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08/03/2023 | FRANCE | N°19/04104

France | France, Cour d'appel de Versailles, 17e chambre, 08 mars 2023, 19/04104


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 80A



17e chambre



ARRÊT N°



CONTRADICTOIRE



DU 8 MARS 2023



N° RG 19/04104

N° Portalis DBV3-V-B7D-TR75



AFFAIRE :



[F] [H]





C/



Société EXPERTISES [L]









Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 30 octobre 2019 par le Conseil de Prud'hommes Formation paritaire de NANTERRE

Section : E

N° RG : F 17/02035



Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :



Me Clémentine TELLIER MAZUREK



Me Hélène DE SAINT GERMAIN SAVIER







le :





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE HUIT MARS DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d'appel de V...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

17e chambre

ARRÊT N°

CONTRADICTOIRE

DU 8 MARS 2023

N° RG 19/04104

N° Portalis DBV3-V-B7D-TR75

AFFAIRE :

[F] [H]

C/

Société EXPERTISES [L]

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 30 octobre 2019 par le Conseil de Prud'hommes Formation paritaire de NANTERRE

Section : E

N° RG : F 17/02035

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Clémentine TELLIER MAZUREK

Me Hélène DE SAINT GERMAIN SAVIER

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE HUIT MARS DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Monsieur [F] [H]

né le 7 février 1963 à [Localité 5] ([Localité 5])

de nationalité française

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentant : Me Michel VERNIER, Plaidant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 192 et Me Clémentine TELLIER MAZUREK, Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire: 579

APPELANT

****************

Société EXPERTISES [L] venant aux droits de la société [L] EXPERTISES TECHNIQUES IMMOBILIERES (GETI)

N° SIRET : 331 577 965

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentant : Me Hélène DE SAINT GERMAIN SAVIER de la SELARL CVS, Plaidant/ Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire: P0098

INTIMÉE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 5 janvier 2023 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Nathalie GAUTIER, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Aurélie PRACHE, Président,

Monsieur Laurent BABY, Conseiller,

Madame Nathalie GAUTIER, Conseiller,

Greffier lors des débats : Madame Dorothée MARCINEK

RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

M. [F] [H] a été engagé en qualité de directeur de la société, par contrat de travail à durée indéterminée, à compter du 17 février 2014, par la SARL [L] Expertises Techniques Immobilières (la société GETI).

Cette société, qui est une filiale de la société Expertises [L] laquelle exerce une activité d'expertise après sinistres et effectue des évaluations immobilières et industrielles, applique la convention collective nationale dite Syntec, . Elle est spécialisée dans l'expertise technique et les audits immobiliers de bâtiments, et son effectif était de moins de 10 salariés lors de la rupture.

Par lettre du 9 février 2016 M. [H] a été convoqué à un entretien préalable en vue d'un éventuel licenciement, fixé le 17 février 2016.

M. [H] a été licencié par lettre du 22 février 2016 pour cause réelle et sérieuse dans les termes suivants:

« Vous avez été engagé au sein de notre société le 17 février 2014 et vous occupez à ce jour la fonction de Directeur de la société GETI.

Cette société est une des filiales de la société Expertises [L]. A ce titre, les services qu'elle développe font partie intégrante des prestations du Groupe [L]. Il est donc indispensable que la vision de développement et de stratégie de la filiale soit en concordance avec celle du Groupe et donc du Directoire qui la dirige.

Or il s'avère que des points de divergence ressortent de plus en plus fortement, notamment avec les directives données par le gérant de la société GETI traitant des sujets tant organisationnel, stratégie de développement, stratégie de déploiement, recrutement, objectifs, budgets et rentabilité.

En effet, à titre d'exemple, nous pouvons mentionner les points suivants:

- Nous vous avions demandé de mettre en place dès septembre 2015 une sous-traitance sur le plan national afin de pouvoir réaliser les prestations vendues par nos commerciaux et ce, compte tenu du manque temporaire de ressource technique. Vous deviez à ce titre référencer des sous-traitants et en faire part à la direction régionale concernée. Aucune information ne nous est parvenue à ce sujet et aucune confirmation de la mise en place de cette action n'a été réalisée à ce jour ce qui provoque un retard dans la mise en oeuvre de solutions techniques indispensables à notre activité.

- Nous vous avions également demandé de ne pas hésiter à répondre et même à prendre les affaires vendues par la force commerciale et ce, même si la rentabilité était moindre. Or, vous n'avez pas suivi cette consigne et avez refusé de traiter certaines affaires que vous jugiez « peu rentables », ce qui nous a obligé à faire traiter les dossiers par de la sous-traitance alors que nous aurions pu développer l'activité de la filiale. Pour en revenir sur ce point, nous n'avons pas la même vision de ce que nous entendons par « rentabilité » car les affaires proposées permettaient de garder une marge tout à fait correcte. De plus, nous voyons par la même notre différence sur la façon d'aborder le redressement de la filiale.

Ce dernier point nous met en situation de difficulté notamment vis-à-vis de la force commerciale qui, à ce jour, a du mal à reprendre confiance dans la mise en oeuvre technique que peut réaliser GETI compte tenu notamment des réponses longues et/ou ambigües faites en appui à la force commerciale sur des devis ou appels d'offres.

- Enfin, nous étions tombés d'accord sur le recrutement de deux collaborateurs sur [Localité 6] et ce lors de notre réunion du 26 janvier 2016. Cependant, dans le mail que vous m'avez adressé le 29 janvier 2016, nous ne pouvons que constater votre incompréhension du sujet.

Votre mail du 29 janvier 2016 démontre sur plusieurs aspects votre remise en cause constante des décisions pourtant prises d'un commun accord en amont. Vous revenez fréquemment sur ces décisions ou restez sur votre position : le remplacement du technico commercial actuellement en arrêt maladie en est la preuve ainsi que les missions afférentes; voire même une mauvaise interprétation des sujets évoqués : recrutement, rémunération. Nous vous avons pourtant rappelé à maintes reprises que la commercialisation doit se faire par la force commerciale [L] et par un appui technico- commercial de la filiale.

Nous vous rappelons également qu'en tant que Directeur d'une société de 10 collaborateurs, nous attendons de votre part une prise en main de sujets commerciaux, techniques ou autres et ce, outre de suppléer à l'absence parfois temporaire d'un membre de votre équipe de vous inscrire dans la stratégie de déploiement opérationnel à long terme. Or, à cette demande vous vous retranchez derrière votre fonction de gestionnaire qui a été, selon vous, l'unique raison de votre embauche. Nous avions espéré que vous comprendriez que chacun doit s'investir fortement, même sur des sujets qui ne sont parfois pas les nôtres, pour développer une société de cette taille. Votre rôle de Directeur est de montrer l'exemple tant en interne que vis-à-vis des collaborateurs du Groupe [L].

Nous ne pouvons que constater la différence qui vous oppose à la gérance et au directoire du Groupe [L] sur la vision stratégique et de développement de la filiale. Nous ne pouvons nous permettre de ne pas travailler en confiance avec le directeur d'une de nos sociétés et membre du comité de direction lorsque nous pensons les décisions actées. Force est de constater que les décisions prises sont souvent remises en cause ou contestées par vos soins.

Vous comprendrez, dès lors, que nous ne pouvons poursuivre la relation contractuelle qui nous lie.

Nous sommes en conséquence conduits à vous notifier, par la présente, votre licenciement. (...) »

Le 18 mars 2016, M. [H] a saisi le conseil de prud'hommes de Nanterre aux fins de contester son licenciement.

Une ordonnance de radiation a été prononcée le 20 juin 2017 pour défaut de diligences des parties et l'affaire a été réinscrite au rôle le 12 juillet 2017.

Le 29 décembre 2017, à la suite d'une fusion-absorption, la société Expertises [L] est venue aux droits de la société GETI.

Par jugement du 30 octobre 2019, le conseil de prud'hommes de Nanterre (section encadrement) a :

- débouté M. [F] [H] de l'ensemble de ses demandes,

- débouté la société Expertises [L] de sa demande reconventionnelle,

- condamné M. [H] aux entiers dépens.

Par déclaration adressée au greffe le 15 novembre 2019, M. [H] a interjeté appel de ce jugement.

Une ordonnance de clôture a été prononcée le 1er février 2022.

Par arrêt du 19 avril 2022, la cour a ordonné une médiation acceptée par les parties à l'issue de l'audience tenue le 7 avril 2022. Celle-ci ayant échoué, l'affaire a été rappelée à l'audience du 5 janvier 2023.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Vu les dernières conclusions transmises par voie électronique le 26 janvier 2022, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à l'article 455 du code de procédure civile et aux termes desquelles M. [H] demande à la cour de déclarer recevable et bien fondé l'appel interjeté à l'encontre du jugement, de le reformer, et statuant à nouveau de:

- dire que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse,

- condamner en conséquence la société Expertises [L], venant aux droits de la société GETI, à lui verser les sommes suivantes :

. 161 592 euros (24 mois), nets de prélèvements sociaux, à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, sur le fondement de l'article L 1235-5 du code du travail (dans sa rédaction applicable à la date des faits),

. 3 000 euros à titre d'indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société Expertises [L], venant aux droits de la société GETI, aux dépens qui comprendront les éventuels frais d'exécution forcée de la décision à intervenir, ainsi que les frais de signification de l'arrêt,

- débouter la société Expertises [L], venant aux droits de la société GETI, de son appel incident au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Vu les dernières conclusions transmises par voie électronique le 31 janvier 2022, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à l'article 455 du code de procédure civile et aux termes desquelles la société Expertises [L], venant aux droits de la société [L] Expertises Techniques Immobilières (GETI) demande à la cour de :

sur le licenciement,

à titre principal,

- dire le licenciement de M. [H] bien fondé sur une cause réelle et sérieuse,

- confirmer le jugement du 30 octobre 2019 rendu par le conseil de prud'hommes de Nanterre en ce qu'il a jugé bien fondé le licenciement de M. [H] et a débouté ce dernier de sa demande d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

en conséquence,

- débouter M. [H] de son appel,

- débouter M. [H] de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions,

à titre subsidiaire,

si par extraordinaire, la cour devait juger le licenciement abusif,

- dire que M. [H] ne justifie pas du préjudice revendiqué et justifiant une réparation à hauteur de 161 592 euros nets,

en conséquence,

- débouter M. [H] de sa demande de dommages et intérêts et, à tout le moins, ramener sa demande à de plus justes proportions,

- la condamner à une somme brute de tous prélèvement sociaux obligatoires tels que cotisations sociales et charges alignées et CSG/CRDS,

sur l'article 700 code de procédure civile et les dépens,

- recevoir la société en son appel incident sur le chef de jugement critiqué en ce qu'il l'a déboutée de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté M. [H] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- infirmer le jugement en ce qu'il l'a déboutée de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens,

- débouter M. [H] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner M. [H] à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner M. [H] aux entiers dépens.

MOTIFS

Sur la rupture

Le salarié expose qu'il a été recruté par l'équipe dirigeante du groupe Expertises [L] pour redresser sa filiale GETI mais qu'en juillet 2015, une nouvelle équipe dirigeante a mis en place une réorganisation au sein de laquelle il n'avait plus sa place. Il explique que la prétendue divergence invoquée par cette nouvelle équipe n'est que l'habillage d'une suppression de son poste, l'employeur faisant le choix de la mauvaise foi en construisant artificiellement un faux motif au lieu de se séparer de manière élégante et responsable.

En réplique, l'employeur fait valoir que l'activité du salarié s'inscrivait dans le cadre des directives arrêtées par la gérance et que les divergences qu'il a exprimées sur la politique du groupe relatives à la gestion de la société GETI ont rendu imposible la poursuite du contrat de travail. Il soutient que le salarié n'acceptait pas les décisions de sa hiérarchie, n'avait de cesse de les discuter et de tenter d'imposer ses visions en refusant d'appliquer les actions nécessaires à la mise en oeuvre de la politique de l'entreprise, notamment en s'opposant à la mise en place d'une sous-traitance au plan national.

* *

Il résulte de l'article L.1232-1 du code du travail que tout licenciement pour motif personnel est justifié par une cause réelle et sérieuse.

Le motif inhérent à la personne du salarié doit reposer sur des faits objectifs, matériellement vérifiables et qui lui sont imputables.

L'article L.1235-1 du code du travail prévoit qu'en cas de litige, le juge, à qui il appartient d'apprécier le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties. Si un doute subsiste, il profite au salarié.

Par ailleurs, pour fonder un licenciement, la mésentente résultant de divergences de vue doit reposer sur des éléments concrets, être imputable au salarié et suffisamment grave pour qu'aucune solution de rechange ne s'offre à l'employeur.

Au cas présent, le salarié a été licencié pour des divergences avec la direction du Groupe Expertises [L] sur des sujets touchant à l'organisation, la stratégie de développement, la stratégie de déploiement, le recrutement, les objectifs, les budgets et rentabilité de la société GETI, divergences qui se sont concrétisées par un refus du salarié d'appliquer les actions nécessaires à la mise en oeuvre de la stratégie et de la politique de l'entreprise GETI et du groupe.

Il ressort des pièces du dossier que le salarié a été recruté, à effet du 14 février 2014, à la suite de la création du poste de directeur technico-commercial de la société GETI, précédemment co-dirigée par un directeur commercial et un directeur technique.

La fiche du cabinet de recrutement mentionne que le directeur de la filiale GETI a pour objectif de pérenniser la structure, le portefeuille clients et les collaborateurs internes mais également de reprendre en main l'entreprise, redynamiser et remotiver les collaborateurs, rétablir la croissance et le niveau de marge attendu.

Le recrutement a été initié par M. [Z], directeur associé et membre du directoire de la société Expertises [L].

Le contrat de travail prévoit que le salarié ' dont la mission est de participer à la direction de la société d'en assurer la gestion globale comme son exploitation, dispose d'une très large autonomie d'exécution, d'organisation, de management et sera investi de l'autorité et des habilitations pour prendre les décisions nécessaires à ses fonctions et ses responsabilités (...) en conformité avec les directives de la gérance à laquelle il est directement attaché'. Comme le soutient à juste titre le salarié, la société Expertises [L] ne produit aucune directive de la gérance ou du directoire, aucune définition d'un axe stratégique et aucun objectif sur toute l'année 2015, ni aucune prospective pour l'année 2016.

Le compte de résultats, synthèse qui permet de visualiser la performance de la société GETI, fait ressortir une augmentation de 126,33% du résultat net entre le 31 décembre 2014 et le 31 décembre 2015, le chiffre d'affaires ayant connu une progression de 45,15%, étant précisé que le groupe [L] a apporté à sa filiale GETI le client Intermarché, qui a représenté à lui seul une progression de 24% du chiffre d'affaires lequel était en baisse constante depuis 2010.

En décembre 2014, la trésorerie de la société GETI n'a plus été alimentée par la société Expertises [L] comme auparavant.

Une réorganisation est intervenue quelques mois plus tard au sein de la société Expertises [L] dans le courant de l'année 2015 et M. [J] a été nommé président du directoire. Après la rupture intervenue le 22 février 2016, le salarié a été remplacé par une directrice d'une autre filiale et finalement la filiale GETI a été absorbée en 2017 par la société Expertises [L].

Auparavant, par lettre tapuscrite signée, M. [U] témoigne avoir été présent lors de la réunion du 29 février 2016 au cours de laquelle M. [J], a présenté les raisons conduisant le directoire à mettre fin à la mission de M. [H] et a indiqué que cette décision était indépendante de ses qualités humaines et 'prise malgré les bons résultats affichés par Geti depuis que M. [H] en était le directeur.'.

C'est dans ce contexte que doivent s'analyser les griefs reprochés au salarié dans la lettre de licenciement, et qui sont les suivants:

- une opposition à la mise en place d'une sous-traitance au plan national pour traiter les affaires apportées par les équipes commerciales de la société mère

L'employeur n'établit pas avoir communiqué au salarié une telle directive, ne procèdant que par affirmations générales sans offre de preuve alors qu'il indique dans la lettre de licenciement ' nous vous avions demandé de mettre en place dès septembre 2015 une sous-traitance sur le plan national', ce qui ne résulte d'aucune des pièces qu'il produit.

Au surplus, dans son bilan des actions menées en 2014, le salarié indique qu'il a mené une action de recherche et fidélisation de sous-traitants techniques indépendants pour augmenter la production de la société GETI.

Le salarié justifie ainsi dans les bilans produits que la société GETI a fait appel à des sous-traitants en 2014 et 2015.

Dans son 'plan stratégique GETI pour 2015", le salarié prévoit de ' renforcer ponctuellement l'équipe de technicien par des sous-traitants en région compte tenu de la fragilité financière de la société GETI ceci étant une phrase de préparation pour permettre de développer à court terme la présence de la société sur les directions régionales à fort potentiel d'activités.'.

La société Expertises [L] n'établit pas davantage avoir alors contesté l'annonce d'un renfort ponctuel de sous-traitants prévu par le salarié.

Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier que la question de la sous-traitance s'est posée en juin 2015 exclusivement pour un partenariat à [Localité 6].

A ce sujet, en réponse à la demande du directoire, le salarié indique le 29 juin 2015 qu'il est en recherche de sous-traitants pour accompagner la société GETI ' dans certaines missions', et fait part de la nécessité de procéder avec prudence dans cette démarche, qui conduit à remettre aux sous-traitants les outils de travail de la société. Le salarié émet alors également des réserves sur le fait de proposer aux clients de réaliser leur dossier avec le sous-traitant Ad'Ap et à un risque de contentieux si le dossier du client n'est pas déposé à temps à la préfecture.

Aucune directive n'a été ensuite communiquée au salarié pour une mise en place effective de cette démarche et pour son élargissement pour toute la France.

Dans son rapport sur les résultats au 31 décembre 2015, le salarié indique, au titre des projets 2016 qu'il préconise, le développement commercial dans les régions, pour éviter de subir le marché qui amène le groupe à faire appel à la sous-traitance extérieure et s'expose par là même à un manque de maîtrise et une baisse de qualité.

Le salarié conclut alors ' cela doit faire l'objet au préalable d'une discussion avec notre gérance.'.

Une réunion s'est ensuite tenue le 26 janvier 2016 entre le salarié et M. [J] et, par courriel du 29 janvier 2016 adressé à M. [J], le salarié a souhaité réexpliquer sa position.

Ainsi, le salarié a fait de nouveau part de son désaccord pour la sous-traitance par le cabinet Audixis mais il ne s'est pas oppposé à la mise en place de la sous-traitance au plan national, maintenant néanmoins sa forte réticence en exposant à sa hiérarchie sa vision de sa politique générale commerciale pour la société GETI. Il y préconise en conclusion 'de développer l'activité par l'intermédiaire de technicos -commercial de GETI.'.

A ce stade des échanges, l'employeur n'établit pas que le salarié s'est opposé fermement à la mise en place de la sous-traitance au plan national même s'il est vrai qu'il en a contesté l'idée, cette critique faisant en tout état de cause partie de ses fonctions de directeur de la société.

- des divergences en matière de recrutement et de gestion des ressources humaines

Dans son courriel du 29 janvier 2016, le salarié indique notamment à M. [J] ' nous nous sommes d'abord expliqué sur nos différends concernant l'embauche de M. [Y]' et il revient sur la politique de recrutement, M. [J] ne voulant pas recruter un commercial pour étoffer l'équipe de la société GETI mais positionner un technicien, ce qui est contesté par M. [H].

Le salarié présente alors un long développement sur la politique de commercialisation, les résultats et la qualification des collaborateurs, il confirme qu'il avait proposé d'envisager des recrutements pour ' laisser la main à Geti sur la réalisation des missions, ce qui éviterait de donner des affaires à des cabinets extérieurs.'.

Ce développement est conforme au plan stratégique qu'il a présenté le 23 juin 2015, qui prévoit notamment le recrutement de ' nouveaux techniciens'.

Comme précédemment indiqué, l'employeur , qui ne produit pas sa politique de recrutement pour 2015, ne justifie pas s'être opposé au plan stratégique présenté par le salarié en juin 2015.

La position de M. [J] se déduit uniquement du courriel du 29 janvier 2016 du salarié relatif notamment au développement de la société GETI en région et de la politique de recrutement.

En outre, l'employeur n'établit pas être parvenu à un accord avec le salarié lors de la réunion du 26 janvier 2016 pour le recrutement de deux collaborateurs à [Localité 6], ce qui n'aurait pas été compris par le salarié lors de son envoi du 29 janvier 2016.

Toutefois, l'employeur produit uniquement un courriel d'explication du salarié qui ne permet pas de déduire la teneur des échanges tenus lors de la réunion du 26 janvier 2016 entre M. [J] et le salarié.

S'il en résulte qu'il existait une discussion sur la politique de gestion des ressources humaines de la société GETI, il n'est pas permis d'en déduire la position précise de l'employeur à ce sujet.

Par ailleurs, la directrice des ressources humaines de la société Expertises [L] a demandé au salarié des explications concernant la gestion des congés annuels des techniciens en fin d'année 2015, lui rappelant qu'il dépendait d'un groupe et que le directoire pouvait souhaiter faire appliquer une stratégie d'ensemble.

Il s'agit toutefois d'un événement ponctuel, sans rapport avec la politique générale de recrutement et de gestion des ressources humaines.

Enfin, si la directrice des ressources humaines reproche au salarié d'avoir voulu créer une force commerciale dédiée à la société GETI alors que le groupe a toujours prévu une commercialisation transverse avec une force commercialisant l'ensemble des prestations du groupe, cette position ne ressort pas clairement ni de la fiche technique élaborée lors du recrutement du directeur de la société GETI par le chasseur de talents ni de tout autre document de la société Expertises [L].

L'employeur qui indique donc dans la lettre de licenciement avoir rappelé au salarié ' à maintes reprises que la commercialisation doit se faire par la force commerciale [L] et par un appui technico-comemrcial de la filiale', ne l'établit pas davantage.

En tout état de cause, il ne peut être reproché au salarié d'avoir tenté de privilégier la société GETI, dont il est le directeur, précisément recruté pour en rétablir la croissance.

Dès lors, s'il ressort, en début d'année 2016, une divergence de point de vue sur la politique des ressources humaines de la société GETI, elle était très récente au moment de l'engagement de la procédure de licenciement, le 9 février 2016.

- une opposition à traiter toutes les affaires apportées par les commerciaux d'Expertise [L]

L'employeur ne produit aucune pièce au soutien de son développement pour établir précisémement et sans conteste l'opposition du salarié à traiter les affaires apportées par les commerciaux du groupe.

En définitive, il existait une divergence de point de vue entre la gérance de la société GETI et le salarié en début d'année 2016 sur l'organisation de la société GETI en qualité de filiale du groupe [L], sans opposition systématique du salarié.

Cette situation est apparue soudainement, sans mise en garde précise de l'employeur à ce sujet ou rappel à l'ordre, alors que les résultats de la société GETI étaient bien meilleurs qu'auparavant depuis l'arrivée du salarié.

Il ne ressort pas de l'ensemble des éléments produits que la mésentente est imputable au seul salarié ni que la divergence alléguée soit telle qu'elle justifie la mesure ultime que constitue le licenciement.

En conséquence, il convient de dire le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et la décision des premiers juges sera donc infirmée.

Sur les conséquences du licenciement abusif

S'agissant du licenciement d'un salarié de moins de deux ans d'ancienneté opéré dans une entreprise employant habituellement moins de onze salariés, en application de l'article L. 1235-5 du code du travail dans sa rédaction applicable au litige, antérieure à l'ordonnance du 22 septembre 2017, le salarié peut prétendre, en cas de licenciement abusif, à une indemnité correspondant au préjudice subi.

Ainsi, au regard des conditions de la rupture, en ce que notamment le salarié, père de quatre enfants, a quitté son lieu de vie à [Localité 7] pour s'installer en région parisienne, de son âge au moment du licenciement (53 ans), de sa rémunération (6 670 euros bruts), de son ancienneté (24 mois), de ce qu'il justifie avoir été indemnisé par Pôle emploi jusqu'au 11 janvier 2017 puis avoir retrouvé un emploi en contrat à durée indéterminée, avec une rémunération moindre, il sera alloué au salarié une indemnité de 30 000 euros bruts.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Succombant, l'employeur sera condamné aux dépens de première instance et d'appel.

Il sera également condamné à payer au salarié la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS:

La cour, statuant par arrêt contradictoire, en dernier ressort et prononcé par mise à disposition au greffe :

INFIRME le jugement entrepris, sauf en ce qu'il déboute la société Expertises [L] de sa demande reconventionnelle,

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

DIT le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse,

CONDAMNE en conséquence la société Expertises [L] à payer à M. [H] la somme de 30 000 euros bruts pour licenciement abusif,

REJETTE toutes autres demandes plus amples ou contraires,

CONDAMNE la société Expertises [L] aux dépens de première instance et d'appel, et à verser à M. [H] une indemnité de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

. prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

. signé par Madame Aurélie Prache, président et par Madame Dorothée Marcinek, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier Le président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 17e chambre
Numéro d'arrêt : 19/04104
Date de la décision : 08/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-08;19.04104 ?
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