COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 88G
5e Chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 16 MARS 2023
N° RG 20/02464
N° Portalis DBV3-V-B7E-UEIP
AFFAIRE :
Société [4]
C/
CPAM DES HAUTS DE SEINE
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 25 Septembre 2020 par le Pôle social du TJ de PONTOISE
N° RG : 19/01487
Copies exécutoires délivrées à :
la SELEURL VIDAL AVOCATS
CPAM DES HAUTS DE SEINE
Copies certifiées conformes délivrées à :
Société [4]
CPAM DES HAUTS DE SEINE
le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE SEIZE MARS DEUX MILLE VINGT TROIS,
La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
Société [4]
[Adresse 1]
[Localité 3]
représentée par Me Thibaud VIDAL de la SELEURL VIDAL AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : B0056, substitué à l'audience par Me Manel GHARBI, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire n°6
APPELANTE
****************
CPAM DES HAUTS DE SEINE
[Localité 2]
représentée par Mme [E] [V] en vertu d'un pouvoir général
INTIMÉE
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 17 Janvier 2023, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Marie-Bénédicte JACQUET, Conseiller chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Sylvia LE FISCHER, Présidente,
Madame Marie-Bénédicte JACQUET, Conseiller,
Madame Rose-May SPAZZOLA, Conseiller,
Greffier, lors des débats : Madame Dévi POUNIANDY,
EXPOSÉ DU LITIGE
La société [4] (la société) est une société privée de transport sanitaire conventionnée avec l'assurance maladie.
La société a fait l'objet d'un contrôle de la part de la caisse primaire d'assurance maladie des Hauts-de-Seine (la caisse) portant sur des transports réalisés au cours de la période du 31 octobre
2013 au 28 avril 2017 et qui ont été remboursés entre le 26 mai 2015 et le 22 mai 2017.
A l'issue du contrôle, la caisse a estimé qu'il y avait des anomalies de facturation, notamment l'absence de déclarations annuelles de données sociales relative à des chauffeurs de la société ayant réalisé 120 transports.
Par courrier en date du 10 octobre 2017, la caisse a notifié à la société une créance d'un montant total de 15 015,55 euros correspondant à un indu généré par ces anomalies.
Par courrier du 30 novembre 2017, la société a saisi la commission de recours amiable aux fins de contester cet indu.
Par décision prise en sa séance du 5 décembre 2018, la commission de recours amiable a confirmé la créance à hauteur de 14 503,28 euros, après prise en compte des éléments présentés par la société.
Par requête du 14 janvier 2019, la société a saisi le pôle social du tribunal de grande instance de Pontoise, devenu tribunal judiciaire de Pontoise, qui, par jugement contradictoire en date du 25 septembre 2020 (RG n° 19/01487), a :
- dit le recours de la société recevable mais mal fondé ;
- confirmé la décision de la commission de recours amiable notifiée à la société le 27 décembre 2018, en ce qu'elle a validé l'indu réclamé à la société à hauteur de 14 503,28 euros ;
- condamné la société à payer à la caisse la somme de 14 503,28 euros en remboursement des transports facturés durant la période du 26 mai 2015 au 22 mai 2017 ;
- condamné la société aux dépens ;
- assorti le jugement de l'exécution provisoire.
Par déclaration reçue le 3 novembre 2020, la société a interjeté appel et les parties ont été convoquées, après renvois, à l'audience du 17 janvier 2023.
Les parties ont indiqué à l'audience s'en remettre à leurs conclusions écrites et à leurs pièces, sollicitant de déposer leurs dossiers respectifs, ce qui leur a été accordé.
Par conclusions écrites et déposées à l'audience, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, la société demande à la cour :
- de juger que la notification d'indu a été établie au terme d'une procédure de contrôle irrégulière ;
- de juger qu'elle est insuffisamment motivée ;
- de juger que la procédure en répétition d'indu est irrégulière, car engagée sur un fondement erroné ;
- de juger que la caisse ne rapporte pas la preuve du paiement des actes dont elle réclame la répétition ;
- de juger que les griefs ne sont ni établis ni fondés ;
- de juger que le jugement de première instance n'est pas fondé ;
En conséquence,
- d'infirmer le jugement de première instance du tribunal judiciaire de Pontoise en date du 25 septembre 2020 ;
- d'annuler la notification d'indu du 10 octobre 2017 par laquelle la caisse lui réclame un indu d'un montant de 15 015,55 euros ;
- d'annuler la décision de la commission de recours amiable en ce qu'elle valide l'indu à hauteur de 14 503,28 euros ;
- de rejeter l'ensemble des demandes et prétentions de la caisse ;
- de condamner la caisse aux entiers dépens.
La société estime la procédure en répétition de l'indu irrégulière car engagée sur le fondement des articles 1302 et 1302-1 du code civil, en lieu et place de l'article L. 133-4 du code de la sécurité sociale.
Par conclusions écrites et déposées à l'audience, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, la caisse demande à la cour :
- de confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu en date du 25 septembre 2020 par le tribunal judiciaire de Pontoise ;
- de condamner la société à lui régler la somme de 14 503,28 euros ;
- de condamner la société aux entiers dépens.
La caisse rétorque que les textes du code civil sont applicables aux faits de l'espèce ; que le défaut d'agrément d'un conducteur d'ambulance ou de véhicule sanitaire léger sont autant d'irrégularités dont l'inobservation donne lieu à la procédure de répétition d'indu et ne relève pas de l'article L. 133-4 du code de la sécurité sociale en cas de manquement aux règles de tarification ou de facturation.
Elle a joute que les dispositions de l'article L. 6312-2 du code de la santé publique qui énoncent l'obligation pour les personnes effectuant des transports sanitaires d'être titulaires d'un agrément sont des règles régissant les conditions d'exercice de la profession dont l'inobservation peut également donner lieu à répétition d'indu sur le fondement des articles 1302 et 1302-1 du code civil.
Par un avis en délibéré, la cour a sollicité les observations de parties sur l'irrecevabilité éventuelle de la procédure diligentée par la caisse, qui vise des anomalies de facturations, en ce qu'elle est fondée sur les articles 1302 et 1302-1 du code civil alors qu'étaient exclusivement applicables en l'espèce les dispositions de l'article L. 133-4 du code de la sécurité sociale (Civ. 2ème, 12 mars 2020, 19-12.813 ; Civ. 2ème, 9 septembre 2021, 20-17.030).
La société estime l'action de la caisse irrecevable en ce qu'elle ne se fonde pas sur l'article L. 133-4 du code de la sécurité sociale ; que si l'article 20 de la convention nationale des transporteurs sanitaires privés prévoit que le conventionnement d'une entreprise de transports sanitaires est subordonné à l'obligation pour le transporteur de s'acquitter des cotisations sociales et que le manquement à cette obligation est susceptible d'entraîner un retrait du conventionnement, en revanche il ne résulte nullement des stipulations conventionnelles qu'un manquement à cette obligation rend impossible la prise en charge par l'assurance maladie des transports que cette entreprise effectue, tant que celle-ci demeure conventionnée ; que le non-respect de l'article 20 de la convention nationale des transporteurs sanitaires privés est bien constitutif d'un manquement aux règles de tarification ou de facturation.
De son côté, la caisse affirme que la procédure est régulière ; que le défaut de paiement des charges sociales par une société de transports sanitaires ne constitue ni une inobservation des règles de facturation ou de tarification des frais de transports, ni une prestation non- réalisée, et ne pouvait donc pas être notifié sur le fondement de l'article L. 133-4 ; que la réalisation de transports par du personnel absent des déclarations annuelles des données sociales sont des irrégularités dont l'inobservation donne lieu à la procédure de répétition de l'indu ; que le versement des cotisations sociales est une obligation conventionnelle et les transports réalisés par du personnel totalement ou partiellement dissimulés sont sujets à répétition.
Concernant les demandes présentées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, la société et la caisse sollicitent chacune l'octroi d'une somme de 5 000 euros.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la recevabilité de la demande de la caisse
Selon l'article L. 133-4 du code de la sécurité sociale, dans ses rédactions successivement applicables au litige, en cas d'inobservation des règles de tarification ou de facturation :
1° Des actes, prestations et produits figurant sur les listes mentionnées aux articles L. 162-1-7, L. 162-17, L. 165-1, L. 162-22-7, L. 162-22-7-3 et L. 162-23-6 ou relevant des dispositions des articles L. 162-22-1, L. 162-22-6 et L. 162-23-1 ;
2° Des frais de transports mentionnés à l'article L. 160-8,
L'organisme de prise en charge recouvre l'indu correspondant auprès du professionnel ou de l'établissement à l'origine du non-respect de ces règles et ce, que le paiement ait été effectué à l'assuré, à un autre professionnel de santé ou à un établissement.
Il en est de même en cas de facturation en vue du remboursement, par les organismes d'assurance maladie, d'un acte non effectué ou de prestations et produits non délivrés.
En l'espèce, il résulte des pièces du dossier que la caisse a, le 10 octobre 2017, notifié un indu à la société en se fondant sur les dispositions des articles 1302 et 1302-1 du code civil. Il est précisé au terme de ce courrier que le contrôle mis en oeuvre a fait apparaître des anomalies de facturation ayant entraîné un préjudice financier pour l'assurance maladie. Il est reproché à la société une absence de déclarations annuelles des données sociales pour du personnel ayant effectué 120 transports et ainsi, la réalisation de transports par 'du personnel totalement ou partiellement dissimulé' ne répondant pas ainsi 'aux exigences posées par la convention nationale des transports sanitaires.' La caisse en déduit que les transports réalisés dans ces conditions ne sont pas remboursables. Elle invoque plus précisément, ainsi qu'il ressort de ses explications à l'audience, un manquement aux dispositions de l'article L. 6312-2 du code de la santé publique qui posent les conditions propres à la composition des équipages des véhicules adaptés au transport sanitaire terrestre.
Les manquements constatés s'analysent comme une inobservation des règles de tarification ou de facturation entrant dans le champ d'application matériel de l'article L. 133-4 du code de la sécurité sociale. Les dispositions de ce texte étant d'application exclusive, la caisse était tenue de mettre en oeuvre la procédure spécifiquement prévue par le texte susvisé et est irrecevable à agir sur le fondement du droit commun.
Le jugement sera donc infirmé en ce qu'il a accueilli sur le fond la demande de la caisse.
Sur les dépens et les demandes accessoires
La caisse, qui succombe à l'instance, est condamnée aux dépens d'appel et condamnée à payer à la caisse la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle sera corrélativement déboutée de sa demande fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS :
La Cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et par mise à disposition au greffe,
Infirme le jugement entrepris sauf en ce qu'il a déclaré recevable le recours formé par la société [4] ;
Statuant à nouveau dans ces limites et y ajoutant,
Déclare irrecevable la demande en répétition de l'indu formé par la caisse primaire d'assurance maladie des Hauts-de-Seine à l'encontre de la société [4] au titre des transports réalisés pour la période du 31 octobre 2013 au 28 avril 2017 ;
Condamne la caisse primaire d'assurance maladie des Hauts-de-Seine aux dépens d'appel ;
Déboute la caisse primaire d'assurance maladie des Hauts-de-Seine de sa demande d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la caisse primaire d'assurance maladie des Hauts-de-Seine à payer à la société [4] la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame Sylvia Le Fischer, Président, et par Madame Dévi PUNIANDY, Greffier, auquel le magistrat signataire a rendu la minute.
Le GREFFIER, Le PRÉSIDENT,