COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
1ère chambre 1ère section
ARRÊT N°
CONTRADICTOIRE
Code nac : 63B
DU 31 JANVIER 2023
N° RG 21/00502
N° Portalis DBV3-V-B7F-UI6U
AFFAIRE :
[C], [G], [E] [A]
C/
[V] [Z]
S.E.L.A.R.L. [Localité 9] OUEST NOTAIRES
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 29 Octobre 2020 par le Tribunal Judiciaire de NANTERRE
N° Chambre :
N° Section :
N° RG : 18/08711
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :
-Me Julie GOURION,
-Me Barthélemy LACAN
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE TRENTE ET UN JANVIER DEUX MILLE VINGT TROIS,
La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dont le délibéré a été prorogé les 13 décembre 2022 et 24 janvier 2023, les parties en ayant été avisées, dans l'affaire entre :
Madame [C], [G], [E] [A]
née le [Date naissance 2] 1976 à [Localité 11]
de nationalité Française
[Adresse 3]
[Localité 4]
représentée par Me Julie GOURION, avocat postulant - barreau de VERSAILLES, vestiaire : 51 - N° du dossier 221998
Me Virginie RICAUD, avocat - barreau de PARIS, vestiaire : C0901
APPELANTE
****************
Monsieur [V] [Z]
né le [Date naissance 1] 1973 à [Localité 10]
de nationalité Française
[Adresse 6]
[Localité 5]
S.E.L.A.R.L. [Localité 9] OUEST NOTAIRES
représentée par son gérant domicilié en cette qualité audit siège
N° SIRET : D 4 50 908 850
[Adresse 6]
[Localité 5]
représentés par Me Barthélemy LACAN, avocat - barreau de PARIS, vestiaire : E0435
INTIMÉS
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 17 Octobre 2022 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Nathalie LAUER, Conseiller, et Madame Sixtine DU CREST, Conseiller, chargée du rapport.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Anna MANES, Présidente,
Madame Nathalie LAUER, Conseiller,
Madame Sixtine DU CREST, Conseiller,
Greffier, lors des débats : Madame Natacha BOURGUEIL,
FAITS ET PROCÉDURE
Mme [A] vivait en concubinage avec M. [T] [J]. Au cours de leur union, ces derniers faisaient, ensemble, l'acquisition d'un pavillon d'habitation sis à [Localité 7] (Hauts-de-Seine).
Le 25 mai 2013, ils signaient un compromis de vente sous seing privé qui prévoyait un prix de 670 000 euros outre une commission d'agence de 15 000 euros à leur charge. Ledit compromis faisait état d'un financement partiel au moyen d'un prêt bancaire d'un montant de 240 000 euros.
M. [Z], notaire au sein de la société civile professionnelle [V] [Z] et [D] [P] notaires associés devenue la société d'exercice libérale à responsabilité limitée [Localité 8] Ouest Notaires (ci-après « la société [Localité 8] Ouest Notaires »), était désigné afin de recevoir l'acte authentique de vente instrumenté le 26 août 2013.
M. [J] était présent à l'acte et Mme [A], non présente, était représentée par Mme [K] [S], clerc de notaire de l'étude susmentionnée, en vertu d'une procuration sous seing privé du 26 août 2013, dont l'original est demeuré annexé à l'acte authentique.
Ce projet a été financé de la manière suivante :
- Mme [A] a procédé au remploi de la somme de 215 640 euros opéré à la suite de la vente de son appartement ;
- M. [J] a financé l'indemnité d'immobilisation de 30 000 euros,
- M. [J] a apporté 25 849,13 euros ;
- il a été procédé à un virement du compte joint de M. [J] et Mme [A] à hauteur de 147 310,87 euros ;
- deux prêts immobiliers ont été souscrit au nom de M. [J] et Mme [A] auprès de la banque HSBC France pour un montant total de 300 000 euros, garanti solidairement par M. [J] et Mme [A], les échéances étant prélevées sur le compte joint des concubins et M. [J] ayant seul souscrit une assurance décès-invalidité adossée à ces deux prêts.
L'acte de vente du 26 août 2013 mentionne que le prêt HSBC France, d'un montant global de
300 000 euros, s'ajoute à l'apport personnel de M. [J] pour un total de 503 160 euros et que Mme [A] a contribué à hauteur d'un virement personnel de 215 640 euros, de sorte que leurs quote-parts indivises respectives s'établissent à 30 % du bien immobilier pour Mme [A] et 70 % pour M. [J].
Les concubins s'étant séparés, un projet d'acte de licitation a été établi début 2018 par la société [Localité 8] Ouest Notaires, prévoyant le rachat des parts de Mme [A] pour un montant de 262 500 euros, soit 30 % de la valeur du bien estimée à 875 000 euros au moment de la licitation.
Estimant que l'acte de vente du 26 août 2013 n'était pas conforme au but qu'elle poursuivait, Mme [A] a fait assigner la société [Localité 8] Ouest Notaires et M. [Z] par acte introductif d'instance du 6 août 2018, devant le tribunal de grande instance de Nanterre.
Par un jugement rendu contradictoirement le 31 août 2017, le tribunal de grande instance de Chartres a :
- débouté Mme [A] de toutes ses demandes à l'encontre de la société [Localité 8] Ouest Notaires et de M. [Z],
- rejeté les demandes des parties en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné Mme [A] à supporter les entiers dépens de l'instance qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile,
- dit n'y avoir lieu d'ordonner l'exécution provisoire.
Le 26 janvier 2021, Mme [A] a interjeté appel de cette décision à l'encontre de la société [Localité 8] Ouest Notaires.
Par dernières conclusions notifiées le 5 septembre 2022, Mme [A] demande à la cour, au fondement des articles 1240 et suivants du code civil, de :
- la déclarer recevable et fondée en son appel,
Y faisant droit,
- réformer le jugement dont appel en ce qu'il a :
- débouté Mme [A] de toutes ses demandes à l'encontre de la société [Localité 8] Ouest Notaires et de M. [Z],
- rejeté sa demande en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné Mme [A] à supporter les entiers dépens de l'instance qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile,
- dit n'y avoir lieu d'ordonner l'exécution provisoire.
Statuant à nouveau,
- condamner à titre principal in solidum M. [Z] et la société [Localité 8] Ouest Notaires à lui payer, à titre de dommages et intérêts la somme de 306 335 euros outre les intérêts au taux légal à compter de l'acte introductif d'instance,
- condamner à titre subsidiaire in solidum M. [Z] et la société [Localité 8] Ouest Notaires à lui payer, à titre de dommages et intérêts la somme de 197 000 euros outre les intérêts au taux légal à compter de l'acte introductif d'instance, si la cour d'appel estimait que le préjudice doit être chiffré à hauteur de 20%
- ordonner la capitalisation des intérêts à compter de la date anniversaire de la demande,
- condamner in solidum M. [Z] et la société [Localité 8] Ouest Notaires à lui payer la somme de 5000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner in solidum M. [Z] et la société [Localité 8] Ouest Notaires aux dépens.
- dire que les dépens d'appel pourront être directement recouvrés par Mme Gourion, ès qualités, avocat au barreau de Versailles, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Par dernières conclusions notifiées le 29 août 2022, la société [Localité 8] Ouest Notaires et M. [Z] demandent à la cour de :
Confirmant le jugement entrepris,
- débouter Mme [A] de l'ensemble de ses demandes
Y ajoutant
- condamner Mme [A] à leur payer la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner Mme [A] aux entiers dépens, de première instance et d'appel, et dire que M. [N], ès qualités, avocat, pourra, en application de l'article 699 code de procédure civile, recouvrer sur la partie condamnée ceux des dépens dont il déclarera avoir fait l'avance sans avoir reçu provision.
La clôture de l'instruction a été ordonnée le 8 septembre 2022.
SUR CE, LA COUR,
Sur les limites de l'appel
Il résulte des écritures susvisées que le jugement est querellé en toutes ses dispositions.
Sur la recevabilité de la pièce communiquée le 30 décembre 2022
Le 30 décembre 2022, le conseil de Mme [A] a transmis à la cour une nouvelle pièce. Cette pièce ayant été transmise après la clôture des débats, alors que la décision était mise en délibéré et sans que la transmission d'une note en délibéré ait été prévue en application des articles 442, 444 et 445 du code de procédure civile, elle n'est pas recevable.
Sur la faute
En substance, après avoir dit que la société [Localité 8] Ouest Notaire était solidairement responsable avec M. [Z] des conséquences dommageables de ses fautes, le jugement a considéré que ce dernier a manqué à son obligation de vérification, corollaire du principe d'efficacité des stipulations de l'acte dont il est le garant, en ne procédant à aucune diligence de nature à révéler les intentions de Mme [A] sur la convention entre concubin évoquée dans l'acte de vente et sur la quotité qu'elle entendait acquérir.
Moyens des parties
Poursuivant l'infirmation du jugement en ce qu'il n'a reconnu la faute qu'au titre d'un manquement par le notaire à son obligation de vérification et en ce qu'il l'a déboutée de sa demande de dommages et intérêts, Mme [A] demande à la cour, au fondement de l'article 1240 du code civil, de considérer que M. [Z] a commis une faute en ce qu'il n'a pas respecté le mandat de procuration qu'elle avait donné à son clerc, en manquant à son obligation générale de conseil en ne l'appelant pas à préciser formellement ses souhaits sur la quote-part indivise à acquérir pour son compte, et en manquant à son obligation d'impartialité.
Elle fait valoir tout d'abord que les deux prêts HSBC ont été garantis solidairement par elle et M. [J] et que les échéances étaient réglées par leur compte joint de sorte qu'ils auraient dû être répartis par moitié entre eux deux lors de l'évaluation de la contribution de chacun des acquéreurs au prix de vente de leur maison de [Localité 7] (Hauts-de-Seine), et qu'ils n'auraient pas dû être considérés comme un financement de M. [J] seul. Elle précise que les échéances de prêt ont été remboursées par M. [J] mais qu'elle prenait en charge les frais quotidiens du couple ainsi que ceux de leurs enfants. Elle ajoute qu'elle lui faisait des virements sur son compte pour les frais de la maison. Elle indique également que les relevés de compte bancaire du prêt étaient à leurs deux noms.
Elle soutient en outre qu'une somme de 147 310,87 euros a également été tiré de leur compte joint pour financer cette acquisition de sorte que, selon elle, cette somme n'aurait pas dû être attribuée à M. [J] lors de la répartition du financement du prix de vente, mais partagée à parts égales entre eux deux.
Par ailleurs, elle précise avoir signé une procuration le jour de la vente, parce qu'elle était alitée en raison des complications de sa grossesse.
En réplique aux moyens soutenus par les intimés, elle fait valoir que M. [Z] ne rapporte pas la preuve de l'existence d'une convention préalable à l'acquisition selon laquelle les concubins se seraient mis d'accord sur la répartition de leurs droits indivis.
Elle conteste que l'absence de critique de la répartition de la quote-part indivise de la part de son conseil, destinataire du projet d'acte de licitation en mai 2018, soit interprété comme un accord de sa part. Elle conteste également qu'il soit déduit de son assignation en licitation qui reprenait une répartition de 30 et 70% un accord de sa part sur cette répartition. Elle explique qu'elle se heurtait aux man'uvres de son ex-concubin qui occupait la maison de [Localité 7] et ne voulait pas vendre, de sorte que souhaitait sortir de l'indivision, elle a été contrainte de l'assigner en reprenant les mentions de l'acte de vente.
Enfin, elle dénonce une connivence entre M. [Z] et M. [J], arguant du fait que M. [J] a demandé à M. [Z] d'être le notaire qui l'assiste pour la signature de la vente du bien immobilier prévue au mois de septembre 2022 et que M. [Z] a refusé de s'abstenir de participer à cet acte.
M. [Z] et la société [Localité 8] Ouest Notaires poursuivent la confirmation du jugement en ce qu'il a débouté l'appelante de sa demande de dommages et intérêts mais contestent ses motifs en ce qu'ils ont conclu à la commission d'une faute. Selon eux, M. [Z] n'a commis aucune faute car la volonté initiale des concubins avant la signature de l'acte de vente était une répartition inégalitaire des quotes-parts indivises à 30 et 70%.
A l'appui de ce qu'il affirme, M. [Z] se prévaut d'un entretien préalable avec M. [J] et Mme [A] et d'une convention signée entre eux en amont de la vente.
Il fait valoir que depuis le 26 août 2013, Mme [A] n'a jamais élevé la moindre difficulté quant à cette répartition et que son conseil, destinataire du projet d'acte de licitation en janvier 2018, n'a émis aucune observation sur ce point dans son courrier de réponse en mai 2018.
Il indique que la procuration précisait que Madame [A] finançait sa part et son acquisition sans avoir recours à un prêt, mais qu'elle n'énonçait pas la répartition de la propriété du bien entre les deux acquéreurs indivis.
Contestant le montant du financement que Mme [A] considère avoir supporté, il précise que M. [J] a payé l'indemnité d'immobilisation de 30 000 euros et, conformément avec ce qui a été convenu entre les acquéreurs co-emprunteurs, les échéances des deux prêts. Il ajoute que M. [J] était seul à souscrire l'assurance invalidité-décès. Pour expliquer le fait que les concubins étaient co-emprunteurs, il indique que l'établissement prêteur allait être garanti sur le bien dont il finançait partiellement l'acquisition et entendait que les deux propriétaires du bien fussent engagés envers lui.
Par ailleurs, il soutient que la mesure de la charge du financement d'un prix par des acquéreurs conjoints ne commande pas de plein droit la répartition des quotes-parts de propriété acquises par chacun. Ainsi, selon lui, ce n'est pas parce que M. [J] a apporté ou supporté 70% du financement qu'il s'en déduit nécessairement que les parties ont convenu d'une répartition de la propriété en 70% pour M. [J] et 30% pour Mme [A].
En outre, M. [Z] soutient que l'apport de 147 310,87 euros a été fait par M. [J] et que l'écriture en comptabilité « de [J] et [A] reçu virmt en vue acq. [H] » n'a rien de probant. Il réplique à l'appelante que ce n'est pas parce que les fonds proviennent d'un compte joint que cela signifie que les fonds qui se trouvent sur ce compte joint appartiennent à parts égales aux deux titulaires, et précise qu'elle n'a pas fait valoir de créance sur cette somme contre M. [J].
Appréciation de la cour
Le notaire, qui, prêtant son concours à l'établissement d'un acte doit veiller à l'utilité et à l'efficacité de cet acte, est également tenu à l'égard de toutes les parties, quelles que soient leurs compétences personnelles, à une obligation de conseil et, le cas échéant, de mise en garde en ce qui concerne, notamment, les conséquences et risques des stipulations convenues, sous réserve que celles-ci n'aient pas été immuablement arrêtées ou qu'elles n'aient pas produit leurs effets antérieurement.
Le devoir de conseil est impératif et le notaire ne peut s'y dérober en alléguant qu'il s'est borné à donner une forme authentique aux conventions des parties, ou en se prévalant des compétences ou connaissances personnelles de son client, ou de l'intervention d'autres professionnels à ses côtés (1ère Civ., 19 décembre 2006, pourvoi n° 04-14.487 ; 3ème Civ., 28 novembre 2007, pourvoi n 06-17.758).
Le devoir de conseil est particulièrement fort en matière fiscale (1ère Civ., 15 juin 2016, n° pourvois n 15-14.192, 15-17.370 et 15-18.113 ; 1ère Civ., 17 juin 2015, pourvois n° 13-19.759 à 13-19.762).
En revanche, le client, qui a fait le choix d'une opération dont les risques lui ont été clairement désignés, ne peut pas obtenir la condamnation du notaire à l'indemniser des conséquences de leur réalisation (3ème Civ., 9 avril 2008, pourvoi n 07-10.795, Bull. 2008, III, n° 70).
De même, le notaire, qui n'est pas soumis à une obligation de conseil et de mise en garde concernant la solvabilité des parties ou l'opportunité économique d'une opération en l'absence d'éléments d'appréciation qu'il n'a pas à rechercher, n'est pas tenu d'informer l'acquéreur du risque d'échec du programme immobilier, qu'il ne pouvait suspecter au jour de la signature de la vente (1re Civ., 26 septembre 2019, pourvoi n° 18-23.166, 18-21.403).
Découle de l'exigence d'efficacité et de sécurité une obligation d'investigation qui s'inscrit dans la logique de sécurité juridique qui fonde la fonction notariale. Pour ce faire, le notaire doit rechercher la volonté des parties, prendre toutes les initiatives nécessaires, se renseigner avec précision afin de déceler les obstacles juridiques qui pourraient s'opposer à l'efficacité de l'acte qu'il instrumente.
Toutefois, tenu d'une obligation de moyen, le notaire n'est pas soumis à une obligation d'investigation illimitée ; son étendue dépend des possibilités effectives de contrôle et de vérification. En effet, la responsabilité du notaire, qui aura accompli les contrôles juridiques nécessaires, ne peut être engagée que si l'officier public pouvait suspecter l'inefficacité de l'acte, douter de l'efficacité de l'opération envisagée, dans ce cas, il peut lui être reproché de ne pas avoir accompli des investigations complémentaires.
Au fondement de l'article 1240 du code civil, il appartient à celui qui veut mettre en 'uvre la responsabilité civile professionnelle de démontrer l'existence d'une faute, d'un préjudice personnel et certain et d'un lien de causalité entre ces deux éléments, dans le respect des règles de preuve édictées aux articles 9 et 1353 du code de procédure civile.
En l'espèce, ainsi que l'ont à juste titre considéré les premiers juges, la faute de M. [Z] en ce qu'il a manqué à son obligation de vérification de la volonté initiale de Mme [A] quant à la répartition de sa quote-part indivise sur le bien acquis, alors qu'il était garant de l'efficacité de l'acte de vente, est constituée.
En effet, l'acte de vente du 20 août 2013 (page 20) stipule que les acquéreurs « reconnaissent également avoir été averti de ce que leur convention relative au remboursement du ou des prêts est inopposables au(x) établissement(s) prêteurs envers le(s)quel(s) leur engagement est solidaire ». Toutefois, cette convention préalable à la vente, dont se prévaut M. [Z] n'est pas produite, pas plus qu'est rapportée la preuve d'un compte rendu d'entretien préalable avec les deux ex-concubins au cours duquel ceux-ci se seraient mis d'accord sur une répartition.
M. [Z] était parfaitement informé des modalités de financement du bien et de la différence, tant dans leur nature que dans leur montant, des apports de M. [J] et de Mme [A]. L'existence d'un apport provenant d'un compte joint, le fait que les échéances des prêts étaient tirées sur le compte joint et que les prêts HSBC étaient garantis par les deux co-emprunteurs solidairement, constituaient autant d'éléments qui auraient dus alerter le notaire instrumentaire sur la nécessité de clarifier la répartition des droits indivis et de s'assurer de la volonté réelle des parties sur ce point.
M. [Z] ne démontre pas avoir procédé à de telles vérifications auprès de Mme [A], en amont de la signature de la procuration. Il justifie seulement lui avoir assuré du remploi des fonds provenant de la vente de son appartement parisien par lettre du 22 août 2013 (pièce 9 de l'appelante).
Il réplique que Mme [A] n'a pas formulé d'observation particulière sur la répartition inégale des droits indivis prévue à l'acte de vente en 2013 et reprise dans le projet d'acte de licitation en 2018 lorsqu'elle a été destinataire de ce projet en janvier 2018, son conseil ayant limité ses remarques à d'autres sujets dans une lettre en réponse le 11 mai 2018 (pièces 2 et 3 de l'intimé).
Contrairement à ce que prétend M. [Z], il ne saurait être déduit du silence de la lettre du 11 mai 2018 sur la répartition des quotes-parts, un accord initial de volonté de la part de Mme [A] sur cette répartition, cette dernière n'ayant pas d'autre choix, si elle voulait sortir rapidement de l'indivision, de reprendre la répartition prévue à l'acte de vente d'autant que M. [J], qui occupait alors la maison, n'était pas enclin à vendre rapidement (pièce 10 de l'appelante).
Au surplus, dans ses écritures, M. [Z], après avoir constaté que la répartition de la charge du financement d'un prix par des acquéreurs conjoints ne commande pas de plein droit la répartition des quotes-parts de propriété acquises par chacun, reconnaît (« peut s'entendre » p.6 des conclusions) qu'il a pu manquer à son devoir de vérification de la volonté véritable des parties sur ce point.
Il résulte de l'ensemble de ces éléments que c'est à bon droit que les premiers juges ont considéré que M. [Z] a manqué à son obligation de vérification, corollaire du principe d'efficacité des stipulations de l'acte dont il était le garant.
En revanche, Mme [A] considère que M. [Z] n'a pas seulement manqué à son devoir de vérification, mais qu'il s'est mépris en considérant que le bien avait été financé selon une répartition de 30 et 70%.
Il convient d'indiquer que ce n'est pas parce que des concubins sont titulaires d'un compte joint que leur droit indivis respectif sur le solde de ce compte est égal par moitié.
Mme [A] prétend que sa quote-part aurait dû être de 50% car les échéances de prêt et l'apport de 147 310,87 euros étaient issus du compte joint. Toutefois, elle n'explique aucunement la façon dont ce compte était alimenté, pas plus qu'elle ne prétend l'avoir alimenté à hauteur de 50%. Mme [A] indique qu'elle prenait en charge les frais quotidiens du couple ainsi que ceux de leurs enfants et qu'elle faisait des virements à M. [J] sur son compte pour les frais de la maison. Toutefois, elle ne justifie pas ses allégations et ne produit aucun relevé de compte ni aucun jugement relatif à leur séparation qui justifierait qu'elle détiendrait des droits sur la moitié du compte joint.
De plus, dans le courrier du 11 mai 2018 de son conseil, ce dernier précise que Mme [A] doit être libérée de toute obligation à l'égard du prêteur et que cela implique que M. [J] rembourse les prêts sur ses propres deniers et par anticipation. Cette mention accrédite la thèse selon laquelle M. [J] a procédé intégralement au remboursement du prêt.
Mme [A] ne peut donc pas valablement soutenir, en l'absence de tout élément de preuve, que le notaire aurait commis une faute, en procédant à une répartition inégale du financement.
Par ailleurs, Mme [A] considère que M. [Z] n'a pas respecté le mandat de procuration qu'elle avait donné à son clerc. Elle n'apporte cependant pas la preuve de ce qu'elle allègue. La procuration pour acquérir qu'elle a signé ne comporte aucune mention quant à la quote-part indivise devant lui revenir. Et la clause selon laquelle elle a donné procuration « à l'effet d'acquérir (') aux charges et conditions ordinaires et de droit en pareille matière que le mandataire jugera convenables » est générale et a trait aux conditions de la vente. Force est de constater que Mme [A] ne démontre pas en quoi l'étude notariale n'aurait pas respecté les termes de cette procuration (pièce 4 de l'appelante).
Enfin Mme [A] dénonce une absence d'impartialité de la part du notaire et argue d'une connivence entre ce dernier et son ex-concubin qu'il continue d'assister pour la signature de la vente du bien immobilier. Force est de constater que sa demande est dépourvue de fondement juridique et ne repose sur aucun élément probant.
Sur le lien de causalité et le préjudice
Le jugement a estimé que Mme [A] ne démontrait pas l'existence d'un préjudice autre qu'hypothétique pas plus qu'elle ne démontrait une perte de chance.
Moyens des parties
Poursuivant l'infirmation du jugement en ce qu'il l'a déboutée de sa demande de dommages et intérêts, Mme [A] sollicite la condamnation in solidum des intimés à lui verser, à titre principal, 306 355 euros outre les intérêts au taux légal à compter de l'acte introductif d'instance et, à titre subsidiaire, 197 000 euros outre les intérêts au taux légal à compter de l'acte introductif d'instance « si la cour estimait que le préjudice doit être chiffré à hauteur de 20% ».
Elle fait valoir que si le notaire avait affecté les emprunts HSBC aux deux acquéreurs par moitié, son apport aurait été de 215 640 euros (remploi des sommes issues de la vente de son appartement), auquel auraient dû s'ajouter la moitié du montant du prêt (soit 150 000 euros) et la moitié du virement de 147 310,87 euros provenant du compte joint (soit 73 655,435 euros). Selon elle, son apport total ainsi calculé est de 439 294,43 euros sur un prix total de 718 800 euros, soit 61,1% du prix du bien immobilier. Elle considère donc qu'elle a été lésée de 31,1% (61,1- 30) du prix de revente du bien immobilier.
Par ailleurs, elle indique qu'elle a engagé plusieurs procédures, amiable et judiciaire, pour parvenir à la cessation de l'indivision car M. [J] refusait la vente pour profiter de la maison, sans pour autant payer une indemnité d'occupation. Elle considère que les fautes de M. [Z] ont contribué de façon directe et certaine à son préjudice puisqu'elle a été contrainte d'accepter la répartition des parts inégalitaire prévue à l'acte de vente dans le cadre de la licitation du bien.
Elle précise qu'après plus d'un an de commercialisation, M. [J] a finalement accepté une offre au prix de 985 000 euros au mois de juillet 2022. Elle demande la condamnation in solidum de intimés à lui payer la somme de 306 335 euros en réparation de son préjudice matériel correspondant à 31,1% du montant du prix de vente s'élevant à 985 000 euros.
Poursuivant la confirmation du jugement, M. [Z] et la société [Localité 8] Ouest Notaires font valoir que non seulement Mme [A] ne rapporte pas la preuve d'un préjudice mais que de plus, elle n'allègue aucune perte de chance.
Selon lui, l'éventualité d'obtenir une répartition plus favorable est inexistante car M. [J], qui a financé plus de la moitié du bien, aurait refusé une répartition à parts égales.
De plus, il fait valoir que si Mme [A] avait détenu la moitié indivise du bien, elle se serait trouvée redevable envers M. [J] d'une somme qu'il aurait fallu imputer sur sa part. Il en déduit que l'éventualité évoquée par l'appelante n'a rien de favorable et est indifférente.
Appréciation de la cour
En l'espèce, le préjudice directement causé par un manquement à son devoir de vérification par un notaire ne peut s'analyser qu'en une perte de chance.
Or, Mme [A] ne développe aucun moyen de fait ni de droit au soutien d'une perte de chance et se contente de demander, au dispositif de ses conclusions, à titre subsidiaire une somme de 197 000 euros « si la cour estimait que le préjudice doit être chiffré à hauteur de 20% ».
Elle ne démontre pas en quoi le fait de n'avoir pas été mise en mesure de faire connaître sa volonté sur la répartition des droits indivis lui a fait perdre une chance certaine d'obtenir une quote-part supplémentaire de 20%.
Faute de démontrer son préjudice et le lien de causalité avec la faute du notaire, le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté ses demandes de dommages et intérêts.
Sur les frais irrépétibles et les dépens
Le sens du présent arrêt conduit à confirmer le jugement en ce qu'il a statué sur les dépens et les frais irrépétibles.
L'équité commande de ne pas faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Mme [A], partie perdante, sera condamnée aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour, par arrêt contradictoire et mis à disposition,
CONFIRME le jugement en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant,
DIT n'y avoir lieu à faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE Mme [A] aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile ;
REJETTE toutes autres demandes.
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,
- signé par Madame Anna MANES, présidente, et par Madame Natacha BOURGUEIL, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier, La Présidente,