COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 28A
2e chambre 1re section
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 15 JUIN 2023
N° RG 22/00060 -
N° Portalis DBV3-V-B7G- U5WO
AFFAIRE :
[X] [O]
C/
[H], [C], [E] [R]
Décision déférée à la cour : Jugement rendu(e) le 02 Décembre 2021 par le Juge aux affaires familiales de PONTOISE
N° Chambre :
N° Cabinet :
N° RG : 20/01147
Expéditions exécutoires
Expéditions
délivrées le :15.06.2023
à :
Me Johanna ACHER-DINAM, avocat au barreau de VERSAILLES
Me Jean-françois GUILLEMIN, avocat au barreau de VAL D'OISE
TJ PONTOISE
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE QUINZE JUIN DEUX MILLE VINGT TROIS,
La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
Madame [X] [O]
née le 03 Février 1962 à [Localité 5]
de nationalité Française
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentant : Me Johanna ACHER-DINAM, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 44
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2022/002269 du 10/06/2022 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de VERSAILLES)
APPELANTE
****************
Monsieur [H], [C], [E] [R]
né le 05 Novembre 1958 à [Localité 6]
de nationalité Française
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentant : Me Jean-françois GUILLEMIN de la SCP J.F. GUILLEMIN ET YMSIKA, Postulant, avocat au barreau de VAL D'OISE, vestiaire : 107
INTIME
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 19 Avril 2023 en audience publique, les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Julie MOUTY TARDIEU, Conseiller chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Dominique SALVARY, Président,
Madame Julie MOUTY TARDIEU, Conseiller,
Madame Sophie MATHE, Conseiller,
Greffier, lors des débats : Mme Elisa PRAT,
FAITS ET PROCEDURE
Mme [X] [O] et M. [H] [R] se sont mariés le 6 septembre 1986 à [Localité 4] (95), sans contrat de mariage préalable. Le 30 décembre 1992, ils ont acquis un bien immobilier situé [Adresse 2] à [Localité 3] (95).
À la suite d'une requête en divorce déposée par M. [R], le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Pontoise, par une ordonnance de non-conciliation du 28 janvier 2009, a notamment:
- attribué à l'épouse la jouissance du domicile conjugal à titre gratuit,
- dit que M. [R] remboursera seul le crédit immobilier afférent au domicile conjugal, à charge de récompense, ainsi que les crédits employeurs et FNAC, à titre définitif et donc sans récompense.
Par un jugement du 10 juillet 2013, le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Pontoise a notamment :
- prononcé le divorce des époux sur le fondement de l'article 237 du code civil,
- ordonné la liquidation du régime matrimonial,
- débouté M. [R] de sa demande de désignation d'un notaire,
- condamné M. [R] à payer à son ex-épouse une prestation compensatoire d'un montant de 100 000 euros.
En vue d'un règlement amiable des conséquence du divorce, Maître [Z] [S], notaire à [Localité 4] (95), a été saisie par les parties et a dressé un projet de comptes, liquidation et partage de la communauté ayant existé entre les époux.
Le notaire a dressé le 7 janvier 2019 un procès-verbal de difficultés faisant état des désaccords entre les parties.
À la suite d'une assignation délivrée le 29 octobre 2019 par M. [R], le juge aux affaires familiales du tribunal judiciaire de Pontoise, par un jugement réputé contradictoire du 2 décembre 2021, a notamment :
- déclaré recevable l'action en partage judiciaire initiée par M. [R],
- ordonné la poursuite des opérations de comptes, liquidation et partage de l'indivision post-communautaire existant entre Mme [O] et M. [R] selon les dispositions du jugement,
- renvoyé les parties pour y procéder en application des dispositions de l'article 1364 du code de procédure civile devant Maître [Z] [S], notaire à [Localité 4] (95),
- commis le juge aux affaires familiales du tribunal judiciaire de Pontoise (cabinet 3) pour surveiller les opérations de partage,
- dit que Mme [O] sera redevable d'une indemnité d'occupation à l'égard de l'indivision post-communautaire au titre de son occupation du bien situé [Adresse 2] à [Localité 3] (95) et en a fixé le montant à la somme de 34 306,40 euros, terme de juillet 2013 au terme de septembre 2019 inclus, puis à raison de 463 euros par mois à compter du terme d'octobre 2019 et ce jusqu'à la cessation de la jouissance privative du bien immobilier indivis,
- dit que les dépenses au titre de la taxe foncière et de l'assurance habitation du bien indivis susvisé seront prises en charge par moitié par Mme [O] et M. [R], à charge chacun pour sa part de créances à l'encontre de l'indivision post-communautaire,
- fixé que les dépenses effectuées par M. [R] pour le compte de l'indivision s'agissant de l'emprunt immobilier, de l'assurance habitation et de la taxe foncière du bien situé [Adresse 2] à [Localité 3] (95),
- fixé la créance de M. [R] à l'égard de l'indivision post-communautaire au titre du règlement de l'emprunt immobilier entre le mois de février 2019 et jusqu'à décembre 2012, date de la dernière échéance du prêt, soit 46 mensualités, comme suit :
* au titre du capital : 24 619,32 euros,
* au titre des intérêts : 4 189,56 euros,
- dit que la dépense au titre du capital donnera lieu à revalorisation comme suit : dépense faite / prix d'acquisition x prix de vente / 2, soit 24 619,32 euros / 137 204,12 euros x prix de vente / 2 et que la dépense au titre des intérêts donnera lieu à une indemnité égale à la dépense faite soit : 41 89,56 euros / 2 : 2 094,78 euros,
- ordonné qu'il soit procédé, à défaut de vente amiable, en présence ou eux appelés de M. [R] et de Mme [O], à la vente sur licitation de l'immeuble sis [Adresse 2] à [Localité 3] (95), avec mise à prix globale de 190 000 euros et insertion au cahier des charges d'une clause stipulant qu'au cas où l'un des co-indivisaires serait déclaré adjudicataire, ceci vaudrait attribution de l'immeuble à son profit,
- condamné Mme [O] à payer à M. [R] la somme de 5 000 euros au titre de son préjudice financier,
- condamné Mme [O] à payer à M. [R] la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,
- ordonné l'exécution provisoire de la décision,
- condamné au partage par moitié des dépens.
Par une déclaration du 3 janvier 2022, Mme [O] a fait appel de cette décision en visant toutes les dispositions précitées du jugement.
Par des conclusions d'incident du 29 juin 2022, M. [R] a saisi le conseiller de la mise en état qui, par une ordonnance d'incident du 13 octobre 2022, a notamment :
- renvoyé à la cour d'appel l'examen des prescriptions soulevées par M. [R],
- réservé les dépens qui suivront le sort des dépens de l'instance principale au fond,
- rappelé que l'ordonnance est une mesure d'administration judiciaire.
Dans ses dernières conclusions du 28 mars 2023, Mme [O] demande à la cour de :
- INFIRMER le jugement déféré,
Et statuant à nouveau :
- DIRE qu'il n'y a plus lieu d'ordonner la licitation du bien indivis,
- DIRE que Madame [O] n'a pas commis de carence au bon déroulement des opérations notariées qui saurait lui être imputable et qu'il n'y a dès lors pas lieu de fixer des dommages-intérêts pour le préjudice revendiqué par Monsieur [R],
- DIRE qu'il n'y a pas lieu de condamner Madame [O] sur le fondement de l'article 700 du CPC,
- DIRE que Madame [O] est bien fondée à se prévaloir d'une créance de 2 757,96 euros au titre de l'entretien de la chaudière,
- et DIRE que cette créance est recevable,
- DIRE que Madame [O] est bien fondée à se prévaloir d'une créance à l'égard de l'indivision de 6 101 euros au titre de l'entretien de l'assurance habitation,
- et DIRE que cette créance est recevable,
- DIRE que Madame [O] est bien fondée à se prévaloir d'une créance à l'égard de l'indivision de 3 233 euros au titre de l'entretien des travaux de réparation de la toiture,
- et DIRE que cette créance est recevable,
- DIRE que Madame [O] est bien fondée à se prévaloir d'une créance à l'égard de Monsieur [R] d'un montant de 7 338,93 euros au titre de l'emprunt concédé par sa mère en 1999,
- et DIRE que cette créance est recevable,
- STATUER ce que de droit sur les dépens d'instance.
Dans ses dernières conclusions du 3 avril 2023, M. [R] demande à la cour de :
- Juger Madame [O] [X] prescrite et donc irrecevable et mal fondée dans ses demandes tendant à voir juger qu'elle est titulaire :
* d'une créance de 7 338,93 € au titre de l'emprunt accordé par sa mère en 1999,
* d'une créance au titre des frais d'entretien de la chaudière exposés par elle antérieurement au 1 avril 2017 et, en conséquence, dans sa demande en fixation d'une créance à hauteur de 2 757,96 € et à défaut d'une créance à hauteur de 1 575,58 €,
* et d'une créance à hauteur des primes de l'assurance du pavillon réglées par elle antérieurement au 1 avril 2017 et, en conséquence, dans sa demande en fixation d'une créance à hauteur de 6 101 € et à défaut dans sa demande en fixation d'une créance à hauteur de 5 439 € (6 101 € - 444 € -
218 €),
- En conséquence, juger Madame [O] irrecevable et mal fondée dans sa demande de fixation des créances sus-énoncées,
- Juger Mme [O] irrecevable et mal fondée dans sa demande tendant à voir dire et juger qu'il n'y a pas lieu à la vente sur licitation du pavillon,
- Débouter Madame [X] [O] de toutes ses demandes fins et conclusions,
- Confirmer le jugement déféré à la Cour en toutes ses dispositions,
- Subsidiairement, juger que Mme [O] est fondée uniquement à se prévaloir :
* d'une créance d'un montant de 884,12 € au titre des frais d'entretien de la chaudière compte tenu de la prescription quinquennale et dans l'hypothèse où la Cour viendrait à considérer que l'appelante est fondée à se prévaloir d'une créance au titre des factures postérieures à l'ordonnance de non-conciliation d'un montant de 1 649,12 €,
* et d'une créance de 662,90 € au titre des frais de l'assurance habitation,
- Condamner Madame [X] [O] à payer à Monsieur [H] [R] la somme de 4.000,00€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- Condamner Madame [X] [O] aux dépens.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 11 avril 2023.
Pour un exposé plus détaillé des faits, de la procédure, des moyens et prétentions des parties, la cour renvoie expressément à la décision déférée, ainsi qu'aux écritures déposées.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la fin de non recevoir soulevée par M. [R]
M.[R] demande à la cour de déclarer irrecevable la demande de Mme [O] tendant à juger qu'il n'y a pas lieu d'ordonner la licitation de l'immeuble indivis. Il relève qu'elle a limité son appel du jugement aux dispositions relatives aux dommages et intérêts et à l'article 700 du code de procédure civile.
Mme [O] conteste cette analyse et soutient que sa prétention est recevable.
L'article 910-4 du code de procédure civile dispose :
A peine d'irrecevabilité, relevée d'office, les parties doivent présenter, dès les conclusions mentionnées aux articles 905-2 et 908 à 910, l'ensemble de leurs prétentions sur le fond. L'irrecevabilité peut également être invoquée par la partie contre laquelle sont formées des prétentions ultérieures.
Néanmoins, et sans préjudice de l'alinéa 2 de l'article 783, demeurent recevables, dans les limites des chefs du jugement critiqués, les prétentions destinées à répliquer aux conclusions et pièces adverses ou à faire juger les questions nées postérieurement aux premières conclusions, de l'intervention d'un tiers ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.
Par ailleurs, il résulte des articles 542 et 954 du code de procédure civile que lorsque l'appelant ne demande, dans le dispositif de ses conclusions, ni l'infirmation ni l'annulation du jugement, la cour d'appel ne peut que confirmer le jugement (Cour de cassation, 2ème chambre civile, 20 mai 2021, pourvoi 19-22.316).
Le jugement du 2 décembre 2021 a, dans son dispositif, ordonné, à défaut de vente amiable, la vente sur licitation de l'immeuble indivis.
Par sa déclaration d'appel du 3 janvier 2022 Mme [O] a expressément visé cette disposition du jugement.
Par ses premières conclusions du 1er avril 2022 elle a toutefois sollicité l'infirmation du jugement seulement au titre « des dommages-intérêts, de la condamnation de l'appelante au titre de l'article 700 du CPC », puis « statuant à nouveau, dire qu'il n'y a pas lieu d'ordonner la licitation du bien indivis compte tenu de la vente amiable du bien ».
Ainsi et en application de l'article 910-4 précité, par ses premières conclusions d'appel qui déterminent la saisine de la cour, Mme [O] n'a pas sollicité l'infirmation ni l'annulation du jugement au titre de la licitation de l'immeuble indivis.
En application des articles 542 et 954 du code de procédure civile, tels qu'interprétés par la Cour de cassation, la cour ne peut que confirmer cette disposition du jugement.
Il ne s'agit pas d'une fin de non-recevoir comme le soutient M. [R].
Sur les créances revendiquées par Mme [O]
Mme [O] revendique des créances sur l'indivision au titre des frais qu'elle aurait engagés pour la conservation de l'immeuble indivis.
Il convient de rappeler que l'immeuble a été acquis par les époux au cours de la communauté, le 30 décembre 1992.
Cette communauté est devenue une indivision lors du prononcé de l'ordonnance de non-conciliation le 28 janvier 2009, en application de l'article 262-1 du code civil, dans sa rédaction alors applicable.
Bien qu'elle ne le précise pas, Mme [O] fonde ses prétentions sur l'article 815-13, alinéa 1er, du code civil qui dispose :
Lorsqu'un indivisaire a amélioré à ses frais l'état d'un bien indivis, il doit lui en être tenu compte selon l'équité, eu égard à ce dont la valeur du bien se trouve augmentée au temps du partage ou de l'aliénation. Il doit lui être pareillement tenu compte des dépenses nécessaires qu'il a faites de ses deniers personnels pour la conservation desdits biens, encore qu'elles ne les aient point améliorés.
Lorsqu'un indivisaire demande le remboursement d'une dépense exposée au titre d'un bien indivis, le juge doit d'abord qualifier la nature de la dépense invoquée (conservation, amélioration ou entretien courant du bien indivis, voir Civ. 1re, 24 septembre 2014, pourvoi n°13-18.197, Bull. I n°151 ; 4 janvier 2017, pourvoi n°16-10.364).
Comme le soutient à juste titre M. [R], toutes les dépenses exposées pour un bien indivis ne sont pas remboursées par l'indivision.
Mme [O] invoque d'abord des frais d'entretien de la chaudière. Les factures produites concernent un contrat d'entretien de la chaudière, le ramonage, des contrôles de sécurité, la mise en fonctionnement d'un adoucisseur, l'allumage de la chaudière et la mise en conformité de la cuisson gaz. Toutes ces dépenses relèvent de l'entretien courant qui incombe à l'indivisaire occupant de sorte qu'elle n'entrent pas dans le champ d'application du texte précité (Civ. 1re, 18 novembre 2015, pourvoi n°14-20.504).
La demande de Mme [O] tendant au remboursement, par l'indivision, de ces dépenses courantes, est rejetée.
Il demeure les dépenses suivantes :
- le remplacement du circulateur le 11 mars 2019 pour 389,86 euros,
- le remplacement du collet le 19 novembre 2017 pour 236,50 euros.
M.[R] oppose la prescription de la demande, en application de l'article 2224 du code civil qui dispose :
Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.
En l'espèce, les parties sont divorcées depuis le 10 juillet 2013 de sorte qu'il convient d'appliquer ce délai de prescription de cinq ans à compter de la date à laquelle Mme [O] a exposé ces dépenses.
Il lui appartient de démontrer qu'elle a réclamé le remboursement de ses créances à l'indivision par un acte ayant pour effet d'interrompre le délai de prescription.
Mme [O] soutient que sa demande présentée devant le notaire qu'elle a choisi pour procéder au partage amiable de l'indivision suffit à interrompre le délai de prescription. Elle se réfère à l'acte établi par ce notaire le 7 janvier 2019 qui précise en page 5 :
Mme [O] a adressé ce jour le 7 janvier 2019 par mail un courrier daté du 6 janvier 2019 par lequel cette dernière revendique des sommes. Aucun justificatif concernant ces sommes n'a été fourni par elle.
Mme [O] revendique dans son courrier du 6 janvier 2019 les sommes suivantes :
(')entretien de la chaudière de 2008 à 2018 : 1429,63 euros (')
Toutefois, comme le relève à juste titre M. [R], cette demande, qui n'est accompagnée d'aucun justificatif, ne peut pas interrompre un délai de prescription puisqu'il repose sur l'envoi d'un simple courriel à un notaire dépourvu de toute mission judiciaire de partage (Civ. 1re, 5 octobre 2016, pourvoi n°15-25.944, Bull. I n°186).
Mme [O], qui n'était pas représentée en première instance, n'a pas invoqué sa créance sur l'indivision pendant cette procédure. Elle l'a fait pour la première fois par des conclusions signifiées le 1er avril 2022.
Les dépenses ont été exposées respectivement les 19 novembre 2017 et 11 mars 2019, moins de cinq années avant la demande en justice. Elles ne sont donc pas prescrites et l'exception opposée par M. [R] est rejetée.
De plus, M. [R] ne conteste pas que Mme [O] a employé des fonds personnels pour payer ces dépenses de conservation de l'immeuble indivis. Il est donc retenu que Mme [O] dispose d'une créance sur l'indivision d'un montant total de 626,36 euros.
Mme [O] invoque des travaux de réparation de la toiture.
M.[R] renonce à invoquer la prescription de cette créance mais en conteste le bien-fondé.
A l'appui de sa demande, Mme [O] produit deux devis de 325 et 2 908 euros. Il n'est pas établi que l'indivisaire a dépensé ces sommes dans l'intérêt de l'indivision en l'absence de facture et d'un justificatif bancaire. La demande est donc rejetée.
Mme [O] demande le remboursement de l'assurance habitation payée pour l'immeuble indivis.
Il s'agit bien d'une dépense de conservation de l'immeuble indivis qui incombe à l'indivision (Civ. 1re, 16 mars 2016, pourvoi n°15-15.704).
M.[R] oppose la prescription d'une partie de cette créance.
Comme il a été jugé ci-dessus, l'acte établi par le notaire choisi par les parties n'a pas interrompu la prescription. Celle-ci l'a été par la première demande en justice du 1er avril 2022, de sorte que toutes les dépenses d'assurance antérieures au 1er avril 2017 sont prescrites.
A l'appui de sa prétention, Mme [O] ne produit que les primes d'assurance payées en 2020 et 2021. Sa créance sera donc limitée à la somme de 978,80 euros (487,90 + 490,90). M. [R] soutient à juste titre que Mme [O] ne peut pas revendiquer de créance sans justifier des primes payées pour les années antérieures.
Mme [O] soutient détenir une créance sur l'indivision au titre de « l'emprunt par M. [R] d'une somme d'argent de la mère de Mme [O] ».
Elle produit à l'appui de sa prétention une pièce n° 12 selon laquelle le 7 août 1999 la banque Crédit Agricole a émis un chèque de banque de 48 000 F, débité du compte de Mme [M] [O] et au profit de la SCP Rieunier.
M.[R] conteste à juste titre toute obligation de rembourser, le document produit n'expliquant pas la relation entre les époux et ce chèque de banque.
La demande de Mme [O] est rejetée.
Sur les dommages et intérêts
Le juge aux affaires familiales a condamné Mme [O] à payer à M. [R] la somme de 5000 euros de dommages et intérêts sur le fondement de l'article 1240 du code civil en relevant que M. [R] a engagé des démarches sérieuses de partage de l'indivision en 2018, que Mme [O] n'a pas communiqué les documents demandés ni participé à la médiation patrimoniale décidée courant 2020. Le juge a relevé que le divorce datait de 2013 et que Mme [O] n'avait pas constitué avocat devant lui. Il en a déduit qu'elle avait commis une faute causant un préjudice financier à M. [R].
Mme [O] conteste cette décision en appel en invoquant son état de santé et ses faibles revenus qui ne lui permettent pas de participer activement à la procédure.
M.[R] répond qu'il connaît les problèmes de santé de Mme [O], lesquels ne l'empêchent pas de se déplacer ni de participer à la vente de l'immeuble indivis. Il souligne que ses fonds sont bloqués depuis le divorce prononcé en 2013 et qu'il n'en recevra qu'une faible partie au regard de la vente sur licitation de l'immeuble.
Il résulte des éléments produits devant la cour que le divorce a été prononcé par un jugement du 10 juillet 2013 et la liquidation du régime matrimonial ordonnée.
Les parties ont choisi un notaire qui a commencé les travaux de liquidation et partage de l'indivision, un premier projet a été adressé aux parties le 3 mai 2018, Mme [O] a sollicité des explications le même jour, le notaire a répondu le 3 octobre suivant et a sollicité des justificatifs des sommes revendiquées par Mme [O].
Un second projet a été établi le 28 novembre 2018, il a été adressé par un huissier à Mme [O] et le notaire a finalement établi un procès-verbal de carence le 6 décembre 2018. Le notaire a établi un procès-verbal de difficulté le 7 janvier 2019, ce document soulignant que Mme [O] revendique des créances sur l'indivision sans produire de justificatif.
Il résulte de la lecture de cet acte que M. [R] n'a pas payé la prestation compensatoire mise à sa charge par le jugement de divorce de 2013 (page 8).
De plus, Mme [O] revendique des sommes au titre des frais de santé exposés pour les enfants communs du couple, des frais d'études, des frais de permis de conduire. Dans un courrier adressé au notaire le 6 janvier 2019, Mme [O] précise que deux enfants du couple vivent toujours avec elle dans l'immeuble indivis.
Mme [O] justifie souffrir d'une pathologie respiratoire grave depuis 2008, elle reçoit une pension d'invalidité depuis mars 2021, d'un montant mensuel net de 936 euros. Elle est inscrite sur la liste nationale des malades en attente de greffe.
Elle demande un logement social depuis le 24 février 2015.
Au regard du non paiement de la prestation compensatoire, de la charge financière et matérielle des enfants, de l'état de santé de Mme [O] et de ses faibles revenus qui ne lui ont pas permis d'être assistée au cours de la procédure de partage amiable, il convient d'infirmer le jugement et de rejeter la demande indemnitaire de M. [R].
Sur les demandes accessoires
L'équité et la nature familiale du litige justifient d'infirmer le jugement en ce qu'il a condamné Mme [O] à payer la somme de 1 500 euros à M. [R] en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Pour le même motif, la demande de M. [R] présentée devant la cour est rejetée.
Les dépens seront employés en frais de partage.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Statuant publiquement, dans la limite de sa saisine, par un arrêt contradictoire rendu en dernier ressort,
REJETTE la fin de non-recevoir soulevée par M. [R],
CONFIRME le jugement prononcé par le juge aux affaires familiales du tribunal judiciaire de Pontoise le 2 décembre 2021 sauf au titre des dommages et intérêts et de l'application de l'article 700 du code de procédure civile,
Statuant à nouveau,
REJETTE la demande de dommages et intérêts de M. [R],
REJETTE la demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile,
Y ajoutant,
FIXE le montant de la créance de Mme [O] sur l'indivision à la somme de 626,36 euros au titre de la conservation de la chaudière,
FIXE le montant de la créance de Mme [O] sur l'indivision à la somme de 978,80 euros au titre de l'assurance de l'immeuble indivis,
REJETTE les autres demandes de Mme [O],
REJETTE la demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile,
DIT que les dépens seront employés en frais de partage.
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Dominique SALVARY, Président et par Madame PRAT, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le GREFFIER, Le PRESIDENT,