COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 74B
1re chambre 2e section
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 14 FEVRIER 2023
N° RG 17/07148 - N° Portalis DBV3-V-B7B-R3MC
AFFAIRE :
M. [M] [U]
C/
M. [X] [N]
...
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 29 Juin 2017 par le Tribunal d'Instance de SANNOIS
N° RG : 1116000392
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le : 14/02/23
à :
Me Véronique BUQUET-ROUSSEL de
Me Katia DEBAY
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE QUATORZE FEVRIER DEUX MILLE VINGT TROIS,
La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
Monsieur [M] [U]
[Adresse 4]
[Localité 3]
Représentant : Maître Véronique BUQUET-ROUSSEL de la SCP BUQUET-ROUSSEL-DE CARFORT, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 462 - N° du dossier 24617 -
Représentant : Maître Paula FERREIRA, Plaidant, avocat au barreau de VAL D'OISE, vestiaire : T 163
APPELANT
****************
Monsieur [X] [N]
né le 02 Août 1956 à [Localité 6]
de nationalité Française
[Adresse 5]
[Localité 3]
Représentant : Maître Katia DEBAY de la SELARL DEBAY, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 541 -
Représentant : Maître Jean-marc GRUNBERG, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : B0949
Madame [Y] [K] épouse [N]
née le 24 Septembre 1971 à [Localité 7]
de nationalité Française
[Adresse 5]
[Localité 3]
Représentant : Maître Katia DEBAY de la SELARL DEBAY, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 541 -
Représentant : Maître Jean-marc GRUNBERG, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : B0949
INTIMES
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 15 Novembre 2022 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant MonsieurJean-Yves PINOY, Conseiller et Monsieur Philippe JAVELAS, président, chargé du rapport.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Monsieur Philippe JAVELAS, Président,
Monsieur Jean-Yves PINOY, Conseiller,
Madame Rose CHAMBEAUD, Conseillère,
Greffier, lors des débats : Madame Françoise DUCAMIN,
EXPOSE DU LITIGE
M. [M] [U] est propriétaire d'une maison qui constitue son habitation principale située au [Adresse 4] (95), sur une parcelle cadastrée AT [Cadastre 2] sur 334 m².
M. [X] [N] et Mme [Y] [K], épouse [N], sont propriétaires d'une maison voisine, sise [Adresse 5].
Le sous-sol de la maison de M. [U] est recouvert d'une terrasse recouverte de terre et complantée d'arbustes, dont M. et Mme [N] ont la jouissance exclusive, à charge pour eux de l'entretenir.
Par acte de commissaire de justice délivré le 20 novembre 2015, M. [U] a assigné M. et Mme [N] devant le tribunal d'instance de Sannois aux fins de :
- les voir condamnés sous le bénéfice de l'exécution provisoire et sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter de quinze jours de la signification du jugement à :
* faire abattre les arbres : cyprès, lauriers et thuyas, sauf à démontrer que leur simple élagage et coupe des racines suffit,
* retirer l'occultation du jour du sous-sol et le treillis devant la fenêtre de la salle de bains,
* faire réparer la terrasse fuyarde,
- les voir condamnés, en tout état de cause, à lui payer la somme de 7 000 euros en réparation de son préjudice de jouissance et moral, outre 2 500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que les entiers dépens.
Par jugement contradictoire du 29 juin 2017, le tribunal d'instance de Sannois a :
- débouté M. [U] de sa demande d'arrachage du cyprès, de la haie de thuyas et des lauriers implantés sur le fonds de M. et Mme [N],
- débouté M. [U] de sa demande de réfection de la terrasse,
- condamné M. [U] à remplacer les carreaux de verre translucides par des carreaux en pâte de verre occultant du jour de souffrance et ce, sous astreinte de 50 euros par jour de retard si les travaux ne sont pas réalisés un mois après la signification du jugement,
- débouté M. [U] de sa demande au titre du treillis de la salle de bains,
- débouté M. [U] de sa demande au titre des aboiements du chien de M. et Mme [N],
- condamné M. [U] à payer à M. et Mme [N] la somme de 500 euros à titre de dommages et intérêts,
- débouté M. [U] de sa demande de remise en état de ses gouttières,
- débouté M. [U] de sa demande de dommages et intérêts,
- condamné M. [U] à payer à M. et Mme [N] la somme de 500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- ordonné l'exécution provisoire du jugement,
- condamné M. [U] aux entiers dépens,
- rejeté toute autre demande.
Par déclaration reçue au greffe le 5 octobre 2017, M. [U] a relevé appel de ce jugement.
Par arrêt contradictoire rendu le 17 septembre 2019, la cour d'appel de Versailles a :
- joint l'incident au fond,
Avant-dire droit sur la demande concernant les désordres du sous-sol de M. [U],
- ordonné une mesure d'expertise et commis pour y procéder Mme [W] [A] avec pour mission de :
- se faire communiquer tous documents et pièces utiles à l'accomplissement de sa mission,
- entendre les parties en leurs dires et observations,
- demander aux parties ou aux tiers communication de tous documents nécessaires à l'accomplissement de sa mission,
- recueillir, si nécessaire tant l'avis de tous techniciens dans une spécialité distincte de la sienne que des informations orales ou écrites de toutes personnes, sauf à ce que soient précisés leurs noms, prénoms, domiciles et profession ainsi que, s'il y a lieu, leur lien de parenté ou d'alliance avec les parties, de subordination à leur égard, de collaboration ou de communauté d'intérêts avec elles,
- faire connaître dans son avis toutes les informations qui apportent un éclaircissement sur les questions à examiner à condition de ne faire état que d'informations légitimement recueilles et d'indiquer leur origine et leur source,
- examiner et décrire l'origine des désordres, soit des infiltrations affectant par écoulement d'eau ou autre le plafond du sous-sol de la maison de M. [U], située [Adresse 4],
- rechercher la cause précise de ces désordres,
- donner son avis sur les travaux nécessaires à la réfection et proposer une évaluation de leur coût, à l'aide de devis qui seront présentés par les parties,
- fournir tous éléments techniques ou de fait de nature à permettre le cas échéant à la juridiction compétente de déterminer les responsabilités éventuellement encourues et d'évaluer, s'il y a lieu tous les préjudices subis, en précisant notamment si les désordres sont ou non de nature à nuire à la solidité de l'immeuble,
- dit qu'en cas d'urgence reconnue par l'expert, M. [U] pourrait faire exécuter à ses frais avancés, par les entreprises de son choix et pour le compte de qui il appartiendra, les travaux de réparation estimés indispensables, sous le constat par l'expert qu'ils sont identiques à ceux préconisés,
- dit que l'expert exécuterait sa mission conformément aux dispositions des articles 155 à 174, 232 à 255, 263 à 284 du code de procédure civile,
-
fixé à la somme de 2 500 euros la provision à valoir sur la rémunération de l'expert,
- dit que M. [U] devrait consigner cette somme au greffe de la cour d'appel de Versailles dans le délai de deux mois à compter de l'arrêt,
- dit qu'à défaut de consignation dans le délai prescrit, la poursuite de l'instance pourrait être ordonnée dans les conditions prévues par l'article 271 du code de procédure civile,
- dit que dans les trois mois de sa saisine, l'expert indiquerait aux parties le montant de sa rémunération définitive prévisible, notamment au regard de l'importance du litige, afin que soit éventuellement ordonnée une provision complémentaire dans les conditions de l'article 280 du code de procédure civile,
- dit que l'expert devrait déposer son rapport au greffe de la cour d'appel de Versailles dans le délai de six mois à compter du jour où il aura été saisi de sa mission, à charge pour lui d'en communiquer préalablement le projet aux parties pour recevoir leurs dires auxquels il devrait répondre dans un délai qu'il fixerait,
- infirmé le jugement en ce qu'il a débouté M. [U] de ses demandes d'arrachage du cyprès, des thuyas et lauriers implantés sur le fonds de M. et Mme [N],
Statuant à nouveau de ce chef,
- condamné M. et Mme [N] à procéder à l'arrachage du cyprès et des thuyas, lauriers ou toute autre plantation située sur leur parcelle cadastrée AT n°[Cadastre 1] à une distance de moins de cinquante centimètres de la limite séparatrice avec la parcelle cadastrée AT n° [Cadastre 2] appartenant à M. [U], et ce dans un délai de deux mois à compter de la signification de l'arrêt et passé ce délai sous astreinte de 30 euros par jour de retard pendant une durée limitée à trois mois, la cour ne se réservant pas la liquidation de l'astreinte,
- confirmé le jugement pour le surplus,
- rejeté toute autre demande plus ample ou contraire,
- réservé l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, tant en ce qui concerne les dispositions du jugement qu'en cause d'appel, de même que le sort des dépens,
- renvoyé l'affaire à la conférence de mise en état du 12 mars 2020 à 9 h.
L'expert judiciaire a déposé son rapport le 1er juin 2022.
Aux termes de ses conclusions signifiées le 14 septembre 2022, M. [U], appelant, demande à la cour de :
- réformer le jugement rendu par le tribunal d'instance de Sannois en date du 29 juin 2017,
Statuant à nouveau,
- le dire et juger recevable et bien fondé en ses demandes,
- infirmer le jugement rendu par le tribunal d'instance de Sannois en date du 29 juin 2017 en ce qu'il l'a condamné à régler à M. et Mme [N] la somme de 500 euros à titre de dommages intérêts,
A titre principal, en cas d'accord avec les époux [N],
- constater que M. et Mme [N] renoncent à leur servitude telle que décrite à l'acte notarié du 22 mars 2005,
- dire que cette renonciation devra être matérialisée par acte notarié du 22 mars 2005 et faire l'objet de formalités de publicité au plus tard dans les 6 mois de l'arrêt à intervenir,
- dire que M. [U] prendrait à sa charge l'ensemble des travaux nécessaires tels que préconisés par l'expert,
- dire que les frais d'expertise judiciaire seront pris en charge par moitié,
- dire que M. et Mme [N] céderont une parcelle de terrain d'1m 30 au pourtour de la terrasse pour permettre un accès au fond grevé d'une servitude et que les frais de mise en place d'une clôture permettant tant à M. et Mme [N] qu'à lui de faire disparaître la vue, travaux à confier à un artisan sur accord préalable par l'intermédiaire des avocats des parties,
A titre subsidiaire, à défaut d'accord entre les parties,
- prononcer l'extinction de cette servitude conventionnelle telle que résultant de l'acte notarié du 22 mars 2005,
- condamner M. et Mme [N] solidairement à lui payer les sommes suivantes :
* 15 000 euros à titre du préjudice de perte d'ensoleillement,
* 5 000 euros à titre de dommages intérêts pour réticence abusive,
* à la prise en charge de l'intégralité des frais d'expertise judiciaire,
* 6 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
* les entiers dépens de l'instance,
A titre infiniment subsidiaire,
- condamner solidairement M. et Mme [N], sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter de la signification de l'arrêt à procéder au retrait de l'intégralité des arbres et végétations se trouvant sur l'ouvrage qualifié de toit terrasse et au droit du mur de la terrasse ainsi que l'intégralité de la terre se trouvant sur l'ouvrage laissant apparente la dalle de l'ouvrage qualifié de toit terrasse,
- condamner solidairement M. et Mme [N] à lui payer :
* la somme de 15 000 euros à titre du préjudice de perte d'ensoleillement,
* la somme de 5 000 euros à titre de dommages intérêts pour réticence abusive,
* la prise en charge de l'intégralité des frais d'expertise judiciaire,
- condamner M. et Mme [N] à lui payer la somme de 6 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens de l'instance qui seront recouvrés par Maître Buquet-Roussel, avocat, conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
M. et Mme [N] n'ont pas conclu après le dépôt du rapport d'expertise.
Aux termes de leurs dernières conclusions signifiées le 12 janvier 2018, M. et Mme [N], intimés, demandent à la cour de :
- déclarer leurs demandes recevables et bien fondées,
- rejeter les demandes de M. [U] comme étant mal fondées et l'en débouter,
- leur donner acte de leur engagement de mandater leur jardinier afin qu'il supprime la racine de l'arbre à proximité de la citerne de M. [U] ainsi que les branches qui peuvent dépasser la limite de propriété dès que ce dernier leur aura donné son accord,
En conséquence,
- confirmer le jugement du tribunal d'instance de Sannois du 29 juin 2017 en toutes ses dispositions,
- condamner M. [U] à leur payer la somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner M. [U] aux entiers dépens.
La clôture de l'instruction a été prononcée le 15 novembre 2022.
Conformément à l'article 455 du code de procédure civile, pour plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens soutenus par les parties, la cour se réfère à leurs écritures et à la décision déférée.
MOTIFS DE LA DÉCISION
I) Sur les demandes de M [U] relatives à la servitude constitué au profit des époux [N] sur la terrasse litigieuse
M. [U] propose aux époux [N] de renoncer à la servitude conventionnelle constituée à leur profit par acte notarié du 19 mars 1998.
A défaut d'accord des époux [N], il est demandé à la cour de prononcer l'extinction de la servitude conventionnelle, motif pris de ce que les époux [N] n'ont pas joui paisiblement ni entretenu la terrasse dont ils ont la jouissance conventionnelle.
Les époux [N], dans leurs conclusions signifiées avant dépôt du rapport d'expertise, précisent que la demande de M. [U] visant à mettre à leur charge l'entretien de la terrasse doit être rejetée et le jugement dont appel confirmé de ce chef, en raison du fait que les désordres subis par M. [U] sont imputables aux évacuations d'eau fuyardes et non pas à des fuites provenant de leur terrasse.
Réponse de la cour
Le sous-sol de la maison de M. [U] est recouvert d'une terrasse de 56 m², dont M. et Mme [N] ont la jouissance, à charge pour eux de l'entretenir.
Cet état de fait résulte d'une division parcellaire faite par la famille [C], originairement propriétaire des fonds cédés aux consorts [N] et à M. [U], et a donné lieu à la création d'une servitude conventionnelle établie dans l'acte de vente des consorts [C] à M. [N] du 19 mars 1998, en ces termes :
' Les consorts [C] constituent à titre de servitude, au profit de l'unité foncière section AT n° 27 pour 950 m², objet de la présente vente, ce qui est accepté par M. [N] et Melle [K], le droit d'utiliser cette ' terrasse' en nature de jardin d'agrément.
Les propriétaires du fonds servant se réservent la possibilité d'intervenir à tous moments pour effectuer des travaux.
De leur côté, les acquéreurs, M. [N] et Melle [K] s'engagent à laisser le libre accès aux propriétaires du fonds servant, à toute heure du jour et de la nuit, aux membres de leur famille ou autres personnes, de même qu'à ne causer aucun dommage résultant de ce droit d'utilisation.
Les frais d'entretien de cette terrasse seront supportés par M. [N] et Melle [K].
Cette constitution de servitude est consentie et acceptée sans indemnité de part et d'autre'.
Il ressort par ailleurs du rapport d'expertise judiciaire, dont la cour entend adopter les conclusions, que :
- il est très probable que la toiture-terrasse, dont la date de construction et la destination d'origine demeurent inconnues, a été remplie de terre et transformée en toiture terrasse jardin, en 1998,
- la toiture-terrasse est actuellement en pleine terre, engazonnée avec des arbustes, la hauteur moyenne de terre étant de 53 cm, soit 954 kg par m², hors poids des arbustes,
- les infiltrations en sous-sol de la maison de M. [U] sont sans rapport avec le défaut d'entretien de la terrasse,
- la tonte de la pelouse effectuée par les époux [N], à qui incombe l'entretien de la terrasse, est tout à fait insuffisant, un entretien approprié nécessitant la vérification et le nettoyage des joints, la vérification de la vacuité de l'évacuation des eaux pluviales, et l'élagage des arbustes notamment en raison de la surcharge créée avec le poids du bois lors de leur croissance et cette absence d'entretien adapté n'a pas permis de mettre en exergue les défauts de cette toiture-terrasse ni de les signaler aux propriétaires, les époux [C] jusqu'en 2005, puis à partir de 2005, M. [U] ; il n'a pas permis notamment de faire apparaître que le réseau des eaux pluviales d'évacuation de la terrasse, obstrué par la terre recouvrant la terrasse, n'existe plus ,
- ni M. [N] ni M. [U] n'ont recherché auprès de professionnels des précisions sur l'entretien à effectuer, M. [N] convaincu qu'il suffisait de tondre la pelouse et M. [U] que l'entretien du sous-sol lui appartenant était à la charge de ses voisins,
- l'ouvrage d'origine n'a pas été conçu pour accueillir cette pleine terre et la transformation de la terrasse n'a pas été faite dans les règles de l'art, la capacité porteuse de la terrasse n'ayant pas été vérifiée. Le volume de terre - 954 kg au m² - est largement supérieur au volume de 400 kg par m² de terre végétale pour une toiture-terrasse de type intensif. Bien que l'ouvrage ait résisté, ce qui ne présage pas de son comportement futur, il convient d'entreprendre des travaux de réfection, qui doivent consister, en vertu du principe de précaution, en un retrait des terres manuel 'avec bigbag, sans mécanisation pouvant alourdir la charge lors de l'intervention',
- les travaux de réparation comporteront une réfection de l'étanchéité de la toiture, incombant à M. [U] et un nouvel aménagement à la charge des époux [N].
Sur la renonciation des époux [N] à leur servitude
La renonciation d'une servitude peut être expresse ou tacite, mais elle ne se présume pas (Cass. 3e civ., 3 nov. 1983).
La seule attitude passive est insuffisante. Il faut un consentement du propriétaire du fonds dominant à des dispositions matérielles supprimant définitivement l'exercice de la servitude, ou alors un acte ou déclaration de sa part traduisant sa volonté d'abandonner la servitude (Cass. civ., 6 août 1860) ; le seul fait de laisser exécuter des travaux en contradiction avec l'exercice de la servitude ne vaut pas renonciation (Cass. 3e civ., 5 nov. 1970).
En l'espèce, et en l'absence de tout accord et de tout acte de la part des époux [N] exprimant une volonté de renoncer à la servitude conventionnelle instituée à leur profit, aucune renonciation ne peut être constatée.
Sur la demande de prononcé de l'extinction de la servitude.
Le code civil prévoit trois causes spéciales d'extinction : l'impossibilité d'user de la servitude par suite du changement ou de la destruction des lieux où elle s'exerçait, le non-usage de la servitude pendant trente ans et la confusion par la réunion du fonds dominant et du fonds servant dans la même main.
En revanche, l'aggravation de la condition du fonds servant n'est pas une cause d'extinction d'une servitude conventionnelle et le non-respect des conditions d'exercice de la servitude n'emporte pas sa disparition (Cass. 3e civ., 10 mars 1999, n° 95-22.093).
Seule l'impossibilité absolue d'exercer la servitude emporte son extinction immédiate par application des disposition de l'article 703 du code civil qui dispose que les servitudes cessent lorsque les choses se trouvent en tel état qu'on ne peut plus en user. Pour que la servitude cesse par application de l'article 703 du Code civil, il faut ainsi qu'il soit survenu des changements, soit dans le fonds dominant, soit dans le fonds servant, soit dans les deux fonds. Il faut que ces changements soient assez graves pour en empêcher tout usage, que son exercice soit devenu irréalisable ou sans aucune utilité.
En l'espèce, les manquements établis par l'expertise judiciaire des époux [N] propriétaires du fonds dominant dans l'entretien de la terrasse - défaut de vérification de la vacuité de l'évacuation des eaux pluviales, de la remontée de l'étanchéité, d'élagage des arbustes afin de conserver leur taille d'origine, défaut d'entretien par une société spécialisée - ne sont pas de nature à faire obstacle à l'exercice de la servitude.
En conséquence, M. [U] sera débouté de sa demande visant à voir prononcer l'extinction de la servitude litigieuse.
II) Sur la demande subsidiaire visant à obtenir la condamnation sous astreinte des époux [N] à procéder au retrait de l'intégralité des arbres et végétations se trouvant sur la terrasse et l'intégralité de la terre se trouvant sur l'ouvrage
L'expertise judiciaire dont la cour entend adopter les conclusions ayant mis en évidence tant les manquements des époux [N] dans l'entretien de la terrasse que la nécessité d'entreprendre les travaux sollicités par M. [U] en raison des risques que le poids de la terre fait courir à la terrasse litigieuse et pour permettre à M. [U] de procéder à la réfection de l'étanchéité de la terrasse, qui lui incombe, il y a lieu d'accueillir cette demande.
C'est pourquoi les époux [N] seront condamnés à effectuer les travaux sollicités dans un délai de trois mois à compter de la signification du présent arrêt et selon les modalités précisées par l'expert et rappelées ci-avant.
Passé ce délai, ils devront payer à M. [U] une astreinte de 150 euros par jour de retard.
III) Sur la demande de dommages et intérêts de M. [U] pour perte d'ensoleillement (15000 euros)
M. [U] soutient qu'il subit une perte d'ensoleillement du fait que les époux [N] ont laissé pousser des arbres devant les fenêtres de son pavillon, et sollicite la réparation de ce dommages sur le fondement de la théorie des troubles anormaux du voisinage.
Réponse de la cour
Le trouble invoqué par M. [U] - perte d'ensoleillement - n'est pas suffisamment établi contrairement à ce que soutient l'appelant ni par l'expertise judiciaire, la question n'entrant pas dans la mission confiée à l'expert - ni par les photographies accompagnant le procès-verbal de commissaire de justice du 16 septembre 2015, ni par les photographies datées du 4 juillet 2022 produites par M. [U].
Par suite, M. [U] sera débouté de sa demande de dommages et intérêts.
IV) Sur la demande de dommages et intérêts pour résistance abusive (5 000 euros)
M. [U] fait grief aux époux [N] de s'être opposés durant des années à l'expertise judiciaire qui a mis en lumière leurs négligences dans l'entretien de la toiture-terrasse.
Réponse de la cour
La résistance abusive des époux [N] n'est pas établie par le seul fait qu'ils sont opposés à l'expertise judiciaire qui a mis en lumière un défaut d'entretien de la toiture-terrasse.
Aussi M. [U] sera-t-il débouté de sa demande de dommages et intérêts.
V) Sur les demandes accessoires
Les époux [N], qui succombent pour l'essentiel, seront condamnés aux dépens de première instance et d'appel, les dépens de la procédure d'appel comprenant les frais de l'expertise judiciaire confiée à Mme [A].
PAR CES MOTIFS
La cour statuant par arrêt contradictoire et mis à disposition au greffe
Infirme le jugement déféré en ce qu'il a débouté M. [M] [U] de sa demande de condamnation de M. et Mme [N] à effectuer des travaux sur la toiture-terrasse et en ce qu'il a condamné M. [M] [U] à payer à M. [X] [N] et Mme [Y] [N], née [K], une indemnité de 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi que les dépens de première instance ;
Statuant à nouveau des chefs infirmés
Condamne in solidum M. [X] [N] et Mme [Y] [N], née [K], à faire procéder, selon le modus operandi préconisé par l'expert judiciaire, au retrait de l'intégralité des arbres et végétations se trouvant sur l'ouvrage qualifié de toit terrasse et au droit du mur de la terrasse ainsi que l'intégralité de la terre se trouvant sur l'ouvrage laissant apparente la dalle de l'ouvrage qualifié de toit terrasse, dans un délai de trois mois à compter de la signification du présent arrêt ;
Dit que passé ce délai et à défaut d'exécution, M. [X] [N] et Mme [Y] [N], née [K], devront payer à M. [M] [U] une astreinte de 150 euros par jour de retard ;
Déboute M. [X] [U] de ses autres demandes ;
Déboute M. [X] [N] et Mme [Y] [N], née [K], de la totalité de leurs demandes ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne M. [X] [N] et Mme [Y] [N], née [K], à payer à M. [M] [U] une indemnité de 6 000 euros ;
Condamne M. [X] [N] et Mme [Y] [N], née [K], aux dépens de première instance et d'appel et dit que les dépens de la procédure d'appel comprendront les frais de l'expertise judiciaire.
- prononcé hors la présence du public par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Monsieur Philippe JAVELAS, Président et par Madame Françoise DUCAMIN, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,