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05/01/2023 | FRANCE | N°20/01533

France | France, Cour d'appel de Versailles, 15e chambre, 05 janvier 2023, 20/01533


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 80A



15e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 05 JANVIER 2023



N° RG 20/01533 - N° Portalis DBV3-V-B7E-T6VP



AFFAIRE :



S.A.R.L. ROYAL NET



C/



[J] [V]

...







Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 18 Juin 2020 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de VERSAILLES

N° Section : C

N° RG : 18/00578



Cop

ies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :



Me Pascal VANNIER de la SELARL INTER-BARREAUX LEPORT & ASSOCIES



Me David METIN de l'AARPI METIN & ASSOCIES



Me Catherine CIZERON de la SELARL CABINET DE L'ORANGERIE



Expédition numérique...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

15e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 05 JANVIER 2023

N° RG 20/01533 - N° Portalis DBV3-V-B7E-T6VP

AFFAIRE :

S.A.R.L. ROYAL NET

C/

[J] [V]

...

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 18 Juin 2020 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de VERSAILLES

N° Section : C

N° RG : 18/00578

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Pascal VANNIER de la SELARL INTER-BARREAUX LEPORT & ASSOCIES

Me David METIN de l'AARPI METIN & ASSOCIES

Me Catherine CIZERON de la SELARL CABINET DE L'ORANGERIE

Expédition numérique délivrée à : PÔLE EMPLOI

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE CINQ JANVIER DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

S.A.R.L. ROYAL NET

N° SIRET : 382 709 947

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentant : Me Pascal VANNIER de la SELARL INTER-BARREAUX LEPORT & ASSOCIES, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 283

APPELANTE

****************

Madame [J] [V]

née le 11 Décembre 1962 à PORTUGAL

[Adresse 6]

[Localité 5]

Représentant : Me David METIN de l'AARPI METIN & ASSOCIES, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 159

S.A.R.L. GDO

N° SIRET : 400 913 950

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentant : Me Catherine CIZERON de la SELARL CABINET DE L'ORANGERIE, Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : C.404 - Représentant : Me Alexis TRICLIN, Plaidant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 273

INTIMEES

****************

Composition de la cour :

L'affaire a été débattue à l'audience publique du 25 Octobre 2022, Madame Régine CAPRA, présidente ayant été entendue en son rapport, devant la cour composée de :

Madame Régine CAPRA, Présidente,

Monsieur Thierry CABALE, Président,

Monsieur Eric LEGRIS, Conseiller,

qui en ont délibéré,

Greffier lors des débats : Madame Sophie RIVIERE

Madame [J] [V] a été engagée par la société GDO par contrat de travail à durée indéterminée du 31 août 2012 avec reprise d'ancienneté depuis le 1er octobre 2011, en qualité d'agent de service à temps partiel. Le 13 juin 2016, la société GDO a informé la salariée de sa mutation sur le site de la résidence de l'Orangerie au [Localité 7] à compter du 20 juin 2016 et un avenant au contrat de travail a été régularisé à cet effet.

Par requête reçue au greffe le 21 septembre 2018, Madame [J] [V] a saisi le conseil de prud'hommes de Versailles afin notamment de solliciter la reconnaissance du transfert de son contrat de travail, de contester la légitimité de son licenciement et d'obtenir le paiement de diverses sommes.

Par jugement du 18 juin 2020, auquel renvoie la cour pour l'exposé des demandes initiales des parties et de la procédure antérieure, le conseil de prud'hommes de Versailles a :

- déclaré recevable et bien fondée Madame [J] [V] en ses demandes fins et prétentions ;

- fixé la moyenne des salaires de Madame [J] [V] au montant de 1399 euros conformément à l'article R. 1454-28 du code du travail ;

- dit que la rupture s'analysait en un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

- condamné la Sarl Royal Net à verser à Madame [J] [V] les sommes suivantes :

*15000 euros au titre de 1'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

*2798 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis ;

*279 euros au titre des congés payés sur l'indemnité compensatrice de préavis ;

*1469 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement ;

*1800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- ordonné la remise des documents rectifiés et ordonné à la Sarl Royal Net d'adresser lesdits documents à Madame [J] [V] en son domicile dans un délai de quinze jours après la notification du présent jugement, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter du 31ème jour suivant la notification de la décision et pour une durée de 90 jours, le conseil se réservant le droit de liquider ladite astreinte ;

- ordonné l'exécution provisoire en application des dispositions de 1'article 515 du code de procédure civile ;

- condamné la Sarl Royal Net aux entiers dépens et aux frais d'exécution de la décision, notamment tous les frais de recouvrement résultant de l'application des articles 10 et 11 du décret du 12 décembre 1996 modifié portant fixation du tarif des huissiers de justice ;

- débouté la Sarl Royal Net de l'ensemble de ses demandes ;

- débouté la Sarl GDO de l'intégralité de ses demandes.

Par déclaration au greffe du 17 juillet 2020, la société Royal Net a interjeté appel de cette décision.

Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par le Rpva le 14 octobre 2020, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens, la société Royal Net, appelante, demande à la cour de :

- infirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris,

- la recevoir en ses conclusions,

- dire que l'employeur de Madame [V] est la société GDO,

- la mettre hors de cause,

- condamner la société GDO à lui verser une somme de 5000 euros au titre de l'article 1240 du code civil,

- condamner la société GDO à lui verser une somme de 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La société Royal Net fait essentiellement valoir que :

- en raison de la non application des dispositions de l'article L. 1224- 1 du code du travail en cas de changement du titulaire d'un même chantier, l'article 7 de la convention collective des entreprises de propreté et services associés prévoit dans ce cas les conditions du transfert d'un salarié affecté au marché repris ;

- l'affectation de la salariée par la société GDO sur le chantier concerné au cours du mois de juin 2016 est frauduleux et lui est inopposable puisqu'à cette date la salariée étant en arrêt de travail à la suite d'un accident du travail depuis le 15 mai 2016, et ce, jusqu'au 6 juillet 2016, la société Royal Net n'avait d'autre motif pour la muter sur le site litigieux que de s'assurer de son transfert en raison de sa connaissance de la perte à venir du marché ; la date du transfert est dès lors celle du 7 juillet 2016 ;

- l'affectation au sens du texte conventionnel devant être effective depuis au moins six mois à la date d'expiration du contrat commercial ou du marché public pour que le salarié soit transférable, cette condition n'était pas remplie au cas particulier puisque le 31 décembre 2016 la salariée justifiait d'une affectation inférieure à six mois depuis son premier jour de travail sur le site le 7 juillet 2016 ;

- en l'absence de preuve de l'exécution d'un travail par la salariée sous son lien de subordination le 2 janvier 2017 après que la société GDO a demandé à celle-ci de se rendre sur le chantier, aucune demande ne peut être formée à son encontre au titre d'une relation de travail inexistante;

- la société GDO ayant manqué à son obligation de bonne foi, celle-ci doit être condamnée à lui verser des dommages et intérêts en application de l'article 1240 du code civil.

Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par le Rpva le 8 janvier 2021, auxquelles il est renvoyé pour un plus ample exposé des moyens, Madame [J] [V], intimée, demande à la cour de :

- la recevoir en ses demandes et l'y déclarer bien fondée ;

- juger que son contrat de travail a été transféré de la société GDO à la société Royal Net ;

en conséquence,

à titre principal :

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :

Jugé que le licenciement opéré par la SARL Royal Net ne repose pas sur une cause réelle et sérieuse ;

Condamné la Sarl Royal Net à lui verser les sommes suivantes :

*2798 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

*279 euros au titre des congés payés afférents,

*1469 euros à titre d'indemnité légale de licenciement,

Condamné la Sarl Royal Net à lui verser une indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Condamné la Sarl Royal Net à lui verser la somme de 1800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- infirmer le jugement sur le quantum de l'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse;

- condamner la Sarl Royal Net à lui verser la somme de 20000 euros à titre d'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- ordonner à la Sarl Royal Net de lui remettre une attestation destinée au Pôle Emploi et un bulletin de paie conformes et ce, sous astreinte de 100 euros par jour de retard dans les 8 jours suivant la notification de l'arrêt ;

- dire qu'en application de l'article L. 131-3 du code des procédures civiles d'exécution, la

cour se réserve le droit de liquider l'astreinte sur simple requête ;

y ajoutant,

- condamner la Sarl Royal Net à lui verser la somme de 1500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la Sarl Royal Net aux entiers dépens y compris les éventuels frais d'exécution de l'arrêt à intervenir ;

à titre subsidiaire :

- juger que le licenciement opéré par la Sarl GDO ne repose pas sur une cause réelle et sérieuse;

- condamner la Sarl GDO à lui verser les sommes suivantes :

*2798 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

*279 euros au titre des congés payés afférents,

*1469 euros à titre d'indemnité légale de licenciement,

*20000 euros à titre d'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- ordonner à la Sarl GDO de lui remettre une attestation destinée au Pôle emploi et un bulletin de paie conformes et ce, sous astreinte de 100 euros par jour de retard dans les 8 jours suivant la notification du jugement ;

- dire qu'en application de l'article L. 131-3 du code des procédures civiles d'exécution, la cour se réserve le droit de liquider l'astreinte sur simple requête ;

- condamner la Sarl GDO à lui verser la somme de 3300 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la Sarl GDO aux entiers dépens y compris les éventuels frais d'exécution de l'arrêt à intervenir ;

en tout état de cause :

- dire que ces sommes porteront intérêt au taux légal à compter de la saisine du conseil de prud'hommes.

La salariée fait essentiellement valoir que :

- le 2 janvier 2017, à sa prise de poste sur le chantier et après avoir débuté son travail, la société Royal Net lui a intimé de partir en lui indiquant qu'elle n'était pas sa salariée, rupture verbale sans motif sérieux ni respect de la procédure de licenciement de son contrat de travail qui avait été régulièrement transféré à cette société ;

- ses demandes relatives aux indemnités de rupture et accessoires sont dès lors dirigées à titre principal contre la société Royal Net, et à titre subsidiaire contre la société GDO si le transfert n'est pas validé, faute de procédure de licenciement.

Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par le Rpva le 9 février 2021, auxquelles il est renvoyé pour un plus ample exposé des moyens, la société GDO, intimée, demande à la cour de :

- la recevoir en ses conclusions,

- rejeter Madame [J] [V] en ses demandes et les déclarer infondées ;

à titre principal :

- confirmer le jugement du conseil de prud'hommes en toutes ses dispositions ;

- juger que le contrat de travail de Madame [V] a été transféré de la société GDO à la société Royal Net ;

- juger que la Sarl Royal Net est le seul employeur responsable du licenciement ;

- juger que la Sarl Royal Net a appliqué de mauvaise foi l'article 7 de la convention collective;

- condamner la Sarl Royal Net à lui verser la somme de 5000 euros en réparation du préjudice causé de la mauvaise foi dans l'application de la convention collective ;

- condamner la Sarl Royal Net à lui verser la somme de 5000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la Sarl Royal Net aux entiers dépens y compris les éventuels frais d'exécution du jugement à intervenir ;

à titre subsidiaire,

- juger que la Sarl Royal Net est par son comportement et agissement l'employeur de Madame [V].

La société GDO fait essentiellement valoir que :

- la fraude n'est pas établie alors que le courrier annonçant la mutation de la salariée sur le marché est antérieur de six mois et a précédé le courrier du 14 septembre 2016 dénonçant à titre conservatoire le contrat de nettoyage de la résidence de l'Orangerie et l'invitant à proposer une nouvelle offre de prix ;

- la date d'affectation de la salariée sur le chantier concerné est celle du 20 juin 2016 au sens du texte conventionnel, de sorte que la condition de durée qu'il édicte est remplie ; cette date résulte de son courrier adressé à la salariée le 13 juin 2016 et de l'avenant qu'elles ont signé et qui n'est pas argué de faux ; la circonstance que la salariée ait été en arrêt de travail est indifférente à la réalisation de la condition de durée puisqu'elle n'était pas absente depuis quatre mois ou plus à la date d'expiration du contrat commercial ou du marché public, seconde condition prévue par l'article 7 de la convention collective ;

- la salariée a bien travaillé pendant près de deux heures le 2 janvier 2017 sous l'autorité de la société Royal Net avant que le gérant de celle-ci ne décide de rompre le contrat de travail en la congédiant.

La clôture de l'instruction a été prononcée le 21 septembre 2022.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la relation de travail :

L' article 7 de la convention collective nationale des entreprises de propreté et services associés, qui prévoit le dispositif de transfert conventionnel permettant le maintien de l'emploi des salariés lorsque deux prestataires sont amenés à se succéder sur un marché de propreté, énonce en son deuxièmement, dans sa rédaction applicable au litige, des conditions devant être remplies par le personnel concerné, lequel doit être titulaire, notamment, d'un contrat à durée indéterminée et, dans ce cas :

- justifier d'une affectation sur le marché d'au moins six mois à la date d'expiration du contrat commercial ou du marché public ;

- ne pas être absent depuis quatre mois ou plus à la date d'expiration du contrat.

En l'espèce, il ressort des éléments soumis à l'appréciation de la cour que :

- par courrier du 13 juin 2016, la société GDO a informé la salariée, alors affectée sur le chantier de la résidence Trocadero au [Localité 7] et en arrêt de travail depuis le 15 mai 2016 à la suite d'un accident du travail, de sa mutation sur le chantier de la résidence Orangerie dans le cadre d'une nouvelle réorganisation des chantiers et des stipulations contractuelles aux termes desquelles la salariée a accepté son affectation sur tout autre site dans la zone géographique concernée ;

- dans le prolongement de ce courrier, l'avenant 'au contrat de travail à durée indéterminée temps plein au 20/06/2016" signé par la société GDO et la salariée, mentionne qu'à compter de cette date la salariée est mutée sur la résidence Orangerie au [Localité 7] ;

- par lettre recommandée avec avis de réception du 14 septembre 2016 adressée à la société GDO, le syndic de la copropriété Parly 2 incluant la résidence Orangerie, a dénoncé à titre conservatoire le contrat d'entretien ménager de la résidence Orangerie à compter du 31 décembre 2016 et lui a indiqué revenir vers elle par courrier pour lui faire parvenir sa meilleure proposition de contrat de nettoyage pour cette résidence selon le nouveau cahier des charges ; puis la décision a été prise par le client de confier le marché à la société Royal Net à compter du 1er janvier 2017, ce que confirme un courriel du syndic du 14 novembre 2016 sollicitant de la gérante de la société GDO qu'elle transmette à la société entrante l'ensemble des données nécessaires au démarrage du chantier ;

- dans le cadre d'un échange de courriers jusqu'en décembre 2016, la société sortante a adressé à la société entrante les documents utiles au transfert des deux seuls salariés qu'elle considérait devoir bénéficier de la garantie conventionnelle d'emploi ;

- par courrier du 28 décembre 2016, la société entrante a indiqué ne reprendre que le collègue de la salariée aux motifs que la signature de l'avenant reçu de la société sortante ne semblait pas être celle de la salariée et que son affectation prétendue sur la résidence Orangerie n'avait pu intervenir le 20 juin 2016 puisqu'elle était absente pour maladie avant de reprendre son travail le 7 juillet 2016, ce qui induisait qu'elle ne remplissait pas la condition de durée d'affectation conventionnellement prévue ;

- le 2 janvier 2017, la salariée s'est directement adressée par courrier à la société Royal Net afin que celle-ci exécute son contrat de travail et satisfasse à son obligation de fourniture du travail par suite du transfert de son contrat de travail dont la société GDO l'avait informée par courrier remis en main propre le 19 décembre 2016 ; elle précise dans son courrier s'être rendue à 7h45 sur son lieu de travail pour prendre son service 'comme d'habitude' et avoir cessé son travail après qu'un responsable de la société entrante lui a indiqué vers 8h30 d'attendre le gérant de cette même société qui lui indiquera qu'une autre personne avait été recrutée pour la remplacer.

Il résulte de l'ensemble de ces éléments et de la succession chronologique des faits que la fraude alléguée n'est pas caractérisée en ce que, notamment, la salariée, qui ne dénie pas sa signature de l'avenant litigieux, a été mutée sur la résidence Orangerie indépendamment de toute considération tenant à une perte de ce marché que la société GDO ignorait à cette date, ce que ne contredit aucun élément apporté par la société Royal Net qui procède par affirmation, sans offre de preuve, lorsqu'elle indique que la société GDO n'avait aucune raison de changer le site d'affectation de la salariée quand celle-ci était en arrêt de travail, alors que la société, qui n'avait pas à en justifier, invoquait une réorganisation de chantier, et indiquait se conformer au délai de prévenance auquel elle était soumise en fixant la date de la mutation au 20 juin 2016. De même, c'est dans un contexte particulier que la salariée, après avoir réclamé, en vain, le bénéfice de la garantie conventionnelle d'emploi auprès de la société entrante, et s'être adressée en désespoir de cause à la société sortante pour obtenir la rémunération dont elle était privée, a écrit à cette dernière société le 26 janvier 2017 : 'Je comprends mieux aujourd'hui les raisons qui vous ont poussées à me changer de résidence le 20 Juin 2016 alors même que j'étais en arrêt maladie...', sans aucunement étayer ses supputations.

Par ailleurs, il ressort des textes conventionnels qu'en considération de la garantie offerte aux salariés affectés à un marché faisant l'objet d'un changement de prestataire et de l'obligation pour le nouveau prestataire de s'engager à garantir l'emploi de 100 % du personnel affecté au marché faisant l'objet de la reprise, les partenaires sociaux, recherchant un équilibre entre le souci d'assurer l'effectivité de la garantie d'emploi et la nécessité de prévenir tout abus à cet égard, n'ont pas entendu fixer de conditions restrictives au-delà de celles énoncées à l'article 7 précité, notamment en termes de durée d'affectation au marché faisant l'objet de la reprise s'appréciant à la date d'expiration du contrat commercial ou du marché public, ce qui les a amenés à fixer une durée d'affectation minimale, de six mois en l'occurrence, en la détachant de toute notion de présence sur le chantier, estimant suffisante à cet égard la seconde condition cumulative tenant à l'exclusion du salarié absent depuis quatre mois ou plus à la date d'expiration du contrat.

Or, il résulte des éléments d'appréciation que la salariée, fût-elle en arrêt de travail à la date de sa mutation, laquelle est intervenue en exécution des stipulations de son contrat de travail et a été formalisée sans contestation de sa part, réunit les conditions conventionnelles précitées telles qu'interprétées ci-dessus.

Par ailleurs, la carence de l'entreprise de nettoyage sortante dans la transmission des éléments demandés, que la société Royal Net mettait également en exergue pour justifier son refus d'un transfert de la salariée, ne peut empêcher le changement d'employeur que dans le seul cas où cette carence met l'entreprise entrante dans l'impossibilité d'organiser la reprise effective du marché, situation non démontrée en l'espèce.

En conséquence, le contrat de travail de la salariée s'est obligatoirement poursuivi avec son nouvel employeur à compter du 1er janvier 2017, date de la reprise du marché d'affectation par la société Royal Net.

Il ressort de l'attestation d'une ancienne collègue de travail, non utilement contredite, que la salariée s'est présentée comme d'habitude sur son lieu de travail le 2 janvier 2017 et qu'elle a travaillé à compter de 7h45. En effet, par courrier adressé le même jour à la société Royal Net, la salariée a contesté la décision verbale du gérant de la société Royal Net de lui intimer de quitter les lieux en prétextant une absence de transfert et un recrutement pour la remplacer alors qu'elle s'était présentée à son poste à 7h45 et avait travaillé jusque vers 8h30, le responsable de l'entreprise présent à ses côtés lui ayant indiqué qu'elle devait attendre ce gérant, puis ce dernier n'a pas entendu répondre favorablement à la demande de la salariée de continuer l'exécution de son contrat de travail, notamment dans un courrier du 3 janvier 2017 par lequel il indique lui-même faire suite à leur 'conversation d'hier matin' et au courrier reçu par message électronique de la salariée. Le comportement de la société Royal Net à compter de cette date confirme qu'elle n'a jamais considéré devoir poursuivre plus avant la relation contractuelle avec la salariée, pas plus qu'elle n'en émet l'hypothèse dans le cadre de cette procédure.

La rupture verbale du contrat de travail par la société Royal Net est dès lors sans cause réelle et sérieuse puisqu'elle est intervenue sans motif faute de procédure de licenciement.

L'entreprise employant habituellement au moins onze salariés et la salariée ayant une ancienneté de 5 ans et 3 mois au moment de la rupture, il convient d'allouer à celle-ci, en considérant cette ancienneté, son âge lors de cette rupture (54 ans), et ses capacités à retrouver un emploi au vu des éléments fournis, la somme de 16788 euros nets (douze mois de salaire brut mensuel de référence) à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse en application des dispositions alors en vigueur de l'article L. 1235-3 du code du travail.

Il ressort des éléments d'appréciation que l'indemnité légale de licenciement doit être évaluée à la somme de 1469 euros nets au regard du salaire de référence et de l' ancienneté de la salariée. Cette somme lui est allouée en application des dispositions des articles L.1234-9 et R. 1234-1 et suivants du code du travail.

Au vu des éléments d'appréciation, dont les éléments de calcul, en application des dispositions des articles L. 1234-1 et L. 1234-5 du code du travail, la durée de préavis est de deux mois et l'indemnité compensatrice de préavis à allouer à la salariée est de 2798 euros bruts, outre, dans la limite de la demande, 279 euros bruts de congés payés afférents.

Les intérêts au taux légal courront :

- à compter du 2 octobre 2018, date de la présentation de la lettre recommandée avec avis de réception convoquant la société Royal Net devant le bureau de conciliation, sur les sommes allouées au titre des indemnités de préavis, des congés payés afférents, et de l'indemnité légale de licenciement,

- à compter du présent arrêt sur les autres sommes.

Sur la remise de documents :

Compte tenu des développements qui précèdent, la demande de remise par l'employeur d'une attestation Pôle Emploi et d'un bulletin de salaire conformes à l'arrêt est justifiée.

Le prononcé d'une astreinte est nécessaire au regard des éléments de la cause.

La cour n'entend pas se réserver le pouvoir de liquider cette astreinte.

Sur le remboursement des indemnités de chômage :

Par application de l'article L 1235-4 du code du travail, il y a lieu à remboursement par l'employeur des indemnités de chômage versées à la salariée, dans la limite de deux mois d'indemnités.

Une copie du présent arrêt sera transmise à Pôle Emploi.

Sur la demande reconventionnelle de la société GDO :

La société GDO ne justifie pas de l'existence et de l'étendue d'un préjudice en lien avec une application de mauvaise foi des dispositions conventionnelles par la société Royal Net. Sa demande de dommages et intérêts sera en voie de rejet.

Sur la demande reconventionnelle de la société Royal Net :

La société Royal Net ne démontre pas l'existence de la mauvaise foi qu'elle impute à la société sortante. Elle sera donc déboutée de sa demande de dommages et intérêts formée de ce chef.

Sur les frais irrépétibles :

En équité, il y a lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit de la salariée et de la société GDO auxquelles seront allouées respectivement les sommes de 1500 euros et de 3000 euros pour les frais irrépétibles de première instance et d'appel.

Sur les dépens :

Dans les limites de la compétence de la cour tirée des articles 696 et suivants du code de procédure civile, les entiers dépens de première instance et d'appel seront mis à la charge de la société Royal Net, partie succombante pour l'essentiel.

PAR CES MOTIFS :

La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, en matière prud'homale et par mise à disposition au greffe:

Infirme partiellement le jugement entrepris et statuant à nouveau sur le tout pour une meilleure compréhension et y ajoutant,

Dit que le contrat de travail à durée indéterminée de Madame [J] [V] a été transféré à la société Royal Net à compter du 1er janvier 2017.

Dit que Madame [J] [V] a été licenciée sans cause réelle et sérieuse le 2 janvier 2017 par la société Royal Net.

En conséquence,

Condamne la société Royal Net à payer à Madame [J] [V] les sommes suivantes :

- 16788 euros nets à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 1469 euros nets à titre d'indemnité légale de licenciement,

- 2798 euros bruts à titre d'indemnité de préavis,

- 279 euros bruts de congés payés afférents.

Dit que les intérêts au taux légal courront :

- à compter du 2 octobre 2018 sur les sommes allouées au titre des indemnités de préavis, des congés payés afférents, et de l'indemnité légale de licenciement,

- à compter du présent arrêt sur les autres sommes.

Condamne la société Royal Net à remettre à Madame [J] [V] un bulletin de salaire et une attestation Pôle Emploi conformes au présent arrêt, dans un délai de trente jours à compter de la notification de l'arrêt et sous astreinte de 30 euros par jour de retard passé ce délai, ce, pendant soixante jours.

Condamne la société Royal Net à payer, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, les sommes de :

- 3000 euros à Madame [J] [V],

- 1500 euros à la société GDO.

Déboute les parties pour le surplus.

Ordonne le remboursement par l'employeur des indemnités de chômage versées à la salariée, dans la limite de deux mois d'indemnités.

Dit qu'une copie du présent arrêt sera transmise à Pôle Emploi.

Condamne la société Royal Net aux entiers dépens de première instance et d'appel.

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Régine CAPRA, Présidente et par Madame Juliette DUPONT, Greffier en pré-affectation, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER, La PRÉSIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 15e chambre
Numéro d'arrêt : 20/01533
Date de la décision : 05/01/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-01-05;20.01533 ?
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