COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 88H
5e Chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 16 MARS 2023
N° RG 19/04266
N° Portalis DBV3-V-B7D-TS6H
AFFAIRE :
URSSAF IDF venant aux droits du RSI
C/
[C] [H]
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 08 Novembre 2019 par le Tribunal de Grande Instance de NANTERRE
N° RG : 16/02095
Copies exécutoires délivrées à :
Me Malick DIOUF
URSSAF IDF
Copies certifiées conformes délivrées à :
URSSAF IDF
[C] [H]
le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE SEIZE MARS DEUX MILLE VINGT TROIS,
La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
URSSAF IDF venant aux droits du RSI
Départements des contentieux amiables et judiciares
[Adresse 4]
[Localité 3]
représentée par M. [W] [J] (Représentant légal) en vertu d'un pouvoir général
APPELANTE
****************
Monsieur [C] [H]
[Adresse 1]
[Localité 2]
comparant en personne, assisté de Me Malick DIOUF, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 723
(bénéficie d'une aide juridictionnelle totale numéro 2021/006353 du 25/10/2021 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de VERSAILLES)
INTIMÉ
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 17 Janvier 2023, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Marie-Bénédicte JACQUET, Conseiller chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Sylvia LE FISCHER, Présidente,
Madame Marie-Bénédicte JACQUET, Conseiller,
Madame Rose-May SPAZZOLA, Conseiller,
Greffier, lors des débats : Madame Dévi POUNIANDY,
EXPOSÉ DU LITIGE
M. [C] [H] a été affilié au régime social des indépendants (RSI) en qualité d'autoentrepreneur pour une activité de prestation de services dans le domaine de l'électricité.
Par lettre recommandée avec accusé de réception revenu avec la mention 'avisé et non réclamé', le RSI d'Ile-de-France a notifié à M. [H] la mise en demeure établie le 7 mars 2016 d'avoir à payer la somme de 42 720 euros, représentant 37 278 euros de cotisations et 5 442 euros de majorations de retard, au titre du mois de décembre 2013.
Par acte d'huissier de justice en date du 21 septembre 2016, la caisse nationale du RSI a signifié à l'étude d'huissier la contrainte émise le 12 août 2016 à l'encontre de M. [H] portant sur la somme de 42 720 euros, en visant la mise en demeure en date du 7 mars 2016.
Le 30 septembre 2016, M. [H] a formé opposition à la contrainte devant le tribunal des affaires de sécurité sociale des Hauts-de-Seine.
Par jugement contradictoire en date du 8 novembre 2019 (RG n° 16/02095), le pôle social du tribunal de grande instance de Nanterre, retenant que la contrainte laissait M. [H] dans l'ignorance de la cause et de la période à laquelle se rapportaient les cotisations réclamées, a :
- annulé la contrainte émise le 12 août 2016 pour un montant de 42 720 euros ;
- condamné la caisse aux dépens.
Par déclaration du 28 novembre 2019, l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales d'Ile de France (l'URSSAF), venant aux droits de la Caisse nationale du RSI, a interjeté appel et les parties ont été convoquées, après plusieurs renvois, à l'audience du 17 janvier 2023.
Par conclusions écrites, déposées et soutenues à l'audience, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, l'URSSAF demande à la cour :
- de déclarer recevable l'appel interjeté ;
- y faisant droit, de réformer le jugement rendu par le Tribunal de Grande Instance - Pôle social de Nanterre en date du 08 novembre 2019 ;
Statuant à nouveau :
- de confirmer le bien-fondé et la régularité de la mise en demeure du 07 mars 2016 et de la contrainte du 12 août 2016 ;
-de dire et juger qu'elle a satisfait à son obligation d'information du cotisant sur les conséquences d'un rehaussement fiscal ;
- de condamner M. [H] au paiement de la somme de 37 278 euros représentant les cotisations restant dues auxquelles s'ajoutent 5 442 euros de majorations de retard au titre de la période de décembre 2013, objet de la contrainte querellée.
L'URSSAF estime que son appel est régulier ; que le tribunal a admis que la mise en demeure concerne le mois de décembre 2013 ; que cette mise en demeure comporte tous les éléments permettant de savoir ce qui est réclamé à M. [H] ; que M. [H] a fait l'objet d'un contrôle fiscal ; alors qu'il n'avait déclaré aucun bénéfice pour les années 2012 et 2013, l'administration fiscale a réhaussé le montant de son revenu, ce qui a entraîné l'augmentation de ses cotisations ; qu'il n'y a pas eu de contestation ni de paiement.
Elle ajoute que le fait que la mise en demeure soit revenue avec la mention postale 'pli avisé non réclamé' est sans incidence sur la validité de la procédure de recouvrement.
Par conclusions écrites, déposées et soutenues à l'audience, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, M. [H] demande à la cour :
A titre principal,
- de juger recevable l'intégralité de ses moyens ;
- de juger que la déclaration d'appel ne dévolue à la cour d'appel aucun chef critiqué du jugement attaqué et que, par suite, cette déclaration est nulle ;
- de confirmer en conséquence le jugement attaqué dans toutes ses dispositions ;
A titre subsidiaire,
- de juger que les demandes de l'URSSAF sont mal fondées et de confirmer le jugement ;
En tout état de cause,
- de rejeter toutes demandes plus amples ou contraires ;
- de condamner l'URSSAF aux dépens.
M. [H] soutient que la déclaration d'appel est nulle puisqu'elle ne présente aucun critique du jugement par la seule mention 'appel général'.
Il précise que la contrainte le laisse dans l'ignorance de la cause et de la période à laquelle se rapportent les cotisations réclamées et doit être annulée.
M. [H] sollicite l'octroi d'une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. L'URSSAF ne forme aucune demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la régularité de l'appel
Aux termes de l'article 933 du code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017, régissant la procédure sans représentation obligatoire devant la cour d'appel, la déclaration comporte les mentions prescrites par l'article 58. Elle désigne le jugement dont il est fait appel, précise les chefs du jugement critiqués auquel l'appel est limité, sauf si l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible, et mentionne, le cas échéant, le nom et l'adresse du représentant de l'appelant devant la cour. Elle est accompagnée de la copie de la décision.
A la différence de l'article 901 du même code, qui régit la procédure avec représentation obligatoire par avocat, l'article 933, de même que l'ensemble des autres dispositions régissant la procédure sans représentation obligatoire devant la cour d'appel, instaurent un formalisme allégé, destiné à mettre de façon effective les parties en mesure d'accomplir les actes de la procédure d'appel.
Il en résulte qu'en matière de procédure sans représentation obligatoire, la déclaration d'appel qui mentionne que l'appel tend à la réformation de la décision déférée à la cour d'appel, en omettant d'indiquer les chefs du jugement critiqués, doit s'entendre comme déférant à la connaissance de la cour d'appel l'ensemble des chefs de ce jugement. (Civ. 2ème, 9 septembre 2021, 20-13.662)
En l'espèce, la déclaration d'appel de l'URSSAF précise : 'chef du jugement critiqué : appel général'.
Le dispositif du jugement lui-même ne comporte qu'un élément, en dehors de la condamnation aux dépens, l'annulation de la contrainte litigieuse.
Il s'en déduit donc que l'URSSAF a interjeté appel contre l'annulation de la contrainte, sa déclaration d'appel étant bien régulière.
La demande de M. [H] de ce chef sera ainsi rejetée.
Sur la validité de la mise en demeure et de la contrainte
L'article L. 244-2 du code de la sécurité sociale, dans sa version applicable au litige, dispose que :
'Toute action ou poursuite effectuée en application de l'article précédent ou des articles L. 244-6 et L. 244-8-1 est obligatoirement précédée, si elle a lieu à la requête du ministère public, d'un avertissement par lettre recommandée de l'autorité compétente de l'Etat invitant l'employeur ou le travailleur indépendant à régulariser sa situation dans le mois. Si la poursuite n'a pas lieu à la requête du ministère public, ledit avertissement est remplacé par une mise en demeure adressée par lettre recommandée à l'employeur ou au travailleur indépendant.
Le contenu de l'avertissement ou de la mise en demeure mentionnés au premier alinéa doit être précis et motivé, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat.'
Aux termes de l'article L. 244-9 du même code, la contrainte décernée par le directeur d'un organisme de sécurité sociale pour le recouvrement des cotisations et majorations de retard comporte, à défaut d'opposition du débiteur devant le tribunal des affaires de sécurité sociale, dans les délais et selon des conditions fixées par décret, tous les effets d'un jugement et confère notamment le bénéfice de l'hypothèque judiciaire.
Aux termes de l'article R. 133-3 du même code,
'Si la mise en demeure ou l'avertissement reste sans effet au terme du délai d'un mois à compter de sa notification, le directeur de l'organisme créancier peut décerner la contrainte mentionnée à l'article L. 244-9 ou celle mentionnée à l'article L. 161-15. La contrainte est signifiée au débiteur par acte d'huissier de justice ou par lettre recommandée avec demande d'avis de réception. A peine de nullité, l'acte d'huissier ou la lettre recommandée mentionne la référence de la contrainte et son montant, le délai dans lequel l'opposition doit être formée, l'adresse du tribunal compétent et les formes requises pour sa saisine.
L'huissier de justice avise dans les huit jours l'organisme créancier de la date de signification.
Le débiteur peut former opposition par inscription au secrétariat du tribunal compétent dans le ressort duquel il est domicilié ou par lettre recommandée avec demande d'avis de réception adressée au secrétariat dudit tribunal dans les quinze jours à compter de la signification. L'opposition doit être motivée ; une copie de la contrainte contestée doit lui être jointe. Le secrétariat du tribunal informe l'organisme créancier dans les huit jours de la réception de l'opposition.
La décision du tribunal, statuant sur opposition, est exécutoire de droit à titre provisoire.'
Quant à l'article R. 244-1 du code de la sécurité sociale, il prévoit que l'envoi par l'organisme de recouvrement ou par le service mentionné à l'article R. 155-1 de l'avertissement ou de la mise en demeure prévus à l'article L. 244-2, est effectué par lettre recommandée avec demande d'avis de réception. L'avertissement ou la mise en demeure précise la cause, la nature et le montant des sommes réclamées ainsi que la période à laquelle elles se rapportent.
Il résulte de ces textes que l'avertissement ou la mise en demeure, qui constitue une invitation impérative adressée au débiteur par lettre recommandée avec accusé de réception d'avoir à régulariser sa situation dans le délai imparti, et la contrainte délivrée à la suite de cette mise en demeure restée sans effet, doivent permettre à l'intéressé d'avoir connaissance de la nature, de la cause et de l'étendue de son obligation ; qu'à cette fin, il importe qu'elles précisent, à peine de nullité, outre la nature et le montant des cotisations réclamées, la période à laquelle elles se rapportent, sans que soit exigée la preuve d'un préjudice.
En matière d'opposition à contrainte, il incombe à celui qui forme opposition de rapporter la preuve du caractère infondé du redressement des cotisations dont le recouvrement est poursuivi.
En l'espèce, l'opposition à contrainte de M. [H] précisait que ce dernier avait reçu un courrier de l'URSSAF le 2 décembre 2015 l'informant que l'administration fiscale avait communiqué les chiffres d'affaire de M. [H] à l'URSSAF soit :
- en 2012 : 56 711 (37 429 euros de bénéfice) alors qu'il avait déclaré 4 010 euros ;
- en 2013 : 141 035 euros (93 083 euros de bénéfices) alors qu'il avait déclaré 3 476 euros ;
et que c'était dans ce cadre que l'URSSAF avait recalculé les cotisations qu'il contestait.
Les pièces produites aux débats permettent de constater que la mise en demeure litigieuse répond aux exigences ci-dessus rappelées puisque sont mentionnés :
- la date de son établissement, soit le 9 mars 2016 ;
- la cause de l'obligation, en l'espèce le paiement des cotisations et contributions obligatoires de sécurité sociale ;
- la nature des cotisations concernées, en l'occurrence les cotisations de formation professionnelle et forfait micro social/BNC ;
- le motif de la mise en recouvrement, en l'espèce, ce qui n'est pas contesté, une absence paiement ;
- la période de référence, soit le mois de décembre 2013 ;
- et les montants en contributions et majorations de retard, soit 42 720 euros, dont 37 278 euros de cotisations et 5 442 euros de majorations de retard.
Le courrier explicatif du 2 décembre 2015 visé par M. [H] dans son opposition à contrainte et la mise en demeure du 9 mars 2016 ont été envoyés en lettre recommandée avec avis de réception mais ont été retournés à leur expéditeur pour 'pli avisé non réclamé'.
A la différence de la contrainte, la mise en demeure préalable délivrée par une URSSAF n'est pas de nature contentieuse. Les dispositions des articles 640 à 694 du code de procédure civile ne sont pas applicables à cette mise en demeure, et, quels qu'en aient été les modes de délivrance, le courrier explicatif du 2 décembre 2015 et la mise en demeure envoyés à l'adresse de M. [H] sont valables et n'affectent pas la régularité de la procédure de recouvrement des cotisations et contributions sociales.
La contrainte, qui a été émise le 12 août 2016, reprend exactement les mêmes précisions et fait un renvoi express à la mise en demeure ci-dessus évoquée. Elle porte également les mentions des délais et voies de recours ouvertes au cotisant précisant le tribunal compétent.
La mise en demeure, et la contrainte qui a été émise à sa suite, sont donc bien de nature à permettre à M. [H] de connaître la nature, la cause et l'étendue de ses obligations.
Dans ces conditions, M. [H] n'ayant pas contesté le calcul des cotisations, la cour infirme le jugement ayant annulé la contrainte et valide celle-ci pour son montant de 42 720 euros.
Sur les dépens et les demandes accessoires
M. [H], qui succombe à l'instance, est condamné aux dépens éventuellement exposés depuis le 1er janvier 2019 et corrélativement débouté de sa demande fondée sur les dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
PAR CES MOTIFS
La Cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et par mise à disposition au greffe,
Déclare recevable l'appel de l'Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales d'Ile-de-France ;
Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions soumises à la cour ;
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Rejette le moyen tiré de l'irrégularité de la contrainte ;
Condamne M. [C] [H] à payer à l'Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales d'Ile-de-France la somme de 42 720 euros, dont 37 278 euros de cotisations et 5 442 euros de majorations de retard pour la période de décembre 2013 ;
Condamne M. [C] [H] aux dépens éventuellement exposés depuis le 1er janvier 2019 ;
Déboute M. [C] [H] de sa demande d'indemnité sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;
Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame Sylvia LE FISCHER, Présidente, et par Madame Dévi Pouniandy, Greffière, auquel le magistrat signataire a rendu la minute.
Le GREFFIER, Le PRESIDENT,