La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

05/01/2023 | FRANCE | N°20/02223

France | France, Cour d'appel de Versailles, 15e chambre, 05 janvier 2023, 20/02223


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 80A



15e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 05 JANVIER 2023



N° RG 20/02223 - N° Portalis DBV3-V-B7E-UC3T



AFFAIRE :



S.A.S. TRANSPORTS DU VAL D'OISE (TVO)



C/



[H] [T] [B]









Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 07 Septembre 2020 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MONTMORENCY

N° Section : C

N° RG : F1

9/00216



Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :



Me Oriane DONTOT de l'AARPI JRF AVOCATS



Me Sébastien LHEUREUX







le :





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE CINQ JANVIER DEUX MILLE VING...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

15e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 05 JANVIER 2023

N° RG 20/02223 - N° Portalis DBV3-V-B7E-UC3T

AFFAIRE :

S.A.S. TRANSPORTS DU VAL D'OISE (TVO)

C/

[H] [T] [B]

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 07 Septembre 2020 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MONTMORENCY

N° Section : C

N° RG : F19/00216

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Oriane DONTOT de l'AARPI JRF AVOCATS

Me Sébastien LHEUREUX

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE CINQ JANVIER DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

S.A.S. TRANSPORTS DU VAL D'OISE (TVO)

N° SIRET : 314 388 950

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentant : Me Arnaud BLANC DE LA NAULTE de l'AARPI NMCG AARPI, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : L0007 - Représentant : Me Oriane DONTOT de l'AARPI JRF AVOCATS, Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 617 - N° du dossier 20200751

APPELANTE

****************

Monsieur [H] [T] [B]

né le 07 Mai 1968 à [Localité 5]

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentant : Me Sébastien LHEUREUX, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : G0264

INTIME

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 09 Novembre 2022 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Eric LEGRIS, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Régine CAPRA, Présidente,

Monsieur Thierry CABALE, Président,

Monsieur Eric LEGRIS, Conseiller,

Greffier lors des débats : Madame Sophie RIVIERE,

Monsieur [H] [T] [B] expose qu'il a été engagé par la société Transports du Val d'Oise (TVO) à compter du 1er septembre 2008 par contrat à durée indéterminée. De son côté, la société prétend que le salarié a été initialement engagé à compter du 1er septembre 2008 par contrat à durée déterminée, puis par contrat à durée indéterminée à compter du 1er octobre 2008.

La convention collective applicable est celle des transports urbains de voyageurs.

L'effectif de la société est au moins égal à 11salariés.

Selon le salarié, celui-ci percevait un salaire mensuel brut de 1 902,41 euros.

Le salarié a été placé en arrêt de travail à la suite d'un incident survenu au cours d'une opération de contrôle des titres de transport.

Par avis du 18 décembre 2012, le médecin du travail a déclaré le salarié 'inapte au poste de contrôleur dans l'entreprise TVO' mais 'apte à un poste similaire dans un autre contexte organisationnel'. La société a saisi l'inspection du travail afin de contester ledit avis.

Par décision du 16 avril 2013, l'inspecteur du travail a infirmé l'avis du médecin du travail et décidé que le salarié était 'inapte à son poste de contrôleur' mais 'apte à un poste de conducteur de bus, sous réserve d'une formation adaptée, à tout poste administratif ou de guichetier'.

Au mois de septembre 2013, le salarié a été reclassé sur un poste d'agent d'information et de vente.

Le 18 mars 2016, le salarié a été désigné en tant que représentant syndical.

Par lettre du 16 mars 2017, la société TVO a saisi l'inspection du travail d'une demande d'autorisation de licencier Monsieur [B] ;

Par décision du 20 avril 2017, l'inspection du travail a rejeté la demande d'autorisation de licenciement ;

A compter du 26 juin 2017, Monsieur [B] exerçait les fonctions d'agent d'ambiance.

Le salarié a été placé en arrêt maladie et à l'issue de la visite de reprise qui s'est tenue le 31 janvier 2018, le médecin du travail l'a déclaré inapte à reprendre son poste sans possibilité de reclassement.

Par lettre du 15 février 2018, la société l'a convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement prévu le 26 février 2018.

Par décision du 1er juin 2018, l'inspection du travail a autorisé la société à procéder au licenciement du salarié.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 18 juin 2018, le salarié s'est vu notifier son licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement.

Par requête reçue au greffe le 10 avril 2019, Monsieur [H] [T] [B] a saisi le conseil de prud'hommes de Montmorency afin de contester la légitimité de son licenciement et d'obtenir le paiement de diverses sommes.

Par jugement du 7 septembre 2020, auquel renvoie la cour pour l'exposé des demandes initiales des parties et de la procédure antérieure, le conseil de prud'hommes de Montmorency, section commerce, a :

- Fixé le salaire brut de base à la somme de 1 902,41 euros ;

- Condamné la SAS Transports du Val d'Oise à payer à Monsieur [H] [T] [B] les sommes suivantes :

' 10 000 euros d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

' 3 804,82 euros d'indemnité compensatrice de préavis ;

' 380,48 euros de congés payés sur préavis ;

' 317,06 euros de complément de prime de 13ème mois ;

' 31,70 euros de congés payés sur complément de prime de 13ème mois ;

' 538,29 euros de complément d'indemnité légale de licenciement ;

' 8 000 euros de dommages et intérêts pour violation de l'obligation de maintien de l'employabilité du salarié ;

' 1 500 euros d'article 700 du code de procédure civile ;

- Ordonné la remise d'un bulletin de paie, d'un certificat de travail et d'une attestation d'employeur destinée à Pôle emploi conformes au jugement sans astreinte ;

- Rejeté la demande tendant à écarter le plafonnement prévu par l'article L. 1235-3 du code du travail en raison de son inconventionnalité, au regard de l'article 24 de la charte sociale européenne, l'article 10 de la convention 158 de l'OIT et du droit au procès équitable ;

- Dit que les intérêts étaient de droit à la date du prononcé de la décision pour l'indemnité dont le fondement est le licenciement sans cause réelle ni sérieuse, et à la date de la saisine du conseil pour toutes les autres ;

- Ordonné la capitalisation des intérêts.

- Ordonné l'exécution provisoire dans les limites de l'article R. 1454-28 du code du travail ;

- Débouté Monsieur [H] [T] [B] de ses demandes plus amples ou contraires ;

- Débouté la SAS Transports du Val d'Oise de ses demandes reconventionnelles.

- Mis les dépens de l'instance à la charge de la société SAS Transports du Val d'Oise.

Par déclaration au greffe du 8 octobre 2020, la société Transports du Val d'Oise a interjeté appel de cette décision.

Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par RPVA le 30 juin 2021, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens, la société Transports du Val d'Oise, appelante, demande à la cour de':

- Infirmer le jugement du conseil de prud'hommes du 7 septembre 2020, en ce qu'il a :

- L'a condamnée à payer à Monsieur [B] les sommes suivantes :

' 10 000 euros d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

' 3 804,82 euros d'indemnité compensatrice de préavis

' 380,48 euros de congés payés sur préavis

' 317,06 euros de complément de prime de 13ème mois

' 31,70 euros de congés payés sur complément de prime de 13ème mois

' 538,29 euros de complément d'indemnité légale de licenciement

' 8 000 euros de dommages et intérêts pour violation de l'obligation de maintien de l'employabilité du salarié

' 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- Ordonné la remise d'un bulletin de paie, d'un certificat de travail et d'une attestation d'employeur destinée à Pôle emploi conformes au jugement sans astreinte,

- L'a déboutée de ses demandes reconventionnelles,

- L'a condamnée aux dépens,

- Confirmer le jugement du conseil de prud'hommes du 27 février 2020, en ce qu'il a :

- Rejeté la demande tendant à écarter le plafonnement prévu par l'article L. 1235-3 du code du travail,

- Débouté Monsieur [B] de ses demandes plus amples ou contraires,

En tout état de cause :

- Débouter Monsieur [B] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions,

- Condamner Monsieur [B] à lui verser la somme de 1 euro à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,

- Condamner Monsieur [B] à lui verser la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamner Monsieur [B] en tous les dépens qui seront recouvrés par Maître Dontot, SELARL JRF & Associés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par RPVA le 31 mars 2021, auxquelles il est renvoyé pour un plus ample exposé des moyens, Monsieur [H] [T] [B], intimé, demande à la cour de :

- Confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société Transports du Val d'Oise à lui payer les sommes suivantes :

' 3 804,82 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

' 380,48 euros au titre des congés payés sur préavis,

' 317,06 euros à titre de complément de prime de 13ème mois,

' 31,70 euros à titre de congés payés sur complément de prime de 13ème mois,

' 538,29 euros à titre de complément d'indemnité légale de licenciement,

' 8 000 euros à titre de dommages et intérêts pour violation de l'obligation de maintien de l'employabilité du salarié,

' 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- Confirmer le jugement en ce qu'il a dit que les intérêts sont de droit à la date du prononcé de la décision pour l'indemnité dont le fondement est le licenciement sans cause réelle ni sérieuse, et à la date de la saisine du conseil de prud'hommes pour toutes les autres,

- Confirmer le jugement en ce qu'il a ordonné la remise d'un bulletin de paie, d'un certificat de travail et d'une attestation d'employeur destinée à Pôle emploi conformes au jugement sans astreinte,

- Confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société Transports du Val d'Oise aux intérêts légaux et aux dépens,

- Confirmer le jugement en ce qu'il a ordonné l'anatocisme,

Au titre de l'appel incident,

À titre principal :

- Infirmer le jugement en ce qu'il l'a débouté de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement nul et, statuant de nouveau sur ce chef de jugement infirmé, condamner la société Transports du Val d'Oise à lui payer la somme de 40 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul,

À titre subsidiaire :

- Infirmer le jugement en ce qu'il a rejeté la demande tendant à écarter le plafonnement prévu par l'article L. 1235-3 du code du travail en raison de son inconventionnalité, au regard de l'article 24 de la charte sociale européenne, l'article 10 de la convention 158 de l'organisation internationale du travail et du droit au procès équitable,

- Juger que le préjudice du salarié doit faire l'objet d'une appréciation in concreto,

- En conséquence, confirmer le jugement critiqué en ce qu'il a dit le licenciement sans cause réelle ni sérieuse mais infirmer le jugement quant aux quantum et, statuant de nouveau sur le chef de jugement infirmé, condamner la société Transports du Val d'Oise à lui payer la somme de 40000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- Infirmer le jugement critiqué en ce qu'il l'a débouté de sa demande de dommages et intérêts pour violation de l'obligation de sécurité et, statuant de nouveau sur ce chef de jugement infirmé, condamner la société Transports du Val d'Oise à lui payer la somme de 20 000 euros,

En cause d'appel :

- Condamner la société Transports du Val d'Oise au paiement d'une indemnité de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamner la société Transports du Val d'Oise aux intérêts légaux et aux entiers dépens.

La clôture de l'instruction a été prononcée le 19 octobre 2022.

SUR CE,

Sur l'exécution du contrat de travail':

Sur la prime de 13ème mois

Monsieur [B] fait valoir que son préavis de deux mois n'a pas été pris en compte pour le calcul de son reliquat de prime de 13ème mois ; la société réplique que Monsieur [B], licencié pour inaptitude, ne peut prétendre au paiement à une indemnité de préavis ;

En application de l'article L. 1226-4 alinéa 3 du code du travail, en cas de licenciement du salarié déclaré inapte, le préavis n'est pas exécuté, le contrat de travail est rompu à la date de notification du licenciement et le salarié n'a pas droit à l'indemnité compensatrice de préavis ;

Monsieur [B] ne peut prétendre au paiement d'une indemnité pour un préavis qu'il était dans l'impossibilité physique d'exécuter en raison de l' inaptitude à son emploi, étant observé qu'il n'est pas avéré ni même allégué que l'employeur ait manqué à son obligation de reclassement et rappelé à cet égard que le médecin du travail mentionne que l'état de santé du salarié faisait obstacle à tout reclassement et qu'il résulte des motifs ci-après que le licenciement n'est pas dénué de cause réelle et sérieuse ni nul ;

En conséquence, le jugement est infirmé sur ce point et ce chef de demande est rejeté ;

Sur l'obligation de maintien de l'employabilité du salarié

Aux termes de l'article L.6321-1 du code du travail :

"L'employeur assure l'adaptation des salariés à leur poste de travail.

Il veille au maintien de leur capacité à occuper un emploi, au regard notamment de l'évolution des emplois, des technologies et des organisations.

Il peut proposer des formations qui participent au développement des compétences, y compris numériques, ainsi qu'à la lutte contre l'illettrisme, notamment des actions d'évaluation et de formation permettant l'accès au socle de connaissances et de compétences défini par décret. (...)" ;

En l'espèce, Monsieur [B] établit en particulier qu'il n'a pas été formé au poste d'agent d'information et de vente sur lequel il avait été reclassé ;

L'inspection du travail avait d'ailleurs souligné ce défaut de formation professionnelle adaptée et suffisante dans sa décision du 20 avril 2017 ;

C'est vainement que l'employeur se réfère à ses propres dires dans des courriers émis dans le cadre d'une convocation à entretien, ou à la mention du médecin du travail ayant écarté tout reclassement ce qui se rapporte à l'inaptitude du salarié ayant motivé la rupture du contrat de travail en 2018;

Le jugement est confirmé en ce qu'il a condamné la société Transports du Val d'Oise à payer à Monsieur [B] la somme de 8 000 euros de dommages et intérêts pour violation de l'obligation de maintien de l'employabilité du salarié ;

Sur l'obligation de sécurité

Monsieur [B] reproche à ce titre à son employeur, l'absence de mesures prises par l'employeur pour faire cesser et pour sanctionner les actes de racisme dont il était la cible, une absence de formation professionnelle et de prise en considération de sa situation professionnelle, l'engagement d'une procédure de licenciement inepte alors qu'il suivait une formation professionnelle ;

La société Transports du Val d'Oise soulève la prescription des faits se rapportant au premier manquement invoqué et les conteste tous au fond ;

Selon l'article L.4121-1 du code du travail " l'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.

Ces mesures comprennent :

1° Des actions de prévention des risques professionnels, y compris ceux mentionnés à l'article L. 4161-1 ;

2° Des actions d'information et de formation ;

3° La mise en place d'une organisation et de moyens adaptés.

L'employeur veille à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes." ;

Monsieur [B] se réfère, au titre du premier manquement qu'il invoque, à un fait datant du 9 septembre 2015 date à laquelle il indique que des collègues de travail avaient posé une photographie de singe à son poste de travail et que sa hiérarchie est demeurée sans réaction adaptée ;

Il conteste la prescription de ce fait soulevée par la société appelante en soutenant que l'action en responsabilité née à raison d'un événement ayant entraîné un dommage corporel se prescrit par dix ans ; cependant, il ne peut tenter de contourner ainsi la prescription biennale qui s'applique dès lors que le manquement invoqué à l'encontre de l'employeur se rapporte à l'exécution du contrat de travail ;

Par ailleurs l'engagement d'une procédure de licenciement alors qu'une formation avait été envisagée ne caractérise pas un manquement de l'employeur en lien avec la sécurité du salarié ;

Ce grief est d'ailleurs contradictoire avec le reproche d'absence de formation professionnelle ; en outre, il n'est pas justifié d'un préjudice distinct de celui déjà indemnisé à ce titre ;

En conséquence, la demande de dommages et intérêts formée du chef de l'obligation de sécurité sera rejetée ;

Sur la rupture du contrat de travail':

Monsieur [B] sollicite à titre principal des dommages et intérêts pour licenciement nul et, à titre subsidiaire, la confirmation du jugement en ce qu'il a dit le licenciement sans cause réelle ni sérieuse mais d'infirmer le jugement quant aux quantum des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Au soutien de sa demande, il fait valoir qu'il a subi des faits de discrimination raciale et des faits de harcèlement moral et que ces faits sont à l'origine de son inaptitude physique à tous postes dans l'entreprise ; plus précisément, au titre de la discrimination raciale il indique que le 9 septembre 2015 des collègues de travail ont posé une photographie de singe à son poste de travail et que sa hiérarchie, une fois informée, s'est contentée de passer le voir sans mener d'enquête pour tenter d'identifier les auteurs de cet acte et veiller à ce qu'il ne se repoduise plus ; au titre du harcèlement moral, il indique, outre que la société TVO n'a pris aucune mesure pour faire cesser sa situation de souffrance endurée du fait du comportement discriminatoire de collègues, qu'elle lui a infligé plusieurs sanctions disciplinaires au regard d'erreurs de caisse qui prennent leur source dans un défaut de formation et d'adaptation à son poste d'agent de vente de sorte qu'elle ne pouvait se prévaloir de sa propre carence pour le sanctionner ;

Au soutien de sa demande subsidiaire tendant à voir juger son licenciement sans cause réelle ni sérieuse, il fait valoir que son inaptitude résulte de manquements de l'employeur à son obligation de formation et à son obligation de sécurité ;

Il estime en réplique à l'argumentation adverse que le juge judiciaire est compétent pour statuer sur ses demandes ;

La société Transports du Val d'Oise conclut au débouté de l'ensemble des demandes de Monsieur [B] ;

Elle fait valoir que la demande principale de dommages et intérêts pour licenciement nul ne peut prospérer car les prétendus harcèlement et discrimination ne sont pas avérés, que le licenciement fait suite à l'inaptitude physique du salarié, a été autorisé par l'inspection du travail, et n'est nullement la résultante de manquements de l'employeur ;

Elle ajoute que la demande subsidiaire de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ne peut prospérer du fait de l'autorisation administrative de licenciement et qu'une condamnation à ce titre violerait le principe de séparation des pouvoirs ;

Lorsque la demande d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé est motivée par son inaptitude physique, il appartient à l'administration du travail de vérifier que l'inaptitude physique de l'intéressé est réelle et justifie son licenciement ; il ne lui appartient pas en revanche, dans l'exercice de ce contrôle, de rechercher la cause de cette inaptitude, y compris dans le cas où la faute invoquée résulte d'un harcèlement moral dont l'effet, selon les dispositions combinées des dispositions L.1152-1 à L.1152-3 du code du travail, serait la nullité de la rupture du contrat de travail ; ce faisant, l'autorisation de licenciement donnée par l'inspecteur du travail ne fait pas obstacle à ce que le salarié fasse valoir devant les juridictions judiciaires tous les droits résultant de l'origine de l'inaptitude lorsqu'il l'attribue à un manquement de l'employeur à ses obligations ;

Au sujet de la discrimination raciale qu'il invoque Monsieur [B] se réfère à un fait unique datant du 9 septembre 2015 en indiquant que des collègues de travail ont alors posé une photographie de singe à son poste de travail et que sa hiérarchie s'est contentée de passer le voir sans mener d'enquête ; il ne prétend nullement que de tels faits se seraient reproduits ;

Il est rappelé que le licenciement a été notifié pour inaptitude en date du 18 juin 2018, suite à l'inaptitude physique du salarié retenue par le médecin du travail, qui ne comporte pas de mention quant à une origine professionnelle et à l'autorisation de l'inspection du travail ;

Il n'est pas établi de lien entre le fait unique de discrimination invoqué par Monsieur [B] et son licenciement pour inaptitude physique en date du 18 juin 2018 ;

Au titre du harcèlement moral, il invoque à nouveau une absence de mesure adéquate prise par la société TVO suite au comportement discriminatoire susvisé de collègues, sans qu'il soit justifié ni même allégué qu'un comportement de cette nature se serait poursuivi au-delà du 9 septembre 2015 ; il critique par ailleurs des sanctions disciplinaires infligées, la première remontant à 2014, au regard d'erreurs de caisse dont il avait admis pour l'essentiel la matérialité, en indiquant qu'elles trouvent leur source dans un défaut de formation et d'adaptation à son poste d'agent de vente ;

La société Transports du Val d'Oise justifie que le salarié avait admis les faits à l'origine du blâme prononcé le 6 février 2014 soit 4 ans avant la rupture du contrat de travail ;

Si le 20 avril 2017 l'inspection du travail a rejeté la demande d'autorisation de licenciement, engagée au regard de nouvelles erreurs invoquées par l'employeur, elle a motivé ce refus au regard d'un doute sur l'imputabilité de l'une d'elles et d'un défaut de formation professionnelle adaptée et suffisante pour les autres faits dont elle a néanmoins admis que leur matérialité était établie et il est souligné que les faits reprochés se rapportaient à l'année 2016 ;

Il ressort aussi des pièces versées aux débats qu'une convention tripartite avec le Fongecif Ile de France est intervenue concernant une formation à de nouvelles fonctions et que Monsieur [B] a pu rattraper des heures dans ce cadre au début de l'année 2017, sans qu'il soit établi de déstabilisation du salarié dans ce cadre comme allégué par le salarié ;

Il est aussi observé que depuis le 26 juin 2017 Monsieur [B] exerçait les fonctions d'agent d'ambiance ;

Il est à nouveau rappelé que le licenciement a été notifié pour inaptitude en date du 18 juin 2018, suite à l'inaptitude physique du salarié retenue par le médecin du travail, qui ne comporte pas de mention quant à une origine professionnelle et à l'autorisation de l'inspection du travail ;

Il n'est pas établi, au vu de ces éléments de lien entre le harcèlement moral invoqué par Monsieur [B] et son licenciement pour inaptitude physique en date du 18 juin 2018 ;

En conséquence, il y a lieu de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté ce dernier de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement nul ;

Si Monsieur [B] soutient aussi, au soutien de sa demande subsidiaire de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, que son inaptitude résulte de manquements de l'employeur à son obligation de formation et à son obligation de sécurité, il est à nouveau souligné l'ancienneté des faits invoqués et l'évolution postérieure de Monsieur [B] à de nouvelles fonctions alors que le manque de formation se rapportait à ses anciennes fonctions de vendeur et il n'est pas non plus établi de lien entre les manquements ici invoqués et le licenciement pour inaptitude physique prononcé ;

En conséquence, il y a lieu d'infirmer le jugement en ce qu'il a estimé que le licenciement était sans cause réelle et sérieuse et prononcé des condamnations financières à ce titre, et de débouter Monsieur [B] de l'ensemble de ses demandes pécuniaires en lien avec la rupture du contrat de travail ;

Sur les autres demandes

Monsieur [B] a perçu la somme de 5 163,90 euros à titre d'indemnité légale de licenciement'; il n'explicite pas en quoi il n'aurait pas été rempli de ses droits à ce titre'; il est rappelé qu'en application de l'article L. 1226-4 alinéa 3 du code du travail, en cas de licenciement du salarié déclaré inapte, le préavis n'est pas exécuté, le contrat de travail est rompu à la date de notification du licenciement et le salarié n'a pas droit à l'indemnité compensatrice de préavis ; au surplus, Monsieur [B] a signé son reçu pour solde de tout compte du 16 juillet 2018 qui est devenu libératoire en application de l'article L. 1234-20 du code du travail en l'absence de dénonciation dans le délai de 6 mois'visé par cet article ; en conséquence, il y a lieu de le débouter de ce chef de demande et d'infirmer le jugement sur ce point';

Il n'y a pas lieu d'ordonner la remise d'un bulletin de paie, d'un certificat de travail et d'une attestation d'employeur destinée à Pôle emploi rectifiés ;

Sur les dommages et intérêts pour procédure abusive

L'appréciation inexacte qu'une partie fait de ses droits n'est pas en soi constitutive d'une faute justifiant sa condamnation à des dommages et intérêts pour procédure abusive et il convient de débouter la société Transports du Val d'Oise de sa demande ;

Sur les intérêts

S'agissant de créance de nature indemnitaire, les intérêts au taux légal seront dus à compter de la décision les ayant prononcée';

Il y a lieu d'ordonner la capitalisation des intérêts dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil à compter de la date de la demande qui en été faite ;

Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens

Compte tenu de la solution du litige, la décision entreprise sera confirmée de ces deux chefs et par application de l'article 696 du code de procédure civile, les dépens d'appel seront mis à la charge de Monsieur [B]';

Au regard de la situation respective des parties, il apparaît équitable de laisser à la charge de la société les frais irrépétibles par elle exposés ;

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

statuant publiquement et contradictoirement,

Confirme le jugement du conseil de prud'hommes de Montmorency en date du 7 septembre 2020 en ce qu'il a condamné la société Transports du Val d'Oise à payer à Monsieur [B] la somme de 8 000 euros de dommages et intérêts pour violation de l'obligation de maintien de l'employabilité du salarié, en ce qu'il a débouté Monsieur [H] [T] [B] de sa demande de dommages-intérêts pour licenciement nul et en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et aux dépens,

L'infirme pour le surplus,

Statuant de nouveau des dispositions infirmées et y ajoutant,

Déboute Monsieur [H] [T] [B] de sa demande de complément de prime de 13ème mois et de congés payés sur complément de prime de 13ème mois, de sa demande de complément d'indemnité de licenciement et de l'ensemble de ses demandes en lien avec un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Laisse à la charge des parties les frais irrépétibles par elles exposés en cause d'appel,

Condamne Monsieur [H] [T] [B] aux dépens d'appel.

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Régine CAPRA, Présidente et par Madame Juliette DUPONT, Greffier en pré-affectation, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER, LA PRÉSIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 15e chambre
Numéro d'arrêt : 20/02223
Date de la décision : 05/01/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-01-05;20.02223 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award