COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 88G
5e Chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 30 MARS 2023
N° RG 20/01720 -
N° Portalis
DBV3-V-B7E-T7TJ
AFFAIRE :
S.A.R.L. [5]
C/
URSSAF ILE DE FRANCE
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 17 Juin 2020 par le Pole social du TJ de VERSAILLES
N° RG : 17/00646
Copies exécutoires délivrées à :
SELARL [6]
URSSAF ILE DE FRANCE
Copies certifiées conformes délivrées à :
S.A.R.L. [5]
URSSAF ILE DE FRANCE
le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE TRENTE MARS DEUX MILLE VINGT TROIS,
La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
S.A.R.L. [5]
[Adresse 1]
[Localité 2]
représentée par Me Pascal VANNIER de la SELARL INTER-BARREAUX LEPORT & ASSOCIES, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 283
APPELANTE
****************
URSSAF ILE DE FRANCE
[Adresse 4]
[Localité 3]
représentée par M. [K] [D] (Représentant légal) en vertu d'un pouvoir général
INTIMEE
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 31 Janvier 2023, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Marie-Bénédicte JACQUET, Conseiller chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Sylvia LE FISCHER, Présidente,
Madame Marie-Bénédicte JACQUET, Conseiller,
Madame Rose-May SPAZZOLA, Conseiller,
Greffier, lors des débats : Madame Méganne MOIRE,
EXPOSÉ DU LITIGE
La société [5] (la société), qui exerce une activité de vente de matériels de garage, ponts élévateurs, a fait l'objet d'un contrôle de l'application des législations de sécurité sociale, d'assurance chômage et de garantie des salaires AGS pour la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2015 par l'Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales d'Ile-de-France (l'URSSAF).
Le 22 septembre 2016, l'URSSAF a notifié à la société une lettre d'observations portant sur huit chefs de redressement pour un montant de 30 425 euros.
Le 25 octobre 2016, la société a répondu aux observations, contestant les chefs de redressement :
1 - Prise en charge de dépenses personnelles du salarié (M. [P]) ;
2 - Avantage en nature véhicule : principe et évaluation - hors cas des constructeurs et concessionnaires (M. [P]) ;
3 - Prise en charge de dépenses personnelles du salarié (M. [I]) ;
4 - Prise en charge de dépenses personnelles du salarié (M. [J]) ;
5 - Avantage en nature véhicule : principe et évaluation - hors cas des constructeurs et concessionnaires (M. [J]) ;
7 - Frais professionnels non justifiés - Restauration hors des locaux de l'entreprise (MM. [P] et [I]).
La société a reconnu le bien fondé des chefs n° 6 et 8.
Le 18 novembre 2016, l'URSSAF a maintenu le redressement puis, le 16 décembre 2016, a mis en demeure la société d'avoir à payer la somme de 30 430 euros au titre des cotisations, outre les majorations de retard d'un montant de 4 477 euros.
Le 12 janvier 2017, la société a saisi la commission de recours amiable qui, dans sa séance du 31 mars 2017, a rejeté le recours de la société.
Le 13 avril 2017, la société a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale de Versailles, devenu le pôle social du tribunal judiciaire de Versailles, qui, par jugement contradictoire en date du 17 juin 2020 (RG n° 17/00646), a :
- confirmé la décision de la commission de recours amiable du 31 mars 2017 ;
- validé les chefs de redressement contestés 1, 3, 4 et 7 ;
- condamné la société à payer à l'URSSAF les sommes de 28 895 euros à titre de cotisations et 4 252 euros à titre de majorations de retard pour la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2015 ;
- constaté que les autres chefs de redressement n'étaient pas contestés par la société ;
- condamné la société à payer à l'URSSAF les sommes de 1 530 euros à titre de cotisations et 225 euros à titre de majorations de retard pour la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2015
- condamné la société aux dépens.
Par déclaration du 30 juillet 2020, la société a interjeté appel et les parties ont été convoquées à l'audience du 31 janvier 2023.
Par conclusions écrites, déposées et soutenues oralement à l'audience, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé complet des moyens et prétentions, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, la société demande à la cour :
- d'infirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le pôle social du tribunal judiciaire de Versailles du 17 juin 2020 ;
- de réformer la décision de la commission de recours amiable du 31 mars 2017 ;
- d'annuler les redressements 1, 3, 4 et 7 ;
en conséquence,
- d'exclure de l'assiette des cotisations sociales la somme globale de 76 950 euros et donc d'exclure la somme de 28 895 euros de la somme globale demandée au titre du redressement ;
- d'annuler les majorations de retard qui s'élèvent à 4 477 euros.
Par conclusions écrites, déposées et soutenues oralement à l'audience, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé complet des moyens et prétentions, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, l'URSSAF demande à la cour :
- de déclarer la société recevable mais mal fondée en son appel ;
- de l'en débouter ;
- de confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le Tribunal judiciaire - Pôle social de Versailles le 17 juin 2020 ;
- de dire et juger bien fondés les chefs de redressement contestés n°1, n°3, n°4 et n°7 de la lettre d'observations du 22/09/2016 ;
- de confirmer le jugement en ce qu'il a accueilli la demande principale en paiement des cotisations et majorations de retard afférentes aux chefs de redressement non contestés soit respectivement 1 530 euros et 225 euros mais également la demande reconventionnelle en paiement des cotisations et majorations de retard afférentes aux chefs de redressement contestés soit respectivement 28 895 euros et 4 252 euros ;
- de condamner la société à lui verser la somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile,
- de débouter la société du surplus de ses demandes, fins et conclusions.
Concernant les demandes présentées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, la société sollicite l'octroi d'une somme de 3 000 euros et l'URSSAF celle de 1 500 euros.
La cour s'étant interrogée à l'audience sur la communication au cours du redressement des pièces produites à l'audience, les parties ont été autorisées à déposer une note en délibéré.
La société expose que dès lors que des éléments nécessaires à la vérification ont été fournis dans le cadre du contrôle, ces éléments peuvent être étayés par de nouvelles pièces dans le cadre de la procédure judiciaire ; que tel est le cas en l'espèce puisque l'URSSAF a consulté les cartes grises, notes de frais justificatifs de frais et pièces comptables et que les pièces versées sont les mêmes.
De son côté, l'URSSAF affirme qu'il est impossible de refaire le contrôle après le contrôle, la pertinence des documents versés ne pouvant qu'apparaître sujet à caution et demande le rejet des pièces écarter des débats 8, 8-1, 8-2, 8-3, 9, 10, 11, 11-2, 12 et 12-2 produites par la société postérieurement aux opérations de contrôle.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la production de nouvelles pièces :
Il résulte de l'article R. 243-59, alinéa 2, du code de la sécurité sociale que les employeurs sont tenus de présenter aux agents chargés du contrôle tout document et de permettre l'accès à tous supports d'information qui leur sont demandés par ces agents comme nécessaires à l'exercice du contrôle.
En l'espèce, les pièces visées par l'URSSAF (8, 8-1, 8-2, 8-3, 9, 10, 11, 11-2, 12 et 12-2) ont été versées aux débats à hauteur d'appel par la société qui ne les a pas produites lors des opérations de contrôle.
Elles doivent être écartées dès lors que le contrôle est clos après la période contradictoire telle que définie à l'article R. 243-59 du code de la sécurité sociale et que la société n'a pas, pendant cette période, apporté des éléments contraires aux constatations de l'inspecteur. (Civ. 2ème, 7 janvier 2021, n° 19-19.395)
Le moyen tiré du fait qu'elles éclairent d'autres pièces déjà produites lors du contrôle est inopérant.
Sur la prise en charge des dépenses personnelles des salariés (chefs n°1, 3 et 4) :
Aux termes de l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable au litige, pour le calcul des cotisations des assurances sociales, des accidents du travail et des allocations familiales, sont considérées comme rémunérations toutes les sommes versées aux travailleurs en contrepartie ou à l'occasion du travail, notamment les salaires ou gains, les indemnités de congés payés, le montant des retenues pour cotisations ouvrières, les indemnités, primes, gratifications et tous autres avantages en argent, les avantages en nature, ainsi que les sommes perçues directement ou par l'entremise d'un tiers à titre de pourboire ; qu'il ne peut être opéré sur la rémunération ou le gain des intéressés servant au calcul des cotisations des assurances sociales, des accidents du travail et des allocations familiales, de déduction au titre de frais professionnels que dans les conditions et limites fixées par arrêté interministériel.
L'article 1er de l'arrêté du 20 décembre 2002 relatif aux frais professionnels déductibles pour le calcul des cotisations de sécurité sociale dispose que les frais professionnels s'entendent des charges de caractère spécial inhérentes à la fonction ou à l'emploi du travailleur salarié ou assimilé que celui-ci supporte au titre de l'accomplissement de ses missions.
L'article 2 de ce même arrêté précise que l'indemnisation des frais professionnels s'effectue :
1° Soit sous la forme du remboursement des dépenses réellement engagées par le travailleur salarié ou assimilé ; l'employeur est tenu de produire les justificatifs y afférents. Ces remboursements peuvent notamment porter sur les frais prévus aux articles 6, 7 et 8 (3°, 4° et 5°) ;
2° Soit sur la base d'allocations forfaitaires ; l'employeur est autorisé à déduire leurs montants dans les limites fixées par le présent arrêté, sous réserve de l'utilisation effective de ces allocations forfaitaires conformément à leur objet. Cette condition est réputée remplie lorsque les allocations sont inférieures ou égales aux montants fixés par le présent arrêté aux articles 3, 4, 5, 8 et 9.
L'inspecteur du recouvrement a constaté que la société prenait en charge les frais engagés par trois salariés commerciaux pour leurs déplacements :
- en 2013 et 2014, la totalité d'un prêt bancaire, des frais d'assurance auto et des frais de réparation et d'entretien concernant le véhicule acheté par M. [P], et en 2015 le remboursement des frais de location d'un véhicule ;
- de 2013 à 2015, la totalité des échéances de location d'un véhicule avec options d'achat, des échéances d'assurance auto concernant le véhicule de M. [I] ;
- en 2015, les frais de location de véhicules engagés par M. [J].
L'URSSAF a estimé qu'il s'agissait d'une prise en charge de dépenses personnelles incombant aux salariés constitutive d'un avantage en espèces et a réintégré la totalité des sommes dans l'assiette des cotisations, soit 70 409 euros, opérant ainsi un redressement en cotisations de 26 435 euros.
Elle rappelle qu'elle n'a pas réintégré dans l'assiette de cotisations les frais d'essence ou de péage, l'activité professionnelle des trois commerciaux ne faisant pas débat.
La société explique ces frais par une fonction exclusivement commerciale des trois salariés qui sillonnent en permanence les routes pour proposer la vente de matériels, les banques ayant refusé tout financement de véhicules compte tenu de la situation financière de l'entreprise.
En l'espèce, il apparaît que la société a pris en charge la totalité des échéances de prêt, des mensualités de location avec option d'achat ou des frais de location de véhicules, de l'assurance pour ces véhicules ainsi que des frais d'entretien, sans distinction de l'utilisation personnelle de ces véhicules et de leur utilisation professionnelle, sans justificatif du nombre de kilomètres effectués à titre professionnel, ni du coût de l'entretien ou de l'assurance pour les besoins uniquement professionnels, ni de façon générale de ce que les véhicules n'étaient utilisés qu'à des fins professionnelles et non personnelles.
C'est donc à juste titre que l'URSSAF a réintégré ces sommes dans l'assiette des cotisations et il convient de confirmer le jugement qui a validé les chefs de redressement 1, 2, 3 4 et 5.
Sur les indemnités de repas pris hors de l'entreprise (chef n° 7)
L'inspecteur du recouvrement a relevé que l'entreprise prend en charge au réel les frais de repas des salariés, sur présentation des factures alors que certains repas ont été pris à proximité des domiciles de certains salariés (MM. [P] et [I]) et parfois lors de leurs congés.
La société explique que la plus ou moins grande proximité des clients visités, les exigences de ces derniers, et notamment la nécessité de les rencontrer à des périodes de la journée non ouvertes au public, ne permettaient pas aux salariés de prendre leurs repas à domicile.
Aux termes de l'article 3 de l'arrêté susvisé, les indemnités liées à des circonstances de fait qui entraînent des dépenses supplémentaires de nourriture sont réputées utilisées conformément à leur objet pour la fraction qui n'excède pas les montants suivants : 3° Indemnité de repas ou de restauration hors des locaux de l'entreprise :
Lorsque le travailleur salarié ou assimilé est en déplacement hors des locaux de l'entreprise ou sur un chantier, et lorsque les conditions de travail lui interdisent de regagner sa résidence ou son lieu habituel de travail pour le repas et qu'il n'est pas démontré que les circonstances ou les usages de la profession l'obligent à prendre ce repas au restaurant, l'indemnité destinée à compenser les dépenses supplémentaires de repas est réputée utilisée conformément à son objet pour la fraction qui n'excède pas un forfait variable selon l'année considérée.
Il en résulte que la société peut prendre en charge les frais relevant de l'activité professionnelle des salariés, dès lors que la preuve est rapportée que les salariés sont en déplacement et que les conditions de travail leur interdisent de regagner leur résidence ou leur lieu de travail pour le repas et les contraint à prendre leur repas au restaurant, de sorte qu'ils sont exposés à des frais supplémentaires.
C'est à juste titre que l'URSSAF a considéré que l'article 3 de l'arrêté ne pouvait être appliqué aux repas pris à proximité du domicile des deux salariés visés ou pendant leurs congés.
La société ne donne aucune explication sur ce dernier point, alors que les impératifs de rendez-vous avec un client ne peuvent imposer aux salariés de déjeuner au restaurant à trois kilomètres de leur domicile.
En conséquence, le jugement qui a validé le redressement en tous ses chefs sera confirmé en toutes ses dispositions.
Sur les dépens et les demandes accessoires
La société, qui succombe à l'instance, est condamnée aux dépens d'appel et condamnée à payer à l'URSSAF Ile de France la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle sera corrélativement déboutée de sa demande fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS :
La Cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et par mise à disposition au greffe,
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions soumises à la cour ;
Y ajoutant,
Condamne la société [5] aux dépens d'appel ;
Déboute la société [5] de sa demande d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la société [5] à payer à l'URSSAF Ile de France la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame Sylvia Le Fischer, Président, et par Madame Méganne Moire, Greffier, auquel le magistrat signataire a rendu la minute.
Le GREFFIER, Le PRÉSIDENT,