COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 78F
16e chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 04 MAI 2023
N° RG 22/05791 - N° Portalis DBV3-V-B7G-VNHQ
AFFAIRE :
S.C.I. LA FIBULE
C/
[R] [E] [U]
S.A.R.L. STUDIO [R] [U]
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 02 Septembre 2022 par le Juge de l'exécution de NANTERRE
N° RG : 21/07992
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le : 04.05.2023
à :
Me Gary ATTAL, avocat au barreau de PARIS
Me Catherine CIZERON de la SELARL CABINET DE L'ORANGERIE, avocat au barreau de VERSAILLES
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE QUATRE MAI DEUX MILLE VINGT TROIS,
La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
S.C.I. LA FIBULE
N° Siret : 424 122 844 (RCS Nanterre)
[Adresse 4]
[Localité 7]
Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
Représentant : Me Gary ATTAL, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de PARIS - N° du dossier fib2
APPELANTE
****************
Monsieur [R] [E] [U]
né le [Date naissance 2] 1967 à [Localité 8]
de nationalité Française
[Adresse 3]
[Localité 6]
S.A.R.L. STUDIO [R] [U] (S[R][U])
N° Siret : 411 869 241 (RCS Paris)
[Adresse 1]
[Localité 5]
Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
Représentant : Me Catherine CIZERON de la SELARL CABINET DE L'ORANGERIE, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : C.404 - N° du dossier 180227-2 - Représentant : Me Vincent LAFARGE, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : A0780
INTIMÉS
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 22 Mars 2023 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Fabienne PAGES, Président et Madame Florence MICHON, Conseiller entendu en son rapport.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Fabienne PAGES, Président,
Madame Caroline DERYCKERE, Conseiller,
Madame Florence MICHON, Conseiller,
Greffier, lors des débats : Mme Mélanie RIBEIRO,
EXPOSÉ DU LITIGE
Agissant en vertu d'un jugement contradictoire du tribunal de grande instance de Nanterre rendu le 13 juillet 2018, d'un arrêt contradictoire de la cour d'appel de Versailles rendu le 26 mars 2020 et d'un jugement contradictoire du juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Nanterre, rendu le 18 mars 2021, M. [U] et la société Studio [R] [U] ont fait procéder par acte du 2 juillet 2021, à l'encontre de la SCI La Fibule, à une saisie attribution entre les mains de Maître [C], notaire à [Localité 5], pour avoir paiement de la somme de 237 616,33 euros en principal, intérêts et frais.
La saisie, partiellement fructueuse, le tiers saisi ayant indiqué détenir une somme de 233 996,74 euros, a été dénoncée au débiteur saisi le 9 juillet 2021.
Par acte d'huissier en date du 6 août 2021, la SCI La Fibule a fait assigner M. [U] et la société Studio [R] [U] devant le juge de l'exécution de Nanterre en contestation de cette mesure.
Par jugement contradictoire rendu le 2 septembre 2022, le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Nanterre a :
déclaré la SCI La Fibule recevable en son action ;
débouté la SCI La Fibule de ses demandes d'exonération des intérêts majorés de cinq point et de mainlevée de la saisie-attribution pratiquée le 2 juillet 2021 ;
cantonné les effets de la saisie-attribution pratiquée le 2 juillet 2021 entre les mains de Me [C] notaire à [Localité 5], au préjudice de la SCI La Fibule, à la somme de 172 209,58 euros ;
débouté les parties du surplus de leurs demandes ;
condamné la SCI La Fibule à payer à M. [U] et à la société Studio [R] [U] la somme de 1 500 euros chacun sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
condamné la SCI La Fibule aux dépens ;
rappelé que la décision est exécutoire de droit.
Le 16 septembre 2022, la SCI La Fibule a relevé appel de cette décision.
La clôture de l'instruction a été ordonnée le 7 mars 2023, avec fixation de la date des plaidoiries au 22 mars 2023.
Aux termes de ses dernières conclusions remises au greffe le 6 février 2023, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé de ses prétentions et moyens conformément à l'article 455 du code de procédure civile, la SCI La Fibule, appelante, demande à la cour de :
infirmer le jugement rendu par le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Nanterre en date du 2 septembre 2022 (RG 21/07992),
Et statuant à nouveau,
A titre principal,
l'exonérer du paiement de la majoration de cinq points de l'intérêt légal à hauteur de 64 245,30 euros,
En conséquence,
prononcer la mainlevée pure et simple de la saisie attribution signifiée le 2 juillet 2021 par la SELARL Legathuiss, Maître [P] [W] et Maître [N] [X], huissiers de justice, à Maître [C], notaire, à la requête de M. [U] et la société Studio [R] [U], au préjudice de la SCI La Fibule,
A titre subsidiaire,
cantonner les effets de la saisie-pratiquée par M. [U] et la société Studio [R] [U] le 2 juillet 2021 auprès de Maître [C], notaire, au préjudice de la SCI La Fibule à la somme de 33 181,37 euros,
En tout état de cause,
condamner M. [U] et la société Studio [R] [U] à lui payer la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.
Aux termes de leurs dernières conclusions remises au greffe le 1er mars 2023, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé de leurs prétentions et moyens conformément à l'article 455 du code de procédure civile, M. [U] et la société Studio [R] [U], intimés, demandent à la cour de :
déclarer la société La Fibule mal fondée en son appel et la débouter de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
confirmer le jugement rendu le 2 septembre 2022 par le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Nanterre en toutes ses dispositions,
les déclarer recevables et bien fondés en leur appel incident et en conséquence,
condamner la société La Fibule à leur verser à chacun, en outre des dépens de première instance et d'appel, qui seront recouvrés pour ces derniers par le Cabinet de l'Orangerie, avocat aux offres de droit, dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile, la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
A l'issue de l'audience, l'affaire a été mise en délibéré au 4 mai 2023.
MOTIFS DE LA DÉCISION
A titre liminaire, sur l'étendue de la saisine de la cour
La cour rappelle qu'en application des dispositions de l'article 954 du code de procédure civile, elle ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des dernières conclusions, pour autant qu'elles sont soutenues par des moyens développés dans la discussion, et qu'elle ne répond aux moyens que pour autant qu'ils donnent lieu à une prétention correspondante figurant au dispositif des conclusions.
Sur le sort de la saisie-attribution
La saisie attribution querellée a été pratiquée en vertu des décisions suivantes, rendues dans le cadre d'un litige opposant la SCI La Fibule, d'une part, à M. [U] et la société Studio [R] [U], d'autre part, à la suite d'avances de trésorerie consenties par ces derniers pour aider la SCI La Fibule à régler les échéances d'un contrat de crédit-bail immobilier conclu avec la Banque Populaire, dans l'attente de la revente du bien, moyennant, notamment, un intéressement au prix de cession en cas de participation de M. [U] à la levée de l'option anticipée suivie de la revente du bien immobilier :
un jugement contradictoire du tribunal de grande instance de Nanterre rendu le 13 juillet 2018, signifié le 12 novembre 2018, ayant, notamment :
condamné la SCI La Fibule à payer à M. [U] la somme de 428 377 euros et à la société Studio [R] [U] la somme de 14 000 euros avec intérêt légal à compter du 4 août 2014 pour M. [U] et à compter du 18 avril 2018 pour la société Studio [R] [U],
condamné la SCI La Fibule à verser à M. [U], dans le mois de la régularisation de l'acte emportant transfert de propriété de l'immeuble une somme correspondant à 33,484% du prix de cession de cet immeuble dans la limite de 4 000 000 euros,
condamné la SCI La Fibule à verser à M. [U] une somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
ordonné l'exécution provisoire du jugement,
condamné la SCI La Fibule aux dépens,
un arrêt contradictoire de la cour d'appel de Versailles rendu le 26 mars 2020, signifié le 15 juin 2020, ayant :
confirmé le jugement susvisé, sauf à compléter le chef de condamnation relatif à l'intéressement de M. [U],
y ajoutant,
condamné la SCI La Fibule à verser à M. [U] la somme de (4 000 000 euros X 33,484%) 1 339 360 euros, somme dont à déduire une somme correspondant à 33,484% des impôts et taxes à calculer par le notaire sur un montant de vente théorique plafonné à 4 000 000 euros,
dit que cette somme portera intérêts au taux légal passé un mois suivant la date de signification de l'arrêt, [soit par conséquent à compter du 16 juillet 2020],
condamné la SCI La Fibule à payer à M. [U] et la société Studio [R] [U] la somme de 12 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
condamné la SCI La Fibule aux dépens d'appel,
étant précisé que le pourvoi formé par la SCI La Fibule à l'encontre de cette décision a été rejeté par un arrêt de la première chambre de la Cour de cassation, rendu le 8 décembre 2021,
un jugement contradictoire du juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Nanterre, rendu le 18 mars 2021, signifié le 14 juin 2021, ayant, notamment :
condamné la SCI La Fibule à régler à M. [U] et à la société Studio [R] [U] la somme de 1 500 euros chacun sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
condamné la SCI La Fibule aux dépens.
Avant celle objet du présent litige, une saisie-attribution a été pratiquée le 4 février 2020, déjà entre les mains de Maître [C], pour avoir paiement de la somme de 1 904 373,91 euros en principal, intérêts et frais, en vertu à l'époque du seul jugement du tribunal de grande instance de Nanterre du 13 juillet 2018.
Cette saisie, contestée par la SCI La Fibule, a été in fine validée par le juge de l'exécution de Nanterre dans son jugement du 18 mars 2021, confirmé par arrêt de la présente cour du 25 novembre 2021, étant précisé d'une part, que le juge de l'exécution en a cantonné les effets à la somme de 660 436,21 euros, en tenant compte à la fois de l'arrêt de la cour d'appel intervenu entre temps et d'un versement de 1 100 687 euros effectué par la SCI La Fibule, via la CARPA, le 20 août 2020, et d'autre part, qu'il a précisé que dans la mesure où les intérêts n'avaient pas été recalculés, aucun cantonnement n'était possible à ce titre, et qu'il appartiendrait au créancier, s'il voulait les recouvrer ultérieurement, d'adresser un nouveau décompte au débiteur sur ce seul point restant impayé, et à défaut de paiement volontaire de diligenter une nouvelle mesure d'exécution.
Outre le paiement de 1 100 687 euros du 20 août 2020 évoqué ci-dessus, ont été versées au créanciers, le 1er juillet 2021, ainsi qu'elles apparaissent sur les décomptes établis par l'huissier mandaté par ceux-ci :
une somme de 660 431,21 euros,
une somme de 1 500 euros.
L'appelante conteste le décompte établi par M. [U] et la société Studio [R] [U], à l'appui de la saisie objet du présent litige, en ce que :
les créanciers ont calculé des intérêts sur la somme de 1 339 360 euros, alors que l'arrêt d'appel avait expressément ordonné la déduction des impôts et taxes évalués à 185 460 euros, de sorte qu'elle devait 1 100 687 euros et non 1 339 360 euros,
les créanciers ont fait porter les intérêts sur la somme de 1 339 360 euros à compter du 18 avril 2018, alors que l'arrêt d'appel prévoyait expressément que cette somme porterait intérêts au taux légal passé un mois suivant la date de signification du dit arrêt, soit le 16 juillet 2020,
les règles d'imputation des paiements n'ont pas été respectées,
les créanciers ont systématiquement appliqué le taux d'intérêt des particuliers alors que la société Studio [R] [U] est un créancier professionnel inscrit au RCS.
S'appuyant sur le calcul qu'elle a effectué, et qu'elle expose dans ses écritures, l'appelante soutient que, en déterminant le montant des sommes dues au jour du premier règlement du 20 août 2020, en imputant ce premier paiement conformément à l'article 1342-10 du code civil, en déterminant le montant des sommes dues au jour du second règlement du 1er juillet 2021 et en imputant ce second paiement conformément à l'article 1342-10 du code civil, la somme qui était due au jour de la saisie litigieuse n'était que de 33 181,37 euros, représentant :
28 381,95 euros au titre de la condamnation relative au partage du prix de vente de l'immeuble,
3 006,88 euros au titre des articles 700 du code de procédure civile alloués par le juge de l'exécution,
1 792,54 euros au titre des frais d'huissier.
L'appelante sollicite toutefois d'être exonérée de la majoration d'intérêts prévue par l'article L.313-3 du code monétaire et financier, et qui selon elle représente un montant de 64 245,30 euros, aux motifs:
qu'avant la saisie litigieuse, elle avait déjà réglé la somme totale de 1 762 618,21 euros, alors que les condamnations en principal s'élevaient à 1 615 277 euros,
que les intérêts de retard trouvent leur source dans des difficultés d'exécution causées par la particularité du dispositif de l'arrêt de la cour d'appel, et la carence du notaire dans l'établissement du décompte des impôts et taxes à déduire,
que l'opération immobilière en cause s'est avérée désastreuse sur le plan financier, ce dont attestent ses comptes,
que les revenus annuels de M. [H], qui est associé à 99%, s'élèvent à 22 915 euros, à comparer avec le montant des intérêts réclamés, plus de 377 000 euros,
que la situation financière de la SCI et celle de son gérant ne lui permet pas de faire face à une telle charge d'intérêts, qui confine à l'usure.
Tirant les conséquences de ses contestations et demande d'exonération, la SCI La Fibule demande à la cour:
en cas d'exonération totale de la majoration d'intérêts, la mainlevée pure et simple de la saisie, - à titre subsidiaire, le cantonnement des effets de la saisie à hauteur de la somme de 33 181,37 euros restant due en l'absence d'exonération.
M. [U] et la société Studio [R] [U] rejettent les contestations développées par l'appelante concernant le décompte établi par l'huissier instrumentaire, à l'exception de celle tenant à l'omission, par l'huissier, de la déduction du montant des impôts ( 185 460 euros) après le prononcé de l'arrêt du 26 mars 2020 qui ramène la somme concernée de 1 339 360 euros à 1 153 900 euros.
Les intimés s'opposent, en particulier, à l'argumentation de la SCI La Fibule s'agissant du point de départ des intérêts de cette somme de 1 153 900 euros. Ils soutiennent que, confirmant le jugement du 13 juillet 2018 en toutes ses dispositions, sauf à retirer du chef de condamnation relatif à l'intéressement de M. [U] 33,484% des impôts et taxes dans la limite de 4 000 000 euros, l'arrêt du 26 mars 2020 ne modifie pas la question des intérêts dûs en vertu du dit jugement, lesquels couraient de plein droit par application de l'article L1343-1 du code civil (sic) depuis son prononcé, au taux majoré dans les conditions de l'article L.313-3 du code monétaire et financier. La précision apportée par l'arrêt sur le fait que la somme portera intérêts au taux légal passé un mois suivant la date de signification n'est pas susceptible de revenir sur le montant des intérêts échus antérieurement à cet arrêt, affirment-ils, mais a seulement pour effet d'arrêter le cours des intérêts dus en vertu du jugement, et donc de les suspendre, pour les faire courir de nouveau passé le délai d'un mois après la signification de l'arrêt.
Selon le calcul effectué par l'huissier, à partir des condamnations prononcées à l'encontre de la SCI La Fibule, et tenant compte des versements de 1 100 687 euros effectué le 20 août 2020 et de 660 431,21 euros effectué le 1er juillet 2021, qu'ils exposent dans leurs écritures, et après rectification de l'erreur initialement commise par l'huissier, la saisie attribution doit être cantonnée à la somme de 172 209,58 euros, comme l'a fait le premier juge.
Quant à l'exonération de la majoration d'intérêts sollicitée par la SCI La Fibule, ils s'y opposent, faisant valoir que contrairement à ce qui est soutenu, c'est l'entêtement du gérant de la SCI à vouloir décompter au titre des impôts une prétendue somme de 648 184 euros qui est exclusivement à l'origine du retard dans le paiement de la totalité de la créance dans des délais plus brefs. Ils ajoutent que l'immeuble a été vendu à un prix de 5 750 000 euros, de sorte que, même après déduction des sommes versées à M. [U], la SCI ne peut se trouver dans la 'situation intenable' qu'elle décrit, sans produire au demeurant aucun justificatif, et que le fait que son gérant ait déclaré de faibles revenus est sans aucune incidence, dès lors que c'est la SCI qu'il dirige qui est en cause.
Ceci étant exposé, il sera indiqué, à titre liminaire, que la question du montant des impôts et taxes à déduire de la dette en application de l'arrêt du 26 mars 2020, n'est plus en débat, dès lors que, comme l'a justement relevé le premier juge, ce point a été définitivement tranché par le jugement du 18 mars 2021 du juge de l'exécution de Nanterre, qui a statué sur le montant de la créance en principal, et a été confirmé par la présente cour, laquelle a relevé que la SCI La Fibule n'articulait aucune contestation ni ne produisait aucun élément venant contredire le calcul exposé par les créanciers dans leurs écritures, ni aucune contestation quant au cantonnement qui avait été opéré par le premier juge sur la base, notamment, de ce calcul.
Il est donc acquis que le montant des impôts et taxes à déduire de la créance de la somme revenant à M. [U] au titre de la vente du bien immobilier objet du crédit-bail souscrit par la SCI La Fibule est de 185 460 euros. Les critiques que développe l'appelante en page 11 de ses conclusions, tenant au fait que le montant de la condamnation en principal resterait indéterminé, que le montant de 185 460 euros susvisé ne serait étayé par aucune pièce, et que cette somme ne prendrait pas en compte la plus-value professionnelle, que M. [U] refuserait de déduire, sont donc inopérantes.
Quant à la demande d'exonération de la majoration du taux de l'intérêt légal
Selon l'article L.313-3 du code monétaire et financier, en cas de condamnation pécuniaire par décision de justice, le taux de l'intérêt légal est majoré de cinq points à l'expiration d'un délai de deux mois à compter du jour où la décision de justice est devenue exécutoire, fût-ce par provision. (...) Toutefois, le juge de l'exécution peut, à la demande du débiteur ou du créancier, et en considération de la situation du débiteur, exonérer celui-ci de cette majoration ou en réduire le montant.
En premier lieu, les condamnations résultant des décisions susvisées étant assorties d'intérêts au taux légal et la majoration de ceux-ci étant prévue par la loi, le fait que la SCI La Fibule ait réglé plus que le principal ne constitue pas un motif valable d'exonération de la majoration d'intérêts. Et pour les mêmes raisons, la charge des intérêts ne saurait 'confiner à l'usure', dès lors qu'elle résulte de l'application de la loi.
En deuxième lieu, l'argument tiré de la carence du notaire n'est pas plus opérant, surtout alors que la SCI La Fibule soutient que les intérêts de la somme de 1 153 900 euros ne commencent à courir qu'à compter du 16 juillet 2020, soit seulement un peu plus d'un mois avant son premier paiement. La SCI La Fibule n'explique pas en quoi le fait que le notaire n'ait pas établi le décompte des impôts et taxes à déduire de la somme représentant l'intéressement de M. [U] sur le prix de vente de l'immeuble l'empêchait de s'acquitter des autres condamnations prononcées à son encontre, et notamment de la somme de 428 377 euros qu'elle avait été condamnée à payer à M. [U] près de deux ans plus tôt, et qui était assortie d'intérêts courant depuis près de 4 ans à la date de la décision, laquelle était revêtue de l'exécution provisoire. Alors que la majoration a pour finalité d'inciter le débiteur à exécuter sans tarder la décision le condamnant, il n'est pas établi que l'exécution tardive des décisions par la SCI La Fibule provient d'une circonstance indépendante de sa volonté, de nature à faire obstacle à l'exécution, par celle-ci, de la décision de justice.
En troisième lieu, la SCI La Fibule ne justifie ni que l'opération immobilière en cause se serait effectivement avérée désastreuse sur le plan financier, ce qui ne procède que de ses seules affirmations, comme le relèvent à juste titre les intimés, ni qu'elle serait actuellement en déconfiture, les seules pièces produites étant des documents de synthèse de son bilan pour les exercices 2020 et 2021, qui ne permettent pas de savoir ce qu'il est advenu du solde du prix de vente de l'immeuble, qui était de 5 750 000 euros comme le rappellent utilement les intimés.
En dernier lieu, la situation personnelle du gérant de la SCI La Fibule n'a pas à être prise en compte, ainsi que la retenu le premier juge, seule pouvant l'être la situation de la SCI elle-même.
La situation de la SCI débitrice ne justifiant pas qu'elle soit exonérée de la majoration des intérêts, le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il l'a déboutée de cette demande.
Quant au montant de la créance
Le litige portant, pour l'essentiel, sur le montant des intérêts encore dus par la SCI La Fibule, il convient de rappeler les règles applicables, à savoir que :
Selon l'article 1231-7 du code civil, en toute matière, la condamnation à une indemnité emporte intérêts au taux légal même en l'absence de demande ou de disposition spéciale du jugement. Sauf disposition contraire de la loi, ces intérêts courent à compter du prononcé du jugement à moins que le juge n'en décide autrement. En cas de confirmation pure et simple par le juge d'appel d'une décision allouant une indemnité en réparation d'un dommage, celle-ci porte de plein droit intérêt au taux légal à compter du jugement de première instance.
Dans les autres cas, l'indemnité allouée en appel porte intérêt à compter de la décision d'appel. Le juge d'appel peut toujours déroger aux dispositions du présent alinéa.
Selon l'article L.313-2 du code monétaire et financier, dans sa rédaction résultant de l'ordonnance n°2014-947 du 20 août 2014, le taux de l'intérêt légal est, en toute matière, fixé par arrêté du ministre chargé de l'économie. Il comprend un taux applicable lorsque le créancier est une personne physique n'agissant pas pour des besoins professionnels et un taux applicable dans tous les autres cas. (...) Les modalités de calcul et de publicité de ces taux sont fixées par décret.
Selon l'article L.313-3 alinéa 1 du même code, déjà cité, en cas de condamnation pécuniaire par décision de justice, le taux de l'intérêt légal est majoré de cinq points à l'expiration d'un délai de deux mois à compter du jour où la décision de justice est devenue exécutoire, fût-ce par provision, étant précisé qu'il résulte de ce texte, et de l'article 503 du code de procédure civile que le taux majoré de l'intérêt légal ne court qu'à l'expiration d'un délai de deux mois à compter de la signification de la décision fondant les poursuites.
Selon l'article 1343-1 alinéa 1 du code civil, lorsque l'obligation de somme d'argent porte intérêt, le débiteur se libère en versant le principal et les intérêts. Le paiement partiel s'impute d'abord sur les intérêts.
Enfin, en vertu de l'article 1342-10 du même code, le débiteur de plusieurs dettes peut indiquer, lorsqu'il paie, celle qu'il entend acquitter. A défaut d'indication par le débiteur, l'imputation a lieu comme suit : d'abord sur les dettes échues ; parmi celles-ci, sur les dettes que le débiteur avait le plus d'intérêt d'acquitter. A égalité d'intérêt, l'imputation se fait sur la plus ancienne ; toutes choses égales, elle se fait proportionnellement.
La cour relève d'emblée que les décomptes d'intérêts qui lui sont soumis, tant ceux de l'appelante que ceux des intimées, recèlent des erreurs au regard des règles ci-dessus rappelées, tenant, notamment, à l'application d'un taux erroné ( par exemple pour le mois de janvier 2019), à l'application pour une créance de la société Studio [R] [U] du taux qui concerne le créancier personne physique n'agissant pas pour des besoins professionnels, et inversement, à l'application pour une créance de M. [U] du taux applicable aux créanciers autres qu'une personne physique n'agissant pas pour des besoins professionnels, ou encore à la présentation de calculs séparés, l'un pour les intérêts au taux légal, sans majoration, l'autre pour la seule majoration de 5%, ce qui n'est pas conforme au texte, ni équivalent sur le plan arithmétique.
Comme l'a fait la SCI La Fibule, nonobstant le caractère erroné de ses décomptes, il convient en premier lieu de déterminer les sommes qui étaient dues, en principal et intérêts, à la date du 20 août 2020, date du premier paiement, puis l'imputation de celui-ci.
Ces sommes sont les suivantes :
la somme de 428 377 euros due à M. [U],
les intérêts de cette somme, à compter du 4 août 2014, au taux légal majoré de 5% à compter du 13 janvier 2019 ( deux mois après la signification du jugement), qui après calcul par la cour, s'élèvent à la somme de 127 177,85 euros, arrêtés au 19 août 2020 inclus,
la somme de 14 000 euros due à la société Studio [R] [U],
les intérêts de cette somme à compter du 18 avril 2018, au taux légal majoré de 5% à compter du 13 janvier 2019, qui, après calcul par la cour, s'élèvent à la somme de 1 405,81 euros, arrêtés au 19 août 2020 inclus,
la somme de 4 000 euros due à M. [U],
les intérêts de cette somme à compter du 13 juillet 2018, pour lesquels il n'est pas réclamé de majoration, au vu de l'acte de saisie et des décomptes produits par les intimés, qui, après calcul par la cour, qui retient le taux applicable pour un créancier qui est un particulier qui n'agit pas pour des besoins professionnels, s'élèvent à la somme de 279,67 euros, arrêtés au 19 août 2020 inclus,
la somme de 12 000 euros, due à M. [U] et la société Studio [R] [U],
les intérêts de cette somme à compter du 26 mars 2020, au taux légal, qui s'élèvent à la somme de 41,44 euros, arrêtés au 19 août 2020 inclus,
la somme de 1 153 900 euros ( 1 339 360 - 185 460) due à M. [U],
les intérêts de cette somme, dont il convient de déterminer le point de départ, sur lequel les parties sont en désaccord.
Etant rappelé que le juge peut déroger aux dispositions de l'article 1231-7 du code civil, il convient d'observer que tant les termes du jugement du 13 juillet 2018 du tribunal de grande instance de Nanterre, que ceux de l'arrêt du 20 mars 2020 s'opposent à la thèse défendue par M. [U] et la société Studio [R] [U] d'un cours des intérêts commençant le 13 juillet 2018, avec ou sans suspension de celui-ci par l'effet de l'arrêt du 26 mars 2020. Le jugement du 13 juillet 2018, qui rejette, certes en termes généraux mais en motivant spécialement sa décision sur ce point, la demande d'application des intérêts au taux légal et de capitalisation de ceux-ci s'agissant du prix de la cession future de l'immeuble, énonce, de manière parfaitement claire : 'La SCI La Fibule sera donc condamnée à verser à M. [U], dans le mois de la régularisation de l'acte emportant transfert de propriété de l'immeuble, une somme correspondant à 33,484% du prix de cession de cet immeuble dans la limite de 4 000 000 euros, sans qu'il y ait lieu de l'augmenter des intérêts au taux légal à compter de la date de la décision à intervenir ni d'ordonner la capitalisation, s'agissant d'une somme non encore déterminée et exigible', raison pour laquelle l'arrêt du 26 mars 2020, dont les motifs, éclairent le dispositif, indique : ' Le jugement sera ( ...) complété sur le cours des intérêts au taux légal que le premier juge avait réservé, la somme due ne pouvant alors être déterminée puisque l'immeuble n'était pas vendu'.
En conséquence, aucun intérêt n'a couru avant la date fixée par l'arrêt du 26 mars 2020, et les intérêts produits par la somme de 1 153 900 euros doivent être calculés à compter du 16 juillet 2020, un mois après la signification intervenue le 15 juin 2020, au taux légal, majoré à compter du 16 août 2020.
Après calcul par la cour, leur montant, arrêté au 19 août 2020 inclus, s'établit à la somme de 4'062,30 euros.
Suivant les indications de la débitrice, qui s'est fondée sur l'ancienneté de chacune des dettes, et est en toute hypothèse la mieux à même d'indiquer quelle dette elle avait intérêt à acquitter en premier, les intimés ne donnant quant à eux pas d'explication sur ce point, l'imputation du règlement de 1 100 687 euros du 20 août 2020 s'effectue dans l'ordre suivant :
en premier, sur la condamnation au paiement de la somme de 428 377 euros, dont les intérêts courent depuis le 4 août 2014, qui est donc intégralement apurée, intérêts compris (555 554,85 euros),
ensuite, sur la condamnation au paiement de la somme de 14 000 euros, dont les intérêts courent depuis le 18 avril 2018, qui est donc intégralement apurée, intérêts compris (15 405,81 euros),
ensuite, sur la condamnation au paiement de la somme de 4 000 euros, dont les intérêts courent depuis le 13 juillet 2018, qui est donc intégralement apurée, intérêts compris (4 279,67 euros),
ensuite, sur la condamnation au paiement de la somme de 12 000 euros, dont les intérêts courent depuis le 26 mars 2020, qui est donc intégralement apurée, intérêts compris (12 041,44 euros),
enfin, sur la condamnation au paiement de la somme de 1 153 900 euros, dont les intérêts courent depuis le 16 juillet 2020, qui est intégralement apurée s'agissant des intérêts ( 4'062,30 euros), et partiellement s'agissant du principal, au titre duquel reste dû un solde de 644'557,07 euros.
Il convient ensuite, toujours comme l'a fait à raison la SCI La Fibule, de déterminer les sommes qui étaient dues, en principal et intérêts, à la date du 1er juillet 2021, date des deuxième et troisième paiements, en l'occurrence :
la somme de 644'557,07 euros due à M. [U], représentant le solde de la condamnation au paiement de la somme de 1 153 900 euros,
les intérêts de cette somme à compter du 20 août 2020, au taux légal majoré de 5%, qui, après calcul par la cour, s'élèvent à la somme de 45'156,26 euros,
la somme de 1 500 euros en principal, due à M. [U],
les intérêts de cette somme, à compter du 18 mars 2021, au taux légal applicable pour les créances des particuliers, qui, après calcul par la cour, s'élèvent à la somme de 13,03 euros,
la somme de 1 500 euros en principal, due à la société Studio [R] [U],
les intérêts de cette somme, à compter du 18 mars 2021, au taux légal applicable au créancier autre qu'un particulier, soit 2,28 euros.
Les paiements de 660 431,21 euros et 1 500 euros effectué le 1er juillet 2021 par la débitrice, soit un total de 661'931,21 euros s'imputent en intégralité sur la dette de 644'557,07 euros, qui est tout à la fois la plus ancienne et celle que la SCI La Fibule a le plus intérêt à acquitter compte tenu de son montant et du taux d'intérêt applicable, qui est réglée en intégralité s'agissant des intérêts, et en partie s'agissant du principal, pour lequel subsiste un solde de 27'782,13 euros.
Enfin, au jour de la saisie litigieuse, les sommes restant dues sont :
la somme de 27'782,13 euros, due à M. [U], représentant le solde de la condamnation au paiement de la somme de 1 153 900 euros,
les intérêts de cette somme, pour les 1er et 2 juillet 2021, au taux légal majoré, soit un montant de 12,36 euros,
la somme de 1 500 euros, due à M. [U],
les intérêts de cette somme, à compter du 18 mars 2021, au taux légal applicable pour les créances des particuliers, qui, après calcul par la cour, s'élèvent à la somme de 13,29 euros,
la somme de 1 500 euros, due à la société Studio [R] [U],
les intérêts de cette somme, à compter du 18 mars 2021, au taux légal applicable au créancier non particulier, soit 2,34 euros.
S'ajoutent les frais, dont le montant, même s'il est reconnu à hauteur de 1 792,54 euros par l'appelante, ne peut aller au delà de ce qui est mentionné dans le procès verbal de saisie, soit 1'770,42 euros.
La saisie est donc valable à hauteur de la somme de 32'580,54 euros en principal, intérêts et frais.
Il n'y a donc pas lieu d'en ordonner la mainlevée, ainsi qu'en a exactement décidé le juge de l'exécution, et la cour, qui ne peut cantonner la saisie en deçà de la créance reconnue par la débitrice, fera droit à la demande subsidiaire de la SCI La Fibule de cantonnement à la somme de 33 181,37 euros, après infirmation du jugement en conséquence.
Sur les dépens et les frais irrépétibles
Les dépens sont à la charge de la SCI La Fibule, en revanche aucune considération d'équité ni tirée de la situation économique des parties ne justifie de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit de quiconque en cause d'appel.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire, en dernier ressort,
CONFIRME le jugement rendu le 2 septembre 2022 par le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Nanterre, sauf en ce qu'il a cantonné les effets de la saisie-attribution pratiquée le 2 juillet 2021 entre les mains de Me [C] notaire à [Localité 5], au préjudice de la SCI La Fibule, à la somme de 172 209,58 euros,
Statuant à nouveau de ce chef, et y ajoutant,
Cantonne les effets de la saisi-attribution pratiquée le 2 juillet 2021 par M. [U] et la société Studio [R] [U] à l'encontre de la SCI La Fibule entre les mains de Maître [C], notaire, à la somme de 33 181,37 euros,
Déboute les parties de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne la SCI La Fibule aux dépens, qui pourront être recouvrés par le conseil de M. [U] et de la société Studio [R] [U] dans les conditions prévues par l'article 699 du code de procédure civile.
Arrêt prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, signé par Madame Fabienne PAGES, Président et par Madame Mélanie RIBEIRO, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le greffier, Le président,