COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 51B
1re chambre 2e section
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 14 FEVRIER 2023
N° RG 21/06096 - N° Portalis DBV3-V-B7F-UYTU
AFFAIRE :
M. [E] [X]
...
C/
La SCIC HLM AB HABITAT, venant aux droits de l'OPI HLM [Localité 4] [Localité 3]
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 07 Septembre 2021 par le Juridiction de proximité de SANNOIS
N° RG : 11/1200054
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le : 14/02/23
à :
Me Mokhtar FERDAOUSSI
Me Sylvie DERACHE-DESCAMPS
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE QUATORZE FEVRIER DEUX MILLE VINGT TROIS,
La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
Monsieur [E] [X]
né le 19 Mai 1965 à [Localité 5]- MAROC
de nationalité Française
[Adresse 2]
[Localité 3]
Présent à l'audience
Représentant : Maître Mokhtar FERDAOUSSI, Postulant et Plaidant, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, vestiaire : 326
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2021/015656 du 11/03/2022 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de VERSAILLES)
Madame [O] [W] épouse [X]
née le 20 Octobre 1975 à [Localité 6] - MAROC
de nationalité Française
[Adresse 2]
[Localité 3]
Présente à l'audience
Représentant : Maître Mokhtar FERDAOUSSI, Postulant et Plaidant, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, vestiaire : 326
APPELANTS
****************
La SCIC HLM AB HABITAT, venant aux droits de l'OPI HLM [Localité 4] [Localité 3]
N° SIRET : 807 567 136 RCS Pontoise
Ayant son siège
[Adresse 1]
[Localité 3]
prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
Représentant : Maître Sylvie DERACHE-DESCAMPS de la SELARL DERACHE-DESCAMPS SUDRE, Postulant et Plaidant, avocat au barreau de VAL D'OISE, vestiaire : 154 - N° du dossier 402320
INTIMEE
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 22 Novembre 2022 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Jean-Yves PINOY, conseiller et Monsieur Philippe JAVELAS, président, chargé du rapport.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Monsieur Philippe JAVELAS, Président,
Monsieur Jean-Yves PINOY, Conseiller,
M. Frédéric BRIDIER, Vice Président placé,
Greffier, lors des débats : Madame Françoise DUCAMIN,
EXPOSÉ DU LITIGE
Par acte sous seing privé du 29 octobre 2007, l'Office Public intercommunal d'HLM [Localité 4] [Localité 3] aux droits duquel intervient la SCIC AB Habitat, a donné en location à M. [E] [X] et Mme [O] [X] un appartement n°55 situé [Adresse 2]) pour un loyer mensuel initial de 529, 43 euros, outre un dépôt de garantie du même montant.
Faisant valoir que M. et Mme [X] ne faisaient pas un usage paisible des lieux loués, la société AB Habitat les a assignés par acte de commissaire de justice du 12 mai 2021 devant le juge des contentieux de la protection du tribunal de proximité de Sannois aux fins de le voir, sous le bénéfice de l'exécution provisoire :
- constater que M. et Mme [X] ne respectent pas la jouissance paisible des lieux,
- constater que M. et Mme [X] ne respectent pas les conditions d'occupation des lieux,
- prononcer la résiliation du bail aux torts de M. et Mme [X],
- ordonner l'expulsion de M. et Mme [X] et de tous occupants et meubles de leur chef avec, en cas de besoin, le concours de la force publique, à compter du jugement,
- autoriser la séquestration des meubles et objets mobiliers trouvés dans les lieux lors de l'expulsion, dans tel garde-meuble de son choix au frais, risques et périls de M. et Mme [X],
- condamner solidairement M. et Mme [X] à lui verser une indemnité mensuelle d'occupation égale au montant du loyer contractuel et des charges locatives qui sera perçue dans les mêmes conditions que celles prévues au contrat,
- condamner solidairement M. et Mme [X] à lui payer la somme de 1 500 euros à titre de dommages et intérêts,
- condamner solidairement M. et Mme [X] à lui verser la somme de 1 200 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner solidairement M. et Mme [X] aux entiers dépens comprenant le coût du procès-verbal d'huissier établi le 19 mars 2021.
Par jugement contradictoire rendu le 7 septembre 2021, le juge des contentieux de la protection du tribunal de proximité de Sannois a :
- prononcé la résiliation judiciaire du bail signé entre les parties aux torts de M. et Mme [X],
- ordonné en conséquence à M. et Mme [X] et à tous occupants de leur chef de quitter les lieux et dit qu'à défaut, il pourrait être procédé à leur expulsion et à celle de tous occupants de leur chef, au besoin à l'aide de la force publique et d'un serrurier faute de libération volontaire de l'appartement n°55 sis [Adresse 2],
- autorisé la séquestration des meubles garnissant les lieux loués en conformité avec les dispositions de la loi du 9 juillet 1991 et du décret du 31 juillet 1992 en tant que de besoin dans les lieux loués ou dans un garde-meuble aux frais avancés de M. et Mme [X],
- condamné solidairement M. et Mme [X] à verser à la société AB Habitat une indemnité d'occupation mensuelle égale au montant du loyer tel qu'il résulterait de l'application du contrat résilié jusqu'à parfaite libération des lieux,
- rejeté la demande de dommages et intérêts de la société AB Habitat,
- condamné in solidum M. et Mme [X] à payer à la société AB Habitat la somme de 300 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné in solidum M. et Mme [X] aux dépens comprenant le coût de la sommation de faire cesser les troubles du 11 mars 2020 et du procès-verbal de constat établi le 19 mars 2021,
- rappelé que l'exécution provisoire était de droit,
- rejeté toute autre demande.
Par déclaration reçue au greffe le 7 octobre 2021, M. et Mme [X] ont relevé appel de ce jugement.
Aux termes de leurs conclusions signifiées le 1er avril 2022, les époux [X], appelants, demandent à la cour de :
- constater que la société AB Habitat ne rapporte pas la preuve d'avoir subi un préjudice pour justifier la résiliation du bail signé entre les parties le 29 octobre 2007,
- constater que la société AB Habitat ne rapporte pas la preuve de la faute commise par eux pour justifier la résiliation du bail signé entre les parties le 29 octobre 2007,
En conséquence,
- déclarer recevable et bien fondé l'appel formé par eux à l'encontre du jugement du tribunal de proximité de Sannois du 7 septembre 2021 et notamment en ce qu'il a prononcé la résiliation judiciaire du bail signé entre les parties à leurs torts et en ce qu'il leur a ordonné ainsi qu'à tout occupant de leur chef de quitter les lieux et dit qu'à défaut il pourrait être procédé à leur expulsion ainsi qu'à celle de tout occupant de leur chef, au besoin avec l'aide de la force publique et d'un serrurier,
- réformer le jugement du tribunal de proximité de Sannois du 7 septembre 2021,
- débouter purement et simplement la société AB Habitat de l'intégralité de ses demandes,
- déclarer irrecevable sa demande de résiliation judiciaire du bail signé entre les parties,
- condamner la société AB Habitat à leur payer la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la société AB Habitat en tous les dépens.
Aux termes de ses conclusions signifiées le 19 juillet 2022, la société AB Habitat, intimée et appelante à titre incident, demande à la cour de :
- dire et juger M. et Mme [X] mal fondés en leurs demandes,
- constater que M. et Mme [X] ont manqué à leurs obligations contractuelles,
En conséquence,
- confirmer le jugement déféré en ce qu'il a :
* prononcé la résiliation judiciaire du bail signé entre les parties aux torts de M. et Mme [X],
* ordonné en conséquence à M. et Mme [X] et à tous occupants de leur chef de quitter les lieux et dit qu'à défaut, il pourrait être procédé à leur expulsion et à celle de tous occupants de leur chef, au besoin à l'aide de la force publique et d'un serrurier faute de libération volontaire de l'appartement n°55 sis [Adresse 2],
* autorisé la séquestration des meubles garnissant les lieux loués,
* condamné les époux [X] à lui verser une indemnité d'occupation égale au montant du loyer,
* condamné solidairement les époux [X] à lui payer la somme de 300 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- réformer le jugement en ce qu'il l'a déboutée de sa demande de dommages et intérêts,
Statuant à nouveau,
- condamner solidairement les époux [X] à lui payer la somme de 1 500 euros à titre de dommages et intérêts,
En tout état de cause,
- condamner solidairement les époux [X] à lui verser la somme de 1 500 euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice subi,
- condamner solidairement les époux [X] à lui verser la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,
- condamner les époux [X] aux entiers dépens de l'instance.
La clôture de l'instruction a été prononcée le 3 novembre 2022.
Conformément à l'article 455 du code de procédure civile, pour plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens soutenus par les parties, la cour se réfère à leurs écritures et à la décision déférée.
MOTIFS DE LA DÉCISION
I) Sur la résiliation du bail et les conséquences qu'elle emporte
Les époux [X] critique, en cause d'appel, le jugement en ce qu'il a prononcé la résiliation judiciaire de leur bail et ordonné leur expulsion.
En cause d'appel et au soutien de leur de demande d'infirmation, ils font valoir que :
- ils ont toujours respecté leurs obligations contractuelles et le voisinage, comme en témoignent les nombreuses attestations qu'ils versent aux débats, et joui paisiblement des lieux,
- le trouble de jouissance invoqué par leur voisine, qui n'est nullement démontré par les pièces produites par l'intimée, n'est qu'un prétexte, un ' coup monté' pour permettre à sa bailleresse d'engager une procédure d'expulsion à l'encontre de sa famille et la faire taire, en raison de ses nombreuses revendications légitimes et liées à l'état très dégradé du bâtiment à l'égard de la société AB habitat,
- la preuve de ce ' coup monté' est rapportée par le témoignage de M. [V], (pièce n°38), ancien directeur général d'AB habitat démis de ses fonctions par la nouvelle présidente de la société d'HLM, qui reconnaît que l'expulsion de M. [X] ne se justifie pas,
- l'expulsion de la famille [X] remettrait en cause la poursuite des études de leurs enfants,
- le premier juge a violé le principe du contradictoire en rejetant la demande de renvoi des époux [X], en refusant que l'on entende les témoins présents qui auraient pu éclairer le tribunal, et en ne prenant pas en considération les attestations en sa faveur qui démontrent que lui et sa famille sont des gens ' aimables' qui ne causent de nuisances à personne.
La bailleresse intimée réplique que :
- les troubles du voisinage et les incivilités reprochés aux époux [X] sont établis et M. [X] a reconnu les faits que lui reproche sa voisine,
- les allégations que lui prêtent les appelants qui sont graves ne sont pas démontrées, les appelants ne procédant que par voie d'affirmations, et les époux [X] tentent de justifier leur comportement inadapté en usant de moyens infondés,
- les coupures de presse utiliséees par les époux [X] ne concernent pas le présent litige qui porte sur une demande de résiliation de bail justifiée par des troubles du voisinage,
- l'attestation de M. [V], qui comportent de nombreuses inexactitudes, a été rédigée le jour où cet ancien directeur général a été démis de ses fonctions par le conseil d'administration de la société AB habitat et, selon le témoignage de M. [N], secrétaire général de la société AB Habitat, après que l'association des locataires présidée par la soeur de M. [X] eut apporté son soutien à M. [V] afin qu'il soit maintenu à son poste de directeur général mandataire soocial de la coopérative AB Habitat,
- le principe du contradictoire a été respecté par le premier juge : M. [X] n'a sollicité aucun renvoi pour préparer utilement sa défense, l'audition de témoins relève du pouvoir discrétionnaire du juge, et le premier juge a été contraint lors de l'audience de plaidoirie de reprendre M. [X] en raison de son attitude aggressive.
Réponse de la cour
L'article 1728 alinéa 1 du code civil prévoit que le preneur est tenu de l'obligation d'user de la chose louée raisonnablement, et suivant la destination qui lui a été donnée par le bail, ou suivant celle présumée d'après les circonstances, à défaut de convention.
L'article 1729 du Code civil dispose précise que« Si le preneur n'use pas de la chose louée raisonnablement ou emploie la chose louée à un autre usage que celui auquel elle a été destinée, ou dont il puisse résulter un dommage pour le bailleur, celui-ci peut, suivant les circonstances, faire résilier le bail ».
L'article 7 b) de la loi n°89-462 du 6 juillet 1989, relative aux baux d'habitation, dispose que « Le locataire est obligé d'user paisiblement des locaux loués suivant la destination qui leur a été donnée par le contrat de location ».
En l'espèce, M. [X], qui conteste les troubles et incivilités qui lui sont reprochés, produit plusieurs attestations de voisins en sa faveur :
- témoignage de Mme [J] attestant que M. [X] est un homme gentil et serviable et que ses enfants ne sont jamais présents dans le bâtiment,
- témoignage de M. [H] mentionnant qu'il n'a aucun reproche à faire à M. [X], son voisin du dessus, qui n'a jamais causé de nuisances sonores,
- témoignage de Mme [A], qui indique n'avoir pas de problème avec les enfants [X],
- témoignage de M. [S] déclarant soutenir la famille [X],
- témoignage de Mme [Y] indiquant que les enfants [X] sont serviables et que M. [X] l'a dépannée lorsque son chauffe-eau dysfonctionnait,
- témoignage de M. [I] mentionnant que lorsque son père a été blessé au visage dans un accident, M. [X] l'a accueilli chez lui pour qu'il puisse appeler les secours,
- témoignage de Mme [L] déclarant n'avoir pas de problème avec ses voisins,
- témoignage enfin de M. [V], ancien directeur de la société AB Habitat du 3 février 2022, qui dénonce la diligence des actions entreprises contre ce locataire, qui questionne sur la volonté de sanctionner ce locataire pour les faits autres que ceux invoqués, indique avoir la conviction que l'expulsion n'est pas justifiée et que M. [X] ' est victime d'une certaine forme de harcèlement au vu des éléments du dossier'.
M. [X] produit, par ailleurs, différentes coupures de presse et un tract du syndicat CGT faisant état de dysfonctionnements au sein de la société bailleresse qui gère près de 12 000 logements à [Localité 4] et [Localité 3].
Toutefois, il convient de relever que les voisins ayant témoigné en faveur des époux [X] ne résident pas sur le même palier et ne peuvent donc subir les mêmes troubles de jouissance que Mme [P] dont les plaintes sont à l'origine de la procédure.
Par ailleurs, la société AB Habitat produit un procès-verbal du conseil d'administration du 3 février 2022 permettant de constater que M. [V], a été révoqué le jour même où il a attesté en faveur de la famille [X] en raison de dysfonctionnements dans la préparation des réunions du conseil d'administration, absence d'anticipation dans le financement de certaines opérations, absence d'anticipation dans les relations avec les attributaires de logement et dégradation des relations sociales au sein de la coopérative, qui ferait l'objet d'un consensus au sein du personnel.
La société AB Habitat verse, en outre, aux débats un procès-verbal de constat de commissaire de justice du 24 juin 2002, consignant les témoignages de MM. [D], directeur général de l'agence de [Localité 3], et [N], secrétaire général, et de Mme [U], responsable du service contentieux,dont il resssort en substance que M. [X] entretient des relations très conflictuelles avec sa voisine de palier, Mme [P], que le gardien de l'immeuble, M. [R], a confirmé la présence d'encombrants sur le palier, que plusieurs tentatives de conciliation avec M. [X] ont avorté, M. [X] refusant toute conciliation et estimant qu'il appartenait à Mme [P] de quitter l'immeuble et faisant valoir qu'il a beaucoup aidé Mme [P] à son arrivée mais que cette dernière s'est rapprochée de lui et qu'il a refusé de répondre à ses avances, que les mises en demeures et rappels à l'ordre adressés à M. [X] sont demeurés vains, qu'un collectif de locataires citoyens présidé par la soeur de M. [X], n'a eu de cesse de se manifester auprès de la société AB Habitat, que M. [V], alors directeur général, a eu connaissance bien avant le mois de février 2022, de ce dossier qui revêtait un caractère sensible en raison de l'intervention du collectif de locataires et de sa présidente, et à propos duquel il avait sollicité des informations auprès de ses deux directeurs adjoints, qu'enfin, M. [V] a reçu le soutien du collectif de locataires présidé par la soeur de M. [X], qui souhaitait qu'il fût maintenu dans ses fonctions de directeur général et lui a apporté son soutien.
Ces éléments de contexte et la concomitance du témoignage de M. [V] avec sa révocation laisse planer un doute sur l'objectivité de ce témoignage et en atténuent la valeur probante.
Ils ne permettent pas, en outre, d'accorder foi aux allégations de M. [X] selon lesquelles sa bailleresse le poursuivrait de sa vindicte au motif qu'il serait un locataire génant et se plaignant sans cesse et à juste titre du mauvais état de son appartement et de l'immeuble dans lequel il réside, d'autant plus que les allégations de M. [X] sur le délabrement de son appartement et de l'immeuble ne sont pas démontrées au vu des pièces qu'il verse aux débats.
Enfin, les coupures de presse et tracts syndicaux produits sont étrangers aux débats qui doivent permettre de déterminer si les manquements reprochés à la famille [X] sont établis.
Dans cette perspective et afin de rapporter cette preuve qui lui incombe, la bailleresse intimée, qui poursuit la confirmation du jugement déféré, verse aux débats :
- neuf courriers de doléances de Mme [P] des 15 mai 2018, 3 janvier 2020, 21 janvier 2020, 2 mars 2020, 4 avril 2020, 8 mars 2021, 7 février 2022, 19 avril 2022, 15 juin 2022, dans lesquels Mme [P] se plaint des nuisances sonores diurnes et nocturnes réitérées, et des aggressions verbales de la famille [X]. Mme [P] écrit notamment dans son courrier du 21 janvier 2020 s'être fait insulter en ces termes :
' Espèce de salope, tu as contacté AB Habitat, je vais te niquer espèce de sale pute, tu vas voir ce qui va t'arriver, espèce de sale algérienne de merde ; nous on est des marocains ; on est des vrais hommes et on encule les algériens, petite pute, d'ici avril tu vas dégager d'ici salope'.
Il est mentionné sur le jugement dont appel que M. [X] a reconnu à l'audience avoir insulté sa voisine.
- un courrier électronique du gardien du 26 février 2020 faisant état auprès de la bailleresse des plaintes de Mme [P],
- un procès-verbal de constat du 19 mars 2021, dans lequel le commissaire instrumentaire constate la présence d'une grande armoire sur le palier fermée par un cadenas et limitant la circulation,
M. [X] a reconnu devant le premier juge avoir entreposé cette armoire sans autorisation du gardien.
- deux sommations d'avoir à cesser les troubles par actes de commissaires de justice des 11 mars 2021 et 19 mars 2021,
- un constat d'échec, daté du 2 novembre 2020, d'une tentative préalable de conciliation sollicitée par la bailleresse.
Il résulte de ces pièces que M. [X], bien qu'il s'en défende devant la cour, a manqué à son obligation de jouir paisiblement des locaux qui lui ont été donnés à bail, notamment en étant à l'origine de nuisances sonores douloureusement ressenties par sa voisine, Mme [P] et en s'adressant à cette dernière en des termes que la loi et la bienséance condamnent.
Il convient de rappeler ici que les nuisances que se causent entre eux les locataires engagent la responsabilité de leur bailleur commun et que le bailleur est, par suite, tenu de réparer les dommages résultant du trouble de jouissance que ses locataires se causent entre eux en application des dispositions de l'article 1725 du code civil.
Ces incivilités, compte tenu de leur caractère réitéré sur une longue période de temps, et des conséquences qu'elles ont sur la vie de Mme [P], qui vit seule avec son enfant, sont suffisamment graves pour justifier la résiliation du bail.
C'est donc à bon droit que le premier juge a prononcé cette résiliation.
Les époux [X] invoquent en vain une violation du principe du contradictoire par le premier juge, dont ils ne tirent du reste aucune conséquence juridique, dès lors qu'il n'est pas établi que M. [X], qui a comparu en personne devant le premier juge, se serait vu refuser une demande de renvoi aux fins d'organiser sa défense, et où le premier juge n'était pas tenu de donner la parole aux personnes présentes dans la salle d'audience et venues soutenir M. [X], étant, en outre, relevé que le juge apprécie souverainement la valeur et la portée des éléments de preuve qui lui sont soumis dans les attestations versées aux débats par les parties.
Par suite, le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il prononcé la résiliation judiciaire du bail consenti aux époux [X] et subséquemment ordonné l'expulsion de ces derniers et celle de tous occupants de leur chef et les a condamnés au paiement d'une indemnité d'occupaiton jusqu'à la libération définitive des lieux.
II) Sur les dommages et intérêts sollicités par la bailleresse intimés
La société AB Habitat, formant appel incident du chef du jugement déféré l'ayant déboutée de sa demande de dommages et intérêts, fait valoir qu'elle a été contrainte de se mobiliser et d'intervenir à de nombreuses reprises pour faire cesser les nuisances commises par la famille [X].
Réponse de la cour
La société d'HLM AB Habitat ne justifie d'aucune préjudice autre que celui résultant de son obligation d'initier une procédure à l'encontre des époux [X], ce dont elle a été indemnisée en première instance par l'octroi d'une somme au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Le jugement est donc également confirmé du chef ayant rejeté la demande de dommages et intérêts de l'intimée.
III) Sur les demandes accessoires
Les époux [X], qui succombent pour l'essentiel, seront condamnés aux dépens d'appel, les dispositions du jugement déféré relatives aux dépens de première instance et aux frais irrépétibles non compris dans ces mêmes dépens, étant, par ailleurs, confirmées.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant contradictoirement et par mise à disposition au greffe
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant
Déboute M. et Mme [X] de la totalité de leurs demandes ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne in solidum M. et Mme [X] à payer à la société AB Habitat une indemnité de 2 000 euros ;
Condamne M. et Mme [X] aux dépens de la procédure d'appel, qui seront recouvrés conformément aux dispositions sur l'aide juridictionnelle.
- prononcé hors la présence du public par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Monsieur Philippe JAVELAS, Président et par Madame Françoise DUCAMIN, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,