La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

08/03/2023 | FRANCE | N°21/00524

France | France, Cour d'appel de Versailles, 17e chambre, 08 mars 2023, 21/00524


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 80C



17e chambre



ARRÊT N°



CONTRADICTOIRE



DU 08 MARS 2023



N° RG 21/00524

N° Portalis DBV3-V-B7F-UKPR



AFFAIRE :



[N] [P]



C/



Société FLANDRIN IT









Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 13 janvier 2021 par le Conseil de Prud'hommes Formation paritaire de VERSAILLES

Section : C

N° RG : F 18/00259



Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :



Me Olivier CABON



Me Philippe ROZEC



Copie numérique adressée à :



Pôle Emploi







le :





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE HUIT MARS DEUX MILLE VINGT TROIS,

La ...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80C

17e chambre

ARRÊT N°

CONTRADICTOIRE

DU 08 MARS 2023

N° RG 21/00524

N° Portalis DBV3-V-B7F-UKPR

AFFAIRE :

[N] [P]

C/

Société FLANDRIN IT

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 13 janvier 2021 par le Conseil de Prud'hommes Formation paritaire de VERSAILLES

Section : C

N° RG : F 18/00259

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Olivier CABON

Me Philippe ROZEC

Copie numérique adressée à :

Pôle Emploi

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE HUIT MARS DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Monsieur [N] [P]

né le 13 août 1970 à [Localité 5]

de nationalité française

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentant : Me Cécile AIACH de l'AARPI AIACH EDELMANN ASSOCIES, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : E1366 - Représentant : Me Olivier CABON, Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 218

APPELANT

****************

Société FLANDRIN IT anciennement dénommée BERTIN IT

N° SIRET : 810 879 551

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentant : Me Philippe ROZEC, Plaidant/ Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : R045, substitué à l'audience par Me Victor DEHAN, avocat au barreau de Paris

INTIMÉE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 5 janvier 2023 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Nathalie GAUTIER, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Aurélie PRACHE, Président,

Monsieur Laurent BABY, Conseiller,

Madame Nathalie GAUTIER, Conseiller,

Greffier lors des débats : Madame Dorothée MARCINEK

RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

M. [P] a été engagé par la société Bertin IT, en qualité de Strategie Account Manager pour exercer l'emploi de responsable commercial, par contrat de travail à durée indéterminée, à compter du 2 mai 2017. Une période d'essai de quatre mois était prévue, renouvelable une fois après accord écrit des parties.

Le salarié percevait une rémunération fixe annuelle brute de 80 000 euros outre une rémunération complémentaire sous la forme d'une partie variable, un bonus, pouvant atteindre 75% de la rémunération brute perçue, soit la somme de 60 000 euros, dont les modalités étaient précisées annuellement.

La société Bertin IT est spécialisée dans la vente de licences de logiciel. L'effectif de la société était, au jour de la rupture, de plus de 50 salariés et applique la convention collective nationale dite Syntec.

Par avenant du 19 juin 2017, l'employeur a fixé le plan d'objectifs et de commissionnement du salarié pour la période du 2 mai au 31 décembre 2017.

Par lettre du 14 décembre 2017, le salarié a été convoqué à un entretien préalable en vue d'un éventuel licenciement, fixé le 22 décembre 2017.

Il a été licencié par lettre du 3 janvier 2018 par la société Bertin IT pour insuffisance professionnelle.

Le salarié a été dispensé d'exécuter son préavis qui lui a été payé.

Le 25 avril 2018, M. [P] a saisi le conseil de prud'hommes de Versailles aux fins de voir fixer son salaire de référence à 12 603 euros, d'obtenir la requalification de son licenciement en licenciement sans cause réelle et sérieuse et le paiement de diverses sommes de nature salariale et indemnitaire.

Par jugement du 13 janvier 2021, le conseil de prud'hommes de Versailles (section encadrement) a :

- dit que le licenciement de M. [P] est fondé sur une cause réelle et sérieuse,

- débouté M. [P] de sa demande de fixer le salaire de référence à 12 603 euros,

- débouté M. [P] de sa demande de rappel de salaire au titre de la part variable,

- débouté M. [P] de sa demande de rappel de préavis,

- débouté M. [P] de sa demande de rappel d'heures supplémentaires de mai à décembre 2017,

- condamné M. [P] à rembourser à la société Bertin IT la somme de 86,30 euros dont elle a dû s'acquitter au titre d'une contravention de stationnement,

- condamné M. [P] à payer à la société Bertin IT la somme de 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- laissé les dépens à la charge respective des parties,

- débouté les parties du surplus de leurs demandes.

Par déclaration adressée au greffe le 19 février 2021, M. [P] a interjeté appel de ce jugement.

Le 7 juillet 2021, la société Bertin IT a été dénommée la société Flandrin IT.

Une ordonnance de clôture a été prononcée le 15 novembre 2022.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Vu les dernières conclusions transmises par voie électronique le 18 mai 2021, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à l'article 455 du code de procédure civile et aux termes desquelles M. [P] demande à la cour de :

- réformer le jugement du 13 janvier 2021 du conseil de prudhommes de Versailles en toutes ces dispositions,

statuant à nouveau

- requalifier le licenciement en licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- fixer le salaire de référence à 12 603 euros brut,

- condamner la société Bertin IT au paiement des sommes suivantes :

. 25 206 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

. 1 299 euros à titre de rappel d'indemnité légale licenciement,

. 17 514,75 euros à titre de rappel de préavis du 2 janvier au 4 janvier 2018 au 3 avril 2018,

. 1 751 euros à titre de congés payés afférents,

. 45 454 euros brut à titre de rappel de commission pour la période de mai à décembre 2017,

. 4 545 euros à titre de congés payés afférents,

. 23 629 euros à titre de rappel des heures supplémentaires de mai à décembre 2017,

. 2 362 euros à titre de congés payés afférents,

. 5 309 euros au titre des repos compensateurs,

- condamner la société Bertin IT au paiement de la somme de 2 500 euros à titre d'article 700 du code de procédure civile.

Vu les dernières conclusions transmises par voie électronique le 17 octobre 2022, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à l'article 455 du code de procédure civile et aux termes desquelles la société Flandrin IT, anciennement dénommée Bertin IT, demande à la cour de :

- dire et juger que le licenciement de M. [P] repose sur une cause réelle et sérieuse,

- dire et juger que M. [P] ne peut prétendre à un quelconque rappel de rémunération variable,

- dire et juger que les demandes de rappel de salaires au titre des heures supplémentaires sont infondées,

- dire et juger que M. [P] est redevable, à son égard de la somme de 86,30 euros au titre de la contravention de stationnement dont elle a dû s'acquitter,

en conséquence,

- confirmer en intégralité le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Versailles le 13 janvier 2021,

- débouter M. [P] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- condamner M. [P] à lui rembourser la somme de 86,30 euros dont elle a dû s'acquitter au titre d'une contravention de stationnement de M. [P],

- la recevoir en sa demande reconventionnelle et condamner M. [P] à lui verser la somme de 2 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles d'appel, en complément de la condamnation à hauteur de 500 euros prononcée au titre des frais irrépétibles de première instance par le jugement querellé dont la confirmation est demandée,

- condamner M. [P] aux entiers dépens.

MOTIFS

Sur les heures supplémentaires

Le salarié indique qu'il est soumis à la durée légale du travail de 35 heures et que le contrat ne comporte aucune clause de forfait en jours pour un volume de 40h30. Il affirme que les plages horaires étaient en moyenne de 8h30 à 19h30 avec une heure de pause déjeuner. Il ajoute que l'employeur n'a pas déféré à la demande de sommation de communiquer les justificatifs du décompte du temps de travail.

L'employeur objecte que le salarié a été embauché selon la 'modalité 2 ' de l'accord d'entreprise en vigueur dans la société qui prévoit un temps de travail de 40h30 hebdomadaires en contrepartie de 12 jours de RTT annuels. Il soutient que le salarié se prévaut d'un tableau de ses heures supplémentaires, document unilatéral, qui n'a pas été validé par sa hiérarchie et affirme que le salarié prétend avoir réalisés 15 heures supplémentaires par semaine sans que cela ne soit corroboré.

***

Il résulte des dispositions de l'article L. 3171-4 du code du travail, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments.

Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences des dispositions légales et réglementaires applicables.

Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.

Au cas présent, le contrat de travail du salarié prévoit que ' l'organisation du temps de travail est régie par l'accord d'enteprise en vigueur au sein de la société.'.

L'article 3.3 de l'accord d'entreprise relatif à l'aménagement et la réduction du temps de travail, applicable au salarié qui a une classification supérieure à 2.23, en l'espèce 3.2 correspondant à la ' Modalité 2 ', prévoit pour les ingénieurs et cadres confirmés le lissage du salaire mensuel à partir d'une base horaire hebdomadaire moyenne comprise entre 35 heures et 40h30 par semaine au maximum, avec l'attribution en contrepartie de 12 jours de RTT maximum.

Il ressort des bulletins de paye que le salarié, embauché en mai 2017, a acquis 8 jours de RTT de mai à décembre 2018 de sorte que l'employeur a appliqué les dispositions prévues par l'accord collectif, la durée mensuelle de travail étant bien fixée à 151,67 heures.

Aussi, la cour retient que durée hebdomadaire de travail du salarié est fixée à 40h30 maximum, ce qui correspond à une journée de 8h06.

Le salarié réclame un rappel d' heures supplémentaires sur la base d'une journée moyenne de 10 heures, déduction faite de la pause déjeuner, ce qui porte à 50 heures la durée moyenne hebdomadaire de travail.

Au soutien de sa demande, le salarié produit un tableau détaillé, par jour, des heures supplémentaires réalisées entre le 1er mai 2017 et le 7 janvier 2018 et des courriels justifiant de son travail.

Ces éléments sont suffisamment précis pour permettre à l'employeur de produire ses propres éléments.

Force est de constater que l'employeur se borne d'une part à opposer une position de principe sans fournir aucune information ou pièce sur l'organisation et la charge de travail du salarié et d'autre part à discuter les heures réclamées certains jours alors que le salarié était en congés.

En effet, le salarié a compté comme journées travaillées des jours de congés payés, des RTT et des absences injustifiées de sorte que les erreurs relevées par l'employeur sont pertinentes, le salarié ayant notamment comptabilisé 13 journées non travaillées au lieu de 22, en ce compris le 1er janvier 2018.

En outre, le salarié communique un échange de courriels des 26 et 27 octobre 2017 justifiant qu'il a débuté sa journée un peu avant 9 heures et a travaillé jusque 19 heures, les autres pièces étant des courriels de réclamation qu'il a adressés à sa hiérarchie tôt le matin ou en fin de journée.

Ces quelques échanges de courriels communiqués par le salarié ne permettent pas de démontrer une amplitude de travail sur l'ensemble de la période litigieuse.

Ces incohérences n'affectent qu'une partie des tableaux récapitulatifs présentés par le salarié mais ne conduisent pas à supprimer totalement son éligibilité au bénéfice d'un rappel au titre des heures supplémentaires accomplies au-delà de 40h30 heures hebdomadaires alors qu'il appartenait à l'employeur d'effectuer le contrôle des horaires de travail du salarié.

Sur cette base et sur l'ensemble de la période revendiquée, il convient de fixer le rappel de salaires dû au titre des heures supplémentaires non rémunérées réalisées entre le 1er mai 2017 et le 7 janvier 2018, à la somme de 10 523,44 euros outre la somme de 1052,34 euros au titre des congés payés afférents, au paiement desquelles l'employeur sera en conséquence condamné.

Le jugement sera donc infirmé de ce chef.

Sur la contrepartie en repos compensateurs

Il n'est pas contesté que le contingent annuel d'heures supplémentaires hors modulation prévue par la convention collective des bureaux d'études techniques est établi à 130 heures par an par salarié uniquement pour les ETAM.

Le salarié étant un cadre, il convient d'appliquer les dispositions légales et un contingent de 220 heures par an, ce qu'il a lui-même retenu.

Compte tenu du nombre d'heures supplémentaires effectuées chaque année, il ne ressort pas des éléments versés aux débats que le contingent annuel d'heures supplémentaires applicable a été dépassé. Le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté la demande du salarié à ce titre.

Sur le rappel de commissions

Le salarié indique que l'employeur n'a pas pris en compte la commande de la Société Générale dans le calcul de ses commissions. Il explique que si une commande d'échantillons, version ' pilote', a été faite par son supérieur hiérarchique, M. [O], la vente auprès de la Société Générale est intervenue après son arrivée et résulte de son action personnelle et son investissement à compter de mai 2017. Il ajoute que les nouvelles commandes lui profitent ainsi qu'à M. [O], qui a un rôle d'encadrement et n'est pas lui-même commercial.

L'employeur considère que le salarié ne peut prétendre qu'à des commissions sur des ventes qu'il a réalisées lui-même et sur son territoire. Il explique que le salarié n'a pas participé à la réalisation de cette vente et que ce n'est qu'en fin d'année que le salarié, constatant ses mauvais résultats, a fait état de son insatisfaction quant à l'organisation de l'entreprise l'empêchant d'atteindre ses objectifs et a revendiqué la paternité du dossier de la Société Générale. Il ajoute que le compte client Société Générale était suivi par M. [O] bien avant l'arrivée de M. [P], la Société Générale ayant accepté le 3 mai 2017 l'offre de la société Bertin IT dans le cadre du projet Osmose, M. [P] ayant pris ses fonctions la veille.

***

En vertu de l'article L. 1222-1 du code du travail, le contrat de travail est exécuté de bonne foi.

. Sur le dossier 'Société Générale'

L'annexe au contrat de travail du salarié pour l'année 2017 prévoit un plan de commissionnement dont l'objectif est d'atteindre : 750 000 euros de ventes nouvelles, 34 795 euros de ventes renouvelées et 125 000 euros de ventes de développement.

Il ressort de cette annexe que le territoire du salarié est composé d'une liste de clients déjà actifs au sein de la société depuis janvier 2017 et une liste de prospects attribués en début d'année puis lors des réunions commerciales.

Les commissions sur les ventes sont 'définies comme le montant des ventes de licences de logiciels, de maintenances annuelles, d'abonnements logiciels, d'unités de traitement de données, de services d'hébergement et services divers réalisés par M. [P] et facturées aux clients sur son Territoire. Le montant pris en compte pour chacune de ces ventes est le montant commandé [...]Par commande, on entend une affaire ayant fait l'objet d'une proposition écrite, référencée et validée par la direction commerciale. [...] Un relevé de compte individuel sera arrêté chaque fin de semestre intégrant toutes les factures émises sur le semestre.'.

Le salarié communique :

- la liste des comptes dont il est 'propriétaire' en ce compris le compte prospect ' Société Générale Corporate & investissement Banking',

- la fiche de la Société Générale Corporate& Investmenet Banking qui mentionne que M. [P] est le 'propriétaire' de ce compte pour lequel une dernière commande a été passée le 23 novembre 2017 pour la somme de 1 119 693 euros,

- 2 bons de commande de la Société Générale émis le 17 novembre 2017 pour les sommes de 302 463 ,60 et 988 848 euros, avec la mention dans la description de l'article commandé : ' Projet XCM ... contact M. [L] [O].'.

Par ailleurs, dans un courriel adressé au salarié le 7 novembre 2017, M. [O], le supérieur hiérarchique du salarié, indique ' tu me reproches de ne pas t'avoir confié le dossier SG mais celui-ci était déjà négocié à ton arrivée donc je ne vois pas pour quelles raisons il te serait confié. Nous t'avons embauché pour chasser de nouvelles opportunités et de nouveaux comptes.

Sur ce point, le salarié répond le lendemain ' en ma qualité de responsable commercial du secteur banque finance, tu m'avais précisé que toutes les affaires de ce secteur seraient dans mon périmètre de responsabilités. Le deal actuellement en cours à la Société Générale n'est pas encore signé et tu viens juste de terminer les négociations. J'étais d'ailleurs avec toi dernièrement à Bassano et tu étais en train de finaliser le contrat avec le juriste de la Société Générale. Comme tu le sais nous n'avons pas encore reçu la commande du client, par conséquent, cette affaire ne pouvait pas encore être négociée à mon arrivée au mois de mai dernier.'.

Le salarié ajoute également dans ce courriel qu'il a contacté le chasseur de tête qui lui a confirmé avoir compris lors de l'embauche du salarié que notamment 'le deal Société Générale' prochainement signé faisait partie de son secteur' et que M. [O] a 'décidé de garder pour lui' cette affaire.

Par courriel du 27 novembre 2017, la directrice des ressources humaines indique au salarié que 'le deal avec la Société Générale n'entre pas dans vos objectifs, car ce deal ne vous est pas affecté. Les objectifs qui vons ont été présentés à votre arivée correspondent au développement de nouveaux comptes et non à l'entretien de comptes existants. Ce contrat a été conclu sans votre participation, il ne serait donc pas cohérent que vous perceviez une prime sur celui-ci.'.

Toutefois, même si la vente avec la Société Générale a été initiée par M. [O] et qu'il est visé comme 'contact' par ce client, il résulte des pièces précédemment citées que le salarié est propriétaire de ce compte et que son activité n'a pas consisté seulement à rechercher des nouveaux clients, une partie de son porte-feuille comprenant de nombreux comptes de clients actifs, ce qui correspond également à la définition de son territoire.

Dans ses 'reporting hebdo' des 13 et 27 octobre 2017, le salarié indique qu'il effectue le suivi des 'bons de commandes' du dossier de la Société Générale.

Dès lors, si l'employeur n'a pas été précis lors de la fixation des objectifs ou si une ambiguïté est née lors de la gestion de ce nouveau compte, cela lui est imputable.

En effet, quand bien même M. [O] a lancé le projet, les bons de commande n'ont été émis par la Société Générale que le 17 novembre 2017, soit plusieurs mois après l'arrivée de M. [P], responsable de ce compte, dont il a assuré le suivi.

S'agissant d'un important contrat dont le salarié était propriétaire du compte et dont la commande a été initiée par son supérieur hiérarchique, juste avant son arrivée, l'employeur ne justifie d'aucune réserve signifiée au salarié jusqu'à la signature des bons de commandes par la Société Générale sur les modalités d'attribution de la commission après la réalisation de la vente, qui conformément au plan de commission 2017, devait lui revenir.

L'employeur est donc tenu au paiement de la commission sur la vente réalisée pour la Société Générale .

. sur les autres nouvelles ventes

Le salarié revendique une commission sur 5 nouvelles ventes qu'il justifie avoir réalisées entre les mois d'août et novembre 2017 pour une somme totale de 52 995 euros, étant responsable de 'l'opportunité' de ces actions, ce que ne conteste pas l'employeur pour le client Natixis, ne développant aucun argument pour les autres nouvelles ventes.

Le salarié établit donc qu'il est bien fondé à percevoir une commission sur ces nouvelles ventes.

. Sur la prime sur objectifs

Le plan de commissionnement 2017 prévoit des commissions sur les ventes et des primes sur objectifs de nouvelles ventes si l'objectif de nouvelles ventes fixé à 750 000 euros est atteint, ce qui est le cas, de sorte que le salarié peut prétendre au paiement de la somme de 4 000 euros au titre de la prime sur objectifs, l'employeur ne soumettant à la cour aucun moyen de fait ou de droit de ce chef.

En conséquence, l'employeur est condamné à verser au salarié la somme globale de 45 454 euros bruts au titre des commissions et prime dues, somme non utilement contestée en son montant par l'employeur, outre la somme de 4 545 euros au titre des congés payés afférents.

Le jugement entrepris donc sera infirmé en ce qu'il a débouté le salarié de sa demande de rappel de commissions.

Sur la rupture

Le salarié fait valoir que la procédure de licenciement pour insuffisance professionnelle a été engagée prématurément alors qu'il n'était en poste que depuis seulement 8 mois et qu'elle fait suite à ses demandes d'explications sur le paiement des commissions dues. Il estime que ses objectifs n'étaient pas atteignables puisque la vente au client ' Société Généralé' n'a pas été entrée dans le calcul de ses commissions, et que l'objectif des nouvelles ventes fixés à 750 000 euros est également trop élevé pour être réalisé sur un cycle de moins d'une année.

L'employeur réplique que les résultats du salarié étaient particulièrement insuffisants en fin d'année 2017 et qu'il a adopté un comportement indapté au contexte professionnel alors qu'il occupait le poste de responsable commercial depuis le mois de mai 2017.

L'article L. 1232-1 du code du travail dispose que tout licenciement pour motif personnel est justifié par une cause réelle et sérieuse.

L'insuffisance professionnelle constitue une cause réelle et sérieuse de licenciement dès lors qu'elle repose sur des éléments objectifs matériellement vérifiables au regard des responsabilités du salarié.

L'incompétence alléguée doit reposer sur des éléments concrets et ne peut être fondée sur une appréciation purement subjective de l'employeur. L'insuffisance professionnelle, qui ne suppose aucun comportement fautif du salarié, doit être constatée sur une période suffisamment longue pour ne pas apparaître comme passagère ou purement conjoncturelle, être directement imputable au salarié.

Pour justifier un licenciement, il faut que les objectifs fixés par l'employeur aient été réalisables et que la non atteinte des objectifs soit imputable à l'insuffisance professionnelle ou à la faute du salarié .

Il repose sur l'employeur la charge de la preuve du caractère réalisable des objectifs fixés (Soc., 15 décembre 2021, pourvoi n° 19-20.978, publié ).

***

Au cas présent, avant d'invoquer les manquements du salarié, l'employeur soutient que la période d'essai n'a pas été renouvelée en raison d'une erreur administrative, ce qui ressort effectivement du dossier, le salarié ayant signé le 4 septembre 2017 avec son supérieur hiérarchique la fiche de prolongation de sa période d'essai au motif qu'il devait ' améliorer le reporting et la gestion des informations clients dans le CRM et adapter son discours et attitude à celui de son interlocuteur.'.

Il est également noté que le salarié ' est en adéquation avec son poste de responsable commercial notamment pour la chasse de nouvelles affaires.'.

A ce stade des relations contractuelles, l'employeur n'a pas demandé au salarié d'améliorer ses résultats. Les lacunes et carences du salarié ensuite invoquées ne sont établies par aucun élément à cette date, notamment par des entretiens ou des courriel de recadrage, le salarié indiquant d'ailleurs en novembre 2017 qu'il n'a rencontré qu'à deux reprises son supérieur hiérarchique, M. [O].

Au soutien de l'insuffisance professionnelle invoquée, l'employeur se prévaut des manquements suivants du salarié, en fin d'année 2017 :

- des résultats du salarié particulièrement insuffisants

Comme indiqué précédemment, le plan de commissionnement fixe au salarié les objectifs suivants pour la période du 2 mai au 31 décembre 2017 : 750 000 euros de ventes nouvelles, 34 795 euros de ventes renouvelées et 125 000 euros de ventes de développement.

Il ressort de la lettre de licenciement que le salarié a réalisé une seule nouvelle vente pour un montant de 37 000 euros et renouvelé trois affaires pour un montant de 16 000 euros, l'employeur ajoutant que le salarié a saisi un potentiel d'opportunités commerciales à hauteur de 191 000 euros pour un objectif fixé à 910 000 euros.

Toutefois, cette valeur ' potentiel d'opportunités commerciales pour un objectif fixé à 910 000 euros' n'est pas mentionnée dans le plan de commissionnement fixant les objectifs.

Il a été précédemment retenu que le salarié a participé à la nouvelle vente auprès du client Société Générale mais s'il apparaît comme le propriétaire (...) responsable de ce compte, il n'a pas été à l'origine de l'entrée de ce nouveau client dans le portefeuille de la société pour un montant de commande très substantiel. Toutefois, la réalité de son niveau d'investissement dans le dossier n'est pas clairement expliquée par l'employeur.

Le salarié a également réalisé cinq autres nouvelles ventes en 2017 pour la somme totale de 52 995 euros.

Nonobstant la situation du client Société Générale, il est établi que le salarié n'a pas atteint les résultats escomptés et il a d'ailleurs fait part à compter du mois de novembre 2017 à son supérieur hiérarchique des 'difficultés rencontrées dans l'exercice de ses fonctions' pour remplir ses objectifs.

L'employeur qui rappelle que les premiers juges ont indiqué ' que le salarié n'apporte aucun élément de preuve', ne produit pas davantage d'élément permettant une comparaison utile sur les objectifs assignés les années précédentes sur le poste de Responsable commercial, alors que le salarié souligne que l'employeur a augmenté les objectifs et la répartition ' nouvelle vente/ renouvellement' par rapport aux années précédentes.

Il ne conteste pas davantage le fait allégué par le salarié que l'objectif des nouvelles ventes représentait 82 % de ses objectifs globaux et 50% des objectifs des commerciaux de la société Flandrin IT.

Sans réponse de l'employeur à ce titre, il n'est pas possible d'examiner si les objectifs assignés au salarié étaient raisonnables et pouvaient être atteints.

Dans ces conditions, l'employeur n'apporte pas suffisamment d'éléments aux débats pour établir l'insuffisance de résultats du salarié.

- une qualité de travail insuffisante

M. [G], 'Delivery & Support Director', dans son courriel adressé le 4 décembre 2017 à M. [O], et qui fait le point entre les interactions de son équipe Consulting et le salarié, procède par affirmations générales, sans faits circonstanciés et précis, corroborés ensuite par des attestations des salariés qu'il cite.

Cette attestation, qui intervient quelques jours avec l'engagement de la procédure de licenciement, n'établit pas que le salarié génère une ' surcharge et une tension anormaledans son équipe' comme l'indique le témoin, d'autant plus qu'aucun autre collaborateur n'a fait part d'un tel ressenti pendant toute la relation contractuelle.

Le manquement n'est donc pas établi.

. Sur l'absence de respect des directives de l'employeur et le report des carences du salarié sur les autres collaborateurs

Les échanges fournis du salarié avec sa hiérarchie et la directrice des ressources humaines en novembre 2017 ne témoignent pas d'une absence de respect des consignes de l'employeur mais avait eu pour objet de clarifier la situation relative à l'intégration du dossier Société Générale dans ses commissions, sans entêtement de sa part.

Par ailleurs, comme indiqué précédemment, l'unique attestation de M. [G] ne justifie pas les difficultés relationnelles avec les autres collaborateurs.

. un comportement régulièrement inadapté au contexte professionnel voire déplacé

Pour justifier le manque de précision et de rigueur du salarié, et le fait qu'il 'se repose' sur le travail réalisé par les autres collaborateurs, l'employeur produit à nouveau le témoignage de M. [G] ainsi qu'un courriel dans lequel le salarié adresse la définition de 'OK' à son supérieur hiérarchique.

Non corroborées par d'autres éléments, ces deux seules pièces ne sont pas suffisantes pour établir les manquements allégués.

En conséquence, les manquements professionnels du salarié invoqués par l'employeur à l'appui de l'insuffisance professionnelle ne sont pas établis. Il convient donc d'infirmer le jugement et de dire le licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur les conséquences du licenciement sans cause réelle et sérieuse

Le salarié fonde ses demandes indemnitaires sur la base d'un salaire de référence qui s'élève à la somme de 12 603 euros, additionnant le cumul des 8 mois de salaire et la part variable, tandis que l'employeur retient un salaire de 6 921,52 euros, sans commentaire ou explication.

En prenant en compte la part variable précédemment accordée au salarié, le salaire de référence s'élève donc à la somme de 12 603 euros brute.

En application des dispositions de l'article L. 1235-3, dans sa rédaction applicable au litige, issue de l'ordonnance du 22 septembre 2017, qui octroient au salarié, en cas de licenciement injustifié, une indemnité à la charge de l'employeur, dont le montant est compris entre des montants minimaux et maximaux variant en fonction du montant du salaire mensuel et de l'ancienneté du salarié, M. [P] ayant acquis une ancienneté de moins d'une année au moment de la rupture dans la société employant habituellement au moins onze salariés, le montant de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse est égale à un mois de salaire maximum.

Compte tenu notamment des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée au salarié (12 603 euros ), de son âge (47 ans), de son ancienneté, de sa capacité à retrouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard, tels qu'elles résultent des pièces et des explications fournies, il y a lieu de condamner la société Flandrin IT à lui payer la somme de 12 603 euros brut à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. Le jugement est infirmé de ce chef.

Après application du salaire de référence précédemment retenu, le salarié peut prétendre à un solde restant dû sur l'indemnité légale de licenciement et sur l'indemnité compensatrice de préavis dont les montants sont indiqués dans le dispositif.

En application de l'article L. 1235-4 du code du travail, il convient d'ordonner d'office le remboursement par l'employeur, à l'organisme concerné, du montant des indemnités de chômage éventuellement servies au salarié du jour de son licenciement au jour du prononcé de l'arrêt dans la limite de 6 mois d'indemnités.

Sur le remboursement de la contravention

Le salarié, qui sollicite la réformation du jugement mais ne conteste pas qu'il a commis une infraction au code de la route pour stationnement gênant au cours de la période du préavis, devra rembourser à l'employeur la somme de 86,11 euros correspondant à l'avis de poursuite qu'il a réceptionné le 2 août 2018 pour le véhicule professionnel utilisé par le salarié.

La décision déférée sera donc confirmée à ce titre.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

L'employeur qui succombe, doit supporter la charge des dépens et ne saurait bénéficier d'une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile, le jugement sera infirmé à ce titre.

Il est inéquitable de laisser à la charge de du salarié les frais par lui exposés en première instance et en cause d'appel non compris dans les dépens, qu'il conviendra de fixer à la somme de 2 500 euros.

PAR CES MOTIFS:

La cour, statuant par arrêt contradictoire, en dernier ressort et prononcé par mise à disposition au greffe :

INFIRME le jugement entrepris, sauf en ce qu'il déboute M. [P] de sa demande au titre des repos compensateurs et condamne M. [P] à rembourser à la société Bertin IT la somme dont elle a dû s'acquitter au titre d'une contravention de stationnement,

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

DIT que le salaire de référence s'élève à la somme de 12 603 euros bruts,

DIT le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse,

CONDAMNE en conséquence la société Flandrin IT à payer à M. [P] les sommes suivantes:

. 10 523,44 euros à titre de rappel de salaire sur les heures supplémentaires outre la somme de 1 052,34 euros au titre des congés payés afférents,

. 12 603 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

. 1 299 euros au titre du solde de l'indemnité légale licenciement,

. 17 514,75 euros au titre du solde de l'indemnité compensatrice de préavis outre la somme de 1 751 euros à titre de congés payés afférents,

. 45 454 euros brut à titre de rappel de commission pour la période de mai à décembre 2017, outre la somme de 4 545 euros à titre de congés payés afférents,

CONDAMNE la société Flandrin IT à rembourser aux organismes intéressés les indemnités de chômage éventuellement versées à M. [P] dans la limite de six mois,

REJETTE toutes autres demandes plus amples ou contraires,

CONDAMNE la société Flandrin IT aux dépens de première instance et d'appel, et à verser à M. [P] une indemnité de 2 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

. prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

. signé par Madame Aurélie Prache, président et par Madame Dorothée Marcinek, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier Le président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 17e chambre
Numéro d'arrêt : 21/00524
Date de la décision : 08/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-08;21.00524 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award