispose du bulletin de salaire de mars 2018 qui décompte le montant réglé.

M. [J] fait valoir que le solde de tout compte comporte une erreur de calcul et que la somme de 431 euros nets lui est due.

Sa demande n'est pas fondée dès lors que l'on constate, en comparant le solde de tout compte (pièce 9 de l'intimé) et le bulletin de salaire de mars 2018 qui reprend les mêmes chiffres (pièce 20 de l'appelante), qu'une indemnité compensatrice de congés payés de 1 308,83 euros bruts était due à M. [J] et qu'après déduction des cotisations sociales, de la CSG/CRDS, des acomptes et d'un report NAP négatif et en ajoutant l'indemnité de carte orange, c'est bien un solde de 126,14 euros nets qui était dû à M. [J] et qui lui a été versé.

La décision de première instance sera donc confirmée en ce qu'elle a débouté M. [J] de sa demande en paiement formée au titre du solde de tout compte.

Sur les demandes accessoires

La capitalisation des intérêts sera accordée dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil.

La société Empuria étant condamnée en paiement, la décision de première instance sera confirmée en ce qu'elle a mis les dépens de première instance à sa charge. La société Empuria sera condamnée aux dépens de l'instance d'appel.

La décision de première instance sera confirmée en ce qu'elle a alloué la somme de 1 500 euros à M. [J] au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Compte tenu du montant des condamnations retenues en appel, il apparaît équitable de rejeter la demande formée par M. [J] au titre des frais irrépétibles pour l'instance d'appel.

La demande formée par la société Empuria au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure d'appel sera rejetée.

Compte tenu du sens de la décision, le jugement du conseil de prud'hommes sera infirmé en ce qu'il a ordonné à la société Empuria de rembourser à Pôle emploi le montant des allocations chômage perçues par M. [J] dans la limite maximum de 6 mois, conformément à l'article L. 1235-4 du code du travail.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement, par arrêt mis à disposition au greffe, contradictoire et en dernier ressort,

Rejette la demande tendant à voir déclarer la société Empuria irrecevable en son appel,

Infirme le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Mantes-la-Jolie le 28 janvier 2020 sauf en ce qu'il a :

- condamné la société Empuria à verser à M. [T] [J] la somme de 246,78 euros à titre d'acomptes indûment retenus sur salaires,

- débouté M. [T] [J] de sa demande en paiement formée au titre du solde de tout compte,

- condamné la société Empuria aux dépens de l'instance,

- condamné la société Empuria à payer à M. [T] [J] une somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant :

Dit fondé le licenciement pour faute grave de M. [T] [J],

Condamne la société Empuria à payer à M. [T] [J] les sommes de :

- 347 euros au titre des heures d'absence indument prélevées,

- 34,70 euros au titre des congés payés afférents,

Déboute M. [T] [J] du surplus de ses demandes à ce titre et de ses demandes en paiement d'heures supplémentaires impayées et des congés payés afférents, d'une indemnité compensatrice de préavis et des congés payés afférents, d'une indemnité légale de licenciement, d'une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Dit que les intérêts seront capitalisés dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil,

Condamne la société Empuria aux dépens de l'instance d'appel,

Déboute la société Empuria et M. [T] [J] de leurs demandes formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure d'appel.

Arrêt prononcé publiquement à la date indiquée par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile et signé par Mme Catherine Bolteau-Serre, présidente, et par Mme Domitille Gosselin, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier en pré-affectation Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 6e chambre
Numéro d'arrêt : 20/00351
Date de la décision : 05/01/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-01-05;20.00351 ?
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