La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

14/02/2023 | FRANCE | N°20/05898

France | France, Cour d'appel de Versailles, 1re chambre 1re section, 14 février 2023, 20/05898


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





1ère chambre 1ère section





ARRÊT N°





CONTRADICTOIRE

Code nac : 56C





DU 14 FEVRIER 2023





N° RG 20/05898

N° Portalis DBV3-V-B7E-UFRY





AFFAIRE :



Société COSTA CROCIERE S.P.A

C/

[B], [E], [W] [O] épouse [V]

...



Société HISCOX S.A.



Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 22 Octobre 2019 par le Tribunal Judiciaire de NANTE

RRE

N° Chambre :

N° Section :

N° RG : 17/02747



Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :





à :



-la SCP BONIN & ASSOCIES,



-la SCP C R T D ET ASSOCIES,



-la SELARL DES DEUX PALAIS,



-la SELARL BOSSU & ASSOCIE...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

1ère chambre 1ère section

ARRÊT N°

CONTRADICTOIRE

Code nac : 56C

DU 14 FEVRIER 2023

N° RG 20/05898

N° Portalis DBV3-V-B7E-UFRY

AFFAIRE :

Société COSTA CROCIERE S.P.A

C/

[B], [E], [W] [O] épouse [V]

...

Société HISCOX S.A.

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 22 Octobre 2019 par le Tribunal Judiciaire de NANTERRE

N° Chambre :

N° Section :

N° RG : 17/02747

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

-la SCP BONIN & ASSOCIES,

-la SCP C R T D ET ASSOCIES,

-la SELARL DES DEUX PALAIS,

-la SELARL BOSSU & ASSOCIES

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE QUATORZE FEVRIER DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Société COSTA CROCIERE S.P.A,

dont le siège social est sis [Adresse 16] (Italie), prise en la personne de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité au siège de la succursale française

N° SIRET : 484 982 889

[Adresse 7]

[Adresse 7]

[Localité 12]

représentée par Me Julie MANISSIER substituant Me Stéphane BONIN de la SCP BONIN & ASSOCIES, avocat - barreau de PARIS, vestiaire : B0574 - N° du dossier 2020443

APPELANTE

****************

Madame [B], [E], [W] [O] épouse [V]

née le 06 Octobre 1932 à PLEAUX (15700)

de nationalité Française

et

Monsieur [Y], [U] [V]

né le 10 Juillet 1945 à CHAUDES AIGUES (15110)

de nationalité Française

demeurant tous deux [Adresse 14]

[Localité 4]

représentés par Me Anne-sophie DUVERGER de la SCP C R T D ET ASSOCIES, avocat - barreau de HAUTS-DE-SEINE, vestiaire : 713

S.A.S. CROISIERE CLUB

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés audit siège

N° SIRET : 791 294 838

[Adresse 10]

[Localité 11]

et

Société HISCOX INSURANCE COMPANY LIMITED,

dont le siège social est sis [Adresse 1] (Royaume Uni), prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège de la succursale française

N° SIRET : 428 239 511

[Adresse 6]

[Localité 11]

représentées par Me Stéphanie GAUTIER de la SELARL DES DEUX PALAIS, avocat postulant - barreau de VERSAILLES, vestiaire : 38 - N° du dossier 200801

Me Blandine SUDRIE substituant Me Claire-marie QUETTIER, Postulant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : B0459

CPAM DU PUY DE DÔME

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés audit siège

[Adresse 2]

[Localité 3]

représentée par Me Maher NEMER de la SELARL BOSSU & ASSOCIES, avocat - barreau de PARIS, vestiaire : R295 - N° du dossier [V]

INTIMÉS

****************

Société HISCOX S.A.

en sa qualité d'assureur de responsabilité civile professionnelle de la société CROISIÈRE CLUB, dont le siège est sis [Adresse 8] LUXEMBOURG, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège de la succursale française

N° SIRET : 833 546 989

[Adresse 9]

[Localité 11]

représentée par Me Irène FAUGERAS-CARON de la SELARL DES DEUX PALAIS, avocat postulant - barreau de VERSAILLES, vestiaire : 068

Me Blandine SUDRIE substituant Me Claire-marie QUETTIER, avocat - barreau de PARIS, vestiaire : B0459

PARTIE INTERVENANTE

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 21 Novembre 2022 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Anna MANES, Présidente chargée du rapport et Madame Sixtine DU CREST, Conseiller chargée du rapport.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Anna MANES, Présidente,

Madame Nathalie LAUER, Conseiller,

Madame Sixtine DU CREST, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Madame Natacha BOURGUEIL,

FAITS ET PROCÉDURE

Le 11 février 2016, M. [V] a acheté à la société Croisière Club, une agence de voyages, un forfait touristique constitué d'une croisière dans les îles grecques, d'une durée de 13 jours, du 30 mars au 11 avril 2016, pour lui-même et son épouse, Mme [V], au prix de 1 782 euros, sur un bateau de la société de droit italien Costa Crociere. Ce contrat incluait la croisière avec cinq escales, le logement, la pension complète, les animations à bord, la soirée de gala, l'usage de la piscine et de tous les équipements de bord.

Le 30 mars 2016, Mme [V], âgée de 83 ans, cherchant à se servir au buffet dressé

sur le bateau encore amarré au port de [Localité 15], est tombée après avoir été heurtée dans le dos par un individu non identifié s'éloignant du buffet avec son assiette.

Mme [V] a été examinée à l'infirmerie du bateau puis les époux [V] ont dû le quitter pour se rendre à l'hôpital où a été diagnostiquée une fracture de la tête humérale gauche.

Le 3 octobre 2016, Mme [V] a été examinée par le docteur [N] à la demande de son assureur de protection juridique, la société mutuelle assurance des instituteurs de France (ci-après la 'MAIF'), et un rapport a été établi le 10 octobre 2016 concluant aux préjudices suivants :

- consolidation : 3 octobre 2016 ;

- gène temporaire partielle de 50 % du 30 mars au 14 mai 2016 ;

- gène temporaire partielle de 10 % du 15 mai au 3 octobre 2016 ;

- déficit fonctionnel permanent : 8 % ;

- souffrances endurées : 2/7.

La MAIF a sollicité la société Costa Crociere afin qu'elle lui communique les coordonnées de son assureur aux fins de prise en charge du sinistre de Mme [V].

Par lettre du 11 mai 2016, la société Costa Crociere a dénié sa responsabilité et n'a pas communiqué cette information.

Par lettre du 23 novembre 2016, le conseil M. et Mme [V] a réitéré une demande d'indemnisation auprès de la société Costa Crociere, en vain.

Par actes des 7, 8 et 9 mars 2017, Mme [V] a fait assigner la société Costa Crociere, la société Croisière Club et la caisse primaire d'assurance maladie du Cantal (ci-après la 'CPAM') devant le tribunal judiciaire de Nanterre en indemnisation de son préjudice.

Par acte du 23 mars 2018, la société Croisière Club a mis en cause la société Hiscox Europe Undewvriting Limited. Les deux affaires ont été jointes par ordonnance du 11 septembre 2018.

Par un jugement rendu le 22 octobre 2020, le tribunal judiciaire de Nanterre a :

- Déclaré recevable l'intervention volontaire de la société Hiscox Insurance Company Limited en qualité d'assureur de la responsabilité civile professionnelle de la SARL Croisière Club ;

- Déclaré recevable l'intervention volontaire de la CPAM du Puy-de-Dôme ;

- Constaté le désistement de la SARL Croisière Club de l'instance à l'encontre de la société Hiscox Europe Underwriting Limited ;

- Dit que le contrat du 11 février 2016 est un contrat de forfait touristique ;

- Déclaré recevables les demandes de Mme [V] et M. [V] fondées sur les articles L.211-1 et suivants du code du tourisme ;

- Déclaré les sociétés Costa Crociere Spa et Croisière Club responsables du préjudice subi par Mme [V] et M. [V] résultant de l'accident survenu le 30 mars 2016 ;

- Condamné in solidum la société Costa Crociere Spa, la SARL Croisière Club et la société Hiscox Insurance Company Limited à payer à Mme [V] la somme de 362,60 euros en réparation de son préjudice matériel ;

- Condamné in solidum la société Costa Crociere Spa, la SARL Croisière Club et la société Hiscox Insurance Company Limited à payer à M. [V] la somme de 2 000 euros en réparation de son préjudice moral ;

- Condamné in solidum la société Costa Crociere Spa, la SARL Croisière Club et la société Hiscox Insurance Company Limited à payer à la CPAM du Puy-de-Dôme la somme de 922,96 euros avec intérêts au taux légal à compter du 28 décembre 2018 ;

- Condamné in solidum la société Costa Crociere Spa, la SARL Croisière Club et la société Hiscox Insurance Company Limited aux dépens de l'instance, dont distraction au profit de la SELARL Bossu & associés ;

- Condamné in solidum la Société la société Costa Crociere Spa, la SARL Croisière Club et la société Hiscox Insurance Company Limited à payer à la CPAM du Puy-de-Dôme la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamné in solidum la société Costa Crociere Spa, la SARL Croisière Club et la société Hiscox Insurance Company Limited à payer à Mme [V] et M. [V] ensemble la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Rejeté l'appel en garantie de la SARL Croisière Club et la société Hiscox Insurance Company Limited contre la société Costa Crociere Spa ;

- Dit que, dans leurs rapports entre elles, la société Costa Crociere Spa, d'une part, et la SARL Croisière Club in solidum avec la société Hiscox Insurance Company Limited, d'autre part, supporteront la charge des condamnations pour moitié chacune ;

Avant dire droit sur l'indemnisation du préjudice corporel de Mme [V] :

- Ordonné une expertise et désigner le docteur [H] [K] clinique du [13] [Localité 5]

Tél. 04.71.67.41.00 Fax 04.71.78.01.73

aux fins d'évaluation des préjudices de Mme [V] consécutifs à sa chute du 30 mars 2016, en impartissant à l'expert une mission habituelle ;

- Condamné in solidum la société Costa Crociere Spa, la SARL Croisière Club et la société Hiscox Insurance Company Limited à payer à Mme [V] une provision de 10 000 euros à valoir sur l'indemnisation de son préjudice corporel ;

- Sursis à statuer sur les autres demandes dans l'attente du dépôt du rapport de l'expert ;

- Ordonné l'exécution provisoire ;

- Renvoyé l'affaire à l'audience de mise en état du 15 décembre 2020 à 9 heures 30 pour retrait du rôle sauf observations contraires des parties.

La société Costa Crociere a interjeté appel de ce jugement le 27 novembre 2020 à l'encontre de M. et Mme [V], la société Croisière Club, la société Hiscox Insurance Company Limited et la CPAM du Puy de Dôme.

Par une ordonnance rendue le 6 mai 2021, le conseiller de la mise en état de la cour d'appel de Versailles a :

- Déclaré irrecevables toutes conclusions que pourrait déposer la CPAM du Puy de Dôme postérieurement au 31 mars 2021,

- Rappelé que cette ordonnance peut faire l'objet d'un déféré à la cour dans les 15 jours de sa date.

Par ses dernières conclusions notifiées le 12 octobre 2022, la société Costa Crociere demande à la cour, au fondement de l'article 267 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE), du règlement européen n° 392/2009 du Parlement européen et du Conseil du 23 avril 2009 relatif à la responsabilité des transporteurs de passagers par mer en cas d'accident, de la Convention d'Athènes de 1974 et son Protocole de 2002, des articles 9, 808 et 809 du code de procédure civile, de :

- La déclarer recevable en son appel,

A titre principal :

- Transmettre à la Cour de justice de l'Union européenne la question préjudicielle suivante :

' L'opérateur d'un navire de croisière qualifiable de « transporteur » au sens du Règlement (CE) 392/2009 à l'encontre duquel des demandes d'indemnisation sont formulées par le passager dudit navire, en conséquence d'un accident survenu à bord dudit navire, agissant également comme organisateur de voyage à forfait :

- demeure-t-il soumis au régime de responsabilité mis en 'uvre par ces normes européennes,

- ou est-il exclusivement soumis à celui issu de la transposition de la directive 90/314/CEE du 13 juin 1990, désormais remplacée par la directive (UE) 2015/2302 du Parlement européen et du Conseil du 25 novembre 2015 relative aux voyages à forfait et aux prestations de voyage liées ''

- Surseoir à statuer dans l'attente de la décision de la Cour de justice de l'Union européenne à intervenir sur cette question préjudicielle,

A titre subsidiaire :

Infirmer le jugement déféré en ce qu'il a :

- dit que le contrat du 11 février 2016 est un contrat de forfait touristique,

- déclaré recevables les demandes de Mme [V] et de M. [V] fondées sur les articles L.211-1 et suivants du code du tourisme,

* déclaré les sociétés Costa Crociere Spa et Croisière Club responsables du préjudice subi par Mme [V] et M. [V] résultant de l'accident survenu le 30 mars 2016,

- condamné in solidum les sociétés Costa Crociere Spa, Croisière Club et Hiscox Insurance Limited à payer :

* à Mme [V], 362,60 euros en réparation de son préjudice matériel,

* à M. [V], 2.000 euros en réparation de son préjudice moral,

* à la CPAM du Puy de Dôme, 922,96 euros avec intérêts au taux légal à compter du 28 décembre 2018 et 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

* aux dépens d'instance, dont distraction au profit de la SELARL Bossu & Associés,

* à Mme [V] et M. [V] ensemble, 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- dit que, dans leurs rapports entre elles, la société Costa Crociere Spa, d'une part, et la SARL Croisière Club in solidum avec la société Hiscox Insurance Company Limited, d'autre part, supporteront la charge des condamnations pour moitié chacune,

Avant dire droit sur l'indemnisation du préjudice corporel de Mme [V] :

- ordonné une mesure d'expertise, et renvoyé l'affaire à l'audience de mise en état du 15 décembre 2020 à 9h30 pour retrait du rôle sauf observations contraires des parties,

- condamné la société Costa Crociere, in solidum avec les sociétés Croisière Club et Hiscox Insurance Company Limited, à payer à Mme [V] la somme de 10 000 euros à valoir sur l'indemnisation de son préjudice corporel,

- sursis à statuer sur les autres demandes dans l'attente du dépôt du rapport de l'expert.

Le confirmer pour le surplus,

- Débouter Mme [V] de sa demande d'évocation ;

En toute hypothèse :

- Débouter M. et Mme [V] ainsi que la CPAM du Puy de Dôme et les sociétés Croisière Club, Hiscox Insurance Company Limited et Hiscox SA de l'intégralité de leurs demandes, fins et prétentions à l'égard de la société Costa Crociere Spa.

- Condamner toute partie succombante à lui payer la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens d'appel.

Par leurs dernières conclusions notifiées le 24 janvier 2022, M. et Mme [V] demandent à la cour, au fondement du règlement du Parlement européen et du Conseil du 23 avril 2009 n° 392/2009, de la directive 90/314 CEE du 13 juin 1990, de la Convention d'Athènes de 1974, des articles L.211-1, L211-2 et L 211-16 et du code du tourisme, 568 du code de procédure civile, de :

- Confirmer le jugement rendu le 22 octobre 2020 en toutes ses dispositions, y compris celles relatives à l'article 700 du code de procédure civile,

En conséquence,

- Juger :

* que le contrat du 11 février 2016 est un contrat de forfait touristique,

* recevables leurs demandes fondées sur les articles L 211-1 et suivants du code du tourisme,

* les sociétés Costa Crociere Spa et Croisière Club responsables du préjudice qu'ils ont subi résultant de l'accident survenu le 30 mars 2016,

- Confirmer la décision entreprise en ce qu'elle :

*condamne in solidum Costa Crociere Spa, Croisière Club et son assureur Hiscox à payer à Mme [V] la somme de 362,60 euros au titre de son préjudice matériel,

* condamne in solidum Costa Crociere Spa, Croisière Club et son assureur Hiscox à payer à M. [V] la somme de 2 000 euros au titre de son préjudice moral,

- Condamner in solidum Costa Crociere Spa, Croisière Club et son assureur Hiscox Insurance Company Limited à verser à Mme [V] en réparation de ses préjudices les sommes suivantes, la cour évoquant la question de l'indemnisation de son préjudice corporel après dépôt du rapport d'expertise judiciaire :

* Dépenses de santé actuelles : 8 euros

* Frais divers : 1.676,86 euros

* Déficit fonctionnel temporaire : 930 euros

* Préjudice esthétique temporaire : 500 euros

* Souffrances endurées : 4.000 euros

* Déficit fonctionnel permanent : 8 800 euros

* Préjudice d'agrément : 4.000 euros,

- Condamner in solidum Costa Crociere, Croisière Club et son assureur Hiscox Insurance Company Limited à verser à Mme et M. [V] la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens de 1ère instance et d'appel,

- Déclarer la décision à intervenir commune à la CPAM du Puy de Dôme venant aux droits de la CPAM du Cantal.

Par leurs dernières conclusions notifiées le 6 octobre 2022, la société Hiscox Insurance Company Limited, la société Hiscox SA, en sa qualité d'assureur de responsabilité civile professionnelle de la société Croisière Club et intervenante volontaire, et la société Croisière Club demandent à la cour, au visa de l'ancien article L. 211-16 du code de tourisme, les anciens articles 1134 et 1147 du code civil, de :

A titre liminaire,

- Constater que seule la société Hiscox SA a la qualité d'assureur de responsabilité civile professionnelle de la société Croisière Club ;

En conséquence,

- Prononcer la mise hors de cause de la société Hiscox Insurance Company Limited ;

- Déclarer la société Hiscox SA recevable en son intervention volontaire ;

A titre principal,

- Infirmer le jugement rendu le 22 octobre 2020 par le tribunal judiciaire de Nanterre en ce qu'il a :

* déclaré les sociétés Costa Crociere Spa et Croisière Club responsables du préjudice subi par Mme [V] et M. [V] résultant de l'accident survenu le 30 mars 2016,

* condamné in solidum la société Costa Crociere Spa, la SARL Croisière Club et la société Hiscox Insurance Company Limited à payer à Mme [V] la somme de 362,60 euros en réparation de son préjudice matériel,

* condamné in solidum la société Costa Crociere Spa, la SARL Croisière Club et la société Hiscox Insurance Company Limited à payer à M. [Y] [V] la somme de 2 000 euros en réparation de son préjudice moral,

* condamné in solidum la société Costa Crociere Spa, la SARL Croisière Club et la société Hiscox Insurance Company Limited à payer à la CPAM du Puy-de-Dôme la somme de 922,96 euros avec intérêts au taux légal à compter du 28 décembre 2018,

* condamné in solidum la société Costa Crociere Spa, la SARL Croisière Club et la société Hiscox Insurance Company Limited aux dépens de l'instance, dont distraction au profit de la SELARL Bossu & associés ;

* condamné in solidum la société Costa Crociere Spa, la SARL Croisière Club et la société Hiscox Insurance Company Limited à payer à la CPAM du Puy-de-Dôme la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

* condamné in solidum la société Costa Crociere Spa, la SARL Croisière Club et la société Hiscox Insurance Company Limited à payer à Mme [V] et M. [V] ensemble la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

* rejeté l'appel en garantie de la SARL Croisière Club et la société Hiscox Insurance Company Limited contre la société Costa Crociere Spa,

* ordonné une expertise aux fins d'évaluation des préjudices de Mme [V] consécutifs à sa chute du 30 mars 2016,

* fixé à la somme de 1 500 euros la provision à valoir sur la rémunération de l'expert, qui devra être consignée par la SARL Croisière Club,

* condamné in solidum la société Costa Crociere Spa, la SARL Croisière Club et la société Hiscox Insurance Company Limited à payer à Mme [V] une provision de 10 000 euros à valoir sur l'indemnisation de son préjudice corporel,

* sursis à statuer sur les autres demandes dans l'attente du dépôt du rapport de l'expert,

Statuant à nouveau,

- Constater qu'aucun lien de causalité entre les préjudices allégués par les époux [V] et la souscription du forfait touristique n'est prouvé ;

- Constater que l'accident de Mme [V] résulte du fait d'un tiers étranger à la fourniture des prestations contractuelles ;

- Débouter les époux [V] de l'intégralité de leurs demandes ;

- Débouter la CPAM du Puy de Dôme de l'intégralité de ses demandes ;

- Condamner les époux [V] à restituer une somme de 9 181,30 euros à la société Hiscox,

- Condamner la CPAM du Puy de Dôme à restituer une somme de 1.211,48 euros à la société Hiscox,

A défaut,

- Condamner la société Costa Crociere à garantir et relever indemnes les sociétés Hiscox et Croisière Club de toutes les condamnations qui pourraient être prononcées à leur encontre ;

- Débouter les époux [V] de leur demande d'évocation par la cour ;

A défaut,

- Réduire les demandes formulées par Mme [V] au titre de son préjudice corporel à de plus justes et sérieuses proportions, lesquelles ne pourraient en tout état de cause excéder les sommes suivantes :

* Assistance par tierce personne : 1 104 euros,

* Déficit fonctionnel temporaire de classe III : 460 euros,

* Déficit fonctionnel temporaire de classe I : 284 euros,

* Souffrances endurées : 2 000 euros,

* Préjudice esthétique temporaire : 0 euros,

* Déficit fonctionnel permanent : 6 800 euros,

* Préjudice d'agrément : 0 euros.

En tout état de cause,

- Condamner tout succombant à verser 4 000 euros aux sociétés Hiscox et Croisière Club sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamner tout succombant aux entiers dépens dont distraction dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.

La clôture de l'instruction a été ordonnée le 20 octobre 2022.

SUR CE LA COUR,

Sur les limites de l'appel et à titre liminaire,

À l'exception de la disposition du jugement qui déclare recevable l'intervention volontaire de la CPAM, le jugement déféré est critiqué dans toutes ses autres dispositions.

La société Costa Crociere et la société Croisière Club poursuivent l'infirmation du jugement en toutes ses dispositions.

La société Croisière Club et la société Hiscox demandent en outre, à titre subsidiaire, à être relevées et garanties par la société Costa Crociere des condamnations qui pourraient être prononcées contre elles.

M. et Mme [V] sollicitent la confirmation du jugement en toutes ses dispositions et indiquant que l'expert judiciaire commis par le premier juge a déposé son rapport le 7 février 2021, ils demandent, se fondant sur les dispositions de l'article 568 du code de procédure civile, l'évocation des points non jugés par le tribunal afin de donner à l'affaire une solution définitive.

Leurs adversaires s'opposent à cette demande d'évocation, en particulier parce que le rapport d'expertise indiqué n'est pas produit, que cette demande n'est pas motivée, sinon par des motifs généraux, ce qui les privent de leur droit à un double degré de juridiction.

L'article 954 du code de procédure civile précise que les parties formulent expressément les prétentions des parties et les moyens de fait et de droit sur lesquels chacune de ces prétentions est fondée avec indication pour chaque prétention des pièces invoquées et de leur numérotation.

Il s'ensuit qu'une prétention formulée sans production de pièce à l'appui ne saurait prospérer.

Sur la mise hors de cause de la société Hiscox Insurance Company Limited et sur l'intervention volontaire de la société Hiscox

' Moyens des parties

La société Hiscox fait valoir qu'un transfert de portefeuille des contrats d'assurance de la société Hiscox Insurance Company Limited à elle-même est intervenu à effet du 1er janvier 2019 de sorte qu'elle seule a désormais la qualité d'assureur responsabilité civile professionnelle de la société Croisière Club.

La société Hiscox sollicite dès lors de cette cour qu'elle mette hors de cause la société Hiscox Insurance Company Limited et qu'elle la déclare par suite recevable en son intervention volontaire.

Ses adversaires ne concluent pas sur cette demande.

- Appréciation de la cour

La présence de la société Hiscox Insurance Company Limited n'apparaissant plus utile devant cette cour, il y a lieu d'accueillir sa demande de mise hors de cause et de déclarer la société Hiscox, qui a repris le portefeuille de ses contrats d'assurance, recevable en son intervention volontaire.

Sur la transmission d'une question préjudicielle à la Cour de justice de l'union européenne (CJUE)

' Moyens des parties

La société Costa Crociere, à titre principal, sollicite la transmission à la CJUE de la question préjudicielle suivante :

' L'opérateur d'un navire de croisière qualifiable de « transporteur » au sens du Règlement (CE) 392/2009 à l'encontre duquel des demandes d'indemnisation sont formulées par le passager dudit navire, en conséquence d'un accident survenu à bord dudit navire, agissant également comme organisateur de voyage à forfait :

- demeure-t-il soumis au régime de responsabilité mis en 'uvre par ces normes européennes,

- ou est-il exclusivement soumis à celui issu de la transposition de la directive 90/314/CEE du 13 juin 1990, désormais remplacée par la directive (UE) 2015/2302 du Parlement européen et du Conseil du 25 novembre 2015 relative aux voyages à forfait et aux prestations de voyage liées ''

Au soutien de cette demande, elle fait valoir que le premier juge a écarté à tort l'application du règlement (CE) n° 392/2009 du Parlement européen et du Conseil de l'Union européenne du 23 avril 2009 relatif à la responsabilité des transporteurs de passagers par mer en cas d'accident (ci-après, autrement nommé, le 'règlement') et des dispositions de la convention d'Athènes au bénéfice de l'article L.211-16 du code du tourisme au terme d'une interprétation contestable des champs d'application respectifs de ces textes.

La société Costa Crociere prétend que le tribunal, en premier lieu, a dénaturé les dispositions de l'article 8 de la directive 90/314/CEE du Conseil du 13 juin 1990, concernant les voyages, vacances et circuits à forfait (ci-après, autrement nommée la 'directive') ; en deuxième lieu, a méconnu le champ d'application du règlement et de la version consolidée de 2002 de la Convention d'Athènes qu'il transpose et, enfin, a violé les dispositions du règlement et de son annexe I, seules invoquées par elle, lesquelles sont pourtant spécifiquement et impérativement applicables dans toutes leurs dispositions aux demandes dirigées à son encontre.

Elle soutient qu'en l'espèce une question d'interprétation des normes européennes est en jeu et qu'il ne revient pas au juge national de procéder à cette interprétation, mais à la CJUE.

Elle fait valoir que le champ d'application du règlement et de la directive nécessite une interprétation relevant de la compétence exclusive de la CJUE ; que cette juridiction suprême n'a jamais répondu à une pareille question ; que le doute raisonnable (théorie de l'acte clair) ne peut être utilement invoqué en l'espèce contrairement à ce qu'affirment M. et Mme [V].

Se fondant sur les dispositions des articles 2, 13 du règlement et 1-9 de son annexe I, l'appelante relève que ce règlement, entré en vigueur le 31 décembre 2012, est obligatoire dans tous ses éléments et directement applicables sur l'ensemble du territoire européen. Or, selon elle, en l'espèce, l'ensemble des critères d'applicabilité du règlement est indiscutablement rempli dans la mesure où :

* le contrat de transport afférent à la croisière litigieuse a été conclu dans un Etat membre de l'Union européenne ;

* l'itinéraire prévu, lieu de départ et lieu d'arrivée, se situent dans un Etat membre de l'Union ;

* l'accident a eu lieu postérieurement à l'entrée en vigueur du règlement ;

* l'accident litigieux s'est produit au cours d'un 'transport international' au sens de l'article 1-9 de l'annexe I au règlement puisque selon l'itinéraire prévu, la croisière a été jalonnée d'escales dans divers pays différents.

Elle en conclut que le régime de responsabilité pour faute prouvée prévue à l'article 3.2 de l'annexe I du règlement s'applique aux demandes d'indemnisation formulées par M. et Mme [V] contre elle dans la mesure où elles ont exclusivement pour origine l'accident corporel survenu à Mme [V] alors qu'elle était passagère d'un navire Costa dans le cadre d'un transport international au sens des articles 2 et 1-9) précités.

Elle insiste sur le fait que la doctrine et diverses entités de droit national ont interprété ces textes de droit européen dans le sens qu'elle invoque, exigeant ainsi l'application du régime mis en place par le règlement dans l'hypothèse d'un accident corporel subi par un passager au cours d'une croisière.

Il en est ainsi, selon elle, de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) dans sa note à l'attention des croisiéristes publiée en 2018 (pièce 18) ; la doctrine (pièce 16, fascicule 1290, point 25 in fascicule 'Croisière maritime - Notion et régime juridique') ; des travaux de la commission des affaires étrangères du Sénat sur le Protocole de 2002 à la Convention d'Athènes (pièce 19). Elle produit également un jugement rendu par le tribunal de grande instance de Lyon le 2 décembre 2019 (pièce 20) qui a tranché dans un sens diamétralement opposé à celui suivi par le jugement déféré.

Elle observe encore que cette analyse nationale est également conforme à la volonté du législateur européen (pièce 15).

La société Costa Crociere ajoute que le règlement (UE) n° 1177/2010 du Parlement et du Conseil du 24 novembre 2010, plus récent que le règlement définit, en son article 3, la croisière comme étant 'un service de transport par mer (') exploité exclusivement à des fins de plaisance ou de loisirs, complété par un hébergement et d'autres prestations, consistant en plus de deux nuitées à bord ' de sorte que le contrat de croisière constitue avant tout, en 'droit communautaire', un contrat de transport par mer, soumis au règlement et à la Convention d'Athènes qu'il transpose, dès lors qu'il remplit les critères d'applicabilité définis à son article 2 comme c'est le cas en l'espèce.

Il s'ensuit, selon elle, qu'en vertu du principe de primauté du 'droit communautaire', ce régime prévaut sur celui, de plein droit, prévu à l'article L.211-16 du code du tourisme français qui lui est incompatible (CJCE 15 juillet 1964, arrêt C-6/64 ; 9 mars 1978, Administration des finances de l'Etat c/Société Simmenthal, C-106/77 ; 19 avril 2016 Dansk Industri (DI), n°C-441/14 : pièce n°17).

Elle observe en outre que c'est à tort que le tribunal judiciaire de Nanterre a considéré que les dispositions de la directive ont pu prévoir une dérogation à celles de la Convention d'Athènes transposées par le règlement, l'Union européenne n'ayant adhéré à cette Convention internationale qu'en décembre 2011, soit 21 ans plus tard, les dispositions de la Convention d'Athènes étant en outre issues de la transposition qui en a été faite en droit européen par le règlement et non par une disposition de droit français et ce règlement ayant été édicté en 2009, soit 19 ans après la directive dont se prévalent M. et Mme [V].

Elle relève enfin que l'arrêt de la Cour de cassation du 9 décembre 2015 est sans secours puisque cet arrêt a été rendu à une époque où le règlement n'était pas encore applicable (faits survenus en février 2011 alors que le règlement est entré en vigueur en décembre 2012) et que les dispositions du règlement n'étaient pas dans le débat.

Pour toutes les raisons ainsi développées, la société Costa Crociere affirme que la théorie de l'acte clair est inapplicable puisque la CJUE n'a pas répondu à pareille question sur le champ d'application respectif du règlement et de la directive et que les différents éléments invoqués démontrent bien que la question se pose et que le doute est permis.

La société Hiscox et la société Croisière Club ne concluent pas sur la demande de renvoi préjudiciel de la société Costa Crociere.

M. et Mme [V] font valoir que, conformément à la jurisprudence de la CJUE (arrêt Cilfit rendu le 6 octobre 1982), l'obligation de poser une question préjudicielle à cette Cour suprême de l'Union européenne, portant sur une question relevant du droit de l'Union européenne de laquelle dépend l'issue du litige, ne s'impose qu'au juridiction dont les décisions ne sont pas susceptibles d'un recours juridictionnel de droit interne à moins que la question soulevée ou la disposition de droit de l'union européenne en cause a déjà fait l'objet d'une interprétation de la part de la Cour, ou que l'application correcte du droit de l'Union européenne s'impose avec une telle évidence qu'elle ne laisse place à aucun doute raisonnable ; l'existence d'une telle éventualité devant être évaluée en fonction des caractéristiques propres au droit de l'Union européenne, des difficultés particulières que présente son interprétation et du risque de divergences de jurisprudence à l'intérieur de l'Union.

Ils soulignent que le jugement déféré se conforme à la jurisprudence de la Cour de cassation du 9 décembre 2015 (1re Civ., 9 décembre 2015, pourvoi n° 14-20.533, Bull. 2015, I, n° 318 Publication : Bull. 2015, I, n° 318) et que les articles L. 211-1 et suivants du code du tourisme constituent le texte de transposition en droit interne de la directive qui, dans son préambule, rappelle que les forfaits de croisière sont inclus dans son champ d'application en dérogation expresse aux dispositions de la Convention d'Athènes de 1974 sur le transport en mer et que, conformément aux dispositions de l'article 8 de la directive, les Etats membres peuvent instaurer un régime de responsabilité plus stricte en vue de protéger le consommateur.

Ils ajoutent que l'arrêt rendu par la Cour de cassation le 9 décembre 2015 (précité) a clairement jugé que l'organisateur d'une croisière qui présente les caractères d'un forfait touristique, au sens de l'article L. 211-2 du code du tourisme, comme c'est le cas en l'espèce dès lors que la société Costa Crociere avait organisé non seulement le transport des passagers, mais la totalité des opérations composant la croisière, en ce compris l'ensemble des services touristiques complémentaires offerts à ce titre, était responsable de plein droit de la bonne exécution des obligations du contrat conclu par le passager victime de l'accident.

Selon eux, la société Costa Crociere est mal fondée en sa demande de transmission d'une question préjudicielle auprès de la CJUE.

Ils soutiennent donc que le jugement en ce qu'il retient que les dispositions de l'article L. 211-2 du code du tourisme trouvent à s'appliquer au cas de l'espèce devra être confirmé.

' Appréciation de la cour

La question juridique soumise à cette cour porte sur le point de savoir si la responsabilité de l'organisateur d'un voyage par mer, présentant les caractéristiques d'un forfait touristique, au sens de l'article L. 211-2 du code du tourisme, au cours duquel un voyageur a été victime d'un dommage corporel est régie :

1) par les dispositions du règlement (CE) n° 392/2009 du Parlement européen et du Conseil de l'Union européenne du 23 avril 2009 relatif à la responsabilité des transporteurs de passagers par mer en cas d'accident, dont l'application suppose la démonstration d'une faute de l'organisateur, ou bien

2) par l'article L.211-16 du code du tourisme, texte de transposition de la directive 90/314/CEE du 13 juin 1990, désormais remplacée par la directive (UE) 2015/2302 du Parlement européen et du Conseil du 25 novembre 2015 relative aux voyages à forfait et aux prestations de voyage liées, instaurant une responsabilité de plein droit (la directive 2015/2302 n'étant pas applicable à la présente espèce, ses articles 28 et 29 disposant en effet que sa transposition ne s'impose aux Etats membres qu'à compter du 1er juillet 2018, date à laquelle la directive 90/314/CEE sera abrogée).

Pour ce faire, il conviendra d'apprécier si la réponse à cette question suppose l'interprétation de deux normes de droit européen concurrente, s'il y a donc matière à douter de la réponse à cette question de sorte que la saisine de la CJUE d'une question préjudicielle préalablement à la réponse à cette question s'imposera ou bien si la réponse n'appelle pas l'interprétation de textes de droit européen concurrents parce que ces textes, clairs, peuvent être appliqués directement par le juge de droit commun du droit de l'Union européenne, qu'il n'y a aucune place au doute.

L'article 267 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (ex-article 234 TCE) prévoit en effet ce qui suit :

'La Cour de justice de l'Union européenne est compétente pour statuer, à titre préjudiciel :

a) sur l'interprétation des traités,

b) sur la validité et l'interprétation des actes pris par les institutions, organes ou organismes de l'Union.

Lorsqu'une telle question est soulevée devant une juridiction d'un des États membres, cette juridiction peut, si elle estime qu'une décision sur ce point est nécessaire pour rendre son jugement, demander à la Cour de statuer sur cette question.

Lorsqu'une telle question est soulevée dans une affaire pendante devant une juridiction nationale dont les décisions ne sont pas susceptibles d'un recours juridictionnel de droit interne, cette juridiction est tenue de saisir la Cour.

Si une telle question est soulevée dans une affaire pendante devant une juridiction nationale concernant une personne détenue, la Cour statue dans les plus brefs délais'.

* Les textes applicables aux voyages à forfait

- Droit de l'Union européenne

La directive 90/314/CEE du Conseil du 13 juin 1990, concernant les voyages, vacances et circuits à forfait énonce à ses premier à troisième, dixième et dix-neuvième considérants (souligné par cette cour) ce qui suit :

' Considérant que l'un des principaux objectifs de [l'Union européenne] est l'achèvement du marché intérieur, dont le secteur touristique constitue un élément essentiel ;

Considérant que les législations des États membres sur les voyages, vacances et circuits à forfait [...] présentent de nombreuses disparités et que les pratiques nationales dans ce domaine diffèrent considérablement, ce qui entraîne des obstacles à la libre prestation des services en ce qui concerne les forfaits et des distorsions de concurrence entre les opérateurs établis dans des États membres différents ;

Considérant que l'établissement de règles communes concernant les forfaits contribuera à l'élimination de ces obstacles et ainsi à la réalisation d'un marché commun des services, ce qui permettra aux opérateurs établis dans un État membre de proposer leurs services dans d'autres États membres et aux consommateurs de [l'Union] de bénéficier de conditions comparables quel que soit l'État membre dans lequel ils achètent un forfait ;

[...]

Considérant que le consommateur doit bénéficier de la protection instaurée par la présente directive, qu'il soit partie au contrat, cessionnaire ou membre d'un groupe pour le compte duquel une autre personne a conclu un contrat relatif à un forfait ;

[...]

Considérant que, lorsque la responsabilité de l'organisateur et/ou du détaillant se trouve engagée en raison de l'inexécution ou de la mauvaise exécution des prestations faisant l'objet du forfait, il apparaît indiqué qu'elle puisse être limitée conformément aux conventions internationales qui régissent ces prestations, notamment (...) la convention d'Athènes de 1974 relative au transport par mer (...) ; que, en outre, pour les dommages autres que corporels, des limites à la responsabilité doivent pouvoir résulter également du contrat relatif au forfait, à condition toutefois qu'elles ne soient pas déraisonnables ;

[...]'.

L'article 1er de cette directive prévoit :

' La présente directive a pour objet de rapprocher les dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres concernant les voyages à forfait, les vacances et circuits à forfait, vendus ou offerts à la vente sur le territoire de [l'Union].'

L'article 2 de ladite directive dispose :

'Aux fins de la présente directive, on entend par:

1) forfait : la combinaison préalable d'au moins deux des éléments suivants, lorsqu'elle est vendue ou offerte à la vente à un prix tout compris et lorsque cette prestation dépasse vingt-quatre heures ou inclut une nuitée :

a) transport ;

b) logement ;

c) autres services touristiques non accessoires au transport ou au logement représentant une part significative dans le forfait.

La facturation séparée de divers éléments d'un même forfait ne soustrait pas l'organisateur ou le détaillant aux obligations de la présente directive ;

2) organisateur: la personne qui, de façon non occasionnelle, organise des forfaits et les vend ou offre à la vente directement ou par l'intermédiaire d'un détaillant ;

3) détaillant: la personne qui vend ou offre à la vente le forfait établi par l'organisateur ;

4) consommateur: la personne qui achète ou s'engage à acheter le forfait (« le contractant principal »), ou toute personne au nom de laquelle le contractant principal s'engage à acheter le forfait (« les autres bénéficiaires »), ou toute personne à laquelle le contractant principal ou un des autres bénéficiaires cède le forfait (« le cessionnaire ») ;

5) contrat: l'accord qui lie le consommateur à l'organisateur et/ou au détaillant'.

L'article 5, paragraphes 1 à 4, de cette directive précise (souligné par la cour) :

'1. Les États membres prennent les mesures nécessaires pour que l'organisateur et/ou le détaillant partie au contrat soient responsables à l'égard du consommateur de la bonne exécution des obligations résultant de ce contrat, que ces obligations soient à exécuter par eux-mêmes ou par d'autres prestataires de services et ceci sans préjudice du droit de l'organisateur et/ou du détaillant d'agir contre ces autres prestataires de services.

2. En ce qui concerne les dommages qui résultent pour le consommateur de l'inexécution ou de la mauvaise exécution du contrat, les États membres prennent les mesures nécessaires pour que l'organisateur et/ou le détaillant soient responsables, à moins que cette inexécution ou mauvaise exécution ne soit imputable ni à leur faute ni à celle d'un autre prestataire de services parce que :

- les manquements constatés dans l'exécution du contrat sont imputables au consommateur,

- ces manquements sont imputables à un tiers étranger à la fourniture des prestations prévues au contrat, revêtant un caractère imprévisible ou insurmontable,

- ces manquements sont dus à un cas de force majeure, telle que définie à l'article 4 paragraphe 6 deuxième alinéa sous ii) ou à un événement que l'organisateur et/ou le détaillant ou le prestataire, avec toute la diligence nécessaire, ne pouvaient pas prévoir ou surmonter.

Dans les cas visés au premier alinéa deuxième et troisième tirets, l'organisateur et/ou le détaillant partie au contrat sont tenus de faire diligence pour venir en aide au consommateur en difficulté.

En ce qui concerne les dommages résultant de l'inexécution ou de la mauvaise exécution des prestations faisant l'objet du forfait, les États membres peuvent admettre que le dédommagement soit limité conformément aux conventions internationales qui régissent ces prestations.

En ce qui concerne les dommages autres que corporels résultant de l'inexécution ou de la mauvaise exécution des prestations faisant l'objet du forfait, les États membres peuvent admettre que le dédommagement soit limité en vertu du contrat. Cette limitation ne doit pas être déraisonnable.

3. Sans préjudice du paragraphe 2 quatrième alinéa, il ne peut être dérogé par clause contractuelle aux paragraphes 1 et 2'.

L'article 8 précise que 'Les Etats membres peuvent adopter ou maintenir, dans le domaine régi par la présente directive, des dispositions plus strictes pour protéger le consommateur'.

Il ressort très clairement de ces dispositions que l'un des objectifs poursuivis par le législateur de l'Union vise à garantir une meilleure protection au consommateur qui a conclu un contrat portant sur un 'forfait touristique', en particulier, en instaurant une responsabilité de plein droit du professionnel de la bonne exécution des obligations résultant du contrat. C'est le sens de l'arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne (grande chambre) du 7 décembre 2010, [M] [A] contre Reederei Karl Schlüter GmbH & Co. KG (C-585/08) et Hotel Alpenhof GesmbH contre [G] [P] (C-144/09) (Recueil de la jurisprudence 2010 I-12527).

Il apparaît également que le législateur de l'Union européenne a considéré que le contrat portant sur un 'forfait touristique' s'applique aux contrats de croisières maritimes et la référence à la convention d'Athènes de 1974 à son 19ème considérant en est une parfaite illustration.

En outre, selon le législateur de l'Union, les règles régissant les croisières maritimes peuvent limiter le montant de l'indemnité due au passager victime d'un dommage corporel (article 5, paragraphe 2, 3ème alinéa, de la directive ou encore celui de l'indemnité due au passager victime d'un dommage autre que corporel (article 5, paragraphe 2, dernier alinéa, de la directive). Encore faut-il cependant qu'une disposition le prévoit expressément.

Il ressort également de ces dispositions que le législateur national, en transposant la directive, peut prévoir des règles plus strictes pour protéger le consommateur.

- Droit national

La loi n° 92-645 du 13 juillet 1992 fixant les conditions d'exercice des activités relatives à l'organisation et à la vente de voyages ou de séjours, aujourd'hui codifiée aux articles L. 211-1 et suivants du code de tourisme transpose la directive.

L'article L. 211-1 du code du tourisme indique ce qui suit (souligné par cette cour):

' Le présent chapitre s'applique aux personnes physiques ou morales qui se livrent ou apportent leur concours, quelles que soient les modalités de leur rémunération, aux opérations consistant en l'organisation ou la vente :

a) De voyages ou de séjours individuels ou collectifs ;

b) De services pouvant être fournis à l'occasion de voyages ou de séjours, notamment la délivrance de titres de transport, la réservation de chambres dans des établissements hôteliers ou dans des locaux d'hébergement touristique et la délivrance de bons d'hébergement ou de restauration ;

c) De services liés à l'accueil touristique, notamment l'organisation de visites de musées ou de monuments historiques.

Le présent chapitre s'applique également aux opérations de production ou de vente de forfaits touristiques, tels que ceux-ci sont définis à l'article L. 211-2, ainsi qu'aux opérations liées à l'organisation et à l'accueil de foires, salons et congrès ou de manifestations apparentées dès lors que ces opérations incluent tout ou partie des prestations prévues aux a, b et c du présent I'.

L'article L. 211-2, repris de l'article 2, 1), de la directive 90-314, dans sa rédaction applicable au litige (antérieure 1er juillet 2018) est ainsi rédigé (souligné par cette cour) :

' Constitue un forfait touristique la prestation :

1° Résultant de la combinaison préalable d'au moins deux opérations portant respectivement sur le transport, le logement ou d'autres services touristiques non accessoires au transport ou au logement et représentant une part significative dans le forfait ;

2° Dépassant vingt-quatre heures ou incluant une nuitée ;

3° Vendue ou offerte à la vente à un prix tout compris'.

L'article L. 211-16, dans sa rédaction applicable au présent litige (version en vigueur du 25 juillet 2009 au 1er juillet 2018) prévoit ce qui suit :

'Toute personne physique ou morale qui se livre aux opérations mentionnées à l'article L. 211-1 est responsable de plein droit à l'égard de l'acheteur de la bonne exécution des obligations résultant du contrat, que ce contrat ait été conclu à distance ou non et que ces obligations soient à exécuter par elle-même ou par d'autres prestataires de services, sans préjudice de son droit de recours contre ceux-ci et dans la limite des dédommagements prévus par les conventions internationales.

Toutefois, elle peut s'exonérer de tout ou partie de sa responsabilité en apportant la preuve que l'inexécution ou la mauvaise exécution du contrat est imputable soit à l'acheteur, soit au fait, imprévisible et insurmontable, d'un tiers étranger à la fourniture des prestations prévues au contrat, soit à un cas de force majeure'.

Il résulte ainsi de ces dispositions que le vendeur et/ou l'organisateur d'un voyage à forfait touristique sont responsables de plein droit de l'inexécution ou de la mauvaise exécution du contrat et ne pourront être exonérés de cette responsabilité qu'à charge pour eux de démontrer que celle-ci est imputable à l'acheteur, victime, soit au fait, imprévisible et insurmontable, d'un tiers étranger à la fourniture des prestations prévues au contrat, soit à un cas de force majeure.

Les dispositions nationales susmentionnées ne prévoient pas que la responsabilité de l'organisateur et/ou du détaillant se trouvant engagée en raison de l'inexécution ou de la mauvaise exécution des prestations faisant l'objet du forfait touristique soit limitée lorsque le transport est assuré par mer, par application des stipulations de la convention d'Athènes de 1974 relative au transport par mer.

* Les textes applicables au transport par mer de passagers et de leurs bagages

- Droit de l'Union européenne

La Convention d'Athènes, relative au transport par mer de passagers et de leurs bagages, a été conclue le 13 décembre 1974 dans le cadre de l'Organisation Maritime Internationale (OMI) par différents Etats dont la France aux fins d'unification des règles nationales applicables en matière de responsabilité des transporteurs de passagers par mer en cas d'accident et de réparation des dommages subis par les passagers. Elle a été amendée à Londres selon le protocole du 1er novembre 2002.

Le règlement (CE) n° 392/2009 du Parlement européen et du Conseil de l'Union européenne du 23 avril 2009 relatif à la responsabilité des transporteurs de passagers par mer en cas d'accident a pour ambition d'établir un ensemble unique de règles régissant les droits des transporteurs par mer et de leurs passagers en cas d'accident.

Les considérants 1 à 3, 5 et 19 de ce règlement précisent ce qui suit :

'1. Dans le cadre de la politique commune des transports, il est nécessaire d'arrêter des mesures supplémentaires pour accroître la sécurité des transports maritimes. Ces mesures devraient comprendre des règles de responsabilité concernant les dommages causés aux passagers, puisqu'il est important d'assurer un niveau d'indemnisation approprié aux passagers victimes d'accidents en mer.

2. Le protocole de 2002 à la convention d'Athènes de 1974 relative au transport par mer de passagers et de leurs bagages a été adopté, le 1er novembre 2002, sous les auspices de l'Organisation maritime internationale (OMI). La Communauté et ses États membres se préparent à prendre une décision quant à l'adhésion à ce protocole ou à sa ratification. En tout état de cause, ses dispositions, incorporées par le présent règlement, devraient s'appliquer, en ce qui concerne la Communauté, au plus tard le 31 décembre 2012.

3. La convention d'Athènes de 1974 relative au transport par mer de passagers et de leurs bagages, telle que modifiée par le protocole de 2002 («convention d'Athènes»), s'applique uniquement aux transports internationaux. La distinction entre transports nationaux et internationaux ayant été supprimée au sein du marché intérieur des services de transport maritime, il convient d'avoir le même niveau et la même nature de responsabilité dans les transports internationaux et nationaux au sein de la Communauté.

(...)

5. Il convient d'obliger le transporteur à payer des avances en cas de décès ou de lésions corporelles d'un passager, sous réserve que cette avance ne constitue pas une reconnaissance de responsabilité.

(...)

19. Étant donné que l'objectif du présent règlement, à savoir établir un ensemble unique de règles régissant les droits des transporteurs par mer et de leurs passagers en cas d'accident, ne peut pas être réalisé de manière suffisante par les États membres et peut donc, en raison de ses dimensions et de ses effets, être mieux réalisé au niveau communautaire, la Communauté peut prendre des mesures, conformément au principe de subsidiarité consacré à l'article 5 du traité. Conformément au principe de proportionnalité tel qu'énoncé audit article, le présent règlement n'excède pas ce qui est nécessaire pour atteindre cet objectif,'.

L'objet du règlement, tel que défini à son article 1er, consiste à établir, sur l'ensemble du territoire de l'Union européenne, un régime unique de responsabilité et d'assurance applicable au transport de passagers par mer tel que prévu, en particulier, dans les dispositions pertinentes de la Convention d'Athènes de 1974 modifiée par le protocole de 2002 (ci-après, autrement nommée, la 'Convention d'Athènes'), dont le texte figure à l'annexe I.

L'article 12 du règlement précise qu'il entre en vigueur le jour suivant celui de sa publication au journal officiel de l'Union européenne et qu'il est applicable à partir de la date d'entrée en vigueur de la convention d'Athènes pour la Communauté et, en tout état de cause, au plus tard le 31 décembre 2012.

Comme tout règlement de l'Union européenne, il est directement applicable sans qu'un texte national de transposition soit nécessaire. Le dernier alinéa de l'article 12 le rappelle expressément 'Le présent règlement est obligatoire dans tous ses éléments et directement applicable dans tout État membre'.

Selon son article 2, le 'règlement s'applique à tout transport international au sens de l'article 1er, point 9, de la convention d'Athènes ainsi qu'au transport par mer à l'intérieur d'un seul État membre à bord de navires des classes A et B au titre de l'article 4 de la directive 98/18/CE lorsque :

a) le navire bat pavillon d'un État membre ou est immatriculé dans celui-ci ;

b) le contrat de transport a été conclu dans un État membre ; ou

c) selon le contrat de transport, le lieu de départ ou de destination se trouve dans un État membre.

Les États membres peuvent appliquer le présent règlement à l'ensemble des voyages maritimes nationaux'.

L'article 3 du règlement, intitulé 'responsabilité et assurance', prévoit ce qui suit :

'1. Le régime de responsabilité à l'égard des passagers, de leurs bagages et de leurs véhicules ainsi que les règles en matière d'assurance ou autre garantie financière sont régis par le présent règlement, par les articles 1er et 1 bis, l'article 2, paragraphe 2, les articles 3 à 16 et les articles 18, 20 et 21 de la convention d'Athènes, dont le texte figure à l'annexe I, et par les dispositions des lignes directrices de l'OMI, dont le texte figure à l'annexe II.

2. Les lignes directrices de l'OMI figurant à l'annexe II sont contraignantes'.

La loi n° 2016-700 du 30 mai 2016, publiée au journal officiel du 31 mai 2016, a autorisé l'adhésion de la France à la convention d'Athènes de 1974, telle qu'amendée par le protocole de Londres en 2002. Cette convention, amendée, a été publiée au journal officiel du 11 mai 2017 par décret n° 2017-935 du 10 mai 2017.

L'article 1er de la convention d'Athènes, figurant à l'annexe I du règlement, définit les termes employés par elle tels que les notions de 'transporteur', 'navire', 'passager', 'contrat de transport'.

L'article 1 bis de la convention d'Athènes précise que son annexe fait partie intégrante de la convention.

Son article 3, intitulé 'responsabilité du transporteur', dispose que (souligné par la cour) 'en cas de lésions corporelles d'un passager, non causées par un événement maritime, le transporteur est responsable si l'événement générateur du préjudice est imputable à la faute ou à la négligence du transporteur. La preuve de la faute ou de la négligence incombe au demandeur'.

Le point 5 de cet article 3 définit, en particulier, les termes 'événements maritimes', 'faute ou négligence du transporteur' et 'préjudice'.

Ces dispositions maritimistes instaurent donc un régime de responsabilité du transporteur pour faute prouvée et sont dès lors moins protectrices du consommateur.

Il convient cependant d'observer que le règlement concerne les transports maritimes internationaux et les contrats qui s'y rapportent, de manière générale. Il ne concerne nullement un type de contrat de transport bien particulier à savoir 'ceux qui, pour un prix forfaitaire, combinent voyage et hébergement' (article 15, paragraphe 3, du règlement 44/2001 du Conseil du 22 décembre 2000 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale publié au Journal officiel n° L 012 du 16/01/2001 p. 1 à 23, ayant donné lieu à l'arrêt de la CJUE le 7 décembre 2010, précité) ou encore ceux qui combinent 'des services touristiques vendus à un prix forfaitaire comprenant deux des trois services touristiques non accessoires au transport ou au logement représentant une part significative dans le forfait' (objet de la directive).

Afin d'être exhaustif, il convient de rappeler que notre droit national, avant l'entrée en vigueur du règlement, prévoyait un régime similaire de responsabilité civile pour faute prouvée bénéficiant aux 'organisateurs de croisières maritimes' et pas seulement aux simples transporteurs de passagers par mer. Notre droit national étendait donc le régime mis en place par le règlement européen aux 'organisateurs de croisières'.

' Droit national

Ainsi, la loi n° 66-420 du 18 juin 1966 relative aux contrats d'affrètement et de transports maritimes, dont le chapitre IV est consacré aux organisateurs de croisières, prévoit en ses articles 47 à 49, constituant un chapitre intitulé 'organisateurs de croisières maritimes', les règles suivantes :

- article 47 : 'Les organisateurs de croisières maritimes doivent délivrer à chaque passager ou groupe de passagers, sous peine de nullité du contrat, un titre de croisière. Seul le passager peut faire valoir cette nullité'.

- article 48 : 'Le manquement à l'une des obligations inscrites au titre de croisière engage la responsabilité de l'organisateur de croisières, sauf si celui-ci établit qu'il s'agit de l'exécution du contrat de transport proprement dit'.

- article 49 'L'organisateur de croisières est personnellement responsable des dommages survenus aux passagers ou à leurs bagages.

Si le dommage résulte de l'exécution du contrat de transport maritime, l'organisateur de croisières est responsabilité dans les conditions et les limites des articles 37 à 44'.

Les articles 37 à 44 précités codifiés par l'ordonnance n° 2010-1307 du 28 octobre 2010 relative à la partie législative du code des transports, figurent désormais aux articles L.5421-3 et suivants du code des transports.

L'article L.5421-3 dispose que (souligné par cette cour) 'L'accident corporel survenu en cours de voyage, ou pendant les opérations d'embarquement ou de débarquement, soit aux ports de départ ou de destination, soit aux ports d'escale, donne lieu à réparation de la part du transporteur, s'il est établi qu'il a contrevenu aux obligations prescrites par les dispositions de l'article L.5421-2 ou qu'une faute a été commise par lui-même ou un de ses préposés'.

Selon l'article L.5421-4 (souligné par cette cour) 'Le transporteur est responsable de la mort ou des blessures des voyageurs causées par naufrage, abordage, échouement, explosion, incendie ou tout sinistre majeur, sauf preuve, à sa charge, que l'accident n'est imputable ni à sa faute ni à celle de ses préposés'.

Or, dans une espèce similaire à celle du présent litige, une passagère, qui, le 2 février 2011, avait conclu avec une agence de voyage un contrat ayant pour objet une croisière présentant les caractères d'un forfait touristique, à savoir non seulement le transport, mais aussi la totalité des opérations composant la croisière en ce compris l'ensemble des services touristiques complémentaires offerts à ce titre, sur un bateau de la société Costa Crociere, et qui avait fait une chute sur le pont du bateau, avait fait assigner l'agence de voyage, l'assureur de celle-ci ainsi que l'organisateur de ce voyage, précisément la société Costa Crociere, en réparation des préjudices subis, et elle invoquait l'application des articles L. 211-1 et suivants du code de tourisme, texte de transposition de la directive, alors que ses adversaires, dont la société Costa Crociere, réclamaient l'application des règles régissant spécifiquement le contrat de transport maritime, à savoir les dispositions des articles L.5421-3 et suivants du code des transports.

La Cour de cassation a considéré, dans un arrêt du 9 décembre 2015 (1re Civ., 9 décembre 2015, pourvoi n° 14-20.533, Bull. 2015, I, n° 318 Publication : Bull. 2015, I, n° 318) que relevait du régime de la responsabilité de plein droit institué par l'article L. 211-16 du code du tourisme, issu de la loi n° 92-645 du 13 juillet 1992 fixant les conditions d'exercice des activités relatives à l'organisation et à la vente de voyages ou de séjours, laquelle a transposé en droit interne la directive 90/314/CEE du Conseil du 13 juin 1990 concernant les voyages, vacances et circuits à forfait, l'organisateur d'une croisière qui présente les caractères d'un forfait touristique, au sens de l'article L. 211-2 du même code.

Elle en a déduit que la cour d'appel qui constate qu'une société a organisé, non le seul transport des passagers, mais la totalité des opérations composant la croisière, en ce compris l'ensemble des services touristiques complémentaires offerts à ce titre, en déduit à bon droit que, dès lors que la combinaison de ces opérations constitue un forfait touristique, au sens de l'article L. 211-2, précité, cette société, en sa qualité d'organisateur du voyage ou du séjour, est responsable de plein droit de la bonne exécution des obligations résultant du contrat conclu par l'acheteur du forfait.

La haute juridiction a dès lors écarté la loi nationale régissant la responsabilité de l'organisateur de croisières maritimes au profit de la loi applicable à toute personne, physique ou morale, se livrant à une opération consistant en l'organisation ou la vente de voyages ou de séjours présentant les caractères d'un forfait touristique, texte national de transposition de la directive. Relevant que la société Costa Crociere avait organisé la totalité des opérations composant la croisière, en ce compris l'ensemble des services touristique, au sens de l'article L.211-2 du code du tourisme, elle en a déduit que, en sa qualité d'organisateur de voyages dont l'objet portait sur un forfait touristique, elle était responsable de plein droit de la bonne exécution des obligations résultant du contrat conclu avec l'intéressée.

Elle a ainsi fait primer le droit de l'Union européenne qui instaurait une meilleure protection au consommateur ayant conclu un contrat portant sur un forfait touristique et a écarté le droit interne applicable au transport maritime de passagers puisque la norme européenne invoquée était matériellement applicable et qu'elle ne prévoyait pas de dérogation comparable à celle édictée par la loi nationale applicable au transport maritime de passagers, y compris au titre d'une croisière.

Certes, le règlement n'était pas dans le débat puisqu'il n'était pas encore applicable et que la loi consumériste du 13 juillet 1992, issue de la transposition d'un texte du droit de l'Union européenne, pouvait être interprétée comme ayant abrogées implicitement les dispositions maritimistes antérieures de la loi du 18 juin 1966 relatives à la croisière maritime de sorte que l'adage specialia generalibus derogant apparaissait en l'espèce inopérant.

Depuis l'entrée en vigueur du règlement, la lecture qui fut celle de la Cour de cassation en 2015 apparaît cependant toujours aussi pertinente dès lors qu'il résulte clairement des dispositions du règlement que son application ne contrevient pas au régime de protection du consommateur mis en place par la directive. En effet, force est de constater, que le règlement ne prévoit toujours pas de dérogation au régime mis en place par la directive, comparable à celle édictée par la loi nationale dans ses articles L.5421-3 et suivants du code des transports, puisqu'il ne concerne pas le transport de passagers par mer ayant conclu un contrat portant sur un forfait touristique, mais un contrat portant sur le seul transport maritime des passagers.

La jurisprudence de la Cour de cassation de 2015, qui applique les principes dégagés par la CJUE dans son arrêt du 7 décembre 2010 (précité), trouve dès lors encore à s'appliquer même depuis l'entrée en vigueur du règlement.

Il sera ajouté que la fiche pratique édictée par la DGCCRF dont se prévaut la société Costa Crociere pour justifier sa demande de question préjudicielle porte sur le règlement n° 1177/2010 du Parlement européen et du Conseil du 24 novembre 2010 concernant les droits des passagers voyageant par mer ou par voie de navigation intérieure, pas sur le règlement 392/2009 (pièce 18 de l'appelante).

Certes, l'article 2, sous c), du règlement n° 1177/2010 précise bien qu'il s'applique aux passagers 'participant à une croisière lorsque le port d'embarquement est situé sur le territoire d'un État membre. Toutefois, l'article'16, paragraphe'2, les articles'18 et'19 et l'article'20, paragraphes'1 et'4, ne s'appliquent pas à ces passagers'.

Et l'article 3, sous t), de ce règlement intitulé 'Définitions', dispose que par 'croisière', il faut entendre 'un service de transport par mer ou par voie de navigation intérieure exploité exclusivement à des fins de plaisance ou de loisirs, complété par un hébergement et d'autres prestations, consistant en plus de deux nuitées à bord'.

Une telle définition s'apparente donc manifestement à celle retenue par la directive 90/314/CEE du Conseil du 13 juin 1990 du voyage à forfait de sorte que le règlement 1777/20 doit trouver à s'appliquer au transport de passagers par mer ayant conclu un contrat portant sur des voyages à forfait, des vacances et circuits à forfait au sens des dispositions précitées de la directive.

Cependant, ce règlement n° 1777/20 n'a pas pour objet l'indemnisation des passagers ayant subi des lésions corporelles, mais, conformément à son article 1er, il 'établit des règles pour le transport par voie maritime ou voie de navigation intérieure en ce qui concerne :

a) la non-discrimination entre les passagers pour ce qui est des conditions de transport offertes par les transporteurs ;

b) la non-discrimination et l'assistance pour les personnes handicapées et les personnes à mobilité réduite ;

c) les droits des passagers en cas d'annulation ou de retard ;

d) les informations minimales à fournir aux passagers ;

e) le traitement des plaintes ;

f) les règles générales en matière d'application'.

Et aucune disposition du règlement 1777/20 ne concerne la responsabilité des croisiéristes en cas de lésions corporelles subies par les passagers au cours de la croisière.

Son champ d'application ne concerne donc pas celui défini au règlement 392/2009. Il s'ensuit que, par le moyen qu'elle soulève tiré de la fiche pratique de la DGCCRF produite, pas plus que par les autres éléments invoqués par la société Costa Crociere, à savoir, les travaux de la commission des affaires étrangères du Sénat sur le Protocole de 2002 à la Convention d'Athènes (pièce 19), un jugement rendu par le tribunal de grande instance de Lyon le 2 décembre 2019 (pièce 20) qui sont inopérants en l'espèce, la société Costa Crociere ne justifie le bien-fondé de ses prétentions.

La conclusion précédemment exposée s'impose dès lors de plus fort.

Il découle de ce qui précède que c'est à bon droit que le premier juge a retenu que les dispositions des articles L.211-1 et suivants trouvaient toujours à s'appliquer à l'organisateur d'une croisière qui présente les caractères d'un forfait touristique au sens de la directive, malgré l'entrée en vigueur du règlement.

Il s'ensuit que la demande principale de la société Costa Crociere tendant à ce que cette cour transmette à la Cour de justice de l'Union européenne la question préjudicielle susmentionnée sera rejetée.

Sur l'application des dispositions de l'article L.211-16 du code du tourisme à la société Costa Crociere et la société Croisière Club

' Moyens des parties

La société Costa Crociere poursuit l'infirmation du jugement qui retient qu'elle relève des dispositions de l'article L.211-16 du code du tourisme alors que :

* les critères d'applicabilité du règlement et de la Convention d'Athènes qu'il transpose sont remplis en l'espèce ;

* en vertu de l'article 14 de l'annexe I audit règlement, le régime de responsabilité pour faute prouvée mis en oeuvre par ces normes 'supranationale' est exclusivement et impérativement applicable aux demandes d'indemnisation dirigées à l'encontre de la société Costa Crociere en conséquence de l'accident corporel survenu le 30 mars 2016 à bord du navire Costa Néoclassica ;

* l'article 8 de la directive a été édictée vingt et une années avant l'adhésion de la France à la convention d'Athènes de 1974 et ne peut dès lors avoir autorisé les Etats membres à déroger au régime de responsabilité pour faute prouvée mis en oeuvre par les dispositions de cette convention transposée par le règlement n° 392/2009 dans le cadre de croisières ;

* le régime de responsabilité de plein droit prévu par l'article L.211-16 du code du tourisme doit être écarté à l'égard de la société Costa Crociere en vertu du principe de primauté du 'droit communautaire, en ce qu'il est incompatible avec celui, pour faute prouvée, résultant des normes 'supranationales' précitées ;

* l'arrêt de la Cour de cassation du 9 décembre 2015 est inopérant puisqu'il a été rendu alors que le règlement n'était pas en vigueur.

La société Croisière Club poursuit l'infirmation du jugement qui retient sa responsabilité de plein droit alors que M. et Mme [V] ne démontrent pas que l'agence de voyages n'a pas exécuté ou a mal exécuté ses obligations contractuelles, pas plus qu'ils ne démontrent l'existence du lien de causalité entre les préjudices allégués et l'organisation du forfait touristique.

M. et Mme [V] sollicitent la confirmation du jugement de ce chef.

' Appréciation de la cour

Pour l'ensemble des motifs précédemment développés, les moyens soulevés par la société Costa Crociere ne sont pas fondés de sorte que le jugement en ce qu'il retient que la responsabilité de plein droit de l'organisateur de ce voyage à forfait touristique est engagée sera confirmé.

Il s'ensuit que les moyens de la société Costa Crociere fondés sur les dispositions du règlement sont inopérants.

Il apparaît très clairement des productions que M. et Mme [V] ont acheté à la société Croisière Club, agence de voyages, un forfait touristique constitué d'une croisière dans les îles grecques, d'une durée de 13 jours, du 30 mars au 11 avril 2016, pour lui-même et son épouse, Mme [V], au prix de 1 782 euros, sur un bateau de la société de droit italien la société Costa Crociere. Ce contrat incluait la croisière avec cinq escales, le logement, la pension complète, les animations à bord, la soirée de gala, l'usage de la piscine et de tous les équipements de bord.

Conformément aux dispositions des articles L.211-1, L.211-2 et L.211-16 du code du tourisme, textes de transposition de la directive, la responsabilité de plein droit de la société Croisière Club, en sa qualité de vendeur d'un voyage à forfait touristique, et de la société Costa Crociere, fournisseur des services inhérents à ce voyage, est donc engagée.

S'agissant de la société Croisière Club, contrairement à ce qu'elle soutient, dès lors que les prestations proposées par elle aux termes du contrat conclu relevaient du champ d'application des articles L.211-1 et L.211-2 du code du tourisme, ce qui est en l'espèce indiscutable, elle est responsable de plein droit, en sa qualité de vendeur, des préjudices subis par la victime, peu important que le dommage soit survenu au cours du transport, peu important que la preuve de l'existence d'une faute commise par elle dans l'exécution de ses prestations n'ait pas été rapportée, dès lors que cette opération était l'une de celles composant le forfait touristique (arrêt de la Cour de cassation du 9 décembre 2015, précité).

La responsabilité de plein droit de la société Costa Crociere et de la société Croisière Club étant engagée, pour s'exonérer de cette responsabilité, il leur revient de démontrer que l'accident à l'origine des lésions corporelles subies par Mme [V] est imputable à l'intéressée, ou bien au fait, imprévisible et insurmontable, d'un tiers étranger à la fourniture des prestations prévues au contrat, ou encore à un cas de force majeure.

L'arrêt de la cour d'appel de Versailles du 19 mars 2020 (3ème chambre civile, RG 18/8081) invoqué par la société Croisière Club est manifestement inopérant dès lors que cet arrêt a précisément été cassé par la Cour de cassation en raison de la méconnaissance que la juridiction tirait des dispositions du code du tourisme relatives au contrat de forfait touristique en retenant, pour rejeter les demandes de la victime d'une chute dans une aérogare alors qu'elle se rendait d'un avion à l'autre retient que, faute de prouver le rôle causal du sol dans la survenue de son dommage alors qu'il était seul maître de son déplacement, la victime ne démontrait pas que sa chute soit imputable à une prestation due par l'agence de voyages.

La haute juridiction a jugé que, en statuant ainsi, sans tirer les conséquences légales de ses propres constatations dont il résultait que la chute était intervenue lors de l'exécution d'une prestation prévue au forfait, de sorte qu'était engagée la responsabilité de plein droit de l'agence de voyages qui ne pouvait s'en exonérer qu'en prouvant une faute de l'acheteur, le fait d'un tiers ou une force majeure (1re Civ., 16 février 2022, pourvoi n° 20-18.500). Ce faisant, la Cour de cassation n'a fait que confirmer sa jurisprudence précédemment rappelée (arrêt de la Cour de cassation du 9 décembre 2015, précité).

Il est constant et nullement contesté que Mme [V] a chuté sur le bateau de croisière le 30 mars 2016 à proximité du buffet après avoir été bousculée dans une file d'attente par un autre passager, non identifié, et qu'elle est tombée sur le côté droit lui occasionnant divers préjudices.

Le fait de ce tiers à l'origine du dommage ne revêt pas le caractère d'imprévisibilité et d'insurmontabilité permettant auxdites sociétés de s'exonérer de leur responsabilité dès lors qu'une bousculade aux abords d'un buffet au cours d'une croisière apparaît fréquente, le comportement des vacanciers à l'approche des repas, aux abords des lieux de restauration, surtout lorsqu'ils sont situés dans des espaces restreints eu égard au nombre de passagers, étant habituellement désordonné ; que ces vacanciers privilégient habituellement la satisfaction de leurs besoins personnels au détriment de celui de leur prochain. Les bousculades, dans ce type de circonstances, n'apparaissent dès lors pas imprévisibles.

L'aménagement des abords des buffets, en particulier avec un sens de circulation, des chemins matérialisés et organisés, un personnel aux abords qui veillerait au respect des consignes consistent en autant de mesures de nature à éviter pareilles bousculades. Il s'ensuit que le fait du tiers à l'origine de l'accident de Mme [V] n'apparaît pas insurmontable.

L'événement à l'origine de cet accident ne revêt, compte tenu des circonstances de l'espèce, aucun caractère de force majeure.

Il découle de ce qui précède que c'est à bon droit que le premier juge a retenu la responsabilité de plein droit de la société Costa Crociere et de la société Croisière Club au titre des préjudices subis par M. et Mme [V].

Le jugement sera confirmé de ces chefs.

Sur la demande d'infirmation du jugement qui condamne l'assureur de la société Croisière Club in solidum avec son assuré et la société Costa Crociere

' Moyens des parties

La société Hiscox, assureur de la société Croisière Club, poursuit l'infirmation du jugement en ce qu'il la condamne in solidum avec son assurée, la société Croisière Club, et la société Costa Crociere alors qu'elle n'est pas responsable de plein droit des dommages subis par M. et Mme [V].

Elle ajoute qu'en toute hypothèse elle ne pourrait qu'être condamnée à relever et garantir son assuré.

La société Croisière Club conclut dans le même sens que son assureur.

M. et Mme [V] sollicitent la confirmation du jugement de ce chef.

La société Costa Crociere ne conclut pas précisément sur cette demande.

' Appréciation de la cour

C'est à bon droit que la société Hiscox fait valoir que la condamnation in solidum suppose que les responsables poursuivis par une victime en réparation des préjudices qu'elle a subis aient contribué, ensemble, par des fautes distinctes ou par différents faits, à la réalisation d'un même dommage.

En l'espèce, il est patent que la société Hiscox n'est pas responsable des dommages subis par M. et Mme [V], mais l'assureur de la société Croisière Club de sorte qu'elle ne peut qu'être condamnée à relever et garantir son assurée, la société Croisière Club.

Le jugement sera infirmé de ce chef et la société Hiscox, venant aux droits de la société Hiscox Insurance Company Limited, sera condamnée à relever et garantir la société Croisière Club des condamnations prononcées contre elle.

Sur les préjudices allégués par M. et Mme [V] et leur évaluation

C'est par d'exacts motifs, adoptés par cette cour, que le tribunal a statué comme il l'a fait au titre des préjudices tant matériel, que corporel ou moral subis par M. et Mme [V] et ordonné une expertise judiciaire avant dire droit sur l'indemnisation du préjudice corporel de Mme [V].

Comme indiqué précédemment à titre liminaire, une prétention non justifiée par des productions ne saurait être accueillie. Dans la mesure où M. et Mme [V] ne versent pas aux débats le rapport d'expertise judiciaire qui a été déposé le 7 février 2021 et que leurs adversaires font justement valoir qu'ils doivent pouvoir bénéficier d'un double degré de juridiction, leur demande d'évocation ne saurait prospérer.

Sur la demande en garantie de la société Croisière Club formée à l'encontre de la société Costa Crociere

' Moyens des parties

La société Croisière Club poursuit l'infirmation du jugement qui rejette son appel en garantie fondée sur la responsabilité contractuelle de la société Costa Crociere alors qu'il lui appartenait de tout mettre en oeuvre pour assurer la sécurité des voyageurs à bord du bateau et la bonne exécution des obligations résultant du contrat.

Elle souligne que c'est au prix de motifs contradictoires que le premier juge a retenu que l'organisateur du voyage n'avait commis aucun manquement en ne mettant pas en place un aménagement pour éviter des attroupements au buffet, tout en jugeant que l'accident de la requérante aurait pu être évité en mettant en place un tel aménagement.

Selon elle, il découle des propres énonciations du jugement, de la procédure et des productions que la société Costa Crociere est seule responsable des conséquences dommageables de l'accident survenu à Mme [V] le 30 mars 2016 de sorte qu'elle devra être condamnée à la relever et garantir de toutes les condamnations prononcées contre elle.

La société Costa Crociere poursuit la confirmation du jugement de ce chef et fait valoir qu'elle ne pouvait ni prévoir, ni empêcher le mouvement de l'un de ses 1186 passagers présent dans une file d'attente au moment des faits qui se retourne brusquement en bousculant ainsi la plaignante alors située derrière lui et la fait chuter. A l'appui de ce moyen, elle invoque un arrêt rendu par la Cour de cassation (2e Civ., 8 février 2018, pourvoi n° 16-26.198, Bull. 2018, II, n° 28).

Elle ajoute qu'un garde corps n'aurait pas permis d'empêcher cet accident et que celui-ci a été causé par un tiers et est caractérisé par son imprévisibilité et son irrésistibilité de sorte que ce cas de force majeure suffit à l'exonérer de sa responsabilité.

' Appréciation de la cour

Il ressort des productions et de la procédure, ainsi que des propres écritures de la société Costa Crociere, que l'accident survenu à Mme [V] a été causé par un des 1186 passagers du navire, non identifié, qui, après s'être servi au buffet, l'a bousculée avec sa main au niveau du dos de celle-ci après s'être retourné, porteur d'une assiette remplie de victuailles, et être donc revenu sur ses pas, bousculant ainsi Mme [V] qui attendait dans la file.

Il est constant et nullement contesté par la société Costa Crociere elle-même qu'un circuit d'accès au buffet n'avait pas été mis en place et que Mme [V] est une personne âgée.

Pour les raisons exposées précédemment, le caractère irrésistible, insurmontable et imprévisible d'un tel accident ne saurait être retenu.

Comme indiqué antérieurement également, il est clair que l'aménagement des abords des buffets, en particulier en mettant en place un sens de circulation, des chemins matérialisés et organisés, un personnel aux abords qui veillerait au respect des consignes de circulation consistent en autant de mesures de nature à éviter pareilles bousculades ; la ruée de 1186 passagers dans le même laps de temps, dans un espace restreint, pour se servir génère en effet des bousculades susceptibles de déséquilibrer des personnes âgées comme Mme [V], dont l'équilibre est plus précaire qu'une personne dans la force de l'âge, donc de nature à conduire à des chutes et des blessures.

Pour ne pas l'avoir fait, la société Costa Crociere a manqué à son obligation d'assurer la sécurité des voyageurs à bord du bateau et a failli aux obligations résultant du contrat.

Aucun manquement n'est en revanche caractérisé, imputable à la société Croisière Club de sorte que c'est à bon droit qu'elle sollicite la condamnation de la société Costa Crociere à la relever et garantir des condamnations prononcées contre elle.

Le jugement sera infirmé de ce chef et la société Costa Crociere sera condamnée à relever et garantir la société Croisière Club et la société Hiscox Insurance Company Limited, aux droits de laquelle vient la société Hiscox, des condamnations prononcées contre elles en principal et au titre des dépens et des frais irrépétibles.

Sur la demande de M. et Mme [V] tendant à déclarer la décision à intervenir commune à la CPAM

Cette demande n'est pas motivée, mais la CPAM étant partie à la procédure une telle demande n'apparaît pas présenter un intérêt.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

Le sens du présent arrêt conduit à confirmer le jugement en ses dispositions relatives aux dépens et aux frais irrépétibles, sauf en ce qu'il rejette l'appel en garantie de la société Hiscox Insurance Company Limited, aux droits de laquelle vient la société Hiscox, et la société Croisière Club. Pour les motifs susmentionnés, leur appel en garantie de ces chefs sera dès lors accueillie.

La société Costa Crociere sera condamnée aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile. Par voie de conséquence, sa demande fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile sera rejetée.

L'équité commande que la société Costa Crociere soit condamnée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile à verser les sommes suivantes :

* 5 000 euros à M. et Mme [V] (ensemble) ;

* 4 000 euros à la société Hiscox et à la société Croisière Club (ensemble).

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant par arrêt contradictoire et mis à disposition,

Dans les limites de l'appel,

MET hors de cause la société Hiscox Insurance Company Limited ;

DÉCLARE recevable la société Hiscox en son intervention volontaire ;

REJETTE la demande de renvoi de questions préjudicielles devant la Cour de justice de l'Union Européenne formée par la société Costa Crociere ;

INFIRME le jugement en ce qu'il condamne in solidum la société Hiscox Insurance Company Limited avec la société Costa Crociere et la société Croisière Club à verser diverses sommes à M. et Mme [V] en réparation des préjudices subis résultant de l'accident survenu le 30 mars 2016 ;

INFIRME le jugement en ce qu'il rejette l'appel en garantie de la société Croisière Club et de la société Hiscox Insurance Company Limited, aux droits de laquelle vient la société Hiscox, à l'encontre de la société Costa Crociere ;

INFIRME le jugement en ce qu'il dit que, dans leurs rapports entre elles, la société Costa Crociere Spa, d'une part, et la SARL Croisière Club in solidum avec la société Hiscox Insurance Company Limited, d'autre part, supporteront la charge des condamnations pour moitié chacune ;

Le CONFIRME pour le surplus ;

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

REJETTE la demande de M. et Mme [V] fondée sur les dispositions de l'article 568 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la société Hiscox Insurance Company Limited, aux droits de laquelle vient la société Hiscox, à relever et garantir la société Croisière Club des condamnations prononcées contre elle ;

CONDAMNE la société Costa Crociere à relever et garantir la société Croisière Club et la société Hiscox Insurance Company Limited, aux droits de laquelle vient la société Hiscox, des condamnations prononcées contre elles ;

DIT n'y avoir lieu à déclarer la décision à intervenir commune à la CPAM du Puy de Dôme venant aux droits de la CPAM du Cantal ;

CONDAMNE la société Costa Crociere aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la société Costa Crociere à verser, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, les sommes suivantes :

* 5 000 euros à M. et Mme [V],

* 4 000 euros à la société Hiscox et à la société Croisière Club ;

REJETTE la demande de la société Costa Crociere fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

- signé par Madame Anna MANES, présidente, et par Madame Natacha BOURGUEIL, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier, La Présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 1re chambre 1re section
Numéro d'arrêt : 20/05898
Date de la décision : 14/02/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-02-14;20.05898 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award