COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
1ère chambre 1ère section
ARRÊT N°
CONTRADICTOIRE
Code nac : 70B
DU 10 JANVIER 2023
N° RG 20/06294
N° Portalis DBV3-V-B7E-UGV2
AFFAIRE :
Epoux [H] [O]
C/
[L] [Y]
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 26 Novembre 2020 par le Tribunal Judiciaire de VERSAILLES
N° Chambre :
N° Section :
N° RG : 19/00598
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :
-la SELARL CABINET DE L'ORANGERIE,
-Me Jean GRESY
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE DIX JANVIER DEUX MILLE VINGT TROIS,
La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
Monsieur [Z] [H] [O]
né le 11 Février 1955 à [Localité 6] (Portugal)
de nationalité Portugaise
et
Madame [D] [B] [U] [S] épouse [H] [O]
née le 29 Novembre 1955 à [Localité 3] (PORTUGAL)
de nationalité Portugaise
demeurant tous deux [Adresse 2]
[Localité 5]
représentés par Me Catherine CIZERON de la SELARL CABINET DE L'ORANGERIE, avocat - barreau de VERSAILLES, vestiaire : C.404 - N° du dossier 130322
APPELANTS
****************
Monsieur [L] [Y]
né le 05 Mars 1973 à [Localité 4]
de nationalité Française
[Adresse 1]
[Localité 5]
représenté par Me Jean GRESY, avocat - barreau de VERSAILLES, vestiaire : 93 - N° du dossier 1407121
INTIMÉ
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 24 Octobre 2022 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Anna MANES, Présidente, chargée du rapport et Madame Nathalie LAUER, Conseiller.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Anna MANES, Présidente,
Madame Nathalie LAUER, Conseiller,
Madame Sixtine DU CREST, Conseiller,
Greffier, lors des débats : Madame Natacha BOURGUEIL,
FAITS ET PROCÉDURE
Par acte notarié du 17 décembre 1988, M. et Mme [H] [O] ont acquis une maison d'habitation située [Adresse 2]).
M. [Y] est propriétaire de la maison voisine située au [Adresse 1] dans le même village.
M. et Mme [H] [O] reprochent à M. [Y] d'avoir construit un local adossé à leur mur pignon, provoquant, selon eux, des nuisances sonores.
Dans ces circonstances, par acte d'huissier de justice du 8 juillet 2014, M. et Mme [H] [O] ont fait assigner M. [Y] devant le tribunal de grande instance de Versailles (devenu tribunal judiciaire) afin d'obtenir la condamnation, sous le bénéfice de l'exécution provisoire, du défendeur à démolir, à ses frais, l'ouvrage adossé à leur mur pignon dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 200 euros par jour de retard, à leur régler la somme de 3 000 euros à titre de dommages et intérêts pour trouble anormal du voisinage, outre la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Par jugement contradictoire rendu le 26 novembre 2020, le tribunal judiciaire de Versailles a :
- Déclaré recevable l'action de M. et Mme [H] [O],
- Déclaré irrecevables les conclusions signifiées par M. [Y],
- Débouté M. et Mme [H] [O] de toutes leurs demandes,
- Débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,
- Dit qu'il n'y a pas lieu d'ordonner l'exécution provisoire de ce jugement,
- Condamné M. [H] [O] et Mme [H] [O] d'une part et M. [Y] d'autre part, à supporter leurs dépens respectifs.
M. et Mme [H] [O] ont interjeté appel de ce jugement le 16 décembre 2020 à l'encontre de M. [Y].
Par leurs dernières conclusions notifiées le 1er septembre 2022, M. et Mme [H] [O] demandent à la cour, au visa des articles 1382 ancien du code civil et 1240 nouveau du code civil, 416, 562, 564, et 954 du code de procédure civile, de :
- Rejeter les demandes de nullité et d'irrecevabilité formulées par M. [Y],
- Juger irrecevables les prétentions nouvelles soulevées devant la cour par M. [Y],
- Infirmer le jugement du tribunal judiciaire de Versailles du 26 novembre 2020 en ce qu'il les a déboutés de l'ensemble de leurs demandes,
- Confirmer le jugement en ce qu'il a déclaré irrecevable les conclusions de M. [Y] et partant l'ensemble de ses demandes,
- Confirmer le jugement en ce qu'il a débouté M. [Y] de l'ensemble de ses demandes.
Et, statuant à nouveau,
- Condamner M. [Y] à leur payer :
* 40 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de la perte de valeur de leur bien,
* 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour trouble anormal de voisinage,
- Déclarer irrecevable la demande d'expertise judiciaire,
- Débouter M. [Y] de l'ensemble de ses demandes.
A titre subsidiaire,
- Ordonner la démolition de la construction illégale sous astreinte de 200 euros par jour de retard à compter du délai de deux mois suivant la signification du jugement à intervenir,
En tout état de cause,
- Condamner M. [Y] à leur payer la somme de 9 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance dont distraction.
Par ses dernières conclusions notifiées le 6 janvier 2022, M. [Y] demande à la cour, au fondement des articles 74 et 113 et suivants du code de procédure civile, 550, 909 et 910 du code de procédure civile, de :
- Déclarer l'appel interjeté par Mme [B] [U] [S] épouse [H] [O] le 17 décembre 2020 irrecevable pour s'être domiciliée [Adresse 2] où elle ne demeure plus étant partie sans laisser d'adresse ainsi qu'il résulte du procès-verbal de recherches infructueuses dressé par l'étude Alliance juris le 28 décembre 2020,
- Déclarer en conséquence irrecevables les demandes formées en son nom devant la cour d'appel.
Vu l'article 3 de la loi n° 2019-222 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice,
- Déclarer irrecevables les demandes introduites faute d'une tentative préalable de conciliation, médiation ou procédure participative ;
Vu les articles R.423-23 et R.424-1 du code de l'urbanisme,
Vu les articles 651, 653, 688, 689, 690, 1382 et 1383 du code civil,
Vu les articles 63 et 64 du code de procédure civile,
Au principal,
- Débouter M. [H] [O] de l'ensemble de ses demandes,
- Déclarer recevable les demandes formulées par M. [Y],
- Confirmer le jugement prononcé le 26 novembre 2020 par la 3e chambre du tribunal judiciaire de Versailles,
- Condamner M. [H] [O] à la somme de 4.000 euros sur le fondement de l'article 700 ainsi qu'aux entiers dépens.
A titre subsidiaire,
- Ordonner une mesure d'expertise au contradictoire des parties pour permettre à l'homme de l'art spécialement commis de pénétrer dans la propriété de M. et Mme [H] [O] à l'effet d'effectuer toute constatation utile concernant les infractions reprochées relatives :
1) la hauteur du mur sur la voie publique (supérieure de plus d'un mètre à la hauteur réglementaire ainsi qu'il résulte des constatations de Me [T], huissier de justice, dans son constat du 11 juillet 2014 (pièce n° 4),
2) l'ouverture d'un portail sur le chemin communal donnant accès à un garage,
3) la construction d'une pièce maçonnée en limite de propriété d'une hauteur de 3,4 m (ainsi qu'il résulte du procès-verbal de constat de Me [T] du 22 décembre 2014 ' pièce n° 6),
4) la construction d'un escalier maçonné attenant à cette pièce maçonnée permettant d'accéder par une porte aux combles aménagés au-dessus de cette pièce et donnant vue directe sur la propriété [Y] (voir également le procès-verbal de constat de Me [T] du 22 décembre 2014 ' pièce n° 6),
5) l'agrandissement et la construction en limite séparative et mitoyenne d'un bâtiment attenant à la maison principale de M. et Mme [H] [O] ainsi qu'il résulte également des constatations de Me [T] du 11 juillet 2014 (pièce n° 4),
6) l'expert commis vérifiera auprès des services de l'urbanisme de la commune de [Localité 5] s'il a été sollicité pour chacun des ouvrages incriminés une autorisation et si les travaux réalisés sont ou non conformes à l'éventuelle autorisation obtenue ;
- Dire que cette mesure d'expertise sera effectuée à frais communs et partagés par les parties,
- Constater l'existence d'une porte d'accès aux combles de leur garage constituant une servitude de vue sur le jardin de M. [Y] qui n'est justifiée ni par un titre, ni par une possession trentenaire,
- Constater la présence de constructions illégales sur le fonds de M. et Mme [H] [O] ayant pour conséquence une perte d'ensoleillement pour M. [Y],
- Condamner M. [H] [O] aux entiers dépens.
La clôture de l'instruction a été ordonnée le 8 septembre 2022.
SUR CE LA COUR,
A titre liminaire et sur les limites de l'appel,
La cour rappelle que, aux termes de l'article 954 du code de procédure civile, elle ne statue que sur les prétentions récapitulées au dispositif des dernières conclusions et ne répond qu'aux moyens qui viennent au soutien de celles-ci.
En l'espèce, les demandes formées à titre subsidiaire par M. [Y] tendant à ce que la cour 'dise' ou 'constate' ne répondent pas à la définition de la prétention qui, au sens des dispositions de l'article 4 du code de procédure civile, s'entend d'une demande en justice tendant à ce qu'il soit tranché un point litigieux. Il s'ensuit de la cour ne statuera pas sur ces points.
Force est de constater que M. [Y] ne sollicite pas l'infirmation du jugement en ce qu'il déclare irrecevables ses conclusions de première instance. Ce chef du dispositif est dès lors devenu irrévocable.
Les appelants poursuivent l'infirmation du jugement en ses dispositions qui les déboutent de l'ensemble de leurs demandes. Ils ne se fondent plus sur le trouble anormal de voisinage subi en raison de la construction de M. [Y], mais sur les dispositions de l'article 1240 du code civil. Ils sollicitent encore que la cour déclare irrecevables les prétentions nouvelles soulevées par M. [Y] à hauteur d'appel.
L'intimé poursuit la confirmation du jugement et ne sollicite l'infirmation du jugement en aucune de ses dispositions. Il soulève cependant une fin de non-recevoir tirée de l'irrecevabilité de l'appel de Mme [H] [O] au regard des dispositions des articles 550, 909 et 910 du code de procédure civile. Il invite également la cour à déclarer irrecevables les demandes de M. [H] [O] faute pour lui de les avoir précédées d'une tentative de conciliation, médiation ou procédure participative. Il demande en outre une expertise judiciaire portant sur les aménagements réalisés par M. et Mme [H] [O].
Sur les questions de forme
Sur l'irrecevabilité de l'appel de M. et Mme [H] [O]
' Moyens des parties
M. [Y] soutient que l'appel initié par M. et Mme [H] [O] serait irrecevable à deux titres ; d'abord parce que Mme [H] [O] se serait domiciliée au [Adresse 2] où elle ne demeure plus étant partie sans laisser d'adresse ainsi qu'il résulte du procès-verbal de recherches infructueuses dressé par l'étude Alliance juris le 28 décembre 2020 ; ensuite parce que M. [H] [O] n'a pas fait précéder son appel d'une tentative de médiation, conciliation ou procédure participative.
M. et Mme [H] [O] sollicitent le rejet de ces demandes.
' Appréciation de la cour
Selon l'article 914 du code de procédure civile, les parties ne sont plus recevables à invoquer devant la cour d'appel l'irrecevabilité de l'appel après la clôture de l'instruction à moins que leur cause ne survienne ou ne soit révélée postérieurement à celle-ci.
Il s'ensuit que la demande de M. [Y], fondée sur les dispositions des articles 550, 909 et 910 du code de procédure civile, tirée de l'irrecevabilité de l'appel de Mme [H] [O] pour s'être domiciliée à une adresse qu'elle n'occupe plus, est irrecevable dès lors qu'il n'allègue ni ne justifie pas que la cause de cette irrecevabilité se soit révélée postérieurement au 8 septembre 2022.
S'agissant de l'absence de tentative de conciliation, médiation, procédure participative qui, selon M. [Y], serait de nature à rendre l'appel irrecevable, force est de constater que M. [Y] ne précise pas le fondement de cette demande de sorte qu'elle ne saurait prospérer. En tout état de cause, les fins de non-recevoir tirées de la recevabilité de l'appel doivent être présentées devant le conseiller de la mise en état de sorte que, pour les raisons susmentionnées tirées de l'article 914 du code de procédure civile, cette fin de non-recevoir est également irrecevable.
Sur la recevabilité de la demande d'expertise présentée par M. [Y] querellée par M. et Mme [H] [O]
Selon l'article 64 du code de procédure civile, 'Constitue une demande reconventionnelle la demande par laquelle le défendeur originaire prétend obtenir un avantage autre que le simple rejet de la prétention de son adversaire.'
Il s'ensuit que, lorsque la prétention du défendeur n'a pour objet que de contredire le droit invoqué par le demandeur pour obtenir le rejet de sa demande, la 'demande' du défendeur constitue une défense au fond quand bien même il l'aurait qualifiée de demande reconventionnelle (par exemple Civ 3ème 3 mai 2001, Bull n° 57 ; Soc, 10 janvier 2001, n° 9844964 ; Assem. Plén. 22 avril 2011, n° 0916008, Bull AP n 4).
Aux termes de l'article 70 du même code, 'Les demandes reconventionnelles [..] ne sont recevables que si elles se rattachent aux prétentions originaires par un lien suffisant.'
Enfin l'article 567 du code de procédure civile dispose que 'Les demandes reconventionnelles sont également recevables en appel.'
La demande reconventionnelle se définit comme celle par laquelle le défendeur originaire c'est-à-dire le défendeur à la demande initiale - prétend obtenir un avantage autre que le rejet de la prétention adverse. Cette demande ne peut être formée que par le défendeur originaire contre le demandeur originaire.
La recevabilité de telles demandes en cause d'appel est uniquement subordonnée à la condition posée par l'article 70 du code de procédure civile, à savoir qu'elles se rattachent aux prétentions originaires par un lien suffisant, et non aux conditions édictées par les articles 564 et suivants du même code (voir par exemple 3e Civ., 17 septembre 2013, pourvoi n° 12-19.004).
La demande de M. [Y] tend à obtenir que cesse le trouble anormal de voisinage qu'il prétend subir résultant des aménagements réalisés par M. et Mme [H] [O] sur leur parcelle (à savoir, un exhaussement de leur garage afin d'aménager un studio ; l'aménagement d'une vue droite sur sa propriété et la privation du soleil sur son fonds en raison de ces constructions). Une telle demande s'analyse en une demande reconventionnelle, M. [Y] étant défendeur et prétendant obtenir un avantage autre que le simple rejet de la prétention de ses adversaires.
Or, en l'espèce, les demandes originaires de M. et Mme [H] [O], demandeurs à l'instance, concernaient le local appartenant à M. [Y] qu'ils estimaient avoir été construit adossé à leur mur pignon leur causant ainsi un trouble anormal de voisinage en ce qu'ils subiraient en conséquence de celui-ci des nuisances sonores excédant les inconvénients normaux de voisinage. Ils se fondaient également sur les dispositions de l'article 1382 ancien du code civil pour obtenir réparation du préjudice financier que cette construction leur causait. Ils prétendaient ainsi subir une dévaluation de leur bien.
En première instance, M. [Y] ne formait en définitive aucune demande puisque ses écritures ont été déclarées irrecevables (pages 9 et 12 du jugement devenu irrévocable sur ce point comme indiqué plus haut). Il s'ensuit que la demande nouvelle de M. [Y] susmentionnée ne se rattache pas aux demandes originaires par un lien suffisant de sorte qu'elle est irrecevable.
La demande d'expertise de M. [Y] relative aux aménagements réalisés par M. et Mme [H] [O] sur leur parcelle sera dès lors déclarée irrecevable.
Sur la demande de M. et Mme [H] [O] au titre de la construction adossé à leur pavillon
Le tribunal a retenu, au fondement de l'article 1382 ancien du code civil, que M. [Y] avait commis une faute en construisant à moins d'un mètre de la limite séparative entre son fonds et celui de M. et Mme [H] [O] en contravention avec les articles L.421-6 et L.421-7 du code de l'urbanisme et l'article UH 7 du règlement du plan d'occupation des sols (POS) de la commune de Tacoignières. Il a indiqué, à titre surabondant, que l'infraction commise le cas échéant par M. et Mme [H] [O] au titre de leurs propres constructions n'était pas de nature à l'exonérer ou à l'excuser de cette faute.
Il a rejeté la demande de M. et Mme [H] [O] en réparation du préjudice allégué résultant selon eux d'une dévaluation de leur bien en résultant. Selon le tribunal, les productions des demandeurs n'étaient pas suffisamment probantes.
' Moyens des parties
M. et Mme [H] [O] poursuivent l'infirmation du jugement qui les déboute de cette demande alors que, selon eux, la faute de M. [Y] est amplement démontrée. Ils font ainsi valoir que leur adversaire a réalisé une construction au mépris des règles urbanistiques en vigueur en ce que la construction litigieuse a été édifiée à moins d'un mètre de la limite séparative entre les deux fonds. Ils observent que le tribunal a retenu la faute de M. [Y], mais a refusé d'en tirer les conséquences s'agissant des préjudices subis par eux.
Ils insistent sur le fait que M. [Y] est d'une mauvaise foi patente, qu'il a tenté de dissimuler l'ampleur et les caractéristiques de sa construction.
S'agissant de leurs préjudices, ils soutiennent que, compte tenu des manoeuvres dilatoires et des tentatives de dissimulation de leur adversaire, ils sont fondés à craindre que ce dernier n'échappe aux mesures de réparation initialement sollicitées d'autant plus qu'il n'occupe plus son logement depuis fin 2015 et persiste à vouloir dissimuler son adresse actuelle réelle.
M. et Mme [H] [O] prétendent subir, en premier lieu, un préjudice de jouissance alors que la construction litigieuse, mitoyenne, leur cause nécessairement des nuisances sonores par transmission solidienne des bruits. En outre, ils observent que cette construction est raccordée à l'eau courante de sorte qu'elle occasionne des bruits de canalisations en sus des autres bruits liés à l'utilisation de ce local. Ils soulignent s'être plaints de cet état de fait auprès de leur voisin (pièces 4 et 5) ; que cette situation est d'autant plus perturbante que Mme [H] [O] exerce le métier d'assistante maternelle (pièce 24).
En conséquence, ils soutiennent que cette construction leur cause un préjudice de jouissance depuis le début de la construction (pièce 11) qu'il conviendra d'indemniser par l'allocation de la somme de 5 000 euros.
Ils indiquent, en second lieu, que leur maison a subi une dévaluation depuis la réalisation de la construction litigieuse. Ils affirment que la Cour de cassation retient de manière constante que la méconnaissance des distances séparatives réglementaires cause nécessairement un préjudice (3e Civ., 27 mars 2012, pourvoi n° 10-28.762).
Ils font valoir que la seule réparation efficace sera la démolition de ce local ce que la jurisprudence admet (3e Civ., 27 mars 2012, pourvoi n° 10-28.762 ; 3e Civ., 7 décembre 2017, pourvoi n° 16-13.309).
Ils ajoutent qu'en première instance, ils avaient sollicité à titre principal la démolition, mais dans la mesure où l'ensemble immobilier devrait être prochainement vendu, ils demandent dès lors la condamnation de leur adversaire à leur verser des dommages et intérêts.
Selon eux, c'est encore à tort que le tribunal a retenu qu'ils ne démontraient pas la perte de valeur de leur bien alors que les deux agences immobilières consultées ont clairement indiqué que la construction irrégulière était en lien avec la dévaluation de leur bien.
Ils affirment que la construction litigieuse est accolée à leur bien ; qu'elle crée une mitoyenneté au sens courant du terme et entraîne nécessairement des désagréments ; que sans cette construction leur bien est estimé à 420 000 euros et avec qu' il n'atteint que la somme de 380 000 euros, soit une dévaluation de l'ordre de 40 000 euros (pièces 12, 13, 23 et 25). Ils réclament donc la condamnation de M. [Y] à leur verser la somme de 40 000 euros.
A titre subsidiaire, ils sollicitent la démolition de cette construction.
M. [Y] poursuit la confirmation du jugement en ce qu'il déboute ses adversaires de leurs demandes.
' Appréciation de la cour
Il ressort des pièces produites et de la procédure que l'existence de la faute reprochée à M. [Y] est établie. En effet, il ne fait nul doute que la construction litigieuse a été édifiée à moins d'un mètre de la ligne séparative entre les deux fonds et ce, en infraction avec les règles édictées par l'article UH 7 du règlement du POS de la commune de [Localité 5] ainsi que des articles L.424-6 et L.421-7 du code de l'urbanisme.
Pour autant, contrairement à ce que soutiennent M. et Mme [H] [O], il est inexact de prétendre que toute construction irrégulière, réalisée au mépris des règles d'urbanisme, cause nécessairement un préjudice au riverain.
Ainsi, c'est au prix d'une dénaturation de l'arrêt du 27 mars 2012 (précité) qu'ils soutiennent que la Cour de cassation en juge toujours ainsi alors que, dans cet arrêt, la Cour de cassation s'est bornée à retenir que l'arrêt attaqué avait exactement motivé sa décision.
En effet, la haute juridiction a relevé que la cour d'appel avait d'abord (souligné par la cour) 'constaté que le permis de construire délivré à M. [R] avait été annulé en raison du non-respect de la distance de quatre mètres entre les constructions et les limites des lots avec les lots voisins, imposée par le règlement du lotissement' exigence imposée par le POS litigieux, et surtout que la cour d'appel avait estimé que 'la méconnaissance de cette distance entraînait un préjudice pour les époux [I]' de sorte qu'elle 'a pu ordonner la démolition de toutes les parties de la maison de M. [R] édifiées à moins de quatre mètres de la limite séparative'. La haute juridiction a en outre observé que 'l'expert judiciaire avait constaté que la terrasse édifiée par M. [R] était accolée à celle des époux [I]' et que 'la cour d'appel a, motivant sa décision, retenu à bon droit que cette terrasse créait, sur le fonds de ces derniers, une vue prohibée par l'article 678 du code civil, et a souverainement apprécié le préjudice en résultant'.
Il résulte ainsi de la simple lecture de cet arrêt que la Cour de cassation n'a jamais retenu que toute construction irrégulière, réalisée au mépris des règles d'urbanisme, cause nécessairement un préjudice au riverain, mais que c'est bien l'existence, démontrée, du préjudice causé par cette construction irrégulière qui justifiait la démolition.
Les deux autres arrêts cités par les appelants ne disent pas autre chose. La règle rappelée par la Cour de cassation est bien que la démolition d'une construction irrégulière, au regard des seules règles d'urbanisme, ne peut être prononcée à la demande d'un tiers que dans la mesure où celui-ci démontre l'existence d'un préjudice en relation directe avec l'infraction constatée.
Il revient donc aux juges du fond de rechercher si le préjudice invoqué résulte bien de la violation de la règle et pas seulement de la présence de la construction critiquée : si le préjudice avait pu être causé de la même manière par une construction régulière au regard des règles d'urbanisme, l'action ne pourrait aboutir faute d'un lien suffisant entre la faute et le préjudice.
En l'espèce, M. et Mme [H] [O] peinent toujours à démontrer l'existence d'un trouble de jouissance en lien direct avec la présence de cette construction irrégulière.
Ainsi, la pièce 4, constituée d'une lettre que les appelants ont adressée au maire de la commune, relate l'existence de bruits subis en raison de la construction. La pièce 5, représentant une lettre adressée par leur conseil à M. [Y], invoque l'existence d'un trouble anormal de voisinage caractérisée par la présence de résonnances solidiennes. Ces productions n'ont aucune force probante dès lors qu'elles ne sont étayées par aucun élément extérieur (expertise du bruit allégué en particulier, constatations par un technicien assermenté ; attestations de tiers relatant les nuisances). La pièce 24 se borne à attester du métier exercé par Mme [H] [O], sans apporter d'élément probant au titre de l'existence des nuisances alléguées. Le procès-verbal de constat (pièce 11) dressé par un huissier de justice ne décrit pas des constatations 'acoustiques', des mesures de cet ordre faites par cet officier ministériel.
En définitive, M. et Mme [H] [O] persistent en appel à soutenir qu'ils subissent un préjudice de jouissance sans en rapporter la preuve.
S'agissant de la preuve de la dévaluation de leur bien en raison de cette 'mitoyenneté' qui, selon M. et Mme [H] [O], serait de l'ordre de 40 000 euros, les pièces produites au soutien de cette prétention sont les suivantes :
* pièce 12, une lettre d'une agence immobilière, 'Azur.78 Immobilier' du 6 mai 2014, qui indique, en particulier, ce qui suit 'compte tenu du marché actuel, de la situation géographique, des caractéristiques (notamment la mitoyenneté) de votre bien, nous estimons ce dernier pour un montant d'environ 380 000 euros. Sans la mitoyenneté, votre bien aurait été estimé à environ 420 000 euros' ;
* pièce 13, une lettre d'une agence immobilière, 'l'immobilière des remparts', du 15 mai 2014, qui précise que le prix retenu net vendeur s'élève à 340 000 euros et tient compte 'de l'année de construction, des bâtiments et de leur état (avec studio aménagé au-dessus du garage), des surfaces, de la distribution et de l'agencement, de ses prestations, de sa situation et son environnement : le bien étant en mitoyenneté avec un autre bâtiment, les biens récemment vendus dans ce secteur' ;
* pièce 23, une lettre de l'agence 'Azur.78 Immobilier' du 13 septembre 2019 qui se borne à réitérer ce qui avait été indiqué dans l'attestation rédigée précédemment (pièce 12) ;
* pièce 25, une lettre de l'agence 'de la Fontaine' du 2 janvier 2022 qui estime le bien entre 320 000 euros et 340 000 euros 'compte tenu de la situation actuelle du marché de l'immobilier et les particularités de (cette) maison comparativement aux derniers biens qui ont été vendus sur le secteur' ; cette attestation précise que les points positifs sont 'le village, le calme de la rue, la qualité de la construction les volets roulants motorisés à l'étage, le soin de la maison, les portes à galandage, le poêle à bois, la cuisine spacieuse et moderne, le nombre de chambres ainsi que la chambre parentale en RDC, la dépendance' et que les points négatifs sont 'la proximité avec l'imposante maison d'à côté ; les travaux à prévoir, finir la SDD, les volets en bois à repeindre ; la dépendance des voisins, accolée à (la) maison sera également perçue comme un inconvénient et pourra avoir un impact sur le prix de vente, évalué à un minimum de 20Keuros ou plus, voire même compromettre la vente, pour ceux, pour qui cette dépendance accolée, pourra s'avérer rédhibitoire'.
Il est patent que M. et Mme [H] [O] ne prétendent pas avoir mis en vente leur bien et ne disent pas vouloir le vendre. Ils ne produisent pas d'attestations de potentiels acheteurs qui émettraient des réserves à leur acquisition en raison de la présence de cette construction litigieuse.
Il est tout aussi incontestable qu'il n'est nullement démontré que cette construction serait 'directement adossée au mur pignon' voire 'mitoyenne', à savoir répondant à la définition précise édictée par l'article 653 du code civil. Aucune pièce versée aux débats ne démontre que la construction litigieuse a été directement appuyée contre leur maison, qu'un mur séparatif commun aurait été édifié. A cet égard, le procès-verbal établi par l'huissier de justice (pièce 11 de leurs productions) est inexploitable. L'huissier de justice indique en effet (souligné par la cour) qu'il 'constate la présence d'une construction en dur, en parpaings et en tuiles accolée au pignon gauche de mes requérants' et d'une 'armature en bois soutenant une bâche pendante'. Dans le corps de ses énonciations, l'huissier de justice ne fait référence à aucune photographie qui serait ainsi susceptible d'illustrer son propos et d'éclairer la cour. Les photographies, reproduites dans des pages subséquentes, ne sont pas renseignées. L'huissier de justice n'a procédé à aucun relevé. Les photographies elles-mêmes ne permettent pas de constater l'existence d'une construction 'accolée' ou 'adossée' sur le mur pignon, ou qui empiéterait ou 's'emboîterait' sur celui de M. et Mme [H] [O].
Les pièces 13 et 22 ne sont pas probantes en ce qu'elles n'indiquent pas que la construction litigieuse serait la cause d'une dévaluation du bien. Les pièces 12 et 23 n'apparaissent pas sérieuses dès lors qu'elles évoquent la 'mitoyenneté' qui n'existe pas et qu'elles lui imputent une dévaluation de l'ordre de 40 000 euros sans explication aucune.
La pièce 25 apparaît également être de pure complaisance en ce qu'elle affirme, sans explication ni justification que cette dépendance 'accolée' est de nature à 'avoir un impact sur le prix de vente, évalué à un minimum de 20Keuros'. En outre, sur la photographie générale des lieux, il apparaît que ce qui est très visible est 'l'imposante maison d'à côté'. La cour ne comprend pas pourquoi cette masse ne serait pas plus de nature à dévaluer le bien que cette dépendance dont personne n'a pris le soin de vérifier si elle répondait à la définition de 'mitoyenneté', si elle était appuyée, accolée au mur pignon et si elle entraînait les nuisances alléguées.
Il s'ensuit que M. et Mme [H] [O] sont défaillants dans l'administration de la preuve qui leur incombe de l'existence de la dévaluation alléguée.
Le jugement, qui retient que M. et Mme [H] [O] ne démontrent pas l'existence des préjudices qu'ils allèguent, sera confirmé.
Sur les demandes accessoires
Le sens de l'arrêt conduit à confirmer le jugement en ses dispositions relatives aux dépens et à l'article 700 du code de procédure civile.
Les parties qui succombent chacune en leurs prétentions supporteront leurs propres dépens sans qu'il y ait lieu d'appliquer les dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
L'équité ne commande pas plus de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt contradictoire, mis à disposition,
Dans les limites de l'appel,
DÉCLARE irrecevable M. [Y] en ses demandes tendant à déclarer l'appel de M. et Mme [H] [O] irrecevable ;
DÉCLARE irrecevables M. [Y] en sa demande d'expertise relative aux aménagements réalisés par M. et Mme [H] [O] sur leur parcelle ;
CONFIRME le jugement ;
Y ajoutant,
DIT que chaque partie conservera ses propres dépens ;
DIT n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;
DIT n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,
- signé par Madame Anna MANES, présidente, et par Madame Natacha BOURGUEIL, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier, La Présidente,