COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 80C
15e chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 30 MARS 2023
N° RG 20/02211 - N° Portalis DBV3-V-B7E-UCZ4
AFFAIRE :
[G] [B]
C/
S.A.R.L. ARISTO'S
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 24 Septembre 2020 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NANTERRE
N° Section : C
N° RG : F 18/01335
Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :
Me Stéphane MARTIANO
Me Sonia KEPES de la SELARL KEPES SONIA
le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE TRENTE MARS DEUX MILLE VINGT TROIS,
La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
Monsieur [G] [B]
né le 08 Mai 1956 à [Localité 3] (ESPAGNE)
de nationalité Française
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représentant : Me Stéphane MARTIANO, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C1459
APPELANT
****************
S.A.R.L. ARISTO'S
N° SIRET : 327 139 093
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représentant : Me Sonia KEPES de la SELARL KEPES SONIA, Constitué, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, vestiaire : 54
INTIMEE
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 07 Février 2023 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Régine CAPRA, Présidente chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Régine CAPRA, Présidente,
Monsieur Thierry CABALE, Président,
Monsieur Eric LEGRIS, Conseiller,
Greffier lors des débats : Madame Sophie RIVIERE,
EXPOSÉ DU LITIGE
M. [G] [B] a été engagé le 14 août 2015 sans contrat écrit, en qualité de chauffeur par la société Aristo's, qui a pour activité la location d'automobiles avec chauffeur.
Les relations entre les parties sont soumises à la convention collective nationale des transports routiers et des activités auxiliaires du transport.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 5 avril 2018, M. [B] a pris acte de la rupture de son contrat de travail aux torts de son employeur à qui il reprochait de ne plus lui avoir fourni de travail depuis le mois d'octobre 2017, malgré ses demandes.
Soutenant que sa prise d'acte devait produire les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et que ses contrats de travail à durée déterminés devaient être requalifiés en contrat de travail de droit commun à temps plein, il a saisi le conseil de prud'hommes de Nanterre, par requête reçue au greffe le 28 mai 2019, afin d'obtenir la condamnation de la société Aristo's au paiement de diverses sommes.
Par jugement du 24 septembre 2020, auquel la cour renvoie pour l'exposé des demandes initiales des parties et de la procédure antérieure, le conseil de prud'hommes de Nanterre a :
- dit que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail de M. [B] est fondée et s'analyse comme un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
- requalifié la prise d'acte de rupture du contrat de travail en licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
- condamné la société Aristo's à payer à M. [B] les sommes suivantes :
*838,24 euros à titre d'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse, qui correspond à 1 mois de salaire ;
*1 676,48 euros à titre d'indemnité de préavis ;
*167,64 euros au titre des congés payés afférents ;
*558,78 euros à titre d'indemnité de licenciement ;
- ordonné la remise des documents sociaux conformes, sans ordonner d'astreinte ;
- rejeté les demandes plus amples et contraires des parties ;
-condamné la société Aristo's aux dépens, y compris les frais éventuels d'exécution de la décision.
Par déclaration au greffe du 8 octobre 2020, M. [B] a interjeté appel du jugement en ce qu'il a condamné la société Aristo's à lui payer les sommes de 838,24 euros à titre d'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse, 1 676, 48 euros à titre d'indemnité de préavis, 167,64 euros au titre des congés payés afférents et 558,78 euros à titre d'indemnité de licenciement, en ce qu'il l'a débouté de ses demandes portant sur la requalification des contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée sur la base d'un temps complet, sur une indemnité de requalification, sur un rappel de salaire pour la période du 14 août 2015 au 5 avril 2018 et les congés payés afférents et sur un article 700 du code de procédure civile.
Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par RPVA le 24 novembre 2020 auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens, M. [B], demande à la cour de le dire recevable et bien fondé en son appel et, y faisant droit, d'infirmer le jugement entrepris sur tous les points critiqués et statuant à nouveau, de :
- requalifier le contrat de travail sur la base d'un temps complet,
- condamner la société Aristo's à lui verser les sommes suivantes :
*5 244,64 euros au titre de l'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse,
*2 996,94 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,
*299,69 euros au titre des congés payés afférents,
*1 052,76 euros au titre de l'indemnité de licenciement,
*25 846,62 euros à titre de rappel de salaire pour la période du 14 août 2015 au 5 avril 2018,
*2 584,66 euros au titre des congés payés afférents,
- condamner la société Aristo's à lui verser la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile
- condamner la société Aristo's aux entiers dépens.
L'appelant a signifié à l'intimée ses conclusions le 1er décembre 2020.
L'intimée a conclu le 28 avril 2022.
Par ordonnance du 8 septembre 2022, le conseiller de la mise en état a déclaré les conclusions de la société Aristo's irrecevables.
La clôture de l'instruction a été prononcée le 4 janvier 2023.
MOTIFS DE LA DÉCISION
L'intimé dont les conclusions sont déclarées irrecevables est réputé ne pas avoir conclu et s'être approprié les motifs du jugement attaqué. En conséquence, la cour examinera, au vu des moyens d'appel, la pertinence des motifs par lesquels le conseil de prud'hommes s'est déterminé et ne fera droit aux prétentions et moyens de l'appelant que dans la mesure où elle les estimera réguliers, recevables et bien fondés.
La cour rappelle, à titre liminaire, qu'elle ne peut examiner les pièces communiquées et déposées par l'intimée au soutien de conclusions déclarées irrecevables, peu important que ces pièces aient été communiquées en première instance.
Sur la demande de requalification du contrat de travail en contrat de travail à durée indéterminée de droit commun à temps plein
Selon l'article L. 3123-31 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n°2016-1088 du 8 août 2016, le travail intermittent a pour objet de pourvoir des emplois permanents qui par nature comportent une alternance de périodes travaillées et non travaillées. Il en résulte qu'en l'absence de définition de ces périodes dans le contrat de travail, ce dernier doit être requalifié en contrat à durée indéterminée de droit commun à temps plein.
En l'absence de contrat écrit signé par les parties et donc en l'absence de définition dans un contrat écrit des périodes travaillées et non travaillées du salarié, il convient d'infirmer le jugement entrepris et de requalifier le contrat de travail de M. [B] en un contrat de travail à temps plein.
Sur la demande de rappel de salaire pour la période du 14 août 2015 au 5 avril 2018
Le conseil de prud'hommes a rejeté la demande de rappel de salaire sur la base d'un contrat de travail à temps plein aux motifs, d'une part, que M. [B] n'a jamais contesté, avant sa prise d'acte, que la durée du travail figurant sur ses bulletins de paie et son salaire correspondaient à la durée réelle de ses heures de travail et, d'autre part, qu'il exerçait ses fonctions de chauffeur auprès d'autres employeurs.
Aux termes de l'article 1315, devenu 1353 du code civil, celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation.
Le contrat de travail est, par l'effet de la requalification, un contrat de travail de droit commun à temps plein.
L'employeur étant tenu de payer sa rémunération et de fournir un travail au salarié qui se tient à sa disposition, il appartient à la société Aristo's de justifier qu'elle est libérée de l'obligation de rémunérer M. [B] sur la base d'un temps plein, en démontrant que le salarié a refusé de travailler à temps plein ou qu'il ne s'est pas tenu à sa disposition pour effectuer une prestation de travail à temps plein.
L'absence de réclamation du salarié pendant l'exécution du contrat de travail ne saurait valoir renonciation à se prévaloir de son droit à être rémunéré sur la base d'un temps plein.
La société Aristo's ne justifie pas avoir fourni à M. [B] un travail à temps plein qu'il aurait refusé et n'établit pas non plus que le salarié aurait occupé un autre emploi l'empêchant de se tenir à sa disposition pour effectuer un travail à temps plein, alors que celui-ci produit ses déclarations de revenus dont il ressort qu'il a perçu, de la part d'un autre employeur, une rémunération de seulement 544 euros pour l'année 2016 et de seulement 634 euros pour l'année 2017.
Il convient en conséquence d'infirmer le jugement entrepris et de condamner la société Aristo's à payer à M. [B], sur la base d'un salaire à temps plein d'un montant égal au Smic, ainsi qu'il le demande, la somme de 25 846,62 euros brut à titre de rappel de salaire pour la période du 14 août 2015 au 5 avril 2018 ainsi que la somme de 2 584,66 euros brut au titre des congés payés afférents.
Sur les conséquences de la rupture du contrat de travail
Le délai de préavis étant de deux mois, M. [B] est bien fondé à prétendre, sur la base d'un salaire à temps plein d'un montant égal au Smic, qui était alors de 1 498,47 euros par mois, à une indemnité de préavis de 2 996,94 euros brut et à une indemnité de congés payés afférents de 299,69 euros brut.
M. [B] a droit à une indemnité de licenciement égale à un quart de mois de salaire par année d'ancienneté, calculée sur la base d'un salaire de référence de 1 498,47 euros. En cas d'année incomplète, l'indemnité est calculée proportionnellement au nombre de mois complets.
La prise d'acte entraînant la cessation immédiate du contrat de travail, de sorte que le salarié n'est pas tenu d'exécuter le préavis, l'ancienneté de M. [B] dans l'entreprise doit dès lors être calculée à la date du 5 avril 2018.
M. [B] comptant à la date de sa prise d'acte une ancienneté de deux ans et sept mois complet a droit à une indemnité de licenciement de 967,76 euros.
En application des dispositions de l'article L. 1235-3 du code du travail, dans sa rédaction résultant de l'ordonnance n°2017-1387 du 22 septembre 2017, le licenciement ayant été opéré dans une entreprise employant habituellement moins de 11 salariés, M. [B], qui avait une ancienneté de deux ans en années complètes, peut prétendre à une indemnité à la charge de l'employeur, dont le montant est compris entre le montant minimal de 0,5 mois de salaire brut et le montant maximal de 3,5 mois de salaire brut.
En raison de l'âge du salarié au moment de son licenciement, près de 62 ans, du montant de la rémunération à laquelle il pouvait prétendre, de son aptitude à retrouver un emploi ainsi que de l'absence de justificatif produit sur sa situation professionnelle depuis son licenciement, il convient de lui allouer, en réparation du préjudice matériel et moral qu'il a subi, la somme de 4 495,41 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Sur les dépens et l'indemnité de procédure
La société Aristo's, qui succombe, sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel.
Il convient de la condamner, en application de l'article 700 du code de procédure civile, à payer à M. [B] la somme de 4 000 euros pour les frais irrépétibles qu'il a exposés.
PAR CES MOTIFS :
La COUR,
Statuant par arrêt CONTRADICTOIRE,
Infirme, dans la limite de l'appel, le jugement du conseil de prud'hommes de Nanterre en date du 24 septembre 2020 et, statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant :
Requalifie le contrat de travail conclu par la société Aristo's avec M. [G] [B] en contrat de travail à temps plein ;
Condamne la société Aristo's à payer à M. [G] [B] les sommes suivantes :
*25 846,62 euros brut à titre de rappel de salaire pour la période du 14 août 2015 au 5 avril 2018,
*2 584,66 euros brut au titre des congés payés afférents,
*4 495,41 euros à titre d'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse,
*2 996,94 euros brut au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,
*299,69 euros brut au titre des congés payés afférents,
*967,76 euros au titre de l'indemnité de licenciement,
*4 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la société Aristo's aux dépens d'appel.
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Régine CAPRA, Présidente et par Madame Sophie RIVIERE, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier, La Présidente,