COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 58E
3e chambre
ARRET N°
REPUTE CONTRADICTOIRE
DU 12 JANVIER 2023
N° RG 19/07214
N° Portalis DBV3-V-B7D-TQBG
AFFAIRE :
SA AXA FRANCE IARD
C/
[V] [K]
...
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 11 Juillet 2019 par le Tribunal de Grande Instance de NANTERRE
N° Chambre : 2
N° RG : 18/01867
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :
Me Francis CAPDEVILA
Me Martine DUPUIS de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE DOUZE JANVIER DEUX MILLE VINGT TROIS,
La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
SA AXA FRANCE IARD
N° SIRET : B 722 057 460
[Adresse 2]
[Localité 6]
Représentant : Me Francis CAPDEVILA, Postulant et Plaidant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 189 - N° du dossier 1905011
APPELANTE
****************
1/ Madame [V] [K]
née le 08 Août 1965 à [Localité 8]
de nationalité Française
[Adresse 3]
[Localité 5]
Représentant : Me Martine DUPUIS de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 625 - N° du dossier 1962820
Représentant : Me Mehana MOUHOU, Plaidant, avocat au barreau de ROUEN, vestiaire : 81
INTIMEE
2/ CPAM DE SEINE ET MARNE
[Adresse 1]
[Localité 4]
INTIMEE DEFAILLANTE
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 03 Novembre 2022 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Gwenael COUGARD, Conseiller chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Florence PERRET, Président,,
Madame Caroline DERNIAUX, Conseiller,
Madame Gwenael COUGARD, Conseiller,
Greffier, lors des débats : Madame Claudine AUBERT,
FAITS ET PROCEDURE :
Le 14 octobre 2014 à [Localité 7] (77), Mme [V] [K] a été victime d'un accident de la circulation dans lequel est impliqué le véhicule conduit par M. [U] [F] et assuré auprès de la société Axa France Iard (ci-après, la société Axa).
Le bilan radiologique initial, en date du 15 octobre 2014, notait au niveau du rachis cervical une discarthrose C6/C7 évoluée avec pincement serré et ostéophytose marginale et un petit pincement discal à l'étage C5/C6 sans ostéophytose associée. Le bilan faisait également état de lombalgies antérieures à 1'accident du 14 octobre 2014, évaluées comme stables.
Mme [K] a fait l'objet d'un examen médical amiable à la demande de son assureur la Macif, effectué par le docteur [W], chirurgien orthopédiste et diplômé de réparation juridique du dommage corporel, dont les conclusions du 15 juin 2015 sont les suivantes:
déficit fonctionnel temporaire partiel : du 15 octobre 2014 au 1er juin 2015 en classe I,
arrêts de travail : en janvier 2015, du 14 mars 2015 au 1er juin 2015,
consolidation : le 1er juin 2015,
déficit fonctionnel permanent : 3 %,
souffrances endurées : 1,5/7.
Par ordonnance du 31 mai 2016, le juge des référés du tribunal de grande instance de Nanterre a désigné en qualité d'expert le docteur [N] [C] qui a déposé son rapport le 6 novembre 2016.
Au vu de ce rapport, par actes d'huissier de justice des 22 décembre 2017 et 23 janvier 2018, Mme [K] a assigné la société Axa et la Caisse primaire d'assurance maladie de Seine-et-Marne (ci-après, la CPAM) devant le tribunal de grande instance Nanterre afin d'obtenir la réparation de ses préjudices résultant de l'accident du 14 octobre 2014.
Par jugement du 11 juillet 2019, le tribunal judiciaire de Nanterre a :
- dit que le droit à indemnisation de Mme [K] suite à l'accident dont elle a été victime le 14 octobre 2014 est entier,
- condamné la société Axa France Iard à payer à Mme [K] les sommes suivantes, à titre de réparation de son préjudice corporel, provisions non déduites :
au titre des frais divers............................................................................2 250 euros,
au titre de la tierce personne temporaire............................................6 326,42 euros,
au titre des pertes de gains avant consolidation..................................9 033,45 euros,
au titre de la tierce personne permanente.......................................215 995,43 euros,
au titre des pertes de gains professionnels futurs..........................272 446,62 euros,
au titre de l'incidence professionnelle..................................................80 000 euros,
au titre de l'aménagement du véhicule.............................................14 702,27 euros,
au titre de l'aménagement du logement..............................................5 159,88 euros,
au titre du déficit fonctionnel temporaire..................................................787 euros,
au titre des souffrances endurées............................................................3 000 euros,
au titre du préjudice esthétique temporaire...............................................800 euros,
au titre du déficit fonctionnel permanent...............................................16 400 euros,
au titre du préjudice esthétique permanent.............................................2 000 euros,
au titre du préjudice d'agrément..............................................................7 000 euros,
au titre du préjudice sexuel.....................................................................2 000 euros,
- condamné la société Axa à payer à Mme [K] les intérêts au double du taux de l'intérêt légal sur le montant de l'indemnité allouée, avant imputation de la créance des tiers payeurs et déduction des provisions versées, à compter du 14 juin 2015 et jusqu'au jugement devenu définitif,
- déclaré le jugement commun à la CPAM,
- condamné la société Axa aux entiers dépens,
- condamné la société Axa à payer à Mme [K] la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- ordonné l'exécution provisoire.
Par acte du 14 octobre 2019, la société Axa a interjeté appel de cette décision.
Par courrier reçu au greffe le 10 mars 2020, la CPAM a indiqué que le montant de ses débours s'élevait à la somme de 9 111, 08 euros, selon le détail suivant :
- frais médicaux du 15/10/14 au 29/05/15.................................................................330,39 euros,
- frais pharmaceutiques du 20/10/15 au 16/04/15....................................................111,24 euros,
- indemnités journalières :
du 20/01/15 au 16/02/15.....................................................................1005,20 euros,
du 17/02/15 au 22/02/15........................................................................278,70 euros,
du 10/03/15 au 15/08/15....................................................................7 385,55 euros.
Par arrêt du 16 septembre 2021, la cour d'appel de Versailles a :
- ordonné une mesure d'expertise et commis, pour y procéder, le docteur [M] [T] [H], avec mission habituelle,
- sursis à statuer sur l'ensemble des demandes.
- renvoyé l'affaire à la mise en état.
L'expert a déposé son rapport le 12 février 2022, dont les conclusions sont les suivantes:
- accident suivi d'arrêts de travail du 20/01 au 22/02/15, du 10/03 au 31/03/15, du 01/04 au 15/06/15, prolongés au 15/08/15,
- DFTP 15% durant 45 jours à partir du 15/10/14,
- DFTP 10% jusqu'à consolidation,
- souffrances endurées 1/7,
- consolidation : 16/08/15,
-l'accident suivi a aggravé un état antérieur,
- DFP global en rapport avec l'accident : 8,6%,
- tierce personne avant consolidation : 4 heures par semaine,
- tierce personne pérenne : 1 heure par semaine,
- aide à l'entretien du jardin et des extérieurs : 40 heures par an,
- aménagement du domicile : douche à l'italienne, réhausseur de toilettes,
- préjudice esthétique : non en rapport,
- préjudice sexuel : non en rapport, indirect,
- préjudice d'agrément : limitation des voyages mais la pratique des sports compatibles avec l'hygiène vertébrale et le conditionnement physique fait partie du traitement des lombalgies chroniques,
- retentissement professionnel : poste adapté nécessaire (pas de charges lourdes, pas d'effort en flexion, pas de station debout prolongée). La patiente a dû changer de travail et envisager une modification de ses capacités professionnelles.
- sports : pratique de la culture physique, de la natation, de la marche possible et utile au reconditionnement physique.
Par dernières écritures du 25 octobre 2022, la société Axa prie la cour de :
- infirmer le jugement entrepris en tant qu'il a :
condamné la société Axa à payer à Mme [K] les sommes suivantes :
au titre des pertes de gains avant consolidation.....................9 033,45 euros,
au titre de la tierce personne permanente...........................215 995,43 euros,
au titre des pertes de gains professionnels futurs...............272 446,62 euros,
au titre de l'incidence professionnelle.....................................80 000 euros,
au titre du déficit fonctionnel permanent..................................16 400 euros,
condamné la société Axa à payer à Mme [K] les intérêts au double du taux de l'intérêt légal sur le montant de l'indemnité allouée, avant imputation de la créance des tiers payeurs et déduction des provisions versées, à compter du 14 juin 2015 jusqu'au jugement devenu définitif,
ordonné l'exécution provisoire,
Statuant à nouveau,
- évaluer comme suit les postes de préjudices suivants :
pertes de gains professionnels actuels 8 638,47 euros,
dont à déduire la créance de la CPAM : 8 669,45 euros,
solde : néant,
pertes de gains professionnels futurs : 127 123, 15 euros,
- juger que la créance de la CPAM devra s'imputer sur l'indemnité allouée au titre des pertes de gains futurs,
incidence professionnelle : 40 000 euros,
tierce personne permanente :
à titre principal, 13 248 euros + une rente annuelle indexée de 1 656 euros, payable trimestriellement et suspendue en cas d'hospitalisation au-delà de 45 jours,
à titre subsidiaire, 61 570, 08 euros,
déficit fonctionnel permanent : 13 760 euros,
- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société Axa à payer à Mme [K] les intérêts au double du taux légal sur le montant de l'indemnité allouée à compter du 14 juin 2015 jusqu'au jugement devenu définitif,
- juger que la sanction du doublement des intérêts ne s'applique pas à la société Axa,
- subsidiairement, juger que la pénalité prévue par l'article L.211-13 du code des assurances débutera le 6 avril 2017 et prendra fin le 13 janvier 2020, égale à 350 804, 91 euros (postes non contestés de 1er instance et offres en appel),
- ordonner la restitution du trop-perçu au titre de l'exécution provisoire de la date du versement jusqu'à la date du règlement avec intérêts au taux légal,
- déclarer Mme [K] irrecevable en sa demande fondée sur les dispositions de l'article 1343-2 du code civil,
- à titre infiniment subsidiaire, juger que l'anatocisme s'appliquera pour les intérêts échus depuis au moins une année entière à compter de l'arrêt à intervenir,
- débouter Mme [V] [K] de ses demandes, fins et conclusions,
- la condamner à payer à la société Axa la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- déclarer l'arrêt à intervenir commun à la CPAM,
- condamner Mme [K] aux dépens d'appel.
Par dernières écritures du 19 octobre 2022, Mme [K] prie la cour de :
- débouter la société Axa de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
- infirmer le jugement déféré en ce qu'il a condamné la société Axa à payer à Mme [K] la somme de 9 033, 42 euros au titre des pertes de gains professionnels actuels,
- condamner la société Axa à payer à Mme [K] la somme de 1 300, 66 euros au titre des PGPA après actualisation et déduction de la créance de la CPAM,
- infirmer le jugement déféré en ce qu'il a condamné la société Axa à payer à Mme [K] la somme 272 446, 62 euros au titre des pertes de gains professionnels futurs,
- condamner la société Axa à verser à Mme [K] la somme de 297 507, 54 euros au titre des PGPF après actualisation et application du BCRIV 2021,
- confirmer le jugement déféré en ce qu'il a condamné la société Axa à payer à Mme [K] la somme de 80 000 euros au titre de l'incidence professionnelle,
- à titre principal, infirmer le jugement déféré en ce qu'il a condamné la société Axa à payer à Mme [K] la somme de 215 995, 43 euros et appliqué le barème 2018 de la Gazette du Palais au titre de la tierce personne permanente,
- condamner la société Axa à verser à Mme [K] la somme de 262 764, 42 euros au titre de la tierce personne permanente après application du barème BCRIV 2021,
- à titre subsidiaire, confirmer la décision de première instance en ce qu'elle a alloué à Mme [K] la somme de 215 995, 43 euros au titre des besoins en tierce personne permanente,
- à titre infiniment subsidiaire, condamner la société Axa au versement de la somme de 66 024,56 euros au titre de la tierce personne permanente,
- condamner la société Axa au versement de la somme de 14 014 euros au titre du déficit fonctionnel permanent,
- confirmer le jugement déféré en ce qu'il a condamné la société Axa au doublement du taux d'intérêt légal à compter du 14 juin 2015 pour absence d'offre sur le fondement des articles L211-9 et L211-13 du code des assurances,
- condamner la société Axa à la capitalisation des intérêts sur le fondement de l'article 1343-2 du code civil,
En conséquence,
- condamner la société Axa à payer à Mme [K] la somme de 1 300, 66 euros au titre des pertes de gains professionnels actuels, après actualisation et déduction de la créance de la CPAM,
- condamner la société Axa à payer à Mme [K] la somme de 297 507, 54 euros au titre des pertes de gains professionnels futurs, après actualisation et application du BCRIV 2021,
- condamner la société Axa à payer à Mme [K] la somme de 80 000 euros au titre de l'incidence professionnelle,
- condamner la société Axa à payer à Mme [K] la somme de 262 764, 42 euros au titre de la tierce personne permanente après application du barèm BCRIV 2021,
- condamner à titre subsidiaire la société Axa à payer à Mme [K] la somme de 215 995,43 euros au titre des besoins en tierce personne permanente,
- condamner à titre infiniment subsidiaire la société Axa à payer à Mme [K] la somme de 66042,56 euros au titre de la tierce personne permanente,
- condamner la société Axa au versement de la somme de 14 014 euros au titre du déficit fonctionnel permanent,
- condamner la société Axa au doublement du taux d'intérêt légal à compter du 14 juin 2015 pour absence d'offre sur le fondement des articles L211-9 et L211-13 du code des assurances,
- condamner la société Axa à la capitalisation des intérêts sur le fondement de l'article 1343-2 du code civil,
- 'dont à dédire en deniers ou en quittance les provisions versées',
- déclarer l'arrêt commun à la CPAM,
- condamner la société Axa à payer à Mme [K] la somme de 6 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la société Axa aux dépens d'appel.
Mme [K] a fait signifier à la CPAM la déclaration d'appel, par acte du 2 décembre 2019 remis à personne habilitée, ainsi que ses conclusions, par actes du 18 avril 2020, remis à l'étude, et du 9 juin 2022, remise à personne habilitée. Néanmoins, cette intimée n'a pas constitué avocat.
La cour renvoie aux écritures des parties en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile pour un exposé complet de leur argumentation.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 27 octobre 2022.
MOTIFS DE LA DECISION
L'appelante a limité son appel aux postes suivants :
- pertes de gains professionnels actuels,
- tierce personne permanente,
- pertes de gains professionnels futurs,
- incidence professionnelle,
- déficit fonctionnel permanent.
Elle conteste par ailleurs le doublement des intérêts au taux légal.
L'évaluation du préjudice sera faite en considérant les conclusions de l'expert judiciaire, le docteur [T] [H], désigné par la cour par arrêt du 16 septembre 2021.
Sur le préjudice
Au vu de l'ensemble des éléments produits aux débats, le préjudice subi par Mme [V] [K], âgée de 49 ans et exerçant la profession de conseillère funéraire lors des faits, sera réparé ainsi que suit, étant observé qu'en application de l'article 25 de la loi n° 2006-1640 du 21 décembre 2006, d'application immédiate le recours subrogatoire des tiers payeurs s'exerce poste par poste sur les seules indemnités qui réparent des préjudices qu'ils ont pris en charge.
Les parties s'accordent sur l'application du barème BCRIV dans son actualisation publiée en 2021.
Il sera rappelé que la date de consolidation a été fixée au 18 août 2015.
I- sur les préjudices patrimoniaux :
' les préjudices patrimoniaux temporaires :
- Perte de gains professionnels actuels (avant consolidation)
Mme [V] [K] sollicite une somme de 1 300,66 euros.
La société AXA France Iard estime qu'aucune somme n'est due à ce titre après déduction des indemnités journalières versées.
Il est établi que Mme [K] percevait avant l'accident un salaire net mensuel moyen de 1 291,25 euros. Elle aurait donc dû percevoir du 14 octobre 2014 au 18 août 2015, soit 10 mois et 5 jours, la somme de (1291,25 x 10) + (1 291,25/30,5 x 5) = 13 124,18 euros.
Il est par ailleurs justifié que pour la même période, elle a perçu la somme de 4 469 euros au titre de ses salaires, de sorte que sa perte de gains professionnels est de 8 655,18. Cette somme doit être actualisée à 8 655,18 x 11,07 / 9,61 = 9 970,11 euros, en considérant le SMIC horaire brut en 2015 (9,61) et en 2022 (11,07).
Il convient de déduire les indemnités journalières versées pour la même période, soit 8 669,45 euros, de sorte qu'il reste dû une somme de 1 300,66 euros.
Il convient par conséquent d'accorder à Mme [V] [K] la somme de 1300,66 euros.
- les préjudices patrimoniaux permanents :
- Tierce personne après consolidation
Mme [V] [K] demande une somme de 262 764,42 euros en application du BCRIV 2021 à titre principal, subsidiairement de confirmer la décision de première instance, à titre infiniment subsidiaire d'allouer une somme de 66 024,56 euros. Elle estime qu'il convient de retenir les conclusions du docteur [C] pour ce poste de préjudice, et subsidiairement seulement celles du docteur [T].
La société AXA France Iard offre la somme de 13 248 euros, outre une rente annuelle de 1 656 euros, subsidiairement le versement d'un capital pour un montant de 61 570,08 euros.
L'expert a évalué le besoin en aide humaine à raison de 1 heure par semaine, et 40 heures par an pour l'aide à l'entretien du jardin et des extérieurs.
Mme [K] critique cette estimation et sollicite de la cour qu'elle retienne les conclusions du docteur [C] qui avait, pour sa part, estimé le besoin permanent en aide humaine à 5 heures par semaine pour l'aide ménagère, 1 heure par semaine pour les courses et 40 heures par an pour la maison et le jardin.
Mme [K] a critiqué le prérapport du docteur [T], à qui elle a adressé un dire rappelant les conclusions du docteur [C]. Pour autant, le docteur [T] a maintenu son estimation, ayant opéré une distinction entre le besoin en aide humaine temporaire et le besoin pérenne, qu'il a limité pour le quotidien à une heure par semaine.
La société AXA n'était pas présente aux premières opérations d'expertise, ayant fait le choix de ne pas être représentée à cette occasion, et n'avait donc pu faire valoir ses critiques sur l'analyse retenue par le docteur [C]. Elle n'émet pas de remarque sur l'avis du docteur [T], auquel elle souscrit et qu'elle demande de prendre en compte.
Il est certain que l'état séquellaire de Mme [K] a été apprécié avec minutie par le docteur [T], qui a, au terme d'une analyse complète et précise, retenu la nécessité d'une aide humaine pérenne limitée à une heure hebdomadaire, sans être convaincu par les arguments de Mme [K], qui s'est appuyée sur l'ergothérapeute qu'elle avait consulté avant la précédente expertise.
En l'absence d'autres éléments mis en avant par Mme [K], l'analyse faite par le docteur [T] sera prise en compte pour évaluer le besoin en tierce personne permanente.
En prenant en compte un taux horaire de 18 euros, il faut évaluer ce poste de préjudice ainsi que suit, pour une victime de sexe féminin âgée de 50 ans à la date de consolidation qui est fixée au 16 août 2015.
- arrérages échus de la consolidation à l'arrêt, en considérant 59 semaines pour tenir compte des congés payés et jours fériés
du 16 août 2015 au 16 décembre 2022 (date proche de la décision) : (1 h x 18 x 59 + 40 heures x 18) = 1062 + 720 = 1 782 euros par an.
Soit, pour une durée de 7 ans et 5 mois : 1 782 x ( 7 + 5/12) = 12 474 + 742,5 = 13 216,5 euros
- capitalisation à compter de l'arrêt : il sera rappelé que les parties s'accordent sur l'application du BCRIV 2021
1 782 x 30,07 (euro de rente viagère) = 53 584,74 euros
Cette somme sera versée sous forme de capital à Mme [K], compte tenu de sa situation et de son âge.
Dès lors, il sera alloué à Mme [V] [K] une somme de 66 801,24 euros.
- Perte de gains professionnels futurs
Mme [V] [K] sollicite une somme de 297 507,54 euros.
La société AXA France Iard offre une somme de 127 123,15 euros.
Il est démontré que Mme [K] occupait un emploi de conseiller funéraire en contrat à durée indéterminée depuis quelques mois seulement lorsqu'elle a été victime de l'accident de la circulation objet du présent arrêt, ce après un choix de reconversion professionnelle, pour lequel elle s'était formée.
Il est établi qu'elle a été licenciée de l'entreprise qui l'employait à la suite des multiples arrêts de travail dont elle a fait l'objet à la suite de cet accident.
L'expert [T] a conclu à l'existence d'un retentissement professionnel, en indiquant qu'un poste adapté était nécessaire (pas de charges lourdes, pas d'efforts en flexion, pas de station debout prolongée) ; il mentionne que 'la patiente a dû changer de travail et envisager une modification de ses capacités professionnelles.'
Mme [K] justifie être inscrite à Pôle Emploi depuis sa cessation d'activité et dit n'avoir pas pu retrouver d'emploi compte tenu des contraintes inhérentes à son état de santé à la suite de cet accident.
Contrairement à ce qui est affirmé par la société Axa France Iard, il n'est pas justifié que Mme [K] a choisi de quitter l'emploi qu'elle occupait au moment de son accident. Il résulte au contraire des conclusions de l'expert que les exigences de son poste n'étaient plus compatibles avec son état séquellaire, compte tenu des restrictions constatées par l'expert. Il convient aussi d'observer que Mme [K] a pu rencontrer des difficultés dans sa recherche d'un nouvel emploi compte tenu de son âge. Il sera en outre rappelé que le déficit fonctionnel permanent a été évalué par le docteur [T] en prenant en compte un syndrome dépressif qui s'est ajouté à l'état séquellaire physiologique subi par Mme [T], qui a pu compliquer plus encore ses recherches d'emploi et ses chances de retrouver une occupation salariée.
Mme [K] sera indemnisée d'une perte totale de revenus professionnels, en considérant que son état séquellaire, aggravé par un état dépressif imputable directement à l'accident, n'ont pas permis à celle-ci de retrouver un emploi dans un nouveau domaine, ce alors qu'elle était alors âgée de plus de 50 ans et qu'elle venait à peine de démarrer une activité professionnelle qu'elle avait choisie et pour laquelle elle avait accompli avec succès une reconversion.
- arrérages échus de la consolidation à l'arrêt (décembre 2022)
Il sera considéré la perte mensuelle de 1291,25 euros, actualisée en tenant compte du SMIC au 1er août 2022, soit 1 291,25 x 11,07/9,61 = 1 487,42 euros soit, pour la période du 18 août 2015 au 14 décembre 2022 : 1 487,42 x 88 mois = 130 892,96 euros.
- arrérages à échoir à compter de janvier 2023
1 487,42 x 12 x 7,86 (selon BCRIV 2021, euro de rente temporaire limité à 65 ans, date de départ prévisible à la retraite) = 140 293,45 euros.
Il y a lieu d'accorder à Mme [V] [K] une somme de 271 186,41 Euros.
- Incidence professionnelle
Ce poste a pour objet d'indemniser non la perte de revenus mais les incidences périphériques du dommage touchant à la sphère professionnelle comme le préjudice subi en raison de la dévalorisation sur le marché du travail, de la perte d'une chance professionnelle ou l'augmentation de la pénibilité, de la nécessité de devoir abandonner sa profession au profit d'une autre. Ce poste doit également inclure les frais de reclassement professionnel, de formation, de changement de poste, d'incidence sur la retraite.
Mme [V] [K] sollicite la confirmation du jugement qui lui a alloué la somme de 80 000 euros.
La société AXA France Iard offre une somme de 40 000 euros, en considérant qu'il doit être appliqué une réduction pour tenir compte de l'état antérieur.
La société AXA France Iard n'argumentant pas autrement sa demande, celle-ci sera rejetée, alors qu'il a été considéré que le retentissement professionnel avait été complet, justifiant que l'appréciation faite par le premier juge de ce poste de préjudice soit confirmée.
II - sur les préjudices extra-patrimoniaux
' sur les préjudices extra-patrimoniaux permanents :
- Déficit fonctionnel permanent
Ce préjudice a pour composante les atteintes aux fonctions physiologiques de la victime, les douleurs qui persistent depuis la consolidation, la perte de la qualité de la vie et les troubles définitifs apportés à ces conditions d'existence.
Mme [V] [K] sollicite une somme de 14 104 euros.
La société AXA France Iard offre une somme de 13 760 euros.
L'expert a retenu un déficit fonctionnel permanent de 8,6 %, dont 5,6 % au titre du déficit lombaire et 3 % de séquelles psychologiques.
La victime étant âgée de 50 ans lors de la consolidation de son état, il sera fixé une valeur du point de 1 600 euros et il lui sera alloué une indemnité de 13 760 euros.
Sur le doublement des intérêts au taux légal
Aux termes de l'article L 211-9 du code des assurances, une offre d'indemnité, comprenant tous les éléments indemnisables du préjudice, doit être faite à la victime qui a subi une atteinte à sa personne dans le délai maximal de 8 mois à compter de l'accident. Cette offre peut avoir un caractère provisionnel lorsque l'assureur n'a pas, dans les trois mois de l'accident, été informé de la consolidation de l'état de la victime. L'offre définitive doit alors être faite dans un délai de 5 mois suivant la date à laquelle l'assureur a été informé de cette consolidation. En tout état de cause, le délai le plus favorable à la victime s'applique.
A défaut d'offre dans les délais impartis par l'article L 211-9 du code des assurances, le montant de l'indemnité offerte par l'assureur ou allouée par le juge, produit, en vertu de l'article L 211-13 du même code, des intérêts de plein droit au double du taux de l'intérêt légal à compter de l'expiration du délai et jusqu'au jour de l'offre ou du jugement devenu définitif.
La société AXA France Iard fait valoir que le mandat de gestion avait été transféré à la MACIF, assureur de Mme [K] de sorte qu'elle n'a pu intervenir pour formuler une offre provisionnelle dans les délais prévus.
Mme [K] réplique qu'un tel argument n'est pas pertinent et que la convention IRCA ne lui est pas opposable.
L'application de la convention IRCA n'est pas opposable à la victime, et Mme [K] est fondée à se prévaloir de l'obligation faite à l'assureur par l'article précité de lui faire une offre. Faute pour la société AXA France Iard d'avoir fait une offre dans les délais requis, le jugement sera confirmé en ce qu'il a condamné la société AXA au doublement des intérêts au taux légal sur le montant de l'indemnité allouée par le tribunal à compter du 14 juin 2015 et jusqu'aux conclusions du 13 janvier 2020.
Sur la capitalisation des intérêts
Il sera fait droit à cette demande, dans les conditions prévues par l'article 1343-2 du code civil, qui est le complément de la demande tendant au paiement des intérêts, et non, contrairement à ce qui est soutenu par l'assureur, une demande nouvelle.
Sur les autres demandes
La société AXA France Iard devra supporter le coût des frais exposés par Mme [V] [K] et non compris dans les dépens à raison de la somme de 5 000 euros.
Elle est également condamnée aux dépens, en ce compris les frais d'expertise.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Infirme le jugement entrepris sur l'évaluation des pertes de gains professionnels actuels, de la tierce personne permanente, des pertes de gains professionnels futurs, du déficit fonctionnel permanent;
Confirme le jugement entrepris sur l'incidence professionnelle et sur le doublement des intérêts au taux légal sur le montant de l'indemnité allouée par le tribunal à compter du 14 juin 2015 et jusqu'aux conclusions du 13 janvier 2020,
Statuant à nouveau,
Condamne la société AXA France Iard à payer à Mme [V] [K] les sommes suivantes, à titre de réparation de son préjudice corporel, provisions non déduites, avec intérêts au taux légal à compter de ce jour ;
- 1 300,66 euros au titre des pertes de gains avant consolidation,
- 66 801,24 euros au titre de la tierce personne permanente,
- 271 186,41 euros au titre des pertes de gains professionnels futurs,
- 13 760 euros au titre du déficit fonctionnel permanent,
Dit que les intérêts échus des capitaux produiront intérêts dans les conditions fixées par l'article 1343-2 du code civil ;
Déclare le présent arrêt commun à la CPAM de Seine-et-Marne ;
Condamne la société AXA France Iard à payer à Mme [V] [K] la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne la société AXA France Iard aux dépens qui comprendront les frais d'expertise.
Rejette pour le surplus.
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Florence PERRET, Président, et par Madame Claudine AUBERT, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier, Le Président,