COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 88G
5e Chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 16 MARS 2023
N° RG 21/00324 joint au RG 21/00323
N° Portalis DBV3-V-B7F-UJC3
AFFAIRE :
[K] [B] veuve [D]
C/
CPAM DES HAUTS DE SEINE
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 24 Décembre 2020 par le Pole social du TJ de NANTERRE
N° RG : 19/01774
Copies exécutoires délivrées à :
la SELARL GP AVOCAT
CPAM DES HAUTS DE SEINE
Copies certifiées conformes délivrées à :
[K] [B] veuve [D]
CPAM DES HAUTS DE SEINE
le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE SEIZE MARS DEUX MILLE VINGT TROIS,
La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
Madame [K] [B] veuve [D]
[Adresse 1]
[Localité 4]
représentée par Me Guillaume PERRIER de la SELARL GP AVOCAT, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, vestiaire : 761
APPELANTE
****************
CPAM DES HAUTS DE SEINE
[Adresse 2]
[Localité 3]
représentée par Mme [C] [F] en vertu d'un pouvoir général
INTIMÉE
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 17 Janvier 2023, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Marie-Bénédicte JACQUET, Conseiller chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Sylvia LE FISCHER, Présidente,
Madame Marie-Bénédicte JACQUET, Conseiller,
Madame Rose-May SPAZZOLA, Conseiller,
Greffier, lors des débats : Madame Dévi POUNIANDY,
EXPOSÉ DU LITIGE
[S] [D], qui percevait trimestriellement une rente d'accident du travail versée par la caisse primaire d'assurance maladie des Hauts-de-Seine (la caisse), est décédé le 5 février 2015.
Mme [K] [B] veuve [D] a informé la caisse du décès de son mari, selon avis de réception en date du 20 février 2015.
La caisse a poursuivi les virements correspondant à la rente d'accident du travail jusqu'en juin 2018 pour une somme totale de 6 752,74 euros, et notamment sur le compte de Mme [D] entre janvier 2017 et juin 2018 pour un montant de 4 057,12 euros.
Mme [D] ayant rappelé à la caisse que son mari était décédé, la caisse lui a notifié, le 17 octobre 2018, un indu pour la somme de 6 752,74 euros représentant les sommes versées postérieurement au décès.
Le 13 novembre 2018, Mme [D] a saisi la commission de recours amiable qui, dans sa séance du 16 juillet 2019, a rejeté son recours.
Le 16 août 2019, Mme [D] a saisi le tribunal judiciaire de Nanterre qui, par jugement contradictoire en date du 24 décembre 2020 (RG 19/01774), a :
- débouté Mme [D] de son recours ;
- condamné Mme [D] à payer à la caisse la somme de 6 752,74 euros au titre des sommes indûment perçues ;
- condamné Mme [D] aux dépens.
Par deux déclarations du 28 janvier 2021, Mme [D] a interjeté appel et les parties ont été convoquées à l'audience du 17 janvier 2023.
Par conclusions écrites, déposées et soutenues à l'audience, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, Mme [D] demande à la cour :
- de joindre les instances enrôlées sous les numéros de RG 21/00323 et 21/00324 ;
- d'infirmer le jugement du tribunal judiciaire de Nanterre du 24 décembre 2020 en ce qu'il l'a déboutée de son recours, condamnée à payer à la caisse la somme de 6 752,74 euros au titre de sommes indûment perçues, et l'a condamnée aux dépens ;
Statuant à nouveau,
- d'annuler la décision de la commission de recours amiable du 16 juillet 2019 ayant confirmé la notification de prestations indues du 17 octobre 2018 ;
- de juger que le montant indûment perçu par elle s'élève à 4 057,12 euros ;
- de condamner la caisse à lui verser à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi résultant de ses négligences fautives la somme de 4 057,12 euros ;
- d'ordonner la compensation entre le montant indûment perçu par elle et les dommages et intérêts qui lui sont alloués ;
- d'ordonner la remise de la totalité de la dette contenue de la situation de précarité de Mme [D] ;
À titre très subsidiaire,
- d'ordonner l'échelonnement de la dette sur une durée de deux ans, avec des mensualités n'excédant pas 170 euros ;
- de condamner la caisse aux entiers dépens.
Mme [D] sollicite la réduction de l'indu à la somme de 4 057,12 euros.
Elle allègue la faute de la caisse qui a continué à verser la rente malgré l'information du décès de son mari.
Elle précise que la caisse lui a demandé un nouveau relevé d'identité bancaire (RIB) ; que les courriers de la caisse étaient peu explicites et ont induit en erreur Mme [D] qui est analphabète et doit être assistée de sa fille pour procéder aux formalités administratives ; que les prestations versées de nature alimentaire ont été utilisées pour des dépenses quotidiennes.
Elle estime que la caisse a commis une faute en continuant à verser la rente sans vérification et réclame à titre de dommages et intérêts la somme de 4 057,12 euros.
A titre subsidiaire, elle demande une remise de dette et, à titre très subsidiaire, un échelonnement de dette.
Par conclusions écrites, déposées et soutenues à l'audience, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, la caisse demande à la cour :
- de débouter Mme [D] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions, y compris de sa demande de dommages et intérêts, de sa demande de remise de dette et de sa demande de paiement échelonné ;
- de confirmer le bien fondé de sa créance à hauteur de 4 057,12 euros ;
- d'accueillir la caisse en sa demande reconventionnelle ;
- de condamner Mme [D] à lu payer la somme de 4 057,12 euros ;
- de condamner Mme [D] aux entiers dépens d'appel.
La caisse expose qu'elle n'a eu connaissance du décès de [S] [D] qu'en juin 2018 ; qu'elle lui a envoyé des courriers et que Mme [D] a répondu à sa place, d'où la poursuite du versement ; que l'indu est reconnu par Mme [D] ; que le surplus sera réclamé aux héritiers de [S] [D] ; que si Mme [D] avait communiqué tous ces renseignements, elle n'aurait pas réclamé un montant supérieur devant le tribunal judiciaire.
Elle conteste l'existence d'une faute qui justifierait des dommages et intérêts, l'application de la législation ne constituant pas une faute.
Elle ajoute qu'il n'appartient pas, en l'absence de demande des assurés, aux organismes sociaux de les renseigner sur leurs droits éventuels et que Mme [D] ne peut solliciter une remise de dettes ou des délais de paiement sans une décision préalable de l'organisme social saisi par la requérante.
Concernant les demandes présentées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, Mme [D] sollicite l'octroi d'une somme de 2 500 euros. La caisse ne forme aucune demande sur ce fondement.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la jonction
Il est de l'administration d'une bonne justice de joindre les dossiers 21/00323 et 21/00324, s'agissant d'un même recours contre une même décision du tribunal judiciaire de Nanterre.
Le dossier sera dorénavant appelé sous le seul numéro 21/00323.
Sur l'indu
Aux termes de l'article D. 254-6 du code de la sécurité sociale, les arrérages des rentes d'accidents du travail sont dus jusqu'à la fin du mois d'arrérages au cours duquel le prestataire est décédé.
Il en résulte que la caisse ne devait plus verser la rente accident du travail à compter du mois de mars 2015. Or elle a continué à verser cette rente jusqu'au 15 juin 2018, soit la somme totale de 6 752,74 euros, dont 4 057,12 euros sur le compte de Mme [D] pour la période de janvier 2017 à juin 2018.
Mme [D] ne conteste d'ailleurs pas avoir perçu indûment cette somme qu'elle sera condamnée à payer.
Sur la demande de dommages et intérêts
Aux termes de l'article 1240 du code civil, tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.
Mme [D] a produit l'avis de réception signé le 20 février 2015 du courrier informant la caisse du décès de [S] [D]. La caisse ne justifie pas avoir reçu un autre courrier de la part de Mme [D] ayant pu correspondre à l'accusé de réception produit.
Elle a donc été informée de ce décès.
Elle a néanmoins continué à verser la rente trimestrielle sur un compte au nom de [T] [D], sans qu'aucune des parties ne s'en inquiète pendant trois ans.
Le 21 décembre 2016, la caisse a adressé à [S] [D] un courrier l'informant tenir à sa disposition un remboursement de prestations correspondant à la période du 17 décembre 2015 et demandant l'envoi d'un RIB.
Le même courrier a été adressé le 22 décembre 2016 pour la période du 19 septembre 2016.
Un courrier a été de nouveau envoyé à [S] [D] le 19 juin 2018 en lui réclamant un nouveau RIB.
Mme [D] a alors donné un RIB à son nom en rappelant le décès de son époux depuis trois ans. Les versements ont ainsi immédiatement cessé.
Les documents bancaires produits par Mme [D] montrent que les époux avaient un compte joint et que Mme [D] a ensuite repris ce compte à son nom propre, le numéro du compte adressé par Mme [D] à la caisse en 2018 restant identique à celui du compte joint.
Si la caisse a effectivement commis une erreur en ne prenant pas en compte le décès de [S] [D] dès février 2015, elle a adressé divers courriers à [S] [D], en 2016 puis en 2018, pour obtenir un RIB de sa part, RIB qu'elle a obtenu en 2016 pour la poursuite des versements jusqu'en juin 2018, date à laquelle les paiements ont cessé.
La réponse lui a été faite au nom de [S] [D] sans lui rappeler son décès.
Il appartenait à Mme [D], qui a sa pleine capacité juridique, éventuellement à l'aide de ses enfants, de demander à la caisse la cause des prestations à verser et de ne pas répondre à un courrier adressé à un défunt comme si ce dernier répondait.
L'erreur de la caisse, appuyée sur la négligence de Mme [D], ne peut donc être considérée comme une faute, d'autant que Mme [D] ne justifie pas d'un préjudice particulier, ne devant restituer que ce qu'elle a indûment reçu. Il ne lui est pas interdit de demander à la caisse des délais de paiement dans les conditions prévues par les textes.
En conséquence, la demande de dommages et intérêts présentée par Mme [D] sera rejetée.
Sur les demandes de remise de dette et de délais de paiement
Aux termes de l'article L. 256-4 du code de la sécurité sociale, à l'exception des cotisations et majorations de retard, les créances des caisses nées de l'application de la législation de sécurité sociale peuvent être réduites en cas de précarité de la situation du débiteur par décision motivée par la caisse, sauf en cas de man'uvre frauduleuse ou de fausses déclarations.
Il résulte de ce texte que le juge ne peut accorder de remise de dettes ou de délais de paiement que s'il est saisi d'un recours contre une décision préalablement rendue, sur ce point, par l'organisme créancier, ce qui n'est pas le cas en l'espèce.
Si Mme [D] a demandé des délais de paiement à la commission de recours amiable de la caisse, elle n'a pas au préalable saisi l'organisme d'une demande en sens, de sorte que ce dernier n'a pu rendre aucune décision motivée susceptible de recours.
Il n'y a pas lieu, dès lors, de faire droit aux demandes de remise de dette et de délais de paiement présentées par Mme [D].
Sur les dépens et les demandes accessoires
Mme [D], qui succombe à l'instance, est condamnée aux dépens d'appel.
Elle sera corrélativement déboutée de sa demande fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La Cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et par mise à disposition au greffe,
Ordonne la jonction, sous le numéro de RG 21/00323, des procédures enregistrées sous les numéros de RG 21/00323 et RG 21/00324 ;
Infirme le jugement entrepris sauf en ce qu'il a débouté Mme [K] [D] de son recours ;
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Condamne Mme [K] [D] à payer à la caisse primaire d'assurance maladie des Hauts-de-Seine la somme de 4 057,12 euros au titre de l'indu de rente d'accident du travail ;
Rejette la demande de Mme [K] [D] en dommages et intérêts ;
Dit n'y avoir lieu de faire droit à la demande de remise de dette et en délais de paiement formée par Mme [K] [D] ;
Condamne Mme [K] [D] aux dépens d'appel ;
Déboute Mme [K] [D] de sa demande d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame Sylvia LE FISCHER, Présidente, et par Madame Dévi Pouniandy, Greffière, auquel le magistrat signataire a rendu la minute.
Le GREFFIER, Le PRESIDENT,