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23/03/2023 | FRANCE | N°20/01998

France | France, Cour d'appel de Versailles, 6e chambre, 23 mars 2023, 20/01998


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 80C



6e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 23 MARS 2023



N° RG 20/01998 -

N° Portalis DBV3-V-B7E-UB6U



AFFAIRE :



[I] [K]



C/



S.A.R.L. ATLAS NEGOCE





Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 21 Août 2020 par le Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de MONTMORENCY

N° Section : C

N° RG : F 17/00214









Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :



Me Alina PARAGYIOS



Me Halima ABBAS TOUAZI







le :





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE VINGT TROIS MARS DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d'appel de Versaill...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80C

6e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 23 MARS 2023

N° RG 20/01998 -

N° Portalis DBV3-V-B7E-UB6U

AFFAIRE :

[I] [K]

C/

S.A.R.L. ATLAS NEGOCE

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 21 Août 2020 par le Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de MONTMORENCY

N° Section : C

N° RG : F 17/00214

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Alina PARAGYIOS

Me Halima ABBAS TOUAZI

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT TROIS MARS DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant, devant initialement être rendu le 16 mars 2023 et prorogé au 23 mars 2023, les parties en ayant été avisées, dans l'affaire entre :

Monsieur [I] [K]

[Adresse 2]

Chez Monsieur [T] [L]

[Localité 3]

Représentant : Me Alina PARAGYIOS de la SELEURL CABINET A-P, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : A0374

APPELANT

****************

S.A.R.L. ATLAS NEGOCE

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentant : Me Halima ABBAS TOUAZI, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : E0208

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 17 janvier 2023 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Catherine BOLTEAU-SERRE, Président chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Catherine BOLTEAU-SERRE, Président,

Madame Valérie DE LARMINAT, Conseiller,

Madame Isabelle CHABAL, Conseiller,

Greffier en pré-affectation lors des débats : Domitille GOSSELIN,

Vu le jugement de départage rendu le 21 août 2020 par le conseil de prud'hommes de Montmorency,

Vu la déclaration d'appel du 25 septembre 2020,

Vu les conclusions de M. [I] [K] du 28 décembre 2021,

Vu les conclusions de la société Atlas négoce du 12 mars 2021,

Vu l'ordonnance de clôture du 11 janvier 2023.

EXPOSE DU LITIGE

La société Atlas Négoce dont le siège est [Adresse 1], a pour activité la fabrication et la commercialisation de charcuterie.

Son effectif est supérieur à 11 salariés.

La convention collective applicable est celle de l'industrie de la salaison, charcuterie en gros et conserves de viandes.

M. [I] [K], né le 6 mai 1988, de nationalité malienne, a été engagé par la société Atlas négoce par contrat à durée indéterminée à temps complet à effet au 3 septembre 2012 en qualité d'employé polyvalent.

Par lettre du 2 février 2016, il a été convoqué à un entretien préalable fixé au 12 février 2016. Une mise à pied à titre conservatoire a été prononcée.

Par lettre en date du 19 février 2016, la société Atlas Négoce a notifié au salarié son licenciement pour faute grave dans les termes suivants :

'Nous vous avons convoqué par lettre recommandée avec accusé de réception du 2 février 2016 à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 12 février 2016 et auquel vous vous êtes présenté accompagné de Monsieur [N] [A], conseiller salarié.

Nous vous avons exposé les raisons qui nous ont conduits à envisager votre licenciement et les explications que vous nous avez fournies en retour ne nous ont pas permis de modifier notre appréciation de la situation.

Passé le temps de réflexion imposé par les textes, nous avons décidé de poursuivre la présente procédure et de vous notifier votre licenciement pour faute grave, et pour les motifs suivants.

Lors de votre embauche le 3 septembre 2012, vous nous avez présenté un titre de séjour vous autorisant à travailler sur le territoire français. Aucun élément ne nous permettait de douter de la véracité du document que vous nous avez présenté et dont nous avons pris copie.

Comme nous vous l'avons expliqué lors de l'entretien du 12 février dernier, nous avons été amenés à adresser à la Préfecture de police du Val d'oise, par suite de différents entretiens de recrutement, de nombreuses demandes d'authentification de titres de séjour présentés par les candidats étrangers pressentis à l'embauche.

Lors de nos différents échanges, les services de la Préfecture ont eu l'occasion de nous rappeler l'importance de ces vérifications et nous ont demandé de procéder à nouveau à la vérification des titres de séjour de tous nos salariés étrangers.

Conformément aux demandes de la Préfecture, et bien que vous nous ayez toujours certifié la régularité de votre titre de séjour, nous avons soumis au Bureau des Ressortissants Etrangers la copie de tous les titres de séjour de nos salariés étrangers, dont le vôtre.

Les services de la Préfecture nous ont répondu par retour d'e-mail que le titre de séjour que vous nous aviez fourni lors de votre embauche est un faux document.

En nous présentant ce faux document au moment de votre embauche, vous avez commis une fraude et vous nous avez menti de manière réitérée sur votre véritable situation juridique en France. Votre comportement constitue une tromperie caractérisée qui a eu pour conséquence de fausser nos relations contractuelles depuis cette date.
Il n'est pas acceptable de ne découvrir la fausseté de votre titre de séjour qu'à réception de la réponse de l'administration, alors même que nous avons eu l'occasion d'en échanger avec vous à plusieurs reprises et qu'avec une mauvaise foi flagrante, vous nous avez certifié de la véracité de votre autorisation de travail.

Par votre manque de loyauté, vous nous avez abusés en toute connaissance de cause, ce qui est contraire à une exécution de bonne foi de votre contrat de travail, dès lors que vous êtes à l'origine de la fraude.

Nous vous rappelons que l'usage de faux documents est un délit pénal et que nous ne saurions tolérer de tels agissements au sein de notre société.

Contrairement à ce que vous avez soutenu lors de l'entretien, ce sont bien ces faits qui sont à l'origine de la présente procédure de licenciement, et non pas nos discussions relatives à un changement d'horaires de travail, sur lesquels nous nous sommes d'ailleurs très vite entendus.

Nous nous voyons dès lors contraints de mener à son terme la présente procédure et de vous notifier votre licenciement pour faute grave. Cette mesure prend donc effet immédiatement, sans indemnité, de préavis, ni indemnité de licenciement.

La mise à pied à titre conservatoire qui vous a été notifiée à effet du 1er février 2016 ne vous sera pas rémunérée.

Nous vous rappelons qu'à compter de la rupture de votre contrat de travail, vous pouvez conserver le bénéfice des garanties de prévoyance (garanties contre les risques décès, incapacité de travail et invalidité) en vigueur au sein de notre entreprise aux conditions qui vous seront précisées par courrier séparé.'.

Par requête reçue le 20 avril 2016, M. [I] [K] a saisi le conseil de prud'hommes de Montmorency aux fins de contester son licenciement et de le voir requalifier en licenciement sans cause réelle et sérieuse.

La société Atlas négoce a quant à elle conclu aux fins de voir juger que le licenciement de M. [I] [K] pour faute grave est bien fondé, de débouter le salarié de l'ensemble de ses demandes et le condamner aux dépens.

Par procès-verbal du 2 décembre 2019, le conseil de prud'hommes s'est mis en partage de voix et a renvoyé les parties devant la formation de départage du 2 juin 2020.

Par jugement rendu le 21 août 2020, le conseil de prud'hommes de Montmorency en sa formation de départage a :

- débouté M. [I] [K] de toutes ses demandes ;

- débouté M. [I] [K] de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- débouté les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires au présent dispositif ;

- condamné M. [I] [K] aux dépens.

Par déclaration du 25 septembre 2020, M. [I] [K] a interjeté appel de ce jugement

Aux termes de ses dernières conclusions en date du 28 décembre 2021, M. [I] [K] demande à la cour de :

- infirmer le jugement ;

- requalifier le licenciement de M. [K] en licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- constater l'exécution déloyale du contrat de travail de la société Atlas négoce ;

En conséquence,

- condamner la société Atlas négoce à verser à M. [K] la somme de 17 490,60 euros (12 mois) à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- condamner la société Atlas négoce à verser à M. [K] la somme de 4 372,65 euros (3 mois) au titre de l'indemnité forfaitaire de rupture du contrat résultant de l'article L. 8252-2 du code du travail ;

- condamner la société Atlas négoce à verser à M. [K] la somme de 954,94 euros à titre de rappel de salaire pour la période de mise à pied du 1er au 19 février 2016 ;

- condamner la société Atlas négoce à verser à M. [K] la somme de 95,49 euros au titre des congés payés afférents au rappel de salaire pour la période de mise à pied du 1er au 19 février 2016;

- condamner la société Atlas négoce à verser à M. [K] la somme de 32 132,80 euros à titre de rappel d'heures supplémentaires pour la période de février 2013 à février 2016 ;

- condamner la société Atlas négoce à verser à M. [K] la somme de 3 213,28 euros au titre des congés payés afférents ;

- condamner la société Atlas négoce à verser à M. [K] la somme de 8 745,30 euros (6 mois) à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail ;

- condamner la société Atlas négoce à verser à M. [K] la somme de 8 745,30 euros (6 mois) à titre d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé ;

- ordonner la remise des documents de fin de contrat conformes ;

- ordonner la remise des bulletins de paie conformes ;

- condamner la société Atlas négoce à verser à M. [K] la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la société Atlas négoce aux entiers dépens.

Aux termes de sesdernières conclusions en date du 12 mars 2021, la société Atlas négoce demande à la cour de :

- déclarer irrecevable M. [K] en son appel de l'indemnité forfaitaire de rupture du contrat prévue à l'article L. 8252-2 du code du travail ;

- confirmer le jugement en ce qu'il a :

- dit et jugé le licenciement de M. [K] pour faute grave bien fondé et débouté M. [K] de ses demandes liées à la contestation de son licenciement ;

- débouté M. [K] de ses demandes d'heures supplémentaires, indemnité pour travail dissimulé;

- débouté M. [K] de sa demande de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail ;

- débouté M. [K] de ses demandes accessoires (article 700 du code de procédure civile et dépens) ;

En conséquence, débouter M. [K] de l'ensemble de ses demandes ;

- le condamner à la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- le condamner aux entiers dépens.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 11 janvier 2023.

MOTIFS DE LA DÉCISION

1- sur le licenciement pour faute grave

M. [K] soutient que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse car l'employeur a manqué à son obligation de vérifier la régularité du titre de séjour permettant à l'étranger de travailler.

La société Atlas négoce fait valoir que M. [K] a frauduleusement trompé l'employeur lors de l'embauche en produisant une carte de séjour qui s'est révélée être un faux document, cette fraude constituant la faute grave justifiant le licenciement.

Aux termes du premier alinéa de l'article L. 8251-1 du code du travail, 'nul ne peut, directement ou indirectement, embaucher, conserver à son service ou employer pour quelque durée que ce soit un étranger non muni du titre l'autorisant à exercer une activité salariée en France.'.

L'article L. 8221-8 dudit code dispose que 'l'employeur s'assure auprès des administrations territorialement compétentes de l'existence du titre autorisant l'étranger à exercer une activité salariée en France [...]'.

Selon l'article R. 5221-41 du même code dans sa version applicable à la présente espèce, 'pour s'assurer de l'existence de l'autorisation de travail d'un étranger qu'il se propose d'embaucher, en application de l'article L. 5221-8, l'employeur adresse au préfet du département du lieu d'embauche ou, à [Localité 5], au préfet de police une lettre datée, signée et recommandée avec avis de réception ou un courrier électronique, comportant la transmission d'une copie du document produit par l'étranger. A la demande du préfet, il peut être exigé la production par l'étranger du document original.'

L'article L. 1232-1 du code du travail dispose que le licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse.

En outre, la faute grave résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise et justifie son départ immédiat. L'employeur qui invoque la faute grave pour licencier doit en rapporter la preuve.

Si l'irrégularité de la situation d'un travailleur étranger constitue nécessairement une cause objective justifiant la rupture de son contrat de travail exclusive de l'application des dispositions relatives au licenciement et de l'allocation de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, elle n'est pas constitutive en soi d'une faute privative des indemnités de rupture. L'employeur qui entend invoquer une faute grave distincte de la seule irrégularité de l'emploi doit donc en faire état dans la lettre de licenciement.

En l'espèce, l'employeur reproche à M. [K], aux termes de la lettre de licenciement dont les termes sont repris dans l'exposé du litige, d'avoir sciemment produit un faux titre de séjour pour se faire embaucher et d'avoir ainsi commis une fraude.

La faute grave que constitue la production d'une fausse carte de séjour lors de l'embauche en 2012 invoquée par l'employeur est donc distincte de la seule irrégularité de l'emploi.

En l'espèce, il n'est pas contesté que M. [K] a remis à l'employeur lors de l'embauche une fausse carte de séjour mentionnant une autorisation de travail (pièce n° 2 intimée) alors qu'il n'y était pas autorisé comme en attestent les récépissés de demande de carte de séjour à tout le moins jusqu'en mai 2016 produits par M. [K] (pièce n°20).

Il ne peut être reproché à l'employeur, au visa de l'article L. 8251-1 précité, d'avoir engagé M. [K] alors que celui-ci n'aurait pas disposé d'une autorisation de travail, le titre produit ayant toutes les caractéristiques d'un document valable, en outre accompagné d'une carte vitale (pièce n°2).

Il est établi que l'employeur a bien accompli les formalités d'embauche telles que la déclaration unique d'embauche sur la base de ces documents (pièce n°3).

Si l'employeur ne justifie pas avoir transmis aux autorités administratives compétentes copie de la carte de séjour produite par le salarié, ce fait n'est pas de nature à exonérer le salarié de sa responsabilité s'agissant d'une tromperie frauduleuse commise à l'encontre de l'employeur.

M. [K] affirme que l'employeur avait pleine connaissance de sa situation et a saisi l'opportunité du titre du séjour pour se débarrasser d'un salarié qui contestait les horaires de travail et revendiquait des heures supplémentaires.

L'employeur fait valoir au contraire que suite à un contrôle par les services de police, de l'inspection du travail et de l'Urssaf sur le site de l'entreprise fin 2015, il a été amené à solliciter l'authentification des titres de séjour de plusieurs salariés dont M. [K], le licenciement de ce dernier ainsi que d'un autre salarié étant intervenu suite à la découverte des faux documents détenus par ces salariés et non en lien avec une revendication de M. [K] concernant ses heures de travail.

Il sera rappelé que l'interdiction prévue à l'article L. 8251-1 précité s'applique tout au long de l'exécution du contrat de travail, de sorte que l'employeur avait l'obligation de faire vérifier au cours de cette exécution, l'authenticité des titres de séjours de ses salariés, à la suite de contrôles administratifs.

Il est établi (pièces n°23) que, après un contrôle de la police aux frontières au sein de l'entreprise le 28 septembre 2015, les titres de séjour de plusieurs salariés se sont révélés faux, amenant l'employeur à les licencier pour faute grave en octobre et novembre 2015.

Il est également justifié, suite à ces premières révélations, des demandes d'authentification effectuées par l'employeur auprès de la préfecture en janvier 2016 pour plusieurs salariés (6) et non pour le seul M. [K], des réponses de l'administration sur l'authenticité ou non des cartes de séjour produites (pièces n°4, 5, 21), deux salariés dont M. [K] détenant de faux titres.

Dans ce contexte, M. [K] ne démontre pas, par la lettre adressée par le juriste d'un syndicat datée du 20 janvier 2016 [et non 2015] relative à la modification des horaires du salarié et aux heures effectuées, courrier auquel l'employeur a répondu le 29 janvier 2016 contestant les affirmations du syndicat, que la raison de son licenciement pour faute grave serait ses revendications salariales.

La fraude du salarié lors de l'embauche constitue une faute grave rendant impossible la poursuite du contrat de travail, au regard des sanctions pénales encourues par l'employeur et privative des indemnités de rupture.

Il convient en conséquence de dire que le licenciement est fondé sur une faute grave et de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté M. [K] de ses demandes indemnitaires au titre du licenciement ainsi qu'au rappel de salaire de la mise à pied.

S'agissant de l'indemnité forfaitaire de rupture prévue à l'article L. 8252-2 du code du travail, celle-ci ne constitue pas une demande nouvelle en appel au sens de l'article 565 du code de procédure civile, car elle tend aux mêmes fins que celles soumises au premier juge.

Si la demande est recevable, elle est cependant mal fondée. En effet, la faute grave consistant en la présentation frauduleuse d'un faux titre de séjour par le salarié prive ce dernier non seulement des indemnités de rupture mais également du bénéfice de l'indemnité forfaitaire prévue par l'article L. 8252-2 du code du travail.

M. [K] sera débouté de sa demande à ce titre.

2- sur les heures supplémentaires

Aux termes des articles L. 3121-27, L. 3121-28 et L. 3121-36 du code du travail :

'La durée légale de travail effectif des salariés à temps complet est fixée à trente-cinq heures par semaine.'

'Toute heure accomplie au delà de la durée légale hebdomadaire ou de la durée considérée comme équivalente est une heure supplémentaire qui ouvre droit à une majoration salariale ou, le cas échéant, à un repos compensateur équivalent.'

'A défaut d'accord, les heures supplémentaires accomplies au-delà de la durée légale hebdomadaire fixée à l'article L. 3121-27 ou de la durée considérée comme équivalente donnent lieu à une majoration de salaire de 25 % pour chacune des huit premières heures supplémentaires. Les heures suivantes donnent lieu à une majoration de 50 %.'

L'article L. 3171-4 du même code dispose que, 'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié.

Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.'

Au visa de ces textes, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments.

Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences légales ainsi rappelées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.

M. [K] soutient qu'il a accompli un nombre d'heures supplémentaires substantiel soit 16 heures supplémentaires par semaine depuis son embauche, comme l'attestent, selon lui, les courriers du syndicat Solidaire et le rapport du conseiller du salarié lors de l'entretien préalable ; il affirme que l'employeur n'a jamais contesté les heures supplémentaires accomplies et les a même rémunérées 'en liquide'.

En l'espèce, le salarié ne produit aucun décompte affirmant seulement qu'il accomplissait systématiquement 16 heures supplémentaires par semaine, entre février 2013 et janvier 2016, soit 151 semaines et qu'il lui est dû une somme de 32 132,80 euros à ce titre.

Or, comme le relève l'employeur, M. [K] déclare avoir effectué des heures supplémentaires même lorsqu'il était en congé annuel, affirmant par exemple un horaire de 51 heures au lieu de 35 heures sur 52 semaines alors qu'à tout le moins, il a pris un mois de congé en juillet 2015 (pièce n°20 intimée).

Les courriers de membres de la commission juridique du syndicat Solidaires des 20 janvier 2016 et 26 février 2016 qu'il produit, sont insuffisants pour démontrer l'existence d'heures supplémentaires réalisées par le salarié, s'agissant de la reprise des affirmations de M. [K] par des personnes ne travaillant pas au sein de l'entreprise.

Ainsi, la lettre du 20 janvier 2016 (pièce n°3 appelant) fait état d'un horaire de 7 heures-13 heures puis 14 heures-17 heures pendant 5 jours puis 7 heures-13 heures le samedi selon le contrat de travail, sans que soit versé le moindre élément utile étayant ces affirmations. Celle du 26 février 2020 (pièce n° 8 appelant) se borne à indiquer que 'toutes ses heures ne lui ont pas été déclarées comme rappelé dans le courrier de M. [P] le 20 janvier 2015 [sic 2016]'.

A l'appui de son affirmation selon laquelle l'employeur l'aurait rémunéré de certaines de ses heures supplémentaires en espèces, M. [K] produit des relevés de compte de son livret A de la banque postale sur lesquels figurent des versements en espèces, ce qui ne constituent pas la preuve que celles-ci émanaient de l'employeur, le salaire étant réglé par chèque selon les bulletins de salaire produits par les parties (pièces n°16 et 17 appelant ; n°20 intimée).

Sur ces relevés ne figure qu'une seule fois la remise d'un chèque en juillet 2015 pour un montant de 2 206,75 euros, différent de celui du bulletin de salaire correspondant de 1 086,83 euros (pièce n°2 appelant ; n°20 intimée), de sorte que les chèques de salaire devaient être déposés sur un autre compte que le livret d'épargne, les versements en espèce sur le livret n'établissant pas ainsi un paiement en espèces par l'employeur d'heures supplémentaires.

L'employeur affirme que le salarié ne démontre pas la réalisation d'heures supplémentaires, ne verse aucun décompte ou élément justifiant une arrivée quotidienne à 7 heures du matin ; que l'horaire effectué était l'horaire collectif affiché dans l'entreprise ; que si l'horaire des salariés a été modifié fin 2015 avec la mise en place de deux équipes, l'horaire hebdomadaire est resté à 35 heures.

Contrairement à ce qu'indique le syndicat dans son courrier, le contrat de travail ne mentionne pas un horaire précis mais se reporte à l'horaire collectif affiché dans l'entreprise (pièces n°1 et 14 intimée).

L'horaire collectif mentionne : lundi, mardi et mercredi : 9 h-12 h/14h-17 h, jeudi : 8h-12h/14h-16h ; samedi : 7h-12 h.

L'employeur répondant à la lettre du syndicat du 20 janvier 2016 par courrier du 29 janvier 2016 (pièce n°11 intimée), a ainsi indiqué que les nouveaux horaires fin 2015 s'expliquaient par la nécessité d'une réorganisation globale de l'entreprise et la mise en place d'une équipe du matin avec les salariés nouvellement engagés et encadrés par le responsable production et une équipe de l'après-midi composée des anciens salariés plus autonomes. Il mentionnait ainsi qu'en accord avec M. [K] ses horaires seraient :

lundi 9h-13 h/14h-17 h

mardi et mercredi 8h-13 h/14h-17 h

jeudi 8h15-13h/14h 30-17 h

avec une pause de 15 minutes par jour, soit au total 35 heures.

En outre, l'employeur produit plusieurs attestations de salariés confirmant que M. [K] n'effectuait pas d'heures supplémentaires.

Ainsi, M. [R] atteste (pièce 15) en tant que superviseur hiérarchique de M. [K] ne jamais avoir demandé aux salariés d'effectuer des heures supplémentaires et affirme que M. [K] n'en a pas effectuées, indiquant que l'horaire était celui affiché dans l'entreprise, qu'il reproduit dans son attestation.

M. [B] mentionne dans son attestation avoir travaillé du 5 octobre au 6 novembre 2015 en tant que collaborateur direct de M. [K] et affirme que ce dernier faisait les mêmes horaires que lui, débutait le matin en même temps que lui et finissait en même temps tous les jours de la semaine 'c'est à dire 35 heures/semaine' (pièce n°17 intimée).

M. [K] conteste cette attestation affirmant qu'il travaillait seul, que son poste était automatisé et n'avait pas besoin d'un collaborateur, ce à quoi l'employeur répond en produisant le plan des locaux de l'entreprise et la position de M. [K] par rapport aux collaborateurs, démontrant ainsi la grande proximité des postes, de sorte que M. [B] peut effectivement attester même pour une durée limitée d'un mois de l'absence d'heures supplémentaires effectuées par M. [K] (pièce n° 24 intimée).

Enfin, M. [U] atteste avoir travaillé en équipe avec M. [K] du 3 septembre 2012 au 19 février 2016 et affirme ne l'avoir jamais vu faire des heures supplémentaires, lesquelles selon lui, étaient interdites par la direction. Il indique n'avoir jamais fait lui-même d'heures supplémentaires et mentionne les horaires travaillés tels qu'affichés dans l'entreprise.

M. [K] remet en cause cette attestation en indiquant que M. [U] n'a jamais travaillé en équipe avec lui car il travaillait seul et que M. [U] a été mis à pied à cette période.

Aucun élément utile du dossier ne permet de remettre en cause cette attestation, l'erreur sur la date du 19 février 2016 étant sans conséquence. En effet, la mise à pied de M. [U] a été prononcée le 14 octobre 2015, suite à un contrôle ayant révélé que ce salarié avait une fausse carte de séjour, de sorte que depuis l'embauche de M. [K] jusqu'à cette dernière date, M. [U] peut attester des faits dont il a été témoin.

En conséquence, le jugement sera confirmé en ce que les premiers juges ont débouté M. [K] de sa demande d'heures supplémentaires.

Il en est de même s'agissant de l'indemnité pour travail dissimulé, en l'absence d'heures supplémentaires effectuées.

3- sur les dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail

Face à la fraude commise par le salarié en produisant une carte de séjour falsifiée, il n'est pas démontré que l'employeur a exécuté de façon déloyale le contrat de travail.

Le jugement sera confirmé de ce chef.

4- sur la remise de documents conformes

Compte tenu du sens de la décision, M. [K] sera débouté de sa demande à ce titre, le salarié ayant reçu lors du licenciement les documents de fin de contrat comme en atteste l'employeur (pièce n°10).

Le jugement sera confirmé de ce chef.

5- sur les frais irrépétibles et les dépens.

Le jugement sera confirmé de ces chefs.

M. [K] sera condamné à payer à la société Atlas négoce la somme de 300 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure d'appel.

Il sera débouté de sa demande à ce titre et condamné aux dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant publiquement, par arrêt mis à disposition au greffe, contradictoire et en dernier ressort,

Confirme le jugement de départage rendu par le conseil de prud'hommes de Montmorency du

21 août 2020,

Y ajoutant,

Déclare recevable mais non fondé M. [I] [K] en sa demande d'indemnité forfaitaire de rupture,

Déboute M. [I] [K] de sa demande à ce titre,

Condamne M. [I] [K] à payer à la société Atlas négoce la somme de 300 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, pour la procédure d'appel,

Déboute M. [I] [K] de sa demande à ce titre,

Condamne M. [I] [K] aux dépens d'appel.

Arrêt prononcé publiquement à la date indiquée par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile et signé par Mme Catherine Bolteau-Serre, président, et par Mme Domitille Gosselin, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 6e chambre
Numéro d'arrêt : 20/01998
Date de la décision : 23/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-23;20.01998 ?
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