COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 28A
2e chambre 1re section
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 17 MAI 2023
N° RG 21/04881 -
N° Portalis DBV3-V-B7F- UVP2
AFFAIRE :
Mme [M], [P], [W] [R]
C/
M. [N], [Y], [O] [X]
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 17 Décembre 2020 par le Juge aux affaires familiales de VERSAILLES
N° Cabinet : 7
N° RG : 20/00117
Expéditions exécutoires
Expéditions
délivrées le : 17/05/23
à :
Me Maïlys GALLAIS-LAGRANGE, avocat au barreau de VERSAILLES
Me François PERRAULT de la SELARL MAYET & PERRAULT, avocat au barreau de VERSAILLES
TJ VERSAILLES
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE DIX SEPT MAI DEUX MILLE VINGT TROIS,
La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
Madame [M], [P], [W] [R]
née le 31 Août 1967 à [Localité 6]
de nationalité Française
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentant : Maître Maïlys GALLAIS-LAGRANGE, Postulant et Plaidant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 000040
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Partielle numéro 2021/002644 du 05/07/2021 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de VERSAILLES)
APPELANTE
****************
Monsieur [N], [Y], [O] [X]
né le 29 Avril 1968 à [Localité 5]
de nationalité Française
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentant : Maître François PERRAULT de la SELARL MAYET & PERRAULT, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : C 393 - N° du dossier FP03445 -
Maître Florence REMY, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : R066
INTIME
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 15 Mars 2023 en chambre du conseil, les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Julie MOUTY TARDIEU, Conseiller chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Dominique SALVARY, Président,
Madame Julie MOUTY TARDIEU, Conseiller,
Madame Sophie MATHE, Conseiller,
Greffier, lors des débats : Madame Françoise DUCAMIN,
FAITS ET PROCEDURE
Des relations de Mme [M] [R] et M. [N] [X] sont issus :
- [F], né le 30 décembre 1998, aujourd'hui majeur,
- [C], née le 9 janvier 2000, aujourd'hui majeure.
Par un acte authentique du 8 janvier 2008, M. [X] et Mme [R] ont acquis en indivision (M. [X] pour 68%, Mme [R] pour 32%) une maison à usage d'habitation sise [Adresse 1] à [Localité 4] (78), au moyen d'un premier prêt d'un montant de 382 043 euros remboursable en 360 mensualités et d'un second prêt relais d'un montant de 292 000 euros.
Le couple s'est séparé en mars 2010 et Mme [R] est restée dans la maison avec les deux enfants, dont la résidence habituelle a été fixée à son domicile par un jugement du 3 février 2011.
Par un jugement du 1er juillet 2011 relatif à l'autorité parentale, le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Versailles a notamment fixé, à compter dudit jugement, jusqu'à la vente du bien indivis de [Localité 4], la contribution de M. [X] à l'entretien et à l'éducation des enfants à la somme mensuelle de 200 euros, soit 100 euros par enfant, et après la vente dudit bien à la somme de 400 euros soit 200 euros par enfant.
La tentative pour parvenir à un partage amiable de l'indivision est restée infructueuse.
Par un jugement du 27 janvier 2014, le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Versailles a notamment :
- ordonné l'ouverture des opérations de compte liquidation et partage de l'indivision,
- désigné un notaire pour y procéder,
- désigné le magistrat coordinateur ou son délégataire pour suivre les opérations de partage et faire rapport en cas de difficulté,
- ordonné une expertise avant-dire droit destinée à évaluer le bien immobilier indivis,
- sursis à statuer sur la demande de licitation.
Le rapport d'expertise judiciaire a été déposé le 12 juin 2014.
Par un jugement du 17 février 2015, le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Versailles a :
- fixé la valeur vénale, libre de toute occupation, du bien situé à [Localité 4] (78) [Adresse 1], à la somme de 460 000 euros,
- dit que Mme [R] sera redevable envers l'indivision d'une somme de 88 400 euros au titre de l'indemnité d'occupation,
- renvoyé les parties devant le notaire commis pour établir les comptes définitifs de l'indivision et dresser l'acte de partage définitif selon ce qui est jugé par la décision,
- dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,
- ordonné l'exécution provisoire.
Par un jugement du 18 janvier 2019, le tribunal d'instance de Versailles a déclaré recevable le recours formé par M. [X] contre la décision de la commission de surendettement des particuliers des Yvelines du 17 mai 2018, saisie par Mme [R], et sur le fond a notamment :
- infirmé la décision déclarant recevable la demande de Mme [R],
- déclaré irrecevable cette demande en surendettement.
A la suite d'une assignation délivrée le 27 novembre 2019 par M. [X], le juge aux affaires familiales du tribunal judiciaire de Versailles, par un jugement réputé contradictoire du 17 décembre 2020, a notamment :
- ordonné, à défaut d'accord entre les parties sur la vente amiable du bien immobilier dans un délai de trois mois à compter de la signification de la décision, la licitation en un seul lot à la barre de ce tribunal de l'immeuble indivis, sur la mise à prix de 230 000 euros, avec faculté de baisse du quart du prix en cas de désertion d'enchères,
- ordonné une publicité conforme à celle prévue en matière de saisie immobilière par le code des procédures civiles d'exécution, avec un aménagement judiciaire par une insertion sommaire dans un journal d'annonces légales supplémentaires et une annonce sur internet au choix du poursuivant,
- dit que Mme [R] sera redevable envers l'indivision d'une somme mensuelle de 1 683 euros à titre d'indemnité d'occupation à compter du 1er juin 2014 jusqu'à la date du partage ou de la libération du bien au titre de sa jouissance privative du bien indivis,
- débouté M. [X] de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive,
- renvoyé les parties devant le notaire commis pour achever les opérations de liquidation selon ce qui a été tranché par le jugement, dresser l'acte constatant le portage et, s'il doit avoir lieu, réaliser le tirage au sort des lots,
- débouté M. [X] de ses demande plus amples ou contraires,
- condamné Mme [R] à payer à M. [X] la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- ordonné l'exécution provisoire.
Par une déclaration du 27 juillet 2021, Mme [R] a fait appel de cette décision en ce qu'elle :
- a dit qu'elle sera redevable envers l'indivision d'une somme mensuelle de 1 683 euros à titre d'indemnité d'occupation à compter du 1er juin 2014 jusqu'à la date du partage ou de la libération du bien au titre de sa jouissance privative du bien indivis,
- l'a condamnée à payer à M. [X] la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
L'immeuble indivis a été vendu sur licitation le 2 mars 2022 au prix de 268 000 euros.
Le 1er juin 2022, M. [X] a saisi le conseiller de la mise en état d'un incident qui, par une ordonnance du 13 octobre 2022, a notamment autorisé cet indivisaire à prélever une provision de
182 240 euros sur le prix de vente de l'immeuble indivis, séquestré.
Par ses dernières conclusions au fond du 26 octobre 2021, Mme [R] demande à la cour de :
- DIRE ET JUGER Madame [R] recevable et bien fondée en son appel,
Y faisant droit,
- INFIRMER la décision entreprise en ce qu'elle a dit que Madame [M] [R] était redevable envers l'indivision d'une somme mensuelle de 1.683 euros à titre d'indemnité d'occupation à compter du 1 er juin 2014 jusqu'à la date du partage ou de la libération du bien au titre de sa jouissance privative du bien indivis et condamné cette dernière à payer la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
ET statuant à nouveau,
- DIRE que Madame [R] est redevable envers l'indivision d'une somme mensuelle de 200 euros à titre d'indemnité d'occupation à compter du 1 er juin 2014 jusqu'à la date du partage ou de la libération du bien au titre de sa jouissance privative du bien indivis,
- CONDAMNER Monsieur [X] à verser à Madame [R], la somme de 3.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- CONDAMNER Monsieur [X] aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître Maïlys GALLAIS-LAGRANGE, avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Par ses dernières conclusions du 24 janvier 2022, M. [X] demande à la cour de :
- Débouter Madame [R] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
En conséquence,
- Confirmer le jugement en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a débouté Monsieur [X] de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive,
Vu l'article 32-1 du code de procédure civile,
Vu l'appel incident de Monsieur [N] [X],
- Y faire droit, en conséquence :
- Infirmer le jugement uniquement en ce qu'il a débouté Monsieur [X] de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive,
Statuant à nouveau de ce chef,
- Condamner Madame [R] d'avoir à verser une somme de 5000€ au titre de dommages et intérêts pour résistance abusive,
- Condamner Madame [R] d'avoir à verser une somme de 3000€ au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile en cause d'appel,
- La condamner également aux entiers dépens.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 31 janvier 2023.
Pour un exposé plus détaillé des faits, de la procédure, des moyens et prétentions des parties, la cour renvoie expressément à la décision déférée, ainsi qu'aux écritures déposées.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur le montant de l'indemnité d'occupation
L'article 815-9 du code civil dispose :
Chaque indivisaire peut user et jouir des biens indivis conformément à leur destination, dans la mesure compatible avec le droit des autres indivisaires et avec l'effet des actes régulièrement passés au cours de l'indivision. A défaut d'accord entre les intéressés, l'exercice de ce droit est réglé, à titre provisoire, par le président du tribunal.
L'indivisaire qui use ou jouit privativement de la chose indivise est, sauf convention contraire, redevable d'une indemnité.
Mme [R] conteste le jugement quant au montant de l'indemnité d'occupation mise à sa charge et sollicite que celui-ci soit fixé à 200 euros par mois au motif qu'elle a occupé l'immeuble indivis avec les enfants du couple, dont elle assumait seule la charge, qu'elle n'a pas pu quitter ce logement faute de moyens financiers et que l'immeuble s'est nettement dégradé.
M. [X] répond que Mme [R] a bloqué pendant plusieurs années la vente de l'immeuble indivis, qu'elle ne justifie pas de ses difficultés de relogement, que le montant de l'indemnité d'occupation a été fixé après une expertise et application d'un taux de réduction. Il conclut à la confirmation du jugement.
La cour relève que par un jugement définitif du 17 février 2015, il a été dit que Mme [R] était redevable d'une indemnité d'occupation de 88 400 euros.
Cette disposition ne précise ni la durée de la période concernée, ni le montant mensuel de l'indemnité.
Les motifs du jugement se réfèrent à l'expertise judiciaire et à l'accord des parties sur ce point, soit la somme totale de 88 400 euros pour la période du 1er mars 2010 au 31 mai 2014, après une révision annuelle du loyer selon l'indice de l'INSEE et un abattement de 15 % appliqué sur la valeur locative.
Le jugement du 17 décembre 2020 a statué sur l'indemnité due à partir du 1er juin 2014 et jusqu'à la libération des lieux. Il a retenu la somme mensuelle de 1 683 euros en se référant à l'expertise judiciaire de 12 juin 2014 et à la demande de M. [X].
A l'appui de sa critique, Mme [R] produit des éléments relatifs à sa situation financière qui ne sont pas retenus par la cour, les revenus et charges de l'indivisaire occupant ne sont pas prévus par le texte précité pour statuer sur le montant de l'indemnité d'occupation.
Mme [R] produit un procès verbal de description de l'immeuble indivis réalisé par un huissier de justice les 5 et 17 août 2021, à la demande de M. [X] lors de la procédure de licitation de l'immeuble indivis. Cet acte a été établi en présence des deux indivisaires.
L'intérieur de l'immeuble est le plus souvent décrit « en état d'usage ». Il est mentionné des traces d'infiltration d'eau dans une chambre du premier étage.
L'absence de chauffage et d'eau chaude sanitaire ne repose que sur les déclarations de Mme [R]. Le chauffage n'a pas pu être vérifié par l'huissier, la visite ayant eu lieu pendant l'été.
Il est mentionné la présence d'eau dans une cave.
Les tuiles de la toiture présentent des marques, des défauts de mise en place et elles sont couvertes de mousse.
Une terrasse présente des fissures et cassures. Le jardin est boisé et sans entretien.
Mme [R] se fonde sur cette description peu avantageuse de l'immeuble indivis pour solliciter une diminution du montant de l'indemnité d'occupation.
M.[X] lui reproche de ne pas avoir payé les frais d'entretien de l'immeuble indivis. La cour relève en effet qu'il appartient à l'indivisaire de prendre les mesures nécessaires à la conservation des biens indivis (article 815-2 du code civil). Mme [R] n'est donc pas légitime à se fonder sur le mauvais état de l'immeuble indivis, alors qu'elle l'a occupé entre mars 2010 et mars 2022, date de sa vente.
La cour relève que l'immeuble indivis est constitué, selon l'expertise judiciaire du 12 juin 2014, d'une maison de 220 m2 et d'un terrain de 5 700 m2 environ.
Il convient d'ajouter que la présence des enfants du couple n'a pas d'influence sur le montant de l'indemnité d'occupation, le père ayant été condamné à payer des contributions pour leur entretien.
L'expertise judiciaire de 2014 avait évalué le loyer mensuel à 2 075 euros (10 376 €/ 5 mois de janvier à mai 2014, expertise page 22).
En retenant un loyer de 1 683 euros par mois, le jugement a appliqué une réduction de 18 % sur le montant du loyer. De plus, le montant de l'indemnité n'a pas été actualisé depuis 2014 selon l'indice de référence des loyers, comme l'a pratiqué l'expert judiciaire (expertise page 22).
En conséquence, au regard de la description de l'immeuble, de la réduction appliquée sur le loyer et de son absence d'actualisation pendant huit années, la fixation de l'indemnité d'occupation à la somme de 1 683 euros par mois n'est pas excessive comme le soutient Mme [R].
Le jugement sera donc confirmé.
Sur la demande de dommages et intérêts
M.[X] demande l'infirmation du jugement en ce qu'il a rejeté sa demande d'indemnisation en raison de la résistance abusive opposée, selon lui, par Mme [R] au cours de la procédure de partage de l'indivision.
Mme [R] ne répond rien à ce sujet.
Il résulte des pièces produites par M. [X] que l'immeuble indivis a été acquis le 8 janvier 2008 au prix de 525 000 euros et a été vendu sur licitation le 2 mars 2022 au prix de 268 000 euros.
Selon des courriels échangés entre M. [X] et un agent immobilier au mois de septembre 2011, Mme [R] était présente dans l'immeuble indivis mais s'opposait aux visites des acquéreurs potentiels.
Le 16 mars 2018 Mme [R] a saisi la commission de surendettement des particuliers des Yvelines d'une demande, incluant la créance de M. [X].
Par un jugement du 18 janvier 2019, le tribunal d'instance de Versailles a retenu que M. [X] remboursait seul le prêt immobilier relatif à l'immeuble indivis, que Mme [R] ne remboursait aucune mensualité et ne payait pas non plus l'indemnité d'occupation mise à sa charge. Le tribunal en a déduit que Mme [R] utilisait cette procédure de surendettement pour faire pression sur M. [X], créancier. Il a retenu la mauvaise foi de Mme [R] et déclaré irrecevable sa demande de surendettement.
M.[X] justifie que le remboursement de l'emprunt immobilier a pris fin le 2 juillet 2019, le capital emprunté était de 382 043 euros.
Il produit enfin des échanges de courriers entre les parties selon lesquels Mme [R] lui reproche de ne pas payer de contribution pour les enfants du couple, ni d'entretenir de relation avec eux. Elle évoque également ses difficultés à trouver un autre logement que l'immeuble indivis en raison de ses faibles revenus.
Il résulte de l'ensemble de ces éléments que les parties ont chacune fait preuve de rigidité et ne sont pas parvenues à un accord sur le partage de leurs patrimoine indivis. M. [X] n'établit pas que Mme [R] aurait eu un comportement plus préjudiciable que le sien de sorte que le jugement a rejeté, à bon droit, la demande d'indemnisation. La décision sera donc confirmée.
Sur les demandes accessoires
La nature familiale du litige justifie de rejeter les demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile.
Pour le même motif, chaque partie sera condamnée à payer la moitié des dépens de l'instance.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Statuant publiquement, dans la limite de sa saisine, par un arrêt contradictoire rendu en dernier ressort, après débats en audience publique,
CONFIRME le jugement prononcé par le juge aux affaires familiales du tribunal judiciaire de Versailles le 17 décembre 2020,
Y ajoutant,
REJETTE les demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE chaque partie à payer la moitié des dépens de l'instance.
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Dominique SALVARY, Président et par Madame PRAT, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le GREFFIER, Le PRESIDENT,