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08/03/2023 | FRANCE | N°21/00513

France | France, Cour d'appel de Versailles, 17e chambre, 08 mars 2023, 21/00513


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 80C



17e chambre



ARRÊT N°



CONTRADICTOIRE



DU 08 MARS 2023



N° RG 21/00513

N° Portalis DBV3-V-B7F-UKMH



AFFAIRE :



[H] [U]



C/



Société AUTO CLEAN EXPRESS









Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 16 juillet 2020 par le Conseil de Prud'hommes Formation paritaire d'ARGENTUIL

Section : C

N° RG : F 19/00129



Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :



Me Hristina DEMIROVA



Me Angélique DELLEVI - EDIMO







le :





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE HUIT MARS DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d'appel de Versailles a ...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80C

17e chambre

ARRÊT N°

CONTRADICTOIRE

DU 08 MARS 2023

N° RG 21/00513

N° Portalis DBV3-V-B7F-UKMH

AFFAIRE :

[H] [U]

C/

Société AUTO CLEAN EXPRESS

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 16 juillet 2020 par le Conseil de Prud'hommes Formation paritaire d'ARGENTUIL

Section : C

N° RG : F 19/00129

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Hristina DEMIROVA

Me Angélique DELLEVI - EDIMO

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE HUIT MARS DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Monsieur [H] [U]

né le 1er avril 1988 à [Localité 8] (Sri Lanka)

de nationalité Sri Lankaise

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentant : Me Hristina DEMIROVA, Plaidant/ Constitué, avocat au barreau de VAL D'OISE, vestiaire : 240

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2020/009949 du 08/02/2021 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de VERSAILLES)

APPELANT

****************

Société AUTO CLEAN EXPRESS

N° SIRET : 834 165 052

[Adresse 1]

[Localité 6]

Représentant : Me Angélique DELLEVI - EDIMO, Plaidant/ Constitué, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, vestiaire : 87

INTIMÉE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 5 janvier 2023 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Nathalie GAUTIER, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Aurélie PRACHE, Président,

Monsieur Laurent BABY, Conseiller,

Madame Nathalie GAUTIER, Conseiller,

Greffier lors des débats : Madame Dorothée MARCINEK

RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

M. [U] a été engagé le 15 janvier 2014 par la société Ecolavage sans contrat de travail écrit, l'employeur lui ayant remis des bulletins de paye jusqu'au 30 août 2014. Il a ensuite été engagé le 1er novembre 2014 pour une durée de 10 mois en qualité de laveur de voitures, dans le cadre d'un contrat de travail à durée déterminée à temps partiel par la société Auto Clean Express France, puis, selon avenant du 1er octobre 2015, dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée à temps partiel, avec reprise d'ancienneté au 1er novembre 2014.

M. [U] a ensuite été engagé en qualité de laveur de voitures, selon un contrat de travail à durée indéterminée à temps plein à effet du 2 février 2018 par la société Auto Clean Express.

Cette société est spécialisée dans le lavage de voiture. L'effectif de la société était, au jour de la rupture, de moins de 11 salariés. Elle applique la convention collective nationale du commerce et de la réparation de l'automobile.

Le salarié percevait une rémunération brute mensuelle de 1 498,50 euros (moyenne des salaires de septembre à novembre 2018) euros selon la société.

Par lettre du 30 novembre 2018, le salarié a démissionné de son emploi dans les termes suivants: ' Par la présente, je vous informe de ma décision de démissionner du poste de laveur que j'occupe au sein de votre société depuis le 02/02/18. Je reste à votre disposition afin de convenir d'un rendez-vous.'.

Soutenant que la société Auto Clean Express avait repris son contrat du travail conclu avec la société Auto Clean Express France, en application de l'article L. 1224-1 du code du travail, M. [U] a saisi le 24 mai 2019 le conseil de prud'hommes d'Argenteuil afin de constater qu'il a travaillé à temps plein depuis le 15 janvier 2014, de dire que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse, et d'obtenir le paiement de rappels de salaire de novembre 2015 à décembre 2017, d'heures supplémentaires de janvier 2018 à novembre 2018 ainsi que diverses sommes de nature indemnitaire.

Par jugement du 16 juillet 2020, le conseil de prud'hommes d'Argenteuil (section commerce) a:

- jugé que la rupture du contrat de travail de M. [U] doit s'analyser en une démission avec toutes conséquences de droit,

- débouté M. [U] de l'intégralité de ses demandes,

- débouté la société Auto Clean Express de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- mis à la charge de M. [U] les éventuels dépens.

Par déclaration adressée au greffe le 18 février 2021, M. [U] a interjeté appel de ce jugement.

Une ordonnance de clôture a été prononcée le 6 décembre 2022.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Vu les dernières conclusions transmises par voie électronique le 14 octobre 2022, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à l'article 455 du code de procédure civile et aux termes desquelles M. [U] demande à la cour de :

- infirmer le jugement du 16 juillet 2020 rendu par le conseil de prud'hommes d'Argenteuil,

statuant à nouveau,

- constater que la société Auto Clean Express a repris son contrat du travail en application de l'article L. 1224-1 du code du travail et doit répondre ainsi à toutes les demandes postérieures au 15 janvier 2014,

- constater qu'il a toujours travaillé à temps plein et la durée de son travail était les horaires d'ouverture de la station de lavage tels que affichés sur le site de l'entreprise,

- constater que la rupture du contrat de travail doit être requalifiée en licenciement sans cause réelle et sérieuse, par conséquent,

- condamner la société Auto Clean Express à lui payer des dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse d'un montant de 18 279, 96 euros,

- condamner la société Auto Clean Express à lui payer les heures supplémentaires pour la période du janvier 2018 au novembre 2018 d'un montant de 17 255, 42 euros et les congés payés afférents sur le rappel de salaire d'un montant de 1 725, 54 euros,

- condamner la société Auto Clean Express à lui payer un rappel de salaire pour la période du novembre 2015 au décembre 2017 d'un montant de 59 277 euros ainsi que les congés afférents d'un montant de 5 927,70 euros,

- condamner la société Auto Clean Express à lui payer des dommages et intérêts pour manquement aux obligations d'inscrire les mentions obligatoires sur les bulletins de salaire d'un montant de 3 049, 66 euros,

- condamner la société Auto Clean Express à lui payer l'indemnité pour non respect de l'obligation de sécurité d'un montant 3 049, 66 euros,

- condamner la société Auto Clean Express à lui payer l'indemnité de licenciement d'un montant de 3 685,01 euros,

- condamner la société Auto Clean Express à lui payer l'indemnité de préavis d'un montant de 6 099, 32 euros,

- condamner la société Auto Clean Express à lui payer les congés payés sur préavis d'un montant de 609, 93 euros,

à titre subsidiaire si par extraordinaire la cour d'appel fixe le salaire moyen à 1 498, 50 euros, - condamner la société Auto Clean Express à lui payer lesdites sommes calculées de la manière suivante :

. rappel de salaire pour la période du novembre 2015 au décembre 2017 d'un montant de 20 244, 90 euros ainsi que les congés afférents d'un montant de 2 024, 49 euros,

. 1 498, 50 euros pour le manquement aux obligations d'inscrire les obligations obligatoires sur le bulletin de salaire,

. 1 498, 50 euros pour non respect de l'obligation de sécurité puisqu'il n'a bénéficié ni visite médicale d'embauche, ni périodique pourtant obligatoires en 2014, l'année de son embauche,

. 1 810, 69 euros au titre d'indemnité de licenciement,

. 2 997 euros au titre de préavis ainsi que les congés sur préavis d'un montant sont d'un montant de 299, 70 euros,

. les dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse d'un montant de 8 991   euros,

- condamner la société Auto Clean Express à lui payer les congés payés d'un montant de 2 173, 04 euros,

- ordonner à la société Auto Clean Express de lui remettre les bulletins de salaire de novembre de 2018, de juin de 2018, de janvier 2018, de janvier 2014, de septembre 2014, d'octobre 2014 ainsi que son solde de tout compte, certificat de travail et attestation pôle emploi corrigés sous astreinte de 50 euros par jour,

- ordonner la capitalisation judiciaire des intérêts sur le fondement de l'article 1343-2 du code civil,

- débouter la société ordonner de toutes ses demandes,

- condamner la société Auto Clean Express à lui payer la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que les entiers dépens.

Vu les dernières conclusions transmises par voie électronique le 16 août 2021, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à l'article 455 du code de procédure civile et aux termes desquelles la société Auto Clean Express demande à la cour de :

- dire et juger mal fondé M. [U] en l'ensemble de ses prétentions,

en conséquence,

- confirmer les termes du jugement prononcé par le conseil de prud'hommes d'Argenteuil le 16 juillet 2020 en ce qu'il a rejeté l'ensemble des demandes, fins et conclusions de M. [U],

à titre reconventionnel,

- condamner M. [U] au paiement d'une indemnité de 2 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamner M. [U] au paiement des dépens.

MOTIFS

Sur la demande de rappel de salaires de novembre 2015 à décembre 2017

Le salarié, qui se prévaut d'une relation de travail avec la société Auto Clean Express depuis le 15 janvier 2014, sollicite la requalification de ses contrats à temps plein et un rappel de salaire, aucun des contrats signés par la société Ecolavage et la société Auto Clean Express France ne respectant les dispositions relatives au travail à temps partiel.

Sur la qualité d'employeur continu de la société Auto Clean Express

M. [U] expose qu'il a été engagé le 15 janvier 2014 par la société Ecolavage sans contrat de travail, puis le 1er novembre 2014 par la société Auto Clean Express France suivant contrat de travail à durée déterminée, suivi d'un avenant du 1er juillet 2015 puis d'un avenant du 16 octobre 2016.

Il explique que M. [D] [L], dirigeant des sociétés Ecolavage et Auto Clean Express France, lui a présenté le 2 février 2018, un nouveau contrat de travail à durée indéterminée à temps plein au sein de la société Auto Clean Express.

Il ajoute que la société Auto Clean Express lui a proposé en novembre 2018 de signer une rupture conventionnelle, ce qu'il a accepté mais que l'employeur lui a remis une attestation Pôle emploi datée du 1er décembre 2018 mentionnant que le motif de la rupture du contrat était sa démission avec une ancienneté reprise au 2 février 2018.

Le salarié soutient avoir toujours travaillé dans la même entité économique, dont M. [L] était le gérant, et que la société Auto Clean Express est tenue à son égard aux obligations qui incombaient à la société Ecolavage puis à la société Auto Clean Express France.

En réplique, l'employeur affirme que l'article L.1224-1 du code du travail sur lequel s'appuie le salarié est inapplicable en l'absence de toute démonstration d'une modification dans la situation juridique de la société Auto Clean Express, les trois sociétés visées par le salarié étant trois entités juridiques distinctes. Il ajoute que le salarié effectue une confusion entre ses employeurs successifs en partant du seul postulat que le gérant actuel de chacune des trois sociétés est le même.

* *

Aux termes de l'article L. 1224-1 du code du travail, lorsque survient une modification dans la situation juridique de l'entreprise, notamment en cas de vente du fonds, tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l'entreprise.

Il s'applique toutes les fois qu'il y a un transfert d'une entité économique autonome conservant son identité et dont l'activité s'est poursuivie.

Constitue une entité économique autonome un ensemble organisé de personnes et d'éléments corporels ou incorporels poursuivant un objectif économique propre. Le transfert d'une telle entité se réalise si des moyens corporels ou incorporels significatifs et nécessaires à l'exploitation de l'entité sont repris, directement ou indirectement, par un nouvel exploitant.

Au cas présent, le salarié a été recruté le 2 février 2018 par la société Auto Clean Express, immatriculée le 6 septembre 2017, dont le gérant est M. [L], et qui exploite une activité de lavage de voiture dont l'établissement est situé à [Localité 6].

M. [L] est également le gérant de deux autres sociétés de lavage de voiture:

- la Sarl Ecolavage, immatriculée le 20 octobre 2008 et mise en sommeil le 31 janvier 2016, l'établissement se situant à [Localité 7],

-la société Auto Clean Express France immatriculée le 15 septembre 2010, dont l'établissement est situé à [Localité 4].

Les trois sociétés ont des numémos d'immatriculation distincts et constituent donc des entités juridiques différentes ainsi qu'il ressort des extraits Kbis communiqués. Le salarié n'établit pas que la société Ecolavage puis la société Auto Clean Express France ont fait l'objet de l'une des modifications juridiques visées dans les dispositions précitées.

L'extrait du site internet de la société Auto Clean Express indiquant que ' créée il y a 10 ans par M. [L] la société Auto Clean Express s'est faite une place de choix dans l'animation des parkings des centres commerciaux d' Ile de France' ne permet pas de déduire, comme l'affirme le salarié, que la société Auto Clean Express a repris l'activité de la société Ecolavage et de la société Auto Clean Express France.

Le salarié n'établit pas que la société Auto Clean Express a repris l'exploitation des entités que sont les sociétés Ecolavage puis Auto Clean Express France avec les mêmes moyens incorporels et corporels, dont son contrat de travail, significatifs et nécessaires à une exploitation sous une dénomination nouvelle.

Il n'y a donc pas eu transfert d'une entité économique autonome conservant son identité et dont l'activité s'est poursuivie de manière distincte, chaque société ayant conservé sa propre autonomie quand bien même la société Ecolavage a été mise en sommeil.

Enfin, le salarié produit aux débats une lettre de démission de la société Auto Clean Express France signée le 19 janvier 2018 qui a mis fin juridiquement à la relation contractuelle avec cet employeur dont il ne demande pas la nullité.

Par conséquent, la société Auto Clean Express n'a pas été l'employeur continu du salarié depuis le 15 janvier 2014 et, l'existence d'un transfert du contrat de travail étant écartée, la relation contractuelle entre les parties au présent litige a bien débuté le 2 février 2018.

Sur la requalification à temps plein du contrat

Faute d'établir une relation contractuelle avec la société Auto Clean Express avant le 2 février 2018, aucune requalification du contrat du salarié à temps plein ne peut être examinée pour la période précédant le 2 février 2018.

Il ne sera pas fait droit à la demande du salarié de rappel de salaires de novembre 2015 à décembre 2017 et le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté le salarié de sa demande de ce chef.

Sur les heures supplémentaires

Le salarié indique avoir appliqué les horaires d'ouverture des stations de lavage affichés sur le site internet Auto Clean Express pour calculer ses heures supplémentaires réalisées. Il explique que les salariés doivent être informés par l'employeur des horaires de travail auxquels ils sont soumis, conformément aux dispositions du contrat de travail mais que l'employeur n'a ni affiché la durée, ni comuniqué son mode de contrôle du temps de travail. Le salarié ajoute qu'il justifie par son son relevé bancaire qu'il se trouvait régulièrement à [Localité 5] le samedi pour y travailler.

L'employeur objecte que le salarié ne verse aucun élément qui justifie l'accomplissement d'une quelconque heure supplémentaire à sa demande et le volume invoqué.

**

Il résulte des dispositions de l'article L. 3171-4 du code du travail, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences des dispositions légales et réglementaires applicables.

Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.

Au soutien de ses demandes, le salarié calcule ses heures de travail d'après les horaires d'ouverture de l'établissement de lavage dans lequel il exerçait ses fonctions, faute pour l'employeur de produire l'horaire collectif applicable dans l'entreprise.

Le salarié communique la liste des 22 stations de lavage en Ile de France de la société Auto Clean Express trouvée sur internet et les horaires de l'ouverture du centre de lavage situé à [Localité 5] dans lequel il a exercé, soit du lundi au vendredi de 9h à 19h et le samedi de 9h à 20h.

Le salarié calcule ensuite son temps de travail comme suivant pour le mois de janvier 2018, le procédé étant ensuite identique pour les mois suivants, sauf à modifier le nombre de jours travaillés:

Janvier 2018

22 jours X 3 heures = 66 heures

samedi X 11 heures = 44 heures

Ces éléments sont suffisamment précis et permettent à l'employeur de répliquer.

Pour sa part, l'employeur ne produit aucune pièce relative aux horaires de travail du salarié et notamment l'horaire collectif applicable, l'article 5 du code du travail indiquant que ' la durée de travail de M.[U] sera répartie selon l'horaire collectif applicable dans l'entreprise.'.

Toutefois, le salarié applique systématiquement un volume de trois heures supplémentaires par jour sans apporter d'explication pour parvenir à cette base.

Sachant qu'il travaille sur un rythme de 35 heures hedomadaires, la cour en déduit que d'après les journées d'ouverture de la station de lavage de 10 heures en semaines et 11 heures le samedi, le salarié ajoute 3 heures supplémentaires chaque jour travaillé de la semaine, et 4 heures tous les samedi, et ce sur toute la période réclamée de janvier à novembre 2018, sans aucune variation dans ses demandes.

Le salarié retient donc qu'il a a travaillé des journées entières sans interruption et sans pause déjeuner, 6 jours sur 7 et sans aucun jour de congés entre janvier et novembre 2018.

Le salarié, qui forme une demande de rappel d'heures supplémentaires à compter de janvier 2018 indique cependant que la relation de travail a débuté en février 2018, ce qui correspond d'ailleurs à la signature du contrat de travail.

Par ailleurs, le salarié sollicite le paiement de 110 heures supplémentaires pour le mois de juin 2018 alors qu'il était en congé sans solde à ce moment là. Pour le mois de juillet 2018, le salarié réclame 79 heures supplémentaires alors qu'il a été absent également tout le mois.

Ces incohérences n'affectent cependant qu'une partie de la demande présentée par le salarié, mais ne permettent pas de supprimer totalement l'éligibilité de ce dernier au bénéfice d'un rappel au titre des heures supplémentaires accomplies au-delà de 35 heures hebdomadaires.

Sur cette base et sur l'ensemble de la période revendiquée, il convient de fixer le rappel de salaires dû au salarié au titre des heures supplémentaires non rémunérées réalisées entre février 2018 et novembre 2018, à la somme de 5 231,46 euros outre la somme de 523,14 euros au titre des congés payés afférents, au paiement desquelles l'employeur sera en conséquence condamné, avec intérêts au taux légal à compter de la saisine du conseil de prud'hommes et capitalisation des intérêts.

Le jugement sera donc infirmé de ce chef.

Sur la démission

Le salarié réfute avoir voulu démissionner et affirme ne pas avoir signé de lettre de démission même si l'employeur produit deux lettres, l'une datée du 19 janvier 2018 qui lui aurait été remise lors de la rupture et la suivante, du 30 novembre 2018, produite devant les premiers juges.

Il ajoute que sa méconnaissance de la langue française n'est pas supposée mais clairement établie.

Le salarié explique que l'employeur lui a proposé de rompre le contrat après cinq années de travail six jours sur sept, alors qu'il était totalement épuisé, et qu'il a donc accepté de signer une rupture conventionnelle mais qu'il a découvert que l'employeur a qualifié la rupture de démission dans l'attestation Pôle Emploi datée du 1er décembre 2018.

L'employeur fait valoir que les relations contractuelles se passaient relativement bien et qu'il n'avait aucune raison de se séparer du salarié qui, ayant trouvé un autre poste dans la restauration, a pris l'initiative de la rupture par lettre de démission signée le 30 novembre 2018.

Il rappelle que le salarié a quitté brusquement son poste et sans préavis, le mettant devant le fait accompli et qu'il a remis sa démission devant ses collègues, alors que l'employeur a tenté de le retenir.

**

La démission est un acte unilatéral par lequel le salarié manifeste de manière claire et non équivoque sa volonté de mettre fin au contrat de travail. Lorsque le salarié, sans invoquer un vice du consentement de nature à entraîner l'annulation de sa démission, remet en cause celle-ci en raison de faits ou de manquements imputables à son employeur, le juge doit, s'il résulte des circonstances antérieures ou contemporaines de la démission que celle-ci était équivoque, l'analyser en une prise d'acte de la rupture qui produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient ou dans le cas contraire d'une démission.

Au cas présent, le salarié produit deux lettres de démission.

La première lettre du 19 janvier 2018, déjà citée, concerne la rupture de la relation contractuelle avec la société Auto Clean Express France, soit avant son embauche par la société Auto Clean Express.

La seconde lettre de démission, du 30 novembre 2018, à l'instar de la première, est signée par le salarié sur un imprimé pré-rempli.

Le salarié conteste être l'auteur de la signature figurant sur ce document et il affirme qu'il ne maîtrise pas la langue française, de sorte qu'il ne signait donc aucun document en l'absence de sa compagne.

Il ressort de la note d'audience devant le bureau de jugement que le salarié a déclaré: ' l'employeur lui remet les documents. Quand il rentre à la maison, sa femme voit que c'est une démission mais il n'a pas signé.'.

L'employeur verse aux débats deux attestations de salariés qui confirment que M. [U] a bien signé la lettre de démission en leur présence, l'un d'eux précisant que le salarié a indiqué qu'il avait un nouvel emploi dans la restauration.

Par lettre du 17 juin 2019, M. [R], beau-frère du gérant, relate qu'en qualité d'ancien responsable de M. [U] dans la société Auto Clean Express, il lui a conseillé de renoncer à donner sa démission à la demande du gérant. Il indique que le salarié lui a répondu qu'il cherchait un emploi plus proche de son domicile et qu'il avait trouvé un nouveau poste dans la restauration, mieux rémunéré.

Ces témoignages, que le salarié qualifie de complaisants, sont toutefois concordants et circonstanciés et ils ne sont contredits par aucune pièce que le salarié soumet à la cour.

Dès lors la cour d'appel retient que le salarié, qui ne réfute pas qu'il souhaitait mettre un terme au contrat, est l'auteur de la lettre de démission du 30 novembre 2018, de sorte que l'employeur justifie donc que le salarié a manifesté sa volonté de mettre fin au contrat de travail.

Il s'ensuit que la démission donnée sans réserve par le salarié, par lettre du 30 novembre 2018, le salarié n'invoquant pas l'existence d'un litige contemporain de cette décision, est par conséquent claire et non équivoque, ainsi que l'ont retenu les premiers juges, dont la décision sera en conséquence confirmée.

Le jugement sera également confirmé en ce qu'il a débouté le salarié de ses demandes indemnitaires au titre de la rupture.

Sur les mentions obligatoires à inscrire sur le bulletin de paye

Il a été précédemment retenu que l'ancienneté du salarié n'a pas été reprise au 15 janvier 2014, la date mentionnée sur les bulletins de paye de février à novembre 2018 est donc exacte.

En revanche, le salarié qui fait valoir à juste titre que les bulletins de paye ne font pas mention de sa qualification et de son coefficient, ne justifie d'aucun préjudice à ce titre.

Il convient en conséquence, confirmant le jugement, de le débouter de sa demande de dommages et intérêts pour manquement de l'employeur à l'inscription de mentions obligatoires sur le bulletin de paye.

Sur l'obligation de sécurité

Le salarié se contente d'indiquer qu'il n'a pas bénéficié de visites médicales d'embauche puis périodique depuis 2014, étant rappelé que la relation contractuelle a débuté en 2018 avec la société Auto Clean Express.

Effectivement, il n'est pas contesté que le salarié n'a pas bénéficié d'une visite médicale en février 2018 lors de son embauche.

Toutefois, il ne justifie d'aucun préjudice résultant de l'absence de visite d'information et de prévention à l'embauche en février 2018 puis de visites périodiques.

Confirmant le jugement déféré, il convient de rejeter la demande de dommages-intérêts du salarié pour non- respect par l'employeur de l'obligation de sécurité.

Sur les autres demandes

Il convient d'enjoindre à l'employeur de remettre au salarié un bulletin de salaire récapitulatif conforme à la présente décision, sans qu'il soit nécessaire d'assortir cette mesure d'une astreinte.

Succombant, l'employeur sera condamné aux dépens de première instance et d'appel.

Il sera également condamné à payer au salarié la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS:

La cour, statuant par arrêt contradictoire, en dernier ressort et prononcé par mise à disposition au greffe :

CONFIRME le jugement entrepris sauf en ce qu'il déboute M. [U] de ses demandes de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires, de remise des documents sociaux, de ses demandes au titre des frais irrépétibles, en ce qu'il met

à la charge de M. [U] les éventuels dépens,

Statuant à nouveau des seuls chefs infirmés et y ajoutant,

CONDAMNE la société Auto Clean Express à payer à M. [U] la somme de somme de 5 231,46 euros à titre de rappel de salaire sur les heures supplémentaires outre la somme de 523,16 euros au titre des congés payés afférents, avec intérêts au taux légal à compter de la réception par l'employeur de la convocation devant le conseil de prud'hommes,

DIT que les intérêts échus des capitaux porteront eux- mêmes intérêts au taux légal dès lors qu'ils seront dus pour une année entière à compter de la demande qui en a été faite,

ORDONNE à la société Auto Clean Express de remettre à M. [U] un bulletin de salaire récapitulatif conforme à la présente décision,

REJETTE la demande d'astreinte,

REJETTE toutes autres demandes plus amples ou contraires,

CONDAMNE la société Auto Clean Express aux dépens de première instance et d'appel, et à verser à M. [U] une indemnité de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

. prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

. signé par Madame Aurélie Prache, président et par Madame Dorothée Marcinek, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier Le président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 17e chambre
Numéro d'arrêt : 21/00513
Date de la décision : 08/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-08;21.00513 ?
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