COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 53B
16e chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 04 MAI 2023
N° RG 22/00644 - N° Portalis DBV3-V-B7G-U7J5
AFFAIRE :
[Y] [E]
C/
[K] [F]
[Z] [F]
[B] [F]
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 06 Janvier 2022 par le TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de VERSAILLES
N° RG : 19/04862
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le : 04.05.2023
à :
Me Pierre BORDESSOULE DE BELLEFEUILLE, avocat au barreau de VERSAILLES
Me Sylvie GAZAGNE de la SCP GAZAGNE & YON, avocat au barreau de VERSAILLES
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE QUATRE MAI DEUX MILLE VINGT TROIS,
La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
Monsieur [Y] [E]
né le [Date naissance 3] 1964
de nationalité Française
[Adresse 8]
[Adresse 8]
Représentant : Me Michel HARROCH, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C0311 - Représentant : Me Pierre BORDESSOULE DE BELLEFEUILLE, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 392
APPELANT
****************
Monsieur [K] [F]
Pris ès qualités d'héritier de Monsieur [A] [F]
né le [Date naissance 6] 1977 à [Localité 12]
de nationalité Française
[Adresse 7]
[Adresse 7]
Madame [Z] [F]
Prise ès qualités d'héritière de Monsieur [A] [F] et de Madame [M] [L]-[F]
née le [Date naissance 4] 1985 à [Localité 11]
de nationalité Française
[Adresse 9]
[Adresse 9]
Madame [B] [F]
Prise ès qualités d'héritière de Monsieur [A] [F] de Madame [M] [L]-[F]
née le [Date naissance 5] 1988 à [Localité 11]
de nationalité Française
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représentant : Me Sylvie GAZAGNE de la SCP GAZAGNE & YON, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 511 - N° du dossier 2210090 - Représentant : Me Alexandra COHEN-FARBIARZ, Plaidant, avocat au barreau de PARIS
INTIMÉS
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 22 Mars 2023 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Fabienne PAGES, Président et Madame Florence MICHON, Conseiller entendu en son rapport.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Fabienne PAGES, Président,
Madame Caroline DERYCKERE, Conseiller,
Madame Florence MICHON, Conseiller,
Greffier, lors des débats : Mme Mélanie RIBEIRO,
EXPOSÉ DU LITIGE
Par acte du 25 juillet 2019, Mme [L]-[F], M. [K] [F], Mme [Z] [F] et Mme [B] [F], agissant en qualité d'héritiers de M. [A] [F], leur époux et père, décédé le [Date décès 2] 2014, se prévalant d'un prêt par lui consenti à M. [E] le 7 janvier 2014, demeuré non intégralement remboursé, malgré une mise en demeure en date du 16 mars 2018, ont assigné ce dernier en paiement devant le tribunal de grande instance de Versailles.
Mme [L]-[F] est décédé le [Date décès 10] 2020, en cours d'instance, laquelle a été reprise par Mme [Z] [F] et par Mme [B] [F], ses filles.
Par jugement contradictoire rendu le 6 janvier 2022, le tribunal judiciaire de Versailles a :
rejeté les exceptions de procédure et fin de non-recevoir,
condamné M. [E] à verser à M. [K] [F], ès qualités d'héritier de M. [A] [F], Mme [Z] [F] et Mme [B] [F], agissant en qualité d'héritières tant de M. [A] [F] que de Mme [M] [L]-[F], la somme de 30 250 euros avec intérêts au taux légal à compter du 16 mars 2018,
ordonné la capitalisation des intérêts dus pour une année entière à compter de l'assignation du 25 juillet 2019,
rejeté la demande d'astreinte,
condamné M. [E] à verser à M. [K] [F], ès qualités d'héritier de M. [A] [F], Mme [Z] [F] et Mme [B] [F], ès qualités d'héritières tant de M. [A] [F] que de Mme [M] [L]-[F], la somme de 4 000 euros à titre de dommages et intérêts,
condamné M. [E] aux entiers dépens,
condamné M. [E] à verser à M. [K] [F], ès qualités d'héritier de M. [A] [F], Mme [Z] [F] et Mme [B] [F], agissant ès [qualités] d'héritières tant de M. [A] [F] que de Mme [M] [L]-[F], la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
ordonné l'exécution provisoire,
débouté les demandeurs du surplus de leurs demandes.
Le 2 février 2022, M. [E] a relevé appel de cette décision.
Par ordonnance rendue le 7 février 2023, le conseiller chargé de la mise en état a ordonné la clôture de l'instruction et a fixé la date des plaidoiries au 22 mars 2023.
Aux termes de ses dernières conclusions remises au greffe le 29 avril 2022, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé de ses prétentions et moyens conformément à l'article 455 du code de procédure civile, M. [E], appelant, demande à la cour de :
A titre principal,
infirmer le jugement du 6 janvier 2022 rendu par le tribunal judiciaire de Versailles,
Vu l'absence de mention de créance dans la succession de Mme [F],
dire et juger la procédure irrégulière,
débouter les consorts [F] de toutes leurs demandes, fins et conclusions,
A titre subsidiaire,
confirmer le jugement du 6 janvier 2022 en ce qu'il a fixé le montant de la créance à la somme de 30 250 euros,
Vu l'absence de démonstration de la remise des fonds,
débouter les consorts [F] de toutes leurs demandes, fins et conclusions,
condamner les consorts [F] in solidum à lui payer la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Aux termes de leurs dernières conclusions remises au greffe le 17 janvier 2023 auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé de leurs prétentions et moyens conformément à l'article 455 du code de procédure civile, M. [K] [F], ès qualités d'héritier de M. [A] [F], Mme [Z] [F], ès qualités d'héritière de M. [A] [F] et de Mme [M] [L]-[F], et Mme [B] [F], ès qualités d'héritière de M. [A] [F] et de Mme [M] [L]-[F], intimés, appelants incidents, demandent à la cour de :
confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté les exceptions de procédure et fin de non-recevoir soulevées par M. [E] // condamné M. [E] à leur rembourser avec intérêts le prêt qui lui avait été consenti par M. [A] [F] // ordonné la capitalisation des intérêts dus pour une année entière // condamné M. [E] à les indemniser pour résistance abusive// condamné M. [E] aux entiers dépens,
infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné M. [E] à leur verser la seule somme de 30 250 euros avec intérêts au taux légal à compter du 16 mars 2018 // condamné M. [E] à leur verser la seule somme de 4 000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive // ordonné la capitalisation des intérêts dus pour une année entière à compter seulement de l'assignation du 25 juillet 2019 // rejeté la demande d'astreinte par eux formée // condamné M. [E] à leur verser la seule somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Statuant à nouveau, de :
A titre principal,
condamner M. [E] à leur payer la somme de 35 750 euros en principal en exécution de la convention de prêt conclue entre ce dernier et M. [A] [F] le 7 janvier 2014,
condamner M. [E] à leur payer les intérêts conventionnels ayant couru jusqu'à ce jour, dont le montant s'élève à la somme mensuelle de 750 euros,
ordonner la capitalisation annuelle des intérêts échus dès l'année 2014,
A titre subsidiaire,
condamner M. [E] à leur payer la somme de 40 000 euros due en principal, déduction faite des sommes réglées qui se sont imputées par priorité sur les intérêts au taux légal ayant couru dès le 7 janvier 2014 et jusqu'à ce jour,
le condamner à leur payer les intérêts légaux ayant couru dès le 7 janvier 2014 et jusqu'à ce jour,
ordonner la capitalisation annuelle des intérêts échus dès l'année 2014,
A titre infiniment subsidiaire,
condamner M. [E] à leur payer la somme de 30 250 euros qu'il reconnaît subsidiairement devoir en principal en exécution de la convention de prêt conclue entre ce dernier et M. [A] [F] le 7 janvier 2014,
le condamner à leur payer les intérêts légaux ayant couru jusqu'à ce jour à compter du courrier de mise en demeure en date du 16 mars 2018,
ordonner la capitalisation annuelle des intérêts échus dès l'année 2014,
En tout état de cause :
ordonner une astreinte de 1 000 euros par jour calendaire de retard, à compter du 8ème jour suivant la signification de la décision à intervenir,
assortir la condamnation à intervenir du taux d'intérêt légal courant à compter du jour de la décision qui sera rendue,
condamner M. [E] à leur payer la somme de 8 000 euros à titre de dommages et intérêts, en réparation du dommage qu'ils ont subi du fait de la résistance abusive opposée par ce dernier au paiement de sa dette,
condamner M. [E] à leur payer la somme de 15 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
condamner M. [E] aux entiers dépens.
A l'issue de l'audience, l'affaire a été mise en délibéré au 4 mai 2023.
MOTIFS DE LA DÉCISION
A titre liminaire, sur l'étendue de la saisine de la cour
La cour rappelle qu'en application des dispositions de l'article 954 du code de procédure civile, elle ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des dernières conclusions, pour autant qu'elles sont soutenues par des moyens développés dans la discussion, et qu'elle ne répond aux moyens que pour autant qu'ils donnent lieu à une prétention correspondante figurant au dispositif des conclusions.
Ainsi, nonobstant la mention, dans le corps des conclusions de M. [E], de ce que l'action en recouvrement objet du litige se heurte à une irrecevabilité, en raison d'une irrégularité de procédure, et même s'il est demandé dans le dispositif l'infirmation du jugement dans son intégralité, donc y compris en ce qu'il a rejeté les exceptions de procédure et fin de non recevoir qu'il a soutenues en première instance, la cour n'est saisie par l'appelant d'aucune fin de non-recevoir, dès lors que le dispositif de ses écritures ne comporte que des demandes de débouté, supposant un examen au fond incompatible avec une fin de non recevoir, et aucune demande tendant à ce que l'action soit déclarée irrecevable.
La cour rappelle également que les demandes de « dire et juger », qui sont des rappels des moyens invoqués à l'appui des demandes, ne conférant pas -hormis les cas prévus par la loi- de droit à la partie qui les requiert, ne sont pas des prétentions.
Sur la demande en remboursement de prêt
Quant à l'existence du contrat de prêt :
Pour retenir l'existence du contrat de prêt invoqué par les consorts [F], le tribunal s'est fondé sur une déclaration de contrat de prêt, établie sur un formulaire CERFA dans les formes prévues par le code général des impôts, désignant M. [A] [F] en qualité de prêteur, et M. [Y] [E] en qualité d'emprunteur, datée du 7 janvier 2014 et signée des deux parties, mentionnant la somme prêtée en principal ( 40 000 euros) et stipulant des intérêts mensuels, et a jugé que M. [E], auquel cette preuve incombait, ne démontrait pas qu'il n'avait pas reçu les fonds qu'il s'était engagé à rembourser, et qu'en toute hypothèse, la déclaration de prêt susvisée était complétée de nombreux échanges, principalement par SMS, intervenus entre les parties, de nature à établir la remise effective des fonds objet de la déclaration de contrat de prêt, obligeant M. [E] à leur remboursement.
M. [E], à l'appui de sa demande d'infirmation du jugement et de débouté des consorts [F] de toutes leurs demandes, fins et conclusions, fait valoir :
que l'acte de notoriété concernant Mme [L]-[F] révèle l'irrégularité majeure de la procédure ; qu'en effet, la prétendue créance des héritiers ne figure pas dans le dit acte, alors qu'à la date de son décès, la procédure était déjà pendante devant le tribunal judiciaire ; qu'ainsi, à aucun moment cette procédure et cette créance n'avaient une quelconque existence juridique,
que la remise des fonds n'a jamais été démontrée, comme l'a relevé le président du tribunal de grande instance de Versailles, statuant en référé, qui a débouté les consorts [F] de toutes leurs demandes, fins et conclusions par une décision définitive ; que cette preuve, qui incombe aux consorts [F], ne peut être rapportée par la simple signature du contrat de prêt ; qu'il n'est versé aux débats aucun avis de virement, ni copie de chèque démontrant la réalité de cette remise ; que de surcroît, la prétendue créance de M. [F] n'apparaît pas dans la succession de celui-ci établie en 2015 par le notaire ; que l'acte de notoriété de Mme [M] [F] ne mentionne pas non plus l'existence de ce prêt.
Les intimés font valoir :
que la déclaration de contrat de prêt en date du 7 janvier 2014 porte le nom et la signature des deux parties, le montant en principal de la somme prêtée, soit 40 000 euros, le montant de l'intérêt mensuel convenu, l'échéance du contrat, soit le 16 août 2014 ; que M. [E] ne conteste pas l'avoir signé,
que cette déclaration de contrat de prêt fait présumer la remise des fonds, qui constitue nécessairement la cause de cette déclaration, de sorte que c'est au débiteur de rapporter la preuve contraire,
qu'en tout état de cause, ils apportent la preuve de la remise des fonds, par la production de nombreux échanges SMS ayant eu lieu entre M. [E] et Mme [L]-[F], dans lesquels M. [E] reconnaît incontestablement avoir reçu les fonds de M. [A] [F] et ne pas avoir honoré sa dette, ainsi que par un constat d'huissier, constatant un échange téléphonique intervenu le 27 mai 2021 entre Mme [B] [F] et M. [E], dont il ressort que ce dernier reconnaît avoir reçu les 40 000 euros objet du prêt conclu avec M. [A] [F].
Ceci étant exposé, il sera, à titre liminaire, rappelé que, eu égard à la nature des ordonnances de référé, il est parfaitement indifférent pour la solution du litige que le juge des référés du tribunal de grande instance de Versailles ait non pas débouté Mme [L]-[F], M. [K] [F], Mme [Z] [F] et Mme [B] [F] de toutes leurs demandes comme prétendu à tort par l'appelant, mais dit n'y avoir lieu à référé, au vu de l'existence d'une contestation sérieuse, sa décision, quand bien même il n'en a pas été relevé appel, n'ayant pas au principal l'autorité de la chose jugée et ne s'imposant pas au juge du fond.
S'agissant de l'existence du prêt, c'est en effet à tort que le tribunal a considéré que la preuve de la remise des fonds était rapportée par la seule déclaration de prêt signée par les parties, alors que cette déclaration ne peut constituer une reconnaissance de dette au sens de l'article 1326 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, ce texte exigeant que la mention de la somme prêtée soit écrite par celui qui s'engage à la payer et qu'elle le soit en toutes lettres et en chiffres, tandis que la déclaration du 7 janvier 2014 mentionne la somme de 40 000 euros en cause en chiffres mais pas en lettres, outre qu'il n'est pas démontré que c'est M.[E] qui en est le scripteur.
En revanche, cette déclaration de contrat de prêt, qui désigne M. [A] [F] en qualité de prêteur, M. [D] en qualité d'emprunteur, et qui précise les conditions du prêt (consenti le 7 janvier 2014, pour un montant de 40 000 euros), et les modalités de son remboursement, et dont M. [E] ne conteste pas utilement être effectivement le signataire, constitue un commencement de preuve par écrit, au sens de l'article 1347 du code civil dans sa version applicable à la cause, qui rend vraisemblable l'existence du prêt allégué.
Comme soutenu par les intimés, et retenu par le tribunal, sont produits de nombreux SMS échangés entre Mme [L]-[F] et M. [E], qui ne conteste pas utilement qu'il en est bien l'auteur, dans lesquels celui-ci reconnaît explicitement avoir reçu des fonds de M. [A] [F] et ne pas avoir honoré sa dette.
Ainsi, et à titre d'exemple, M. [E] écrit-il à Mme [L]-[F], le 4 janvier 2016, en réponse aux relances que lui fait cette dernière : ' comme je te l'ai dit, j'ai mis en vente mon appartement et je vais tout faire pour que tu sois réglée en 2016. Sache que je n'ai jamais eu l'intention de ne pas honorer mes dettes et que cette situation me perturbe et me mets très mal à l'aise vis à vis de toi et de l'amitié que je portais à [A]'.
A ces messages qui complètent le commencement de preuve par écrit que constitue la déclaration du 7 janvier 2014 s'ajoute la retranscription, selon procès-verbal de constat d'huissier établi le 21 juillet 2022, d'un enregistrement audio réalisé lors d'une conversation téléphonique ayant eu lieu le 27 mai 2021 entre Mme [B] [F] et M. [E], au cours de laquelle ce dernier, qui se sait enregistré par son interlocutrice, reconnaît expressément qu'il est toujours débiteur au titre du prêt de 40 000 euros consenti par le père de celle-ci.
La preuve de l'existence d'un prêt de 40 000 euros consenti par M. [A] [F] à M. [E] le 7 janvier 2014, et de la remise des fonds correspondants, est donc rapportée.
Etant précisé que sont indifférentes, quant à la preuve du contrat de prêt, tant l'absence de production, par les demandeurs, d'un avis de virement ou d'une copie de chèque que le défaut de mention dans la déclaration de succession de M. [A] [F] d'une créance à l'encontre de M. [E], qui ne prouvent pas l'inexistence du prêt litigieux.
Quant au constat de l'absence de mention, dans l'acte de notoriété établi à la suite du décès de Mme [L]-[F], il est absolument sans incidence, que ce soit sur la régularité de la procédure, ou sur la preuve de l'existence du prêt : un acte de notoriété n'a pas pour objet d'inventorier l'actif et le passif d'une succession, mais uniquement de faire la preuve de la qualité d'héritier.
Quant au montant dû :
Pour allouer aux consorts [F] une somme de 30 250 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 16 mars 2018, et capitalisation à compter du 25 juillet 2019, le tribunal a jugé que les parties avaient arrêté comme suit le plan de remboursement du prêt litigieux : 7 mensualités de 750 euros et une dernière mensualité de 40 000 euros, que les mensualités de 750 euros étaient improprement qualifiées d' 'intérêts exigibles' en l'absence de référence à un pourcentage de capital, qu'elles tendaient en réalité à rémunérer le prêteur de manière forfaitaire, et qu'elles ne pouvaient donc être prorogées au delà du terme fixé pour leur versement, ce qui, si l'on suivait l'argumentation des demandeurs, conduirait à affecter le prêt d'un taux d'intérêt usuraire de 22,5% l'an. Il a déduit de cette analyse des termes de la déclaration de contrat de prêt qu'était due, au titre du prêt, une somme globale de 45 250 euros, et, compte tenu du montant auquel M. [E] sollicitait à titre subsidiaire de voir fixer sa dette, il l'a condamné au paiement de la somme de 30 250 euros, avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 16 mars 2018.
Contestant cette analyse, les intimés, appelants incidents sur le montant de la créance, font valoir :
qu'aux dires de Mme [L]-[F], M. [E] a procédé à 6 versements : 750 euros en février 2014, en mars 2014 et en avril 2014, 10 000 euros en mars 2015, 2 500 euros le 17 avril 2015 et 2 250 euros le 25 juin 2015,
que, en application de la jurisprudence de la Cour de cassation, les intérêts conventionnels exigibles jusqu'à l'échéance fixée pour le remboursement de la dette continuent à courir si le débiteur ne s'est pas libéré à cette époque, et ce en dehors de toute mise en demeure ; qu'il ressort de la déclaration de contrat de prêt du 7 janvier 2014 que M. [E] était redevable d'intérêts mensuels fixés à 750 euros à compter du 7 février 2014 et jusqu'au 7 août 2014, date correspondant à l'échéance du prêt, de sorte que les intérêts mensuels de 750 euros ont continué à courir jusqu'à ce jour, dès lors que M. [E] ne s'était pas libéré de la totalité de sa dette à l'échéance ; que dans cette hypothèse, les versements s'étant imputés en priorité sur les intérêts, il reste redevable de la somme de 35 750 euros en principal, outre les intérêts au taux conventionnel ayant couru jusqu'à ce jour,
qu'à titre subsidiaire, si la cour devait juger que le taux convenu entre les parties était usuraire, il conviendrait d'appliquer la sanction civile consistant en la réduction des intérêts perçus au taux maximal autorisé, et de considérer en conséquence que les intérêts au taux légal ont couru dès le 7 janvier 2014 et jusqu'à ce jour, faute pour M. [E] de s'être acquitté de sa dette à l'échéance convenue, les sommes versées s'étant imputées par priorité sur les intérêts légaux ayant couru dès le 7 janvier 2014,
qu'à titre infiniment subsidiaire, s'il devait être considéré que les intérêts conventionnels ont arrêté de courir au 7 août 2014, il conviendrait de prendre acte de la reconnaissance de dette de M. [E] dans ses écritures pour un montant de 30 250 euros, et de le condamner au paiement des intérêts légaux ayant couru à compter du courrier de mise en demeure en date du 16 mars 2018,
que c'est à tort que le tribunal a jugé que la capitalisation des intérêts doit n'intervenir qu'à compter de l'assignation du 25 juillet 2019, son point de départ devant être fixé dès l'année 2014.
M. [E] demande, à titre subsidiaire, la confirmation du jugement en ce qu'il a fixé le montant de la créance à 30 250 euros, et ne fait valoir aucun moyen en réponse à l'argumentation développée par les consorts [F], que ce soit sur les intérêts du prêt ou sur le nombre et le montant des remboursements déjà effectués par ses soins, dont en toute hypothèse il lui appartiendrait de rapporter la preuve s'il entendait contester utilement les indications des consorts [F] sur ce point.
La déclaration de contrat de prêt mentionne, s'agissant des modalités du remboursement : 'Remboursement du principal au plus tard le 7 août 2014 - paiement de mensualités de 750 euros à compter du 7 février 2014 jusqu'au 7 août 2014 inc[lus]'.
Il est ensuite indiqué, pour chaque mois de février 2014 à août 2014 :
à la rubrique 'montant annuel des intérêts exigibles' : 750 euros,
à la rubrique 'montant annuel du principal remboursé : 0, puis, dans une deuxième colonne également afférente au mois d'août 2014 ( ' 08/14" ) : 40 000 euros.
Le principal étant clairement indiqué comme étant d'un montant de 40 000 euros, les mensualités de 750 euros, payables jusqu'au remboursement de ce principal, sont bien destinées, dans la commune intention des parties, à rémunérer chaque mois le prêt d'argent consenti par M. [F], jusqu'à son remboursement au terme convenu.
En revanche, les parties n'ayant pas prévu le paiement d'intérêts à un certain taux, jusqu'à l'échéance fixée pour le remboursement, mais uniquement une rémunération forfaitaire jusqu'au remboursement du principal, à l'échéance du 7 août 2014, et rien, contrairement à ce que soutiennent les intimés, ne permettant de considérer que la commune intention des parties, s'agissant d'un prêt conclu entre particuliers tenus par des liens d'amitié, était qu'elle continue de s'appliquer chaque mois pour ce montant de 750 euros jusqu'au jour du règlement total de la dette, c'est à raison que le tribunal a considéré que le paiement de ces mensualités forfaitaires n'avait pas à être prorogé au delà du 7 août 2014.
Toutefois, dès lors que la date d'exigibilité du prêt était fixée au 7 août 2014, les intérêts au taux légal sont dûs à compter de cette date, sans qu'il soit nécessaire qu'une mise en demeure ait été adressée au débiteur.
M. [E] s'est acquitté, comme convenu, de 3 versements forfaitaires, en février, en mars et en avril 2014.
Le 7 août 2014, il restait devoir la somme de 3 000 euros au titre de la rémunération du prêt, outre celle de 40 000 euros au titre du principal restant dû.
Il doit donc être condamné à régler aux consorts [F] cette somme de 43 000 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 7 août 2014, et jusqu'à parfait paiement, déduction faite des règlements effectués au mois de mars 2015 ( date retenue, le 1er mars 2015) pour 10 000 euros, le 17 avril 2015 pour 2 500 euros et le 25 juin 2015 pour 2 250 euros, qui s'imputent d'abord sur les intérêts dus à cette date, conformément aux prescriptions de l'article 1343-1 du code civil, puis sur le principal.
Les intérêts seront capitalisés dès lors qu'ils seront dus pour une année entière, à compter de l'assignation du 25 juillet 2019, comme l'a dit le premier juge, étant rappelé qu'en vertu de l'article 1154 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016, applicable à la cause compte tenu de la date du contrat de prêt, les intérêts échus des capitaux ne peuvent produire effet que moyennant une demande en justice et à compter de cette seule demande.
Enfin, il n'y a pas lieu de prévoir une astreinte pour assurer l'exécution de la condamnation, de nature pécuniaire, par M. [E].
Sur la demande de dommages et intérêts pour résistance abusive
Pour allouer aux consorts [F] 4 000 euros de dommages et intérêts, le tribunal judiciaire de Versailles, après avoir rappelé que le fait de s'opposer à l'exécution d'une obligation dégénérait en abus, générateur de responsabilité sur le fondement de l'article 1382 devenu 1240 du code civil, si cette résistance procédait d'une intention malveillante ou de la mauvaise foi, a retenu qu'en l'espèce, il ressortait de l'examen des nombreux échanges entre les parties que M. [E] sans jamais contester le principe ni le montant de sa dette, avait alterné silences et promesses vaines de remboursement, y compris lorsque Mme [L]-[F] lui indiquait être elle-même en extrême difficulté, et que plus de 7 ans s'étaient écoulés depuis le terme initialement prévu, cette attitude caractérisant une résistance abusive, génératrice de responsabilité.
A l'appui de leur demande d'infirmation du jugement sur le quantum alloué, les intimés font valoir que M. [E] a exploité leur état de faiblesse en suite du décès de M. [A] [F] puis de Mme [L]-[F], qu'ils ont été injustement appauvris et manipulés alors qu'ils se trouvaient dans un état de vulnérabilité évident, Mme [L]-[F], plus particulièrement, ayant été privée d'une somme d'argent qui lui était nécessaire pour vivre, étant au chômage depuis plusieurs années.
Quant à M. [E], il ne développe pas plus de moyen de défense en cause d'appel qu'il ne l'a fait devant le premier juge.
Ceci étant exposé, la cour ne peut que confirmer, en son principe, la condamnation de l'appelant au paiement de dommages et intérêts pour résistance abusive, dont le montant, eu égard au préjudice subi par ses créanciers, sera plus justement fixé à la somme de 5 000 euros.
Sur les dépens et les frais irrépétibles
Partie condamnée, M. [E] doit supporter les dépens de première instance et d'appel.
Il sera en outre condamné à régler aux intimés une somme de 7 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile, au titre de l'appel, qui s'ajoute à la condamnation prononcée en première instance.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire, en dernier ressort,
CONFIRME le jugement rendu le 6 janvier 2022 par le tribunal judiciaire de Versailles, sauf en ce qu'il a :
condamné M. [E] à verser à M. [K] [F], ès qualités d'héritier de M. [A] [F], Mme [Z] [F] et Mme [B] [F], agissant en qualité d'héritières tant de M. [A] [F] que de Mme [M] [L]-[F], la somme de 30 250 euros avec intérêts au taux légal à compter du 16 mars 2018,
condamné M. [E] à verser à M. [K] [F], ès qualités d'héritier de M. [A] [F], Mme [Z] [F] et Mme [B] [F], ès qualités d'héritières tant de M. [A] [F] que de Mme [M] [L]-[F], la somme de 4 000 euros à titre de dommages et intérêts,
Statuant à nouveau de ces chefs infirmés, et y ajoutant,
Condamne M. [Y] [E] à payer à M. [K] [F], ès qualités d'héritier de M. [A] [F], Mme [Z] [F], ès qualités d'héritière de M. [A] [F] et de Mme [M] [L]-[F], et Mme [B] [F], ès qualités d'héritière de M. [A] [F] et de Mme [M] [L]-[F] la somme de 43 000 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 7 août 2014, et jusqu'à parfait paiement, déduction faite des règlements effectués le 1er mars 2015 pour 10 000 euros, le 17 avril 2015 pour 2 500 euros et le 25 juin 2015 pour 2 250 euros, qui s'imputent d'abord sur les intérêts dus à cette date, puis sur le principal,
Condamne M. [Y] [E] à payer à M. [K] [F], ès qualités d'héritier de M. [A] [F], Mme [Z] [F], ès qualités d'héritière de M. [A] [F] et de Mme [M] [L]-[F], et Mme [B] [F], ès qualités d'héritière de M. [A] [F] et de Mme [M] [L]-[F] la somme totale de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive,
Condamne M. [Y] [E] à payer à M. [K] [F], ès qualités d'héritier de M. [A] [F], Mme [Z] [F], ès qualités d'héritière de M. [A] [F] et de Mme [M] [L]-[F], et Mme [B] [F], ès qualités d'héritière de M. [A] [F] et de Mme [M] [L]-[F] la somme totale de 7 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne M. [Y] [E] aux dépens.
Arrêt prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, signé par Madame Fabienne PAGES, Président et par Madame Mélanie RIBEIRO, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le greffier, Le président,