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05/01/2023 | FRANCE | N°20/02545

France | France, Cour d'appel de Versailles, 15e chambre, 05 janvier 2023, 20/02545


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 80A



15e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 05 JANVIER 2023



N° RG 20/02545 - N° Portalis DBV3-V-B7E-UEZK



AFFAIRE :



[C] [F]



C/



S.A. LA POSTE









Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 14 Octobre 2020 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de CERGY PONTOISE

N° Section : C

N° RG : 18/00366



Copie

s exécutoires et certifiées conformes délivrées à :



Me Stéphanie ROY



Me Eléonore BALLESTER LIGER de l'AARPI ITER AVOCATS







le :





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE CINQ JANVIER DEUX MILLE VINGT TROIS,



La cour d...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

15e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 05 JANVIER 2023

N° RG 20/02545 - N° Portalis DBV3-V-B7E-UEZK

AFFAIRE :

[C] [F]

C/

S.A. LA POSTE

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 14 Octobre 2020 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de CERGY PONTOISE

N° Section : C

N° RG : 18/00366

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Stéphanie ROY

Me Eléonore BALLESTER LIGER de l'AARPI ITER AVOCATS

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE CINQ JANVIER DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant, initialement fixé au 17 novembre 2022, puis prorogé au 05 janvier 2023, les parties ayant été avisées, dans l'affaire entre :

Monsieur [C] [F]

né le 20 Juillet 1977 à [Localité 5] (33)

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentant : Me Stéphanie ROY, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de VAL D'OISE, vestiaire : 235

APPELANT

****************

S.A. LA POSTE

N° SIRET : 356 000 000

[Adresse 4]

[Localité 3]

Représentant : Me Eléonore BALLESTER LIGER de l'AARPI ITER AVOCATS, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : G0435

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 27 Septembre 2022 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Régine CAPRA, Présidente chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Régine CAPRA, Présidente,

Monsieur Thierry CABALE, Président,

Monsieur Eric LEGRIS, Conseiller,

Greffier lors des débats : Madame Sophie RIVIERE,

EXPOSÉ DU LITIGE

M. [C] [F] a été engagé par la société La Poste à compter du 28 janvier 2003 par contrat de travail à durée indéterminée en qualité de facteur rouleur pour 35 heures de travail par semaine. Il était affecté sur le site de [Localité 6] (95). Sa rémunération mensuelle brute moyenne des trois derniers mois de salaire s'est élevée à 2 216,39 euros.

Les relations entre les parties sont soumises à la convention collective commune La Poste-France télécom.

Par lettre remise en main propre contre décharge le 8 avril 2015, la société La Poste a notifié une mise à pied conservatoire à M. [F] et par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du même jour, elle l'a convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 17 avril 2015 à 15H.

Par lettre remise en main propre le 9 avril 2015, M. [F] a été convoqué le 17 avril 2015 à 16H devant la commission consultative paritaire conformément aux dispositions conventionnelles applicables.

Par télécopie adressée le 9 avril 2015 la société La Poste a été informée par le syndicat Sud PTT de la démission de M. [W] de son mandat de représentant au CHSCT et de la désignation de M. [F] pour le remplacer. Par courrier du même jour, elle a contesté cette désignation qu'elle estimait frauduleuse.

Par courrier du 4 mai 2015, elle a sollicité l'autorisation de procéder au licenciement du salarié auprès de l'inspecteur du travail, qui, par décision du 3 juillet 2015, a rejeté cette demande. Saisi sur recours hiérarchique, le ministre du travail du 4 janvier 2016 a annulé la décision de l'inspection du travail et dit qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur la demande d'autorisation de licenciement au motif que l'employeur n'avait eu connaissance de la désignation de M. [F] en qualité de membre du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail que postérieurement à l'engagement de la procédure de licenciement et que par suite le salarié ne bénéficiait pas du statut protecteur au titre de cette procédure.

Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 15 janvier 2016, la société La Poste a notifié à M. [F] son licenciement pour cause réelle et sérieuse pour motif disciplinaire et l'a dispensé de l'exécution du préavis de deux mois, qui lui a été rémunéré. Elle lui a versé une indemnité de licenciement d'un montant de 14 662,05 euros.

Par requête reçue au greffe le 11 janvier 2018, Monsieur [C] [F] a saisi le conseil de prud'hommes de Cergy-Pontoise afin de contester son licenciement et d'obtenir le paiement d'une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et d'une indemnité de procédure.

Par jugement du 14 octobre 2020, auquel renvoie la cour pour l'exposé des demandes initiales des parties et de la procédure antérieure, le conseil de prud'hommes de Cergy-Pontoise a :

-dit que le licenciement de M. [F] repose sur une cause réelle et sérieuse ;

-débouté M. [F] de sa demande de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- débouté M. [F] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné M. [F] à verser à La Poste la somme de 200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- mis les dépens éventuels de l'instance à la charge de M. [F] en application de l'article 696 du code de procédure civile.

M. [F] a interjeté appel de cette décision par déclaration au greffe du 13 novembre 2020.

Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par RPVA le 11 février 2021, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens, il demande à la cour de :

- le déclarer recevable et bien fondé en ses demandes, fins et conclusions ;

- infirmer le jugement déféré ;

- dire que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse ;

- condamner l'intimée à lui verser la somme de 25 516,76 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, ainsi que la somme de 2 400 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- statuer ce que de droit sur les dépens.

Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par RPVA le 7 mai 2021, auxquelles il est renvoyé pour un plus ample exposé des moyens, la société La Poste demande à la cour de :

- confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a considéré que le licenciement de M. [F] repose sur une cause réelle et sérieuse, a débouté le salarié de l'intégralité de ses demandes et l'a condamné à lui payer la somme de 200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- débouter en conséquence M. [F] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

- le condamner aux entiers dépens ;

-le condamner au surplus au paiement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre la somme de 100 euros mise à sa charge par les premiers juges sur le même fondement.

La clôture de l'instruction a été prononcée le 7 septembre 2022.

MOTIFS DE LA DÉCISION

La lettre de licenciement notifiée à M. [F], qui fixe les limites du litige, est rédigée comme suit  :

'Alors que la Poste a été destinataire de contestations de plusieurs de ses clients dont les colis n'ont pas été livrés, le 10 octobre 2014, vous avez été surpris en train de fouiller dans un colis.

Plus tard, après l'enregistrement d'une réclamation client le 2 janvier 2015, un rapport a été établi par la responsable du site, Madame [U] [T], le 21 janvier suivant, indiquant qu'un colis endommagé contenant un ordinateur portable, et dont vous étiez responsable, avait été subtilisé le 26 décembre 2014, avant même de pouvoir être reconditionné.

Le 22 janvier 2015, un procès-verbal de vol a été établi sur les déclarations de Monsieur [D] [R], enquêteur à la direction de la sûreté du groupe courrier de La Poste tandis que vous avez été auditionné par la police le 2 mars 2015. A cet égard, La Poste a d'ailleurs été invitée à se présenter devant le tribunal correctionnel de Pontoise, en vue de l'audience qui aura lieu le 13 juillet 2016, pour y être entendu en qualité de victime dans la procédure concernant : [F] [C] prévenu d'avoir à Luzarches, le 26 décembre 2014, en tout cas sur le territoire national et depuis temps non couvert par la prescription, soustrait frauduleusement un colis au préjudice de La Poste, avec cette circonstance que les faits ont été commis par une personne chargée d'une mission de service public, à l'occasion de l'exercice de ses fonctions ou de sa mission (...)'

En congé les 3 et 4 mars 2015, dès votre retour, le 5 mars, une mise à pied conservatoire a été prise à votre égard compte-tenu de la gravité des faits en cause.

Toutefois, le 16 mars, alertée sur la circonstance que vous revêtiez la qualité de salarié protégé du fait de votre candidature aux dernières élections professionnelles, La Poste s'est trouvée contrainte de devoir lever cette mise à pied afin de respecter le délai de convocation de la commission consultative paritaire s'agissant des salariés protégés.

Le 27 mars 2015, un client s'est encore manifesté pour témoigner de l'absence de livraison de certains de ses colis sur votre tournée.

Le 8 avril 2015, une nouvelle mise à pied conservatoire a été prise à votre encontre.

Ce premier chef de préjudice retenu est d'autant plus fondé que, compte-tenu de la mission de service public et d'intérêt général impartie à La Poste, tout postier a un engagement formalisé de respecter l'intégralité des objets déposés par les usagers, conformément à l'article 2 du décret du 10 novembre 1993 relatif au serment professionnel prêtés par les personnels de La Poste -dont vous- et repris par le règlement intérieur de La Poste.

En outre, en empêchant La Poste de pouvoir exécuter sa mission de service public, contribuant à ternir son image auprès de ses clients, vous lui avez nécessairement causé un préjudice. De fait, c'est l'image de La Poste qui se trouve ainsi ternie par la remise en cause de sa capacité à assurer le secret, l'inviolabilité et l'acheminement des correspondances ou des plis qui lui sont confiés.

Ainsi, en vous rendant coupable d'un tel détournement, vous avez méconnu vos obligations professionnelles, ce qui apparaît d'autant plus critiquable à l'égard d'un salarié membre du CHSCT.

Par ailleurs, vous avez également révélé avoir cumulé deux activités à temps plein, dont l'une au profit d'une entreprise concurrente à celle de La Poste.

Précisément, vous avez confirmé avoir exercé durant plusieurs mois une activité concurrente dans le cadre d'un contrat à durée déterminée à temps complet, alors que vous étiez durant cette même période contrat à durée indéterminée à La Poste, également à temps complet.

Vous avez aussi reconnu qu'il vous arrivait de travailler pour la société concurrente durant les heures de travail payées par La Poste.

Or, aucun salarié ne peut accomplir de travaux rémunérés au-delà de la durée maximale de travail laquelle s'apprécie en tenant compte de l'ensemble des emplois occupés par ce dernier.

Ce second chef de préjudice est tout aussi grave et témoigne de votre comportement déloyal vis-à-vis de La Poste.

Dans ces conditions, conformément aux dispositions de la convention commune, la commission consultative paritaire a été consultée le 30 avril 2015 et a émis un avis favorable à votre licenciement à la majorité.

La Poste entend à ce stade rappeler que, afin de vous défendre à l'occasion du conseil de discipline, vous n'avez pas hésité, dans les jours précédents, à faire déposer un tract dans les boîtes aux lettres des clients de votre tournée, afin que ceux-ci témoignent en votre faveur. S'il semble, d'après vos déclarations, que certains l'aient fait, La Poste a quant à elle reçu un courrier anonyme d'un de ses clients se réjouissant, à l'instar de certains voisins, du changement de facteur.

Précisément, aux termes de ce courrier, il vous était reproché le manque de respect des colis livrés, voire, parfois, le vol de certains d'entre eux.

De même, le 23 avril 2015, La Poste a été destinataire d'un courrier de M. [Z], rapportzant ce qui s'avère être une machination de votre part. En effet, face au mécontentement de ce client suite à des colis livrés en très mauvais état, voire même perdus, par échanges de courriers électroniques avec ce client, parfois jusqu'à des heures indues, vous vous êtes d'abord fait passer auprès de lui pour la personne en charge de résoudre un tel litige, avant de lui révéler l'existence de la procédure de licenciement dont vous étiez l'objet et de tenter, à cette occasion, de discréditer La Poste auprès de ce dernier.

(...)

En conséquence, pour l'ensemble des raisons que nous venons d'évoquer, nous sommes au regret de vous notifier votre licenciement pour cause réelle et sérieuse.'

Selon l'article L. 1235-1 du code du travail, en cas de litige, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utile ; si un doute subsiste, il profite au salarié.

Il en résulte que la charge de la preuve de la cause réelle et sérieuse du licenciement n'incombe pas particulièrement à l'une ou à l'autre partie.

Il est constant que M. [F] a été relaxé par décision devenue définitive du tribunal correctionnel de Pontoise des fins de la poursuite pour les faits de vol, à Luzarches, le 26 décembre 2014 du colis destiné à Mme [S] contenant un ordinateur. Cette décision s'imposant au juge civil, les mêmes faits ne peuvent fonder le licenciement.

S'agissant du colis pour lequel Mme [P] épouse [E] a adressé une réclamation à La Poste, l'intéressée a attesté que contrairement à ce qu'elle avait cru, elle avait bien reçu ce colis. La disparition de ce colis ne peut donc être imputée à M. [F].

S'agissant des faits dénoncés par M. [Y] à La Poste dans son courrier du 23 avril 2015, il n'est pas établi avec certitude que M. [F] en ait été responsable.

M. [F] a déclaré le 8 avril 2015, lors de l'enquête interne diligentée par la société La Poste, qu'il avait été employé par la société Colis Privé par contrat de travail à durée déterminée de mi-octobre 2014 à mi-janvier 2015 pour distribuer des colis, qu'il n'en avait pas informé La Poste, ignorant la réglementation en la matière, et qu'il avait deux ou trois fois exercé son activité de distribution de colis pour le compte de la société Colis Privé pendant ses horaires de travail de facteur.

L'activité exercée par M. [F] pour une société concurrente de celle de La Poste durant le temps de travail rémunéré par cette dernière constitue une faute caractérisant à elle seule une cause réelle et sérieuse de licenciement, nonobstant la grande ancienneté du salarié et l'application au sein de l'entreprise de l'usage du fini-parti, permettant au salarié de quitter son service une fois sa tournée terminée.

Il s'ensuit que le licenciement de M. [F] est fondé sur une cause réelle et sérieuse. Le salarié sera donc débouté de sa demande d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. Le jugement entrepris sera en conséquence confirmé de ces chefs.

M. [F] succombant à l'instance sera condamné aux dépens de première instance et d'appel et débouté de sa demande d'indemnité fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.

Il sera condamné à payer à la société La Poste en application de l'article 700 du code de procédure civile la somme de 300 euros pour les frais irrépétibles qu'elle a exposés en cause d'appel, en sus de la somme de 200 euros qu'il a été condamné à payer à celle-ci pour les frais irrépétibles qu'elle a exposés en première instance.

PAR CES MOTIFS :

La COUR,

Statuant par arrêt CONTRADICTOIRE,

Confirme en toutes ses dispositions le jugement du conseil de prud'hommes de Cergy-Pontoise en date du 14 octobre 2020 ;

Y ajoutant :

Condamne M. [C] [F] à payer à la société La Poste la somme de 300 euros pour les frais irrépétibles qu'elle a exposés en cause d'appel,

Condamne M. [C] [F] aux dépens d'appel.

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Régine CAPRA, Présidente et par Madame Juliette DUPONT, Greffier en pré-affectation, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le GREFFIER, La PRÉSIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 15e chambre
Numéro d'arrêt : 20/02545
Date de la décision : 05/01/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-01-05;20.02545 ?
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